Ama Dablam
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Ama Dablam

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PAR J. H. EMLYN JONES

Avec 3 illustrations ( 133-135 ) Mr. J. H. Emlyn Jones, chef de Vexpédition malchanceuse à l' Ama Dablam 1959, a eu 1' extrême obligeance de nous communiquer en manuscrit le récit de cette expédition, qui paraîtra dans le prochain numéro de /'Alpine Journal, et de nous autoriser à le reproduire pour les lecteurs des Alpes. Nous F en remercions chaleureusement, ainsi que la rédaction de /'Alpine Journal.

Tous les « 8000 » de l' Himalaya, à l' exception du Dhaulagiri, ayant été gravis, F attention des grimpeurs peut maintenant se tourner vers des sommets qu' il serait faux de classer en deuxième ordre, bien qu' ils n' atteignent pas la cote fatidique de 8000 m. Leur aspect grandiose, leur forme splendide et étonnante, leur réputation d' inaccessibilité, les problèmes que leur ascension présente aux alpinistes, permet de les placer au premier rang. Tels sont par exemple la Tour de Mustagh, le Machapuchare, gravis en 1956 et 1957.

Tel est aussi F Ama Dablam, 6856 m, sentinelle avancée du massif de l' Everest, dont l' élan prodigieux a frappé F imagination de tous les membres des expédition qui se sont succédé depuis dix ans dans la vallée de Namché Bazar. Mais ils avaient alors des projets plus importants - Everest, Lhotsé, Cho Oyou, Pumori, etc., et l'on peut avancer que jusqu' en 1958 aucun des participants n' a sérieusement songé à considérer l' Ama Dablam comme un but possible.Note du traducteur L. S. ):

Notre tentative à l' Ama Dablam au printemps 1959 s' est termine par une tragédie, et pour tous les participants, le souvenir de cette expédition est assombri par la mort de deux de ses membres qui ont disparu quelque part près du sommet.

De quelque côté qu' on le regarde, l' Ama Dablam est le pic le plus impressionnant qui soit. Il s' élève à 6856 m sur la rive gauche ( méridionale ) du glacier d' Imdja, à quelques kilomètres au S de l' Everest, dont il est séparé par la colossale muraille du chaînon Lhotsé-Nupsé. Il a quatre arêtes principales; celle de l' W porte à sa base un petit sommet secondaire et anonyme qui domine le village de Pangbotché. La partie inférieure de l' arête N plonge abruptement sur un petit col, dominé au N par une pointe rocheuse, l' Amou Gyabjen, 5560 m environ, gravie pour la première fois par Sir John Hunt et feu T. D. Bourdillon le 12 avril 1953. La silhouette étonnante de l' Ama Dablam est familière aux lecteurs du livre de Sir John sur la première ascension de l' Everest; mais c' est le Dr Charles Evans qui me suggéra la possibilité d' en faire la conquête. Il en avait observé et étudié l' arête SE du voisinage du Mera La. Sur la seule photo prise de cet endroit, la partie supérieure de la montagne est masquée par des nuées, et le pied de l' arête est barré par un ressaut vertical de 150 m.

En examinant d' autres photos du pic, celles entre autres que Sir John Hunt prit en 1953 au cours de la seconde période d' acclimatation, et celles de John Jackson qui a passé en 1954 plusieurs mois dans ce district, je constatai que les arêtes N et SW, bien que très redressées, semblent moins inaccessibles que les deux autres. L' arête N particulièrement s' incline en approchant du sommet, et les derniers 300 m paraissent sensiblement moins raides. Je finis par me passionner sur ce problème: trouver, d' après les photos, un itinéraire possible d' ascension, et en vins à la conclusion qu' un contrefort montant du NE pour rejoindre l' épaule de l' arête N au-dessus du ressaut vertical qui domine le col mentionné plus haut, offrirait le plus de chances d' atteindre le sommet. Notre projet prit forme au cours du deuxième semestre 1958. Je reçus l' autorisation du gouvernement népalais et appris à ce moment qu' Alfred Gregory dirigeait cet automne-là une caravane anglo-italienne dont le but était d' explorer l' arête SW. C' est pourquoi nous avons donné à notre expédition le nom de Sola Khumbou. Au cas où Gregory réussirait dans sa tentative 1, nous tournerions nos efforts vers l' une ou l' autre des cimes magnifiques de la région de Sola Khumbou.

