A propos des relations transalpines anciennes dans les Alpes pennines
Unterstütze den SAC Jetzt spenden

A propos des relations transalpines anciennes dans les Alpes pennines

Hinweis: Dieser Artikel ist nur in einer Sprache verfügbar. In der Vergangenheit wurden die Jahresbücher nicht übersetzt.

Max Liniger, La Chaux VD

Nombreuses sont les légendes et les preuves historiques sur les rapports ayant existé entre populations des vallées méridionales du Valais et celles du sud des Alpes. On connaît notamment les terres que possédait l' Abbaye de St-Maurice au val d' Aoste grâce à une donation qui remonte à l' an 515; dans l' autre sens, on peut mentionner les terres au-dessus de Riddes qui appartenaient au XIIIe siècle à des Valdôtains '.

Les relations entre vais d' Hérens et d' Aoste étaient encore courantes au XVIIe siècle, et on conduisait volontiers du bétail du val d' Hérens à la foire d' Aoste. Parfois même venait-on de plus loin: il y a encore, dans la montagne de Schönbiel, près de Zermatt, un endroit qui porte le nom de balme des Anniviards, qui atteste de nombreux 1 Rabot, Ch., « Les hauts passages des Alpes avant le XVIIe siècle ». La Geographie, XI, 4. Paris, avril 1905, p. 324; Gaspoz, A., Monographie a"Evolène. Sion, 1950, p. 105.

contacts entre les vallées de Zermatt, de Zmutt et d' Anniviers. Sur la foi de textes du début du XIXe siècle, on peut affirmer qu' alors les gens de Zermatt écoulaient encore leur bétail à Aoste, et que le peuplement de cette région se serait fait plutôt par cette voie que par la vallée marécageuse du Rhône. Selon Coolidge, au début du XIXe siècle, le courant aurait été plutôt en sens contraire: ainsi, en juillet et août 1816, 2000 vaches auraient passé par la Fenêtre de Durand ( val de Bagnes ) d' Aoste en direction du Valais2. S' agissait d' une importation définitive ou temporaire pour la durée de la « pasturation » d' été? Jadis, l' essen du courant semblait s' effectuer en sens nord—sud. Ainsi savons-nous, par un document de 1280, que les hauts pâturages d' Ayas ont pendant longtemps dépendu des terres ecclésiales de Praborgne ( Zermatt ).

Les relations entre le Valais et le val d' Aoste s' effectuaient par un chapelet de cols. Outre le Grand-St-Bernard, le plus extraordinaire d' entre eux est celui du Théodule ( 3317 m ), au sud du Cervin, qui débouche sur le Valtournanche depuis Zermatt ( ainsi que dans la même zone les cols du Lion ( 3581 m ) et The du Lion ( 3715 ), plus difficiles d' accès ). Le col du Théodule était avant l' ouverture du Simplon la principale liaison nord-sud dans la région. Ce col est cependant plus élevé que le col Collon ( 3087 m ) entre Hérens et la Valpelline, lequel a vu un trafic commercial célèbre entre Evolène au val d' Hérens et le val d' Aoste. Importants aussi les cols de Crête Sèche ( 2899 m ) et de Fenêtre de Durand ( 2797 m ) reliant le val de Bagnes ( Le Châble ) par le glacier Durand à ce même Valpelline et à Aoste, en 14.V4 heures de marche ( et qui est encore utilisé par les contreban- 2 Coolidge, W.A.B., « Entre Zermatt et Zinal ». Zeitschrift für Schweizergeschichte, III, 2. Zurich, 1923, pp. 164-194; Coolidge, W.A.B., « Il colle di San Teodulo nella storia ». Rivista del Club Alpino Italiano, XXX, io. Rome, 1911,9 p.; Coolidge, W.A.B., « I colli di Fenêtre e di Crête Sèche nella storia ». Rivista del Club Alpino Italiano, XXXII, 12. Rome, 1913, 5 p.; Janin, B., Une région alpine originale. Le val d' Aoste. Grenoble, 1968, pp. 36-137- diers ). Signalons aussi le col d' Hérens ( 3462 m ) entre Evolène et Zermatt ( où, selon Reinhard, auraient été trouvés dans le glacier de Ferpècle des fers à cheval et une hallebarde, col qui ne s' ouvre pas vers le sud ), le col de Torrent ( 2918 m ) qui passe d' Evolène au val d' Anniviers, les cols Seser, menant difficilement de Zermatt au val Sesia, le Neues Weisstor ( 3499 m ), et le col du Monte Moro ( 2868 m ), qui relient Zermatt et Saas à Macugnaga ( val Anzasca ). Puis, plus à l' est encore, le col d' Antrona ( 2838 m ), mentionné pour la première fois au XIIe siècle, qui conduit de Saas Almagell au val d' Ossola ( Villadossola ) en 1 I heures de marche et qui était, lui aussi, entretenu. Le col du Simplon, enfin, à l' ouest du Monte Leone, n' avait alors que peu d' importance; même à l' époque romaine, il ne s' agissait là que d' une route de second rang. Il faudra attendre 1250 pour que, par un accord entre l' évêque Henri de Rarogne et la corporation des marchands de Milan, l' utilisa du col du Simplon, à l' égal de ceux d' An, du Monte Moro, du Théodule, soit mentionnée. Pourtant, en 196 après J.C, l' empereur Septime Sévère y avait fait établir une route stratégique.

