Dans les Calanques marseillaises
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Dans les Calanques marseillaises

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Par J. Gilliéron

Avec 2 illustrations ( 119, 120 ) ( Lausanne ) Délaissant les rues encombrées de Marseille, le tram nous amène au bord de la mer par la belle avenue du Prado. Les plages sont immenses. A la Ma-drague, tout le monde descend. Chargeant nos volumineux sacs sur le dos, nous partons pour la grande aventure, munis d' une carte du massif du Puget, d' un petit guide des Calanques et de précieux renseignements que nous a donnés la Société des Excursionnistes Marseillais. La route suit le bord de la mer dont elle épouse toutes les sinuosités. Tout de suite nous sommes sous le charme. La mer est d' un bleu si profond et s' étend à l' infini, nous parlant de voyages lointains, de pays mystérieux... Voici les premiers contreforts du massif de Marseilleveyre, rochers blancs, collines couvertes d' une rare végétation. Le soleil tape avec une ardeur toute méridionale, heureusement, de temps à autre, des bonnes bouffées d' air marin viennent nous rafraîchir. Le hameau des Goudes atteint, c' est la fin de la route. Nous cherchons le sentier jalonné de traces noires qui doit nous conduire dans les Calanques. Une première colline est gravie. La mer étincelle au soleil. C' est la grande solitude rêvée. Plus de routes, d' autos et de stations à la model Une Côte d' Azur bien ignorée des étrangers. Un merveilleux paysage s' offre à nos yeux. Les îles de Jarros, Calseraigne et Riou se détachent sur l' étendue lisse de la mer qui se perd dans les lointains brumeux, spectacle d' une grandeur nouvelle pour nous, habitués aux horizons plus restreints.

Nous avançons lentement, suivant le sentier très bien marqué qui domine la mer. Quelques haltes sont très appréciées, car les sacs sont terriblement lourds. Ils contiennent le matériel de camping: tente, matelas pneumatiques, sacs de couchage, primus, benzine, provisions pour quelques jours, plus une corde en nylon de 35 mètres, des espadrilles et les accessoires de bain. Ce n' est pas un des moindres charmes de cette région qui permet un bain rafraîchissant après l' escalade!

Le sentier sinueux nous conduit à travers les pins à Podestat, la première calanque. En suivant de grandes dalles, formant un balcon au-dessus de l' eau, nous l' apercevons tout à coup, petite plage entourée de hauts rochers; il faut presque faire de la varappe pour y descendre. Un bar-restaurant est construit sur le seul endroit plat. Partout ailleurs, ce sont des pentes raides dominées par des rochers. Où allons-nous poser la tente? Le tenancier, très aimablement, nous indique un emplacement sur la terrasse en contrebas du restaurant et nous offre même un rateau pour enlever les cailloux! Nous voilà bien loin de la Suisse... L' endroit est tranquille à souhait et nous établissons le campement, préparons le souper, précédé d' un bain dans l' eau tiède de la calanque; c' est le premier contact avec l' eau salée! Puis nous nous régalons du melon qui fût si lourd à porter... Le soir descend lentement, dans le calme de ce lieu délicieux. Seuls quelques pêcheurs s' affairent au bord de la petite plage. Deux Marseillais s' en vont à la pêche aux crabes, munis d' une lampe puissante.

Nous les voyons perchés sur les rochers, au bord de l' eau noire. Nous nous sentons pleinement heureux: notre rêve est enfin réalisé et la nuit sereine enveloppe de son ombre notre premier campement au bord de la mer.

Podestat-Morgiou Le jour se lève sans un nuage. Rapidement, nous plions bagage, et nous nous élevons sur le sentier caillouteux. Bientôt, la calanque est tapie à nos pieds, étroite et profonde entre les rochers. Elle disparaît au premier contour et nous portons nos regards vers la prochaine falaise qu' il faut gravir pour atteindre Sormiou. Le sentier s' enfonce dans les rochers pour contourner une profonde gorge. La chaleur est telle ici que nous devons faire halte un instant et mettre le cornet de pêches à contribution! Les parois au-dessus de nous sont oppressantes, des pins morts jonchent le sol et accentuent la sécheresse de ce pays sans eau. Aucun oiseau ne se montre. Seules, les cigales répètent inlassablement leur curieux crissement. Elles sont reines dans ces contrées et leur musique obsédante ne nous quitte pas.