Notre équipe comprit finalement six participants, tous britanniques: G. J. Fraser et E. A. Wrangham, tous deux de l' Alpine Club, ont participé en 1954 à l' expédition du Club alpin de l' Uni de Cambridge au Rakapochi et justifient une vaste expérience alpine acquise dans les Alpes et à l' Himalaya. J. Harris faisait partie de l' équipe britannique qui a visité le Caucase en 1958; avec G. C. Band, ils ont réussi la première ascension du pilier SE du Dych Tau et la troisième du pilier N du Skara. Le Dr Fred Jackson est cardiologue; nous espérions qu' à côté de son activité de grimpeur il pourrait effectuer quelques recherches médicales tant sur les Européens que sur les sherpas. La Cambridge Instrument Company nous prêta un cardiographe; malheureusement cet instrument dut être abandonné au camp II, mais de nombreux cardiogrammes furent enregistrés, et nous espérons que les résultats auront enrichi la science cardiologique. Mrs. Nea Morin a vingt ans d' expérience dans les Alpes, mais c' était sa première visite à l' Himalaya. Quant à moi, j' avais été au Népal en 1950 avec l' équipe de W. Tilman; nous avions exploré les approches de l' Anna II et de l' Annapurna IV.

, 1 La caravane de Gregory parvint à 6100 m environ sur l' Ama Dablam. De grosses difficultés techniques et la température glaciale de l' arrière imposèrent l' abandon de la tentative.

14 Die Alpen - 1960 - Les Alpes209 Jackson et moi, venus de Bombay avec le matériel, rejoignons les autres membres de l' expédi à Kathmandou le 25 mars 1959. Là nous trouvons nos quatre sherpas, Dawa Tensing, Urkien, Annulu et Pemba Tensing, dont les noms sont bien connus dans notre club. Nous engageons également trois jeunes sherpas comme ordonnances, Nima Dorjé, Pineri et Pasang Chitar. Bien que sans beaucoup d' expérience alpine, ils nous furent extrêmement utiles; les deux premiers restèrent avec nous jusqu' à la fin de l' expédition. A Kathmandou nous rencontrons également l' officier de liaison fourni par le Ministère des Affaires étrangères du Nepal, Gadoul Shumshere, jeune lieutenant de l' armée régulière, qui mérita notre entière confiance et nous fut d' un précieux secours pendant toute la durée de l' expédition. L' Himalayan Society avait recruté pour nous 72 porteurs. Le 29 mars, jour de Pâques, la caravane se met en route, suivant la voie ordinaire des expéditions à l' Everest. On marche vers l' est, à contre-fil de la configuration du pays, c'est-à-dire qu' il faut franchir une suite de chaînons secondaires orientés N—S, et nos jambes d' alpinistes se fortifient à mesure que les pentes se présentent plus hautes et plus raides. De temps à autre, les neiges de la grande chaîne apparaissent à main gauche; nous identifions des sommités qui ne nous étaient jusqu' ici connues que de nom: le Gauri Sankar, le Numbour, le Karyolang.

Le vendredi 20 avril nous franchissons la rivière Dudh Kosi sur un pont temporaire d' hiver que les pluies de la mousson emportent chaque été, et prenons la direction du N vers Namché Bazar, où nous arrivons le 13. Halte d' une journée en aval du village de Kumjung, où nous payons les porteurs de Kathmandou et engageons des sherpas de la vallée. Ils porteront les charges jusqu' au camp de base, que nous espérons placer au pied de l' éperon NE de l' Ama Dablam.