Le chemin escarpé du col du Théodule, lui, était fréquenté dès le Ve siècle au moins. Sur le versant sud on l' appelait Augstliberg ( mont d' Aoste, à ne pas confondre avec l' Augstbordpass, entre les vais de Turtmann et de St-Nicolas ). Les murs et les fortifications qu' on y remarque attestent que c' était là un passage important. Les cols du Théodule, du Monte Moro et d' Antrona montrent aujourd'hui encore ( surtout du côté sud ) des traces de pavements qui en attestent l' importante passée. C' est tout particulièrement par le Théodule que passaient les outres de vin destinées à Praborgne en échange du bétail, trafic qui dura jusqu' au XIXe siècle. Or, saint Théodule était le protecteur de la vigne. Le val d' Aoste produisait alors des vins réputés, ainsi que le souligne un document du 29 juin 1584 où l' évêque de Sion demande au bailli d' Aoste d' autoriser les habitants de Praborgne à se rendre dans le val d' Aoste pour 28 Die Westflanke des Sisne und das Tal der Changda Khola, 30 Das von der Kande Hiunchuli-Nordwand beherrschte aus der Umgebung des Passes zwischen Lager I und IILager III ( 5150 m ).

gesehen 31 Blankeishang über dem Lager V 29 Der MW-Grat des Sisne.Vom Lager IV ausfolgt die Route genau der Gratkante32 Das Lager IV ( 5660 m ) auf dem MW-Grat des Sisne y acheter du vin3. Le reste du commerce portait sur le sel, ainsi que le signale déjà le tarif douanier de l' évêque d' Aoste, Gido, daté de 960. Ce tarif témoigne d' un commerce relativement peu troublé. En fait, ce tarif fut la conclusion des disputes qui opposèrent Adalbert II, comte d' Aoste, fils de Bérenger II, et l' évêque d' Aoste dont il usurpa les droits de péage qui étaient levés sur tout ce qui entrait dans la ville par la porte St-Ours. Les réclamations de l' évêque amenèrent la rédaction du tarif et une déclaration attestant les droits exclusifs du prélat. A noter que parmi les animaux mentionnés dans ce tarif figurent notamment des singes, soumis d' ailleurs à une taxe prohibitive de 12 d. quamvis sit ridiculosum animal ( bien qu' il s' agisse d' un animal ridicule)4.