Rafraîchis par les fruits, nous continuons, oubliant la chaleur en contemplant les échappées magnifiques qui s' offrent à nos yeux. La mer, d' un bleu intense, apparaît entre les pins verts aux longues aiguilles et forme un contraste frappant avec les rochers blancs. Nous regrettons fort de ne pouvoir prendre des photos en couleur. Le sentier se faufile jusqu' au col où nous posons les sacs un moment, pour jouir de l' agréable brise marine. Puis, impatients de voir de nouveaux lieux, nous dévalons l' autre versant et rejoignons le chemin venant de la Mazargue. Le coup d' œil sur la calanque de Sormiou, toute bleue, précédée d' une forêt de pins, est ravissant. Un sentier continue directement sur Morgiou par le haut, mais nous ne résistons pas à la tentation d' aller voir de près ce lieu enchanteur où se trouvent de rafraîchissantes boissons! Après avoir traversé le bois de pins, nous arrivons sur la plage de sable fin où sont plantées quelques tentes. Nous visons la terrasse ombragée de la buvette et sirotons avec délices une orangeade. Les consommateurs regardent nos gros sacs et nous-mêmes avec curiosité, c' est que nous avons l' air très habillés à côté d' eux, malgré nos shorts et la chemise largement ouverte... Délaissant la plage bruyante, nous allons nous baigner dans l' Anse des Pêcheurs, petite crique tranquille où l' eau fraîche est délicieuse. Puis nous arpentons le chemin bordé de cabanons; leurs habitants prennent le frais sous la tonnelle, le carafon à portée de la main, symbole de la douceur de vivre...

A l' ombre des pins, nous nous installons pour faire un léger dîner, avec la fidèle compagnie des cigales qui semblent redoubler d' activité! Au-dessus de nous se dresse la jolie Aiguille de Sormiou qui serait bien tentante si l' heure était plus matinale. La chaleur refrène nos élans et nous permet tout juste de reprendre le sentier en direction de Morgiou. Nous prenons vite de la hauteur et, tout à coup, nous avons devant les yeux l' un des plus beaux panoramas de cette traversée: la plage, les bateaux de pêche, les cabanons nous apparaissent en miniature, comme vus d' avion. L' entrée de la calanque est gardée par la majestueuse Momie de Sormiou qui fascine nos regards. Sa grande arête blanche, aux ressauts hardis, vient plonger dans la mer étale. Nous cherchons les itinéraires d' escalade qui ne peuvent s' atteindre que par mer. C' est d' une beauté parfaite, et longtemps nous restons à la contempler.

La grimpée reprend jusqu' au col qui nous sépare de Morgiou. Sans nous arrêter nous commençons à descendre dans une région désertique. Là, comme ailleurs, nous ne rencontrons personne. Il faut dire que les étrangers connaissent très peu les calanques. Quant aux gens du pays, l' idée ne leur sourit guère de marcher des heures durant dans un terrain escarpé, sous le brûlant soleil du Midi!

La calanque de Morgiou nous apparaît moins riante que celle de Sormiou, plus resserrée entre les rochers. Quelques cabanons sont alignés jusqu' au bord de l' eau. Les bateaux de pêche sont nombreux. Le tenancier du bar nous indique un lieu de camping très pittoresque. Pour le moment, nous ne voyons que des pentes escarpées terminées par des rochers tombant à pic dans l' eau! En suivant des grandes dalles inclinées, nous prenons de la hauteur et apercevons quelques tentes perchées au haut d' une pente d' éboulis. Préférant la solitude, nous grimpons dans un bois de pins qui se distingue par sa raideur et débouchons sur une petite plateforme, au pied d' un rocher en auvent; il y a juste la place pour planter la tente. L' endroit est sauvage à souhait, nous ne voyons que la mer et les rochers. La pente dévale en éboulis jusqu' à la petite plage de galets précédant la crique des Pierres Tombées, ainsi nommée parce qu' elle est recouverte d' énormes blocs détachés de la paroi. De notre nid d' aigle, nous regardons les baigneurs et les gosses qui poussent de joyeux cris. Lorsque le soir descend, tout devient silencieux, notre repère de brigands prend un air sinistre et nous nous enfilons avec plaisir sous la tente, pour faire un bon somme. Mais ça ne va pas tout seul! La mer, que l'on n' en pas pendant le jour, prend une importance démesurée. Les vagues roulent sans fin sur la plage de galets et chuchotent mille choses. On croirait entendre marcher autour de la tente. Les récits de vol et autres entendus avant notre départ reviennent fâcheusement à la mémoire... Pour comble, un orage éclate, la pluie tambourine sur la toile avec les petits cailloux détachés des rochers, en faisant un bruit exorbitant. Aussi, est-ce avec soulagement que l'on voit poindre le jour!