Toute l' équipe a bien marché et se sent en bonne forme. Mrs. Morin, qui s' est luxe le genou peu avant de quitter l' Angleterre, a bien supporté le voyage; en fait, ces seize journées de marche à travers monts et vaux ont largement contribué à sa guérison. Poui la première fois nous nous trouvons environnés de hautes cimes himalayennes, l' Ama Dablam formant le centre du tableau, dominant une chaîne avancée sur laquelle on distingue la silhouette du monastère de Thyang-botché. Une petite journée de marche nous y conduit le 15 avril, et nous sommes les hôtes du chef-lama et du chef-lama du monastère de Rongbuk, ce dernier arrive du Tibet quelques jours auparavant avec sa famille par le Nangpa La. C' est là que nous entendons de vagues rumeurs de troubles au Tibet, mais bien que la frontière de ce pays ne soit qu' à quelques kilomètres, nous ne pouvons obtenir de renseignements précis.

Tandis que le Dr Jackson et Mrs. Morin sont restés à Kumjung pour y effectuer une partie des recherches médicales prévues au programme, le gros de la troupe pousse en avant et, le 17 avril, trouve un site idéal pour le camp de base, immédiatement au pied de l' éperon NE ( 5000 m environ ). Jusqu' ici nous avons tenu exactement l' horaire; le moral de l' équipe est excellent. Le camp de base, installé sur un petit pâturage à dix minutes du pied de l' Ama Dablam, est entouré sur deux autres côtés par les sommets neigeux qui encerclent le haut d' un vallon latéral descendant vers le grand glacier d' Imdja. De l' autre côté du glacier se dresse l' immense muraille de la chaîne Lhotsé-Nupsé par-dessus laquelle pointe la pyramide de l' Everest.

Quelques membres de l' expédition souffrirent de maux de tête dus à l' altitude; un peu plus tard Fraser et Wrangham durent redescendre dans la vallée principale de l' Imdja où ils passèrent trois nuits. Pendant ce temps Harris et moi, accompagnés de Dawa Tensing, fîmes l' ascension de l' Ambou Gyabjen où nous trouvâmes le petit cairn élevé par Hunt et Bourdillon six ans auparavant. Le sommet est un excellent point d' observation pour étudier l' arête N de l' Ama Dablam; mais bien qu' elle ne nous parût présenter aucun obstacle infranchissable, le seul moyen de s' en assurer était d' aller « s' y frotter le nez », comme dit le Dr Longstaff.

Le 24 avril, Harris et moi effectuons une première reconnaissance des pentes inférieures de l' éperon NE. Sans trop de difficultés, nous nous élevons jusqu' à une échancrure bien marquée au tiers environ du parcours jusqu' à l' arête. Les autres membres de l' expédition, arrivant ce jour-là au camp de base, sont remplis d' enthousiasme et d' espoir en nous apercevant à 300 m sur le flanc de la montagne.

De cette première brèche, la suite de l' itinéraire semble claire. Le prochain obstacle est un contrefort rocheux très redressé dont la partie inférieure est constituée par des dalles chevauchantes formant une suite de petits surplombs. Au-dessus de ce contrefort, une deuxième encoche paraît comporter un emplacement pour un camp. Suit une section de l' arête très déchiquetée, puis un angle abrupt de rocher clair que nous baptisons l' Angle Gris. Au-delà, il semble possible de se tenir à gauche, juste sous le fil de la crête de l' éperon, puis de traverser gauche pour gagner finalement l' épaule de l' arête N par un couloir de neige. A cet endroit l' arête s' infléchit légèrement à gauche, porte deux tours rocheuses hautes d' une centaine de mètres, puis monte, très raide et très étroite, vers la deuxième épaule coiffée d' un capuchon de glace. La suite se présente sous forme d' une longue crête neigeuse crénelée inclinant vers la gauche, et qui va buter contre les pentes glacées du cône sommital. L' itinéraire suit donc, sur toute sa longueur, le fil de l' arête N - ou juste dessous -et n' est pas exposé aux avalanches, tout au moins jusqu' aux dernières pentes. Notre expérience ultérieure a montré que les deux tiers inférieurs de l' ascension s' effectuent presque entièrement sur rocher et sont remarquablement exempts de dangers objectifs, sauf en deux endroits où la roche est délitée et où il y eut des chutes de pierres, détachées par les mouvements des membres de la cordée.