Il est certain que le Valais, en plus des bovins, était exportateur de bien d' autres produits. On en 3 Berthet, A., « Relations culturelles de la Vallée d' Aoste avec le Valais au XVI« et au XVII* siècle », in Valle d' Aosta. XXXI " Congresso storico subalpino di Aosta, 9—11 septembre 1956. Aoste, 1970,p. 769; Reinhard, R., Topographisch-historische Studien über die Pässe und Strassen in den Walliser, Tessiner und Bündneralpen. Lucerne, 1901; pour le sel, E. Zufferey a montré qu' Anniviers s' approvisionnait en Italie grâce au commerce organisé par les Stockalper. Zufferey, E., Le passé du val d' Anniviers dans le cadre de l' histoire valaisanne, d' après les Archives des communes et de tous les renseignements accessibles. Un exemple de la façon dont se forment nos institutions. Ambilly-Annemasse, 1927, Rééd. Sierre, 1973, Le passé du Val d' Anniviers. L' époque moderne 1482-1798. Amendé par M. Salamin, op. cit ., p. 167.

4 Extraits du tarif douanier d' Aoste, de 960: Entrée d' un marchand étranger à cheval qui venait pour acheter ou pour vendre1 denier Charge d' épées2 deniers Charge d' encre1 denier Charge de plomb4 deniers Charge d' étain6 deniers Charge de fer4 deniers Charge de cuivre6 deniers Epervier2 deniers Singe12 deniers Vente de 20 sous4 deniers Vente de 2 sousobole Pour 12 écuellesobole Pour 12 lancesobole SelonOrsières,J.M.F., Histoire du Pays d' Aoste. Aoste, 1839.

a la preuve dans ce qu' écrivit en 1790 V. Coxe, disant du Valais qu' il fournit du vin et du blé plus qu' il n' enfautpour la consommation, et même on en exporte tous les ans une quantité considérable.

Le Bas-Valais écoulait en effet une part de ses vins, ainsi que du miel, vers le reste de la Suisse ( Berne - notamment Gesseney, c'est-à-dire Saanen, Uri et Grisonsmais les vallées méridionales trouvaient plus simple d' acheter des vins italiens, voire d' y vendre le leur, à l' exemple du courant signalé par Simmler en 1574 qui mène du vin valaisan au val d' Ossola où, depuis 917, se tient immuablement, le samedi, le marché de Domo d' Ossola s. Au début du XIXe siècle, on citait encore des personnes qui transportaient du vin de Macugnaga à Saas. Autre échange intéressant à l' époque: les étoffes de Saas qui, dès 1670, se vendaient facilement en Italie et contre lesquelles on importait du sel, du riz, du froment, de la soie, et le vin déjà mentionné. En 1546, Münster dit que, de la vallée de Zermatt, on passe par le Col du Théodule chez les Salasses dans la vallée d' Aoste et dans le val d' Ayas, ce dernier nommé en Suisse « vallée des marchands ». Conséquence de ces échanges: si l' allemand et le français sont les deux langues des Valaisans ( Walser dixit en 1770 ), ces derniers parlent aussi italien, étant donné qu' ils ont souvent affaire avec leurs voisins méridio- s En 1820, le Doyen Bridel pouvait écrire: « Année commune, le canton fait plus de vin qu' il n' en consomme; mais il trouve difficilement l' occasion à écouler ce superflu parce que le canton de Vaud, la Savoie et les vallées italiennes qui le touchent en ont fort au-delà de leurs besoins: il ne lui reste de débouché que l' Oberland bernois, et pour favoriser ce transport, les deux cantons se proposent, chacun sur leur territoire, de rouvrir, élargir et rendre praticable un ancien chemin qui d' Ayent, par le mont Ravill, débouche dans la vallée de Leuck. » Première statistique du Canton du Valais. Montreux/Zurich, 1820. Cf. aussi Walser, G., Schweizer Geographie sammt den Merkwürdigkeiten in den Alpen und hohen Bergen. Zurich, 1770, p. XLIX; Schulte, A., Geschichte des Mittelalterlichen Handel und Verkehr zwischen Westdeutschland und Italien mit Ausschluss von Venedig. Leipzig, 1902, I, p. 41; Buhrer, C, « Les variations de climat dans les Alpes, spécialement en Valais ». Bulletin de la Murithienne, XXXIII. Sion, 1904, p. 185.