Morgiou-Port-Pin Après cette nuit agitée, nous décidons de prendre un jour de repos, le trajet pour rejoindre la calanque d' En étant long et difficile. Les heures passent agréablement, partagées entre la sieste et le bain dans l' eau fraîche de la calanque, d' une pureté parfaite. L' itinéraire du lendemain est étudié attentivement. Nous voudrions rejoindre directement la calanque d' En; pour cela il faut traverser une propriété privée, franchir plusieurs passages de varappe. Nos sacs très lourds nous empêcheront peut-être de passer tous les obstacles, mais nous voulons tenter notre chance. Le camp est levé le lendemain matin à 7 heures, après un frugal déjeuner composé de thé sans sucre et d' un morceau de pain rassis! Les provisions sont presque épuisées. Nous rions en évoquant les bons déjeuners avec le chocolat savoureux et les épaisses tartines... Pleins de courage, nous partons pour la grande aventure.

D' emblée, le chemin est plus escarpé, les rochers alternent avec le sentier. Il s' agit d' avoir le pied sûr, les pentes dévalent raides jusqu' à la mer. Très vite, nous arrivons en vue de la calanque de Sugiton qui a hanté nos conversations de ces derniers jours! Elle fait partie de l' immense propriété gardée de Luminy. Pour en empêcher l' accès, le sentier a été miné et une grande dalle bétonnée barre le passage. Sans nous attarder, nous cherchons le meilleur endroit pour poser un rappel de corde... Le premier descend, les sacs ensuite, le second rejoint et nous prenons pied dans cette ravissante calanque qui a tout l' attrait du fruit défendu! Un brin anxieux, nous scrutons les alentours, craignant de voir apparaître un garde qui nous fasse rebrousser chemin. Rapidement, nous suivons le sentier, puis les escaliers taillés dans le rocher. L' endroit est idyllique, un paradis de solitude. Qu' il ferait bon camper là! Hélas, nous n' avons même pas le loisir d' admirer tranquillement la crique de Rafrège-Cuou ( ainsi plaisamment nommée parce qu' étant presque toujours à l' ombre, l' eau y est assez fraîche ), ni la Galère, petite îlette rappelant vaguement la forme d' un bateau, gardant l' entrée de la calanque de Sugiton. Le guide nous enjoint de descendre au bord de la mer. Nous hésitons à suivre un terrain raviné et finalement trouvons le passage qui mène au bord de l' eau. D' énormes blocs sont entassés là, nous reconnaissons la Crique des Pierres Tombées décrite dans notre brochure. On se croirait dans un pierrier des Alpes, si ce n' était l' eau toute proche. Sautant d' un bloc à l' autre, nous abordons sur la plage de sable fin et rencontrons un pêcheur solitaire, le seul être humain que nous verrons au cours de cette traversée. Il nous donne de précieuses indications sur la suite de l' itinéraire, car il est difficile de s' orienter dans ce dédale de rochers et de pentes ravinées. Le paysage est de toute beauté. Un léger brouillard traîne sur l' immensité de la mer. Derrière nous, les pentes se redressent, toujours plus raides, jusqu' aux parois de rocher. Il nous semble être bien loin de toute civilisation...