Le contrefort rocheux en amont de la première échancrure fut d' abord tourné par la droite par Harris et Fraser en traversant une pente de rochers instables et de neige. C' est probablement le passage le plus difficile de toute l' ascension, et le fait de l' avoir surmonté constitue un exploit. Parvenus au sommet du contrefort, ils en sont redescendus à la corde de rappel, ayant trouvé sur le fil de l' arête, à mi-hauteur, un bon relais et un bec de rocher où fixer la corde. Par la suite, nous avons équipé ce ressaut de cordes fixes avec une échelle de corde d' une vingtaine de mètres sur le mur vertical au-dessus des dalles inférieures. Elle nous a rendu d' inestimables services pour monter le matériel des camps supérieurs. Etant donne les nombreux surplombs, il était virtuellement impossible de hisser les charges en cet endroit; elles furent toutes transportées à dos d' homme jusqu' au perchoir du relais. De là, un monte-charges aérien - poulie et treuil - permit de les hisser dans l' espace jusqu' à la seconde échancrure, où nous avons aménagé une plate-forme pour trois tentes. Ce fut là notre camp I, à 5440 m environ. Mais déjà Harris et Fraser avaient reconnu la suite de l' itinéraire jusqu' au Grey Corner ( Angle Gris ). Le ler mai, Fraser et moi occupons le camp I et le lendemain poussons notre reconnaissance de l' arête, escaladant l' Angle Gris jusqu' à un point immédiatement au-dessous de l' épaule. D' ici nous pouvons nous convaincre que la route au-delà est possible. Les jours suivants sont consacrés à l' équipement et au ravitaillement du camp I; Jackson, Wrangham, Mrs. Morin et les trois sherpas Annulu, Urkien et Pemba Tensing y travaillent héroïquement. Le camp II, sur l' épaule, est occupé le 5 mai par Harris et Fraser. Il est installé à environ 6050 m sur une petite plate-forme taillée dans la glace au niveau de la crête rocheuse sous-jacente.

Une des caractéristiques de cet itinéraire est l' absence presque totale de sites pour les camps. En fait, jusqu' à 6350 m, la montagne ne présente pas un seul replat où dresser une tente, et sur les plates-formes aménagées précairement au prix d' un travail épuisant, il n' était jamais possible de faire plus d' un ou deux pas sans être convenablement assuré. Le site du camp III était impression- nant. Au-dessus, l' arête se redresse à 45°, dominant les formidables précipices de la face N, quasi verticale. De la tente le regard, par-dessus la crête de glace, plongeait tout droit sur les champs de Dingbotché.

Vendredi 8 mai. Pendant que leurs camarades consolident le camp II, Harris et Fraser poussent presque jusqu' au haut de l' arête à 45°, mais Fraser ne se sentant pas très bien, ils font demi-tour et redescendent le lendemain au camp de base, ramenant avec eux l' équipe de soutien du camp II. Ce relâche vint fort à propos, car le temps resta incertain les jours suivants, et le docteur ayant examiné Fraser, diagnostiqua une infection bronchiale. Je devrais peut-être mentionner ici que, quoique l' emploi d' oxygène ne fût pas envisagé pour l' ascension proprement dite, nous avions au camp de base quelques cylindres légers d' air normal. En fait, ils ne furent pas utilisés; un traitement approprié eut facilement raison de l' indisposition accidentelle de Fraser, qui fut déclare tout à fait apte au bout de quatre jours de soins.