33 Auf dem Nordgipfel des Sisne Photos: Neuenburger Expedition in den Sisne Himal 34 Das Obergabelhorn ( 4062 m ) von Norden gesehen. Links der Grand Gendarme ( 3870 m ) Photo: François Besson, Be* naux6. C' est ce que confirme Ruppen dans sa Chronique de la Vallée de Saas ( 1851 ):

Les habitants de la vallée de Saas ont entretenu de tout temps un commerce suivi par les cols de Monte Moro, de Mondelli et d' Antrona. Ils exportaient du bétail, du fromage et du beurre et surtout des étoffes de laine tissées dans la vallée. On dit que l' exportation de cet article atteignait certaines années jusqu' à goo pièces. Le commerce des étoffes date de i6jo et a duré jusqu' au XIXe siècle. L' impor de l' Italie consistait en menu bétail, cuir, riz, maïs, etc.

Presque tous les habitants de Saas comprenaient l' ita, car les jeunes de 12 à iy ans allaient prendre du service dans les vallées avoisinantes de l' Italie. Plus tard, les habitants de Saas se mirent à faire de la contrebande avec du tabac, du café, de lapoudre, etc., ce qui engagea l' Italie à augmenter ses douaniers, et lorsqu' en 1851 la Suisse établit également une douane, le commerce entre les deux vallées cessa presque complètement.

Ruppen adopte la thèse infondée de la présence de prétendus Sarrasins dans la région ( 939, date qui correspond à une attaque de St-Maurice d' Agaune ), et ce, comme la plupart des autres af-fabulateurs, en s' abstenant de fournir des preuves documentées. Similairement, Ruppen fait aussi passer Hannibal par un col de la zone du Monte Moro. Ce qui est vrai, c' est qu' en 1559 fut conclue une convention entre les habitants du dizain de Viège et ceux du val Anzasca, permettant aux premiers, moyennant finance, de faire paître les ânes, chevaux et bêtes à cornes pendant sept jours sur les pâturages de Macugnaga.

Buhrer, qui a étudié les passages transalpins en fonction de la détérioration du climat dans la région, signale que, selon une chronique, le chemin du Monte Moro et le col d' Antrona étaient déjà considérés comme fort anciens en 14407. Cette an- 6 Duc, Mgr, « A quelle date est mort saint Bernard de Menthon? » Miscellanea de Storia Italiana, XXXI. Turin, 1894, pp. 209, 263; Gysling, F., Contributo alla conoscenza del dialetto della Valle Anzasca. Florence, 1929, p. 117; Tschirren et Ruppen, Walliser Sagen.

1 Buhrer, C, op. cit ., pp. 176, 184-185, 186-187, 202! pour le val de Bagnes, cf. Carron, M., « Liaison Bagnes-Val d' Aoste.

35Wellenkuppe, Grand Gendarme und Ost-Nordost-Grat des Obergabelhorns. Im Hintergrund die Mischabelkette 36 Der Gipfel des Obergabelhorns Photos: Ciaire Aeschimann, Lausanne née-là, il fut réparé par les habitants de Saas et d' Antrona. Et Buhrer d' ajouter ( \u autrefois on passait fréquemment à cheval, avec toutes sortes de bétail. Etant donné qu' au début du XIXe siècle le col d' Antrona était encore fréquenté, on peut penser que le trafic de bovins existait toujours. On sait de toute manière que, en 1719, 1724 et 1790, on fit encore des frais pour des réparations sur le chemin d' Antrona. La détérioration du climat du Valais et des Alpes en général dès le commencement du XVIIe siècle, aurait, selon Buhrer, provoqué un recul de la végétation et l' obstruction progressive par les glaciers de nombreux passages alpins jadis fort fréquentés. A ce titre, il signale que le chanoine Rivaz a trouvé dans les archives de la commune de Bagnes des titres qui constatent qu' elle possédait le libre commerce avec le Piémont en passant par la Charmontane * et le col de Fenêtre. Quant au col de Monte Moro ( Montémor ), il est signalé, en 1846, comme impraticable depuis deux siècles en raison d' éboulements. En fait, le trafic entre l' Italie et le nord des Alpes subit un fléchissement grave dès la fin du XVe siècle avec la découverte du Nouveau Monde et le déplacement général du commerce européen vers les pays situés en bordure de l' Atlantique.