Nous cherchons les traces rouges qui doivent nous remettre sur le bon chemin et remontons un couloir en suant à grosses gouttes! Il nous amène sur un chemin horizontal, terminé par un portail délabré; nous voici hors de la propriété de Luminy. Le sentier devient étroit et monte jusqu' au pied des parois de la Grande Candelle. Une vaste esplanade domine la mer, ce serait un lieu de camping idéal en cas de retraite forcée... Mais il y a solution de continuité et nous redescendons pour trouver une sorte de vire caillouteuse qui traverse une pente raide, coupée de rochers. La marche devient lente et prudente. Au-dessus de nous s' élèvent les puissants contreforts de la Grande Candelle, sommet rocheux de fière allure qui domine la mer de 400 mètres. La vire descend vers la calanque de Saint-Jean-de-Dieu, appelée plus communément calanque de l' Ocil, en raison d' un grand disque de verre placé contre un rocher. Plus nous avançons, plus le pays devient sauvage. Derrière nous s' étend une région montagneuse, d' accès difficile, devant, la mer infinie où seul un minuscule canot dansant sur les vagues nous rappelle le monde des humains. Nos yeux s' en vont vers le poste de pêche de La Lèque, formé d' immenses dalles et seulement accessible par mer. Nous cherchons le Pas du Rocher-Club et soupirons en songeant aux 300 mètres à gravir en plein midi... Le Pas du Rocher-Club est une dalle de sept à huit mètres, dominant un à-pic impressionnant. C' est le seul passage praticable entre les falaises et les grandes pentes ravinées, qui permet d' accéder dans le Val Vierge et c' est là, en quelque sorte, que doit se décider le sort de la course.

Avant l' attaque, nous faisons halte sur une petite plateforme pour absorber quelque nourriture. La faim se fait durement sentir, les jambes sont molles et il est urgent d' avaler quelque chose. Il ne nous reste qu' une poignée de macaronis que nous faisons cuire dans l' eau minérale. Toute la contrée est dépourvue d' eau, aussi la bouteille que nous emportons est-elle entourée de mille soins... Nous voyons en rêve les bonnes provisions laissées à Marseille et passons en revue toutes les boissons qui permettent d' étancher une soif dévorante! Heureusement que le moral est bon...

Impatients de nous mesurer avec l' obstacle, nous remettons le sac au dos et nous dirigeons vers le Pas du Rocher-Club. Avec plaisir, nous constatons qu' il n' offre pas de difficultés spéciales pour des habitués de la varappe. Cependant la corde est déroulée, car le Pas du Rocher-Club domine une haute paroi. Le premier accroche le filin au pin situé en haut de la dalle et assure le suivant; cela nous rappelle les varappes du Salève. Enfin, nous émergeons sur une vire caillouteuse qui débouche dans le Val Vierge, enchantés d' avoir ce passage derrière nous. Le Val Vierge nous paraît dater des premiers âges, tant il est sauvage, fermé par des parois de rocher. Il est difficile de se repérer dans ce fouillis de hautes herbes et de pins morts enchevêtrés, de pierriers croulants. Le soleil tape dur, notre gosier se déssèche, la provision d' eau est bientôt épuisée. Lentement, nous gagnons de la hauteur, en même temps que s' abaissent les parois abruptes de la Grande Candelle. Le sentier est inexistant et sans les précieuses traces que nous trouvons sur un bloc de rocher après de patientes recherches, nous ne saurions vraiment pas par où nous échapper. Nous envoyons en pensée des remerciements à l' Association des Excursionnistes Marseillais qui a si bien jalonné ce parcours, même la cheminée du CAF que nous devons gravir pour sortir du Val Vierge. L' accès de la cheminée est rendu malaisé par de hautes herbes agitées d' inquiétants soubresauts. Toute cette contrée est le paradis des vipères; c' était un de nos plus grands soucis au départ, heureusement nous n' en avons vu aucune.