Le mercredi 13 mai Harris, Wrangham, Urkien et Annulu reprennent le chemin de la montagne; Fraser, Jackson, Pemba Tensing et moi-même les suivons deux jours plus tard au camp II, où des électrocardiogrammes sont pris de tous les membres de l' expédition. Malheureusement, celui du docteur présente quelques irrégularités, et bien qu' il ne ressente aucun symptôme, la cause de cette lésion ne laisse pas de l' inquiéter. Tandis que Fraser et les sherpas montent au camp III, je reste avec lui au camp II; mais comme son cœur est encore irrégulier le lendemain, je prends la décision de le renvoyer à la base avec Pemba. Ce même jour, 18 mai, je rejoins Wrangham au camp III. Harris et Fraser l' ont quitté le matin même, emportant une tente d' assaut légère, dans l' intention de placer un nouveau camp au sommet du ressaut à 45°, ou plus loin si c' est possible. Lors d' une reconnaissance antérieure, ils avaient noté un endroit favorable au haut de l' arête, mais ils espèrent aller plus loin et trouver un site approprié au-delà de l' arête de glace crénelée qui suit. De ce point, 6315 m environ, ils espèrent pouvoir gravir en un jour les 450 m qui les séparent du sommet; sinon, préparer la route le premier jour, revenir au camp pour la nuit et achever l' ascension le lendemain. Le temps est au beau depuis quelques jours, et ils ont des vivres pour près d' une semaine. C' est à eux, naturellement, qu' incombera la décision à prendre sur place et en considération des difficultés à surmonter; mais tous deux sont des montagnards aguerris et de grande expérience, on peut compter qu' ils ne pousseront pas l' assaut au-delà des bornes de la prudence.

En' fait, ils installèrent le camp IV sous le sommet de la pente à 45°. Le lendemain, nous les avons vus traverser en direction de l' arête de glace, derrière laquelle ils disparurent vers 11.30. Ils paraissaient transporter avec eux la tente, et ils ont dû dresser un camp V quelque part à l' extrémité de l' arête de glace. Le 20 mai, à 14 h. 30, nous les avons de nouveau aperçus en train de tailler des marches pour franchir ce qui paraissait être la dernière tour de glace de l' arête, donnant accès aux pentes du cône sommital Ils devaient se trouver, selon notre estimation, à 6550 m; il ne leur restait donc que 300 m à gravir, et nous avons pense un moment qu' ils iraient au sommet ce jour-là. Mais ils réapparurent au bout de quelques minutes, redescendant au camp V.

Ceci est important pour l' interprétation de la suite des événements: Si, du point où ils ont fait demi-tour, il n' y avait plus d' obstacle en vue, ils ont peut-être estimé plus sage de revenir au camp et de partir tôt le lendemain pour achever l' ascension. Ou bien ont-ils reconnu que l' ascension était impossible et abandonné la tentative? Mais si le reste de la grimpée exigeait un aménagement, taille de marches ou autre, ils avaient à ce moment amplement le temps d' y travailler une heure ou deux pendant l' après.

C' est donc tout palpitants d' émoi que nous les avons revus, à 8 h. 30 le matin du 21 mai, arriver au sommet de la tour de glace. De notre position au camp III, il nous semblait que, traversant vers la droite et sortant du champ de notre vision, ils atteindraient bientôt les pentes plus faciles, arrondies, du cône sommital, et nous crûmes que la montagne serait gravie ce jour-là. Vers midi, des nuages masquèrent le sommet, et nous ne pouvions plus les voir. Nous nous attendions un peu à entendre un cri, un appel, au cours de leur descente, et une vague inquiétude s' insinua en nous de ne percevoir aucun signal durant le reste de la journée.