La récente étude de Janin sur le val d' Aoste, loin de négliger la question des relations entre Aoste et les vallées méridionales du Valais en fait le tableau suivant:

Des cols de second ou de troisième ordre, oubliés de nos jours, jalonnent de véritables itinéraires que suivirent, à partir ou à destination du Valais et de la Savoie, des caravanes de bergers, accompagnés de leurs troupeaux, de ma- Notice historique sur le procès intervenu entre Bagnards et des consorts Valdostains... 1517-1576 ». Revue historique vaudoise, III, 5. Lausanne, mai 1895, pp. 129—149; cf. aussi Revue historique vaudoise IV, 11. Lausanne, novembre 1895, pp. 347— 351. Pour Antrona, v. par exemple Sulger, H., Über den Antrona-Pass ( Sasser-Furka, 2844 m ) ». Jahrbuch des schweizerischen Alpen-Clubs, VI, 1869-1870. Berne, 1870, pp. 487-490, et Eckstein, O., Seitenpfaden um Saas-Fee. Zurich, 1934, pp. 14—28. * Actuellement Grand Chermontane ( réd. ).

quignons convoyant leur bétail, de marchands avec leurs mulets, ou tout simplement d' emigrants.

Le bétail a joué un grand rôle dans les relations frontalières entre le val d' Aoste et ses voisins, surtout le Valais. C' est compréhensible, puisque c' est au niveau des alpages, fort étendus de part et d' autre, que les contacts s' effec. Le système compliqué de la propriété féodale, que les montagnes ne gênaient aucunement,y a aussi contribué. Au XIIe siècle, l' église de Zermatt avait des pâturages à Ayas. Pendant plus de trois siècles, les Valdôtains possédaient l' alpage de Charmontane, en val de Bagnes, et ne le perdirent qu' au XVe siècle. Les relations s' avéraient quelquefois orageuses, émaillées de disputes pour la possession des pâturages. Du Valpelline au Grand-Saint-Bernard, la toponymie est riche en Plan de Bona Mort, Plan de Mala Mort, Plan de la Bataille. Là s' affrontèrent bergers valdôtains et pâtres valai-sans8.

On peut tout particulièrement signaler le Plan de la Bataille, près de la Caverne des fées d' Arzinol, à Hérémence. Le Plan de Bona Mort, à deux heures de Bionnaz, est cité dès 1229.

Les disputes entre communautés des deux versants des Alpes étaient effectivement fréquentes. H. Gay en signale notamment entre les communautés de Viège et de Brigue et celles des vallées voisines du Piémont qui se sont produites durant tout le cours du Moyen Age. Fort curieusement, la tradition populaire du sud et du nord des Alpes, même si elle présente parfois des explications contradictoires, ne fait que confirmer ces relations souvent chaudes. En Italie, on raconte que sous le gouvernement de Fancino Cane, les Valaisans tentèrent une invasion du sud via le Monte Moro, mais qu' une série de défaites leur fut infligée. Dans la vallée de Saas court une légende semblable, mais juste en sens inverse^ L' ouverture des 8Janin,B., Une région originale.Le val d' Aoste. Grenoble, 1968, p. 136.

.'Gay, H., Mélanges d' histoire valaisanne. Genève, 1891, p. 50; Le Comte, J., Etude monographique de la Vallée de Saas. Viège, 1928, pp 52-53; Walther, S., Taschenbuch zu Schweizer-Reisen. Glaris, 1841, 3e ed ., p. lot; Reinhard, R., op.cit ., p. 22.

cols d' Antrona et du Monte Moro est attestée au XIIIe siècle par divers documents. On connaît assez bien la situation qui prévalait au début du XIIIe siècle, une bonne part du versant nord du Simplon jusqu' à Brigue passant alors en mains « sudistes ». A noter que c' est également au XIIIe siècle que le flot des Walser se déversa sur les vallées italiennes.