La cheminée du CAF nous paraît haute et raide, le soleil donne en plein! Les premiers rochers sont escaladés lentement. Que nous sommes lourds avec nos sacs, alors qu' il faudrait souplesse et légèreté. A la première longueur de corde, on arrive sur une vire couverte de gravier. Un pin accroché au rocher semble offrir une excellente prise, mais les branches sont si sèches qu' elles craquent au moindre effort. Un passage délicat, traversée légèrement en surplomb, nous oblige à enlever les sacs et à les tirer à la corde, manœuvre compliquée étant donné leur poids... La chaleur est accablante, on ne voit personne aux alentours. L' impression de solitude est encore plus grande que dans les Alpes où l'on rencontre toujours quelqu'un. Tout se passe très bien et, grimpant de rocher en rocher en suivant les traces, nous atteignons le haut de la cheminée. Ouf, les difficultés sont derrière nous maintenant! Un joli terrain plat à l' ombre d' un bosquet de pins nous permettrait de camper si nous avions des provisions et de l' eau. Hélas, la faim et la soif se font toujours plus impérieuses, et ce sont elles qui nous donneront le courage de remettre au dos les pesants sacs, malgré la fatigue et la chaleur. Quels regrets sont les nôtres d' être si près de la Grande Candelle, réputée très intéressante, et de ne pouvoir y grimper. Ce. sera pour une autre fois...

La sente monte dans un pierrier entremêlé de rare végétation. Le paysage est aride. Nous sommes au-dessus des parois de rocher qui dominent la mer de 300 mètres. Le prochain objectif est le puits de l' Ouïe qui nous paraît lointain comme un mirage. Combien d' heures faudra-t-il encore marcher avant d' étancher sa soif... Le leader, qui a la difficile tâche de coordonner entre eux les divers itinéraires, trouve les traces qui vont nous mener à ce fameux puits. Laissant à regret de côté le sentier qui mène aux falaises du Devenson dont le parcours est décrit dans notre guide comme l' un des plus admirables panoramas de Provence, nous bifurquons et commençons à descendre. L' hori s' est élargi, des collines dénudées s' étendent au loin. Ce qui nous frappe le plus dans cette région est l' absence d' habitations et d' animaux. On se croirait en pleine brousse, alors que la grande ville de Marseille est à quelques heures seulement.

Nous rejoignons la zone des pins; de nouveau, dans l' air, passe cette senteur de bois très sec. Nous croisons un chemin et voici qu' apparaît dans une clairière le puits tant désiré. Nous courons vers l' orifice. Tout au fond, l' eau miroite doucement, mais l' odeur qui s' en dégage n' a rien d' appétissant. C' est de l' eau sulfureuse et chacun connaît son parfum particulier! Aujourd'hui, nous ne faisons pas les difficiles. Le primus est sorti, deux litres de thé sont préparés en un tournemain et absorbés encore plus vite. Le goût âcre a presque disparu, c' est un vrai nectar pour nos gosiers desséchés... Les abords du puits offrent un excellent emplacement pour un camp, mais la faim nous tenaille et nous décidons de continuer jusqu' à la calanque de Port-Pin où se trouve un restaurant. Remettant au dos nos inséparables sacs, nous repartons pour la dernière étape. Le chemin nous amène dans le vallon d' En, lieu plein de promesses, dont les récits de Madame d' Albertas nous ont fait pressentir la beauté. Notre impatience est grande de voir de près ces fameuses pointes et escalades, mais comme la calanque d' En est inhabitée, nous préférons aller ce soir à Port-Pin. En ce moment, les préoccupations matérielles priment sur tout le reste.

Un quart d' heure avant d' arriver au bord de la mer, nous bifurquons et remontons un pierrier raide où le soleil darde ses derniers rayons. C' est le coup de grâce et plusieurs arrêts sont nécessaires pour en venir à bout... Une fraîche brise nous accueille au col et, sans tarder, nous descendons le chemin ombragé en direction de Port-Pin. Plusieurs tentes apparaissent sous le couvert des arbres, la calanque n' est pas loin. Enfin, la voici, au débouché de la forêt, animée et joyeuse. C' est la calanque la plus peuplée que nous ayons vue! Le contraste est frappant pour nous qui venons d' une région escarpée et désertique. Impression bien connue que donne l' arrivée dans une station bruyante, au retour d' une grande course...