Cette inquiétude vira au désespoir au cours du jour suivant. La joie anticipée d' une victoire probable fit place peu à peu à la plus douloureuse consternation lorsqu' il devint évident, vers le soir, qu' un accident était arrive à nos compagnons. Mike Harris et George Fraser ont disparu, et nous ne saurons probablement jamais s' ils ont atteint ou non le sommet. Je ne crois pas qu' ils furent vaincus par les seules difficultés techniques. Peut-être qu' une avalanche, ou une glissade, vraisemblablement à la descente, les a précipités dans l' abîme à un moment où le brouillard, qui enveloppait le sommet, limitait la visibilité et leur cachait la voie la plus sûre. Du point où l' accident s' est produit, ils ont du tomber dans la combe NW de la montagne, car nous eûmes beau fouiller à la lunette le versant NE, nous n' avons rien vu.

Pour effectuer des recherches, il fallait descendre de la montagne et contourner la base de l' Ambou Gyabjen pour pénétrer dans la combe NW. Le lendemain le temps se gâta, et ce fut dans le blizzard déchaîné que nous quittâmes le camp III. La descente au camp II nous prit tout le jour, et j' étais dans un état d' extrême faiblesse en arrivant au camp, les doigts et les orteils complètement morts. Wrangham et les sherpas furent magnifiques de tenue et de fermeté durant cette descente dans d' aussi effroyables conditions. Quelques minutes après notre arrivée, Urkien nous présentait déjà des bols de thé.

La tempête fit rage tout le jour suivant; impossible de quitter les tentes. Nous savons maintenant que c' était le commencement de la mousson. Sauf pendant deux ou trois brèves accalmies, l' Ama Dablam demeura noyé dans les bourrasques pendant le reste de notre séjour. Le matin du 25 mai était clair; sans tarder, nous reprîmes la descente, mais le ciel se recouvrit presque immédiatement. Le camp I fut cependant rejoint et plus bas nous trouvâmes les autres membres de l' expédition qui nous attendaient à l' échancrure. Il était près de 19 heures lorsque nous fûmes enfin au camp de base, plus ou moins exténués.

Le mauvais temps se prolongea et le camp de base fut presque constamment sous la neige. Quelques éclaircies passagères laissèrent apparaître notre pic plâtré de neige. Il ne fut pas facile de récupérer le matériel et les vivres du camp I; le camp II dut être abandonné avec l' électrocardio qui s' y trouvait.

Le matin du 30 mai fut beau. Wrangham et Mrs. Morin partirent peu après 5 heures pour tenter des recherches dans la combe NW. Après avoir tourné la base de l' Ambou Gyabjen, ils aperçurent pendant quelques brefs instants le sommet et le flanc NW de l' Ama Dablam; mais les nuées revinrent bientôt, et bien qu' ils soient montés jusqu' à plus de 5200 m, ils n' ont aperçu aucune trace de l' accident. Après avoir érigé un cairn au camp de base à la mémoire de nos amis, nous avons pris le chemin du retour sans pouvoir obtenir aucune autre indication sur ce qui s' est passé, ou savoir si le sommet a été atteint.

L' Ama Dablam n' en est pas moins une montagne d' une splendeur prestigieuse, et nous croyons que notre itinéraire offrira une voie magnifique vers le sommet La partie maintenant connue n' est à aucun moment facile, mais à part l' éperon rocheux conduisant au camp I, elle ne présente pas de difficultés exceptionnelles. A partir de la première brèche de l' éperon, les membres des cordées avançaient un à un, sauf sur un bref parcours au-dessus du camp I et un autre immédiatement après l' Angle Gris. Tous les Européens de l' expédition qui sont montés au camp III ont conduit la cordée à la montée et l' ont assurée à la descente pendant toute la course, de même Urkien, qui s' est affirmé au cours de l' expédition comme un grimpeur de première force. Le Dr Jackson a également marché en tête et en queue de cordée entre le camp de base et le camp II.

Nous ne pouvons savoir de façon certaine ce qu' on trouve au-delà du ressaut à 45°. A partir de ce point la grimpée se fait sur neige ou glace, et les conditions doivent sans doute varier d' une année à l' autre. Ceux d' entre nous qui sommes revenus croient qu' au la voie est ouverte vers le sommet, et nous aimons à croire que Mike Harris et George Fraser y sont parvenus.

( Traduit par L. S. )

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