Le 8 juin 1250, Peter von Castello, seigneur du Simplon jusqu' à Brigue et des vais Antigorio, Formazza, Vedrò et Anzasca ( vassal comme Blandrate de l' empereur Barberousse ) céda, en raison d' une alliance matrimoniale, au comte Gottfried de Blandrate ( très proche des évêques de Novare, de qui il tenait en fief le val Sesia ainsi que le col d' Antrona, et qui possédait d' autres biens à Saas et dans la vallée du Rhône ) la plus grande partie de Viège 10. Blandrate, en échange et pour maintenir la paix entre les deux vallées, accepta que soit transplantée une colonie de bergers tirée du val Anzasca dans la vallée de Viège ( Saas ).

Le 16 août 1291, grâce au comte Jocelin de « Dès le XIVe siècle, les Valaisans prennent l' habitude d' or des expéditions de pillage chez leurs voisins du sud, souvent accompagnés par des troupes des cantons suisses. L' Ossola, qui jusqu' alors avait vécu dans une relative autonomie sous la suzeraineté de l' évêque de Novare, se cherche un protecteur: elle se donne d' abord au duc de Milan, puis au comte de Savoie qui s' avère tout aussi inefficace. Les Suisses occupent la vallée à plusieurs reprises, installent un bailli à Domo pour quatre ans, puis restituent l' Ossola aux Milanais après la défaite d' Arbedo ( 1422 ). En 1487, une dernière expédition valaisanne est massacrée par les troupes du duc de Crevola d' Ossola: désormais la République des dizains renonce à toute politique d' expansion au sud des Alpes. » Pichard, A., « La vallée abandonnée ». 24 Heures. Lausanne, 29 mars 1978, p. 56.

10 Schmid, F., « Verkehr und Verträge zwischen Wallis und Eschenthal vom 13. bis 15. Jahrhundert ( Val d' Ossola ). Blätter aus der Wallisergeschichte, I. Sierre, 1895, pp. i68ss; Scoretti, F., « Etude sur l' histoire des limites entre le Valais et le Piémont ». Annales valaisannes, XVI, 2. St-Maurice, juin 1941, pp. 221-241. La présence en Valais des Blandrate débute par le mariage de Gottfried, fils de Gozzio Blandrate, avec Aldisia, fille du major Perroner de Castello, de Viège, en 1250, et s' achève avec la mort violente de la dernière héritière, Isabelle, près du pont de Naters, en 1365.

Blandrate, un accord est conclu entre les habitants des deux versants du Monte Moro en vue d' éviter que ne se reproduisent des disputes. Au début du XVe siècle, malgré les termes déjà signalés, on enregistre des accords entre gens d' An, Antrona et Saas pour l' entretien du col d' Antrona et de celui du Monte Moro. De nombreuses conventions entre évêques de Novare et de Sion témoignent des échanges vivaces sur le col du Monte Moro qui n' avait pas qu' une importance locale, mais attirait une part du commerce international, et cela pendant de longs siècles.

Le fait qu' en 1291 un traité de paix entre les vallées de Saas et de Saint-Nicolas et celle d' An a été conclu montre assez que les disputes devaient être sérieuses. Des vestiges l' attestent d' ailleurs.