Notre premier objectif est le bar-restaurant, où toute la gamme des boissons y passe. Il semble que l'on n' arrivera jamais à étancher cette grande soif! Tandis que le repas s' apprête, nous partons à la recherche d' un emplacement de camping. Il ne faut pas être trop difficile, la plupart des tentes sont posées sur des terrains inclinés, couverts de cailloux. Nous réussissons à trouver une petite plate-forme, avec vue sur la calanque et pas trop loin du restaurant. Et voilà la récompense de nos efforts, un bon dîner à la française, bien arrosé; c' est le premier repas substantiel absorbé depuis quatre jours... Nous nous sentons extraordinairement heureux d' avoir réussi la traversée complète depuis Marseille, car la Société des Excursionnistes nous avait déconseillé le parcours Morgiou-Port-Pin. Le soir, nous errons sur le promontoire qui sépare les calanques de Port-Pin et Port-Miou. Les campeurs sont très nombreux dans cet emplacement idéal, sous les pins. Des feux de camp éclairent la nuit. La mer vient frapper avec un bruit sourd le pied des grandes falaises qui donnent sur Port-Miou. Nous réalisons mieux ce soir la joie de vivre en plein air, absolument libres et loin des attaches de la vie civilisée,..

La calanque d' En Après un jour de repos à Port-Pin, nous partons explorer la calanque d' En, en reprenant le chemin suivi l' avant. Quel plaisir de marcher dans la fraîcheur matinale, muni d' un petit sac! Il nous semble avoir des ailes... Nous regardons avec curiosité autour de nous. Le vallon d' En, très étroit, est bordé de chaque côté de parois et de pointes élancées qui paraissent assez difficiles. Un dernier contour du chemin et toute la calanque nous est révélée d' un coup d' œil. L' eau clapote entre les berges escarpées et s' en vient presque baigner le pied de la Petite Aiguille. La calanque d' En est plus vaste que les précédentes, plus sauvage aussi. Nulle habitation ne vient déparer sa beauté et il doit être délicieux d' y camper, à condition d' avoir des provisions et de l' eau douce en suffisance. Aujourd'hui, dimanche, une joyeuse jeunesse l' anime, qui se livre aux plaisirs du camping, de la natation ou de l' escalade.

Notre premier objectif est la Petite Aiguille, décrite dans notre guide comme un véritable banc d' essai: corniche, cheminée, terrasse, rétablissement, surplomb, tout s' y trouve pour le plus grand intérêt des grimpeurs. Les espadrilles et la corde mises, nous nous élançons à l' assaut. Tout de suite, l' attention des jeunes Marseillais présents est attirée vers nous, car la règle dans les calanques est de faire l' escalade sans assurage. Les cordes ne sont utilisées que pour les descentes en rappel. La grimpée par le versant face à la route est intéressante et non dépourvue de difficultés. Deux Marseillais qui nous ont repérés comme étrangers au pays nous proposent de nous mener à la Grande Aiguille dans l' après. Entre temps, nous nous ébattons dans l' eau fraîche de la calanque, puis, après un léger pique-nique, nous remontons avec nos compagnons le vallon de 400 mètres. La Grande Aiguille se dresse à notre droite, élancée et lisse. Un premier itinéraire, facile, nous amène au sommet, par le côté opposé à la route. Descente par le classique rappel et remontée par la voie Paillon, réputée excellente pour l' entraînement aux petites prises. Les grimpeurs marseillais ont vraiment de la chance d' avoir des escalades si intéressantes près de leur ville, sans marches d' approche fastidieuses.

Il serait trop long d' énumérer toutes les varappes pouvant se faire depuis En-Vau. Il y en a quantité, depuis le facile au très difficile. Pour avoir une vue d' ensemble de la calanque, nous grimpons au Belvédère, par un pierrier raide et croulant. Cela en vaut la peine, le coup d' œil est unique et surprend même les plus accoutumés au vide. Le Belvédère domine d' un côté la calanque d' En, toute bleue entre les rochers, de l' autre la calanque de l' Oule. Sous nos pieds, trois cents mètres de parois à pic plongent dans les flots scintillants. Nous nous penchons, fascinés par ces abîmes d' eau. C' est grandiose. Avec peine, nous nous arrachons à la contemplation de ces lieux sauvages, mais il faut songer au retour. Dégringolant le pierrier, nous retournons sur la petite plage d' En et, par un nouvel itinéraire qui part des rochers escarpés au bord de l' eau, nous regagnons Port-Pin, juste à temps pour nous baigner avant le souper. Le lendemain matin, le camp est levé. A regret, nous quittons les belles calanques, pour continuer la randonnée vers Cassis, le pittoresque port de pêche.

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