Au-dessus de la Gastenalp ( que le touriste de Zermatt pouvait atteindre au XIXe siècle à dos de mulet ) se situe le glacis du Théodule, mentionné pour la première fois par H.B. de Saussure sous le nom de Fort Théodule, et dont S. Walther dans son guide de 1841 dit qu' il constitue la fortification la plus élevée du monde. Elle aurait été édifiée au cours du XVIe siècle par les habitants du val d' Aoste pour prévenir les attaques des Valaisans. Le site est forme d' une sorte d' écurie, située près d' une croix à côté de laquelle on distingue encore, taillée dans les dalles de rocher, des espaces servant — dit-on — de meurtrières. Selon le voyageur Hirtzel-Escher, il restait de cette fortification, en 1829, huit à dix ouvertures nettement tournées vers le Valais. Cela ne fait-il pas songer aux Plan de la Mort, Plan de la Bataille et autres lieux du même genre? Peut-être peuvent-ils être mis en relation avec la terrae mortuorum mentionnée dans la Chronique grisonne que d' aucuns ont voulu mettre en rapport avec les dépradations dues aux Hongrois ou aux Sarrasins ". On ferait mieux d' associer les Plans de la Mort aux divers Chemins des morts que 11 Büttner, « Vom Bodensee und Gcnfcrsee zum Gotthardpass », in Die Alpen in der Europäischen Geschichte. Reichenau-Vorträge, 1961-1962. Constance/Stuttgart, 1965, p. go; Tagmann, E., « Toponymie et vie rurale dans la région de Miège l'on trouve en Valais, tel celui qui, de Chandolin, mène à Loèche par l' Illgraben, ou celui qui, de Miège, rejoint le cimetière de Saint-Ginié, à Villa sur Sierre, etc., et par lesquels on transportait en général les défunts à dos de mulet, tenus debout par une sorte d' étançon en bois. Mais il serait peut-être plus raisonnable de voir dans le Fort Théodule un simple abri pour voyageurs et montures. C' est ce que laisse entendre C. Favre, en 1883, signalant au sommet du col une ancienne écurie à mulets, faite de pierres sèches, sans caractéristiques archéologiques.

11 est plus que probable pourtant que généralement ces hauts passages alpins servaient surtout aux échanges commerciaux, les Valdôtains notamment se rendant à la foire d' Evolène, les Valaisans à celles du val d' Aoste ou des vais Anzasca et Sesia. Ce ne sont là que des survivances d' une tradition ancestrale d' échanges entre les deux versants des Alpes. Le catalogue des douanes d' Aoste déjà cité ( 960 ), parmi quelques rares autres rubriques, dont les principaux métaux, évoque l' étain d' Angleterre. Par ailleurs, une tombe découverte à Vex en 1953 montre que bien avant la conquête romaine le commerce de l' étain était florissant dans la région, ce métal passant d' Armorique et de Bretagne jusqu' à la Seine ou à la Loire, et, de là, en Bourgogne. S' il est probable que la thèse de Carcopino de la voie commerciale Côte d' Or de la Saône—Rhône—Marseille est valable, la tombe de Vex montre que la voie du Jura et des cols alpins ( thèse JofFroy ) n' était pas moins empruntée 12. Rien d' étonnant à cela quand on sait que bien auparavant, au néolithique en particulier, le Grand-St-Bernard était fréquenté déjà. Preuve en sont les haches de jadéite trouvées en ( Haut-Valais roman ) ». Romanica helvetica, XXVI. Zurich, 946, P- 73- 12 Berchem, D., « Du portage au péage. Le rôle des cols transalpins dans l' histoire du Valais celtique ». Museum Helveticum, XIII, 4. Bâle, 1956, pp. 199-208; Janin, B., op.cit ., pp. 117-118; Schiess, T., « Der Anteil Graubünden am Mittelalterlichen Handel und Verkehr zwischen Westdeutschland und Italien mit Ausschluss von Venedig ». Bündnerisches Monatsblatt. 7. Coire, juillet 1941,pp. 193-219.

Bas-Valais et au val d' Entremont, et que l'on signale également au val d' Aoste. En effet, le Valais est dépourvu de jadéite et l' a manifestement revue du sud, très probablement du val d' Aoste où on en trouve dans la région de St-Marcel. Autre indice: la présence à Aoste de nombreux bracelets de bronze, de type nettement valaisan ( ornés de cercles pointés ), probablement réalisés en partie avec du cuivre extrait de la chalcopyrite des vais d' An et d' Hérens. Il y a aussi les raccards sur pilotis ( qui ont presque disparu en vallée d' Aoste, mais dont il reste des traces dans la basse vallée, à Reille, Machaby et Les Barmes, les constructions encore existantes n' étant toutefois pas antérieures au XVIIIe siècle ). Et c' est peut-être aussi le cas des masques en bois, ceux du Lötschental étant les plus connus du côté suisse, et dont on retrouve des répliques dans le val d' Aoste i3. D' ailleurs, au niveau des rites funéraires également, la parenté est frappante. D' une part, on rencontre au nord et au sud des Alpes le même type de tombes à cistes ( procédant de la civilisation de Cortaillod, nettement d' origine méridionale, via la vallée du Rhône ), d' autre part, avec une forte parenté ibérique qui mène à ce que Nougier appelle les ré-gions-clé de la grande charnière afrasienne. Au site du Petit-Chasseur, près de Sion, qui date du néolithique récent ( 2200 ans av. J.C ), ont été découvertes des stèles, vraies œuvres d' art figuratif anthropomorphe, portant des représentations d' armes métalliques, notamment des poignards de type italien. Or, des stèles identiques ont été retrouvées sur un site archéologique du val d' Aoste, ce qui permet d' imaginer là encore des déplacements, par les cols alpestres, de populations entretenant des contacts avec la Méditerranée orientale et recherchant le cuivre des mines des hautes vallées des Alpes. On peut supposer que les Ligures ( probablement devenus, par mélange avec les Celtes, les Salasses ) qui habitaient le val d' Aoste étaient en relation avec les 13 Janin, B., « La maison rustique à Anad dans la basse vallée d' Aoste », in Valle d' Aosta. XXXI° Congresso storico subalpino di Aosta, 9-11 septembre 1956. Aoste, 1970, pp. 115—121.

populations du nord des Alpes. Les nombreuses monnaies gauloises trouvées dans la vallée en font foi, autant que les monnaies salasses découvertes à Collombey et les pièces allobroges à Riddes. Alors qu' en vallée d' Aoste vivaient les Salasses, en Valais leurs voisins immédiats furent les Véragres ( Martigny - Grand-St-Bernard ), les Seduni et les Nantuates ( ce peuplement valaisan est cependant encore en discussion ). Les relations nord-sud, à en croire les linguistes, tel Dauzat, ont eu surtout une influence sur le plan des échanges commerciaux, et notamment du bétail, beaucoup moins au niveau des hommes, si ce n' est à celui du patois, ceux d' Entremont et d' Aoste étant très apparentés. La preuve de ces contacts transalpins entre éleveurs semble devoir confirmer la parenté italienne du bos brachycephalus ( vache d' Hérens ). Sur le plan des relations humaines, on peut objecter à Dauzat, hors même l' aspect racial, que ( notamment dans le cadre de l' Eglise ) les rapports entre Aoste et le Valais furent très serrés. Ainsi, l' interpénétration en milieu clérical fut très tôt remarquable; le professeur S. Stelling Michaud, a pu démontrer que, de la fin du XIIe siècle et jusqu' en 1323, quatre Valdôtains occupent le siège episcopal de Sion. Il est vrai que le nombre de Valaisans établis à Aoste était beaucoup plus faible l4. Ce qui semble montrer tout de même que si les cols ont joué un rôle certain de lien, celui-ci n' a tout de même pas été fondamental au point de vue démographique. Et comme pour répondre à S.Stelling-Michaud, P. Aebischer de préciser:

// est pour le moins curieux qu' aucun des martyrs milanais dont le culte a été si répandu à la fin du IVe et au courant du Ve siècle ( Gervais, Protais, Na.zarre ) n' ait laissé la moindre trace dans les titres des églises valaisannes.

A la fin de cette petite étude, il n' y a pas lieu de conclure. Il faudrait une recherche autrement 14 Couvert du Crest, R., Une vallée insolite. Chamonix, le Mont Blanc, la Savoie. Histoire des origines à i860, 2 t. Paris, 1971; Aebischer, P., « La christianisation du Valais à la lumière de quelques faits linguistiques ». Vallesia, XVII. Sion, 1962, pp. 171-206. ( p. 194 ).

fouillée pour cela. Mais l' évocation de certaines réalités historiques concernant les passages entre le Valais, le val d' Aoste et le Piémont, depuis des temps fort reculés, aura permis de rappeler aux touristes des hautes vallées, ou à ceux qui franchissent les Alpes seulement pour s' orienter vers des cieux plus méridionaux, qu' ils marchent sur des traces fort anciennes, dans un monde alpin bien moins fermé qu' on ne le pense souvent.

Feedback