Euphraises, Erines et Véroniques
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Euphraises, Erines et Véroniques

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Avec 2 dessinsPar Sam. Aubert

Euphraise! le mot rime avec fraise, mais c' est la seule parenté qui existe entre ces deux groupes de plantes; la fraise appartient aux Rosacées, tandis que les Euphraises font partie des Scrophulariacées, cette importante famille qui comprend de très nombreuses espèces, comme les Pédiculaires, Linaires, Véroniques, etc.

Le genre Euphraise réunit, chez nous, des espèces toutes caractérisées par une corolle à deux lèvres, avec gorge ouverte; la supérieure un peu en casque; l' inférieure à deux ou trois divisions. Ce sont pour la plupart de petites plantes dont plusieurs se cantonnent humblement à l' intérieur des gazons et que, sauf à l' instant de la floraison, l'on ne distingue qu' avec peine. Les unes sont montagnardes et alpines, d' autres au contraire, tiennent fidélité aux sols arides du plateau, des basses vallées, ainsi qu' aux champs moissonnés.

Nos Euphraises fleurissent en général vers la fin de l' été sitôt les foins, regains, moissons récoltés et apparaissent, taches blanches-bleuâtres au sein des gazons ou des chaumes. Tout comme les Colchiques qui teintent de mauve les prairies, elles annoncent l' automne et à la Vallée de Joux, ailleurs peut-être aussi, on les appelle automnettes, soit petites fleurs de l' automne. Le terme n' est pas charmant! Elles ont aussi reçu le nom de Casselunettes, parce que tiges et fleurs préparées en infusion, constituent un remède souverain contre les maladies des yeux.

Parmi les espèces montagnardes, la plus jolie comme la plus minuscule est certainement l' E naine ( Euphrasia minima ). On ne saurait voir sur les pâturages des Alpes ou du Jura végétal plus gracieux, plus digne d' admiration en la saison où la plupart de ceux qui plus tôt ont fait leur gloire, sont défleuris. La tige n' atteint que quelques centimètres et porte de nombreuses fleurs bien petites, à corolle minusculissime, de couleur orange souvent bleue.

Et le touriste, celui qui sait se servir de ses yeux, distinguera toujours d' un regard admiratif cette plante miniature qui fait figure de joyau précieux. La cueillir, l' emporter, en faire un bouquet, il n' y songera pas, car elle est une perle que l'on n' ose pas sortir de son écrin. Avide de lumière, notre petite Euphraise se comporte comme la plupart de ses congénères de la montagne, en ce sens qu' elle s' élève souvent très haut sur les pentes ensoleillées, jusqu' à 3000 m. dans le Valais. Donc, elle fait partie du contingent de celles que l' alpiniste rencontre sur le chemin des cimes et qu' il salue du regard tout en s' agrippant aux mottes du terrain, aux rocs qui le jalonnent.

L' Euphraise jaune, par contre, ne veut rien savoir de la haute montagne. Assez haute de tige, de 15 à 40 cm., 50 même, elle est une fidèle habitante de ces collines arides, telles qu' on en voit tant sur les flancs de la vallée du Rhône et de ses tributaires. Fièrement campée au milieu du gazon rare, élevant ses tiges chargées de fleurs d' un beau jaune vif, elle a belle prestance et fait preuve d' une extrême résistance aux rayons brûlants du soleil auxquels elle est exposée jour après jour. Le touriste qui s' aventure en de tels lieux la remarquera-t-il et lui jettera-t-il le coup d' œil admiratif auquel elle a droit? Peut-être pas, car si la chaleur l' accable, il n' aura d' autre pensée que d' arriver le plus tôt possible à la forêt prochaine où l' ombre l' attend.

L' Irlande s' appelle aussi l' île d' Erin. Y aurait-il quelque rapprochement à faire entre ce nom d' Erin et celui d' Erine ( Erinus alpinus ) donné à une plante de la même famille que les précédentes? Peu probable, car notre Erine, dite des Alpes, affectionne les lieux ensoleillés, secs, chauds tandis que l' Irlande est un pays de brumes, à l' atmosphère constamment humide, ne convenant pas aux plantes vouées aux stations sèches. Aussi, l' Irlande et sa voisine, la Grande-Bretagne, l' Erme les évite.

Toute de rouge fleurie, mais un peu sombre, l' Erine ne saurait nulle part passer inaperçue, tant elle multiplie et étale ses nombreuses tiges dont toutes donnent naissance à des fleurs. Au Jura, que n' en voit-on pas de ces pentes rocailleuses ou ébouleuses, de ces routes de montagne aux talus pier-railleux! Voilà où l' Erine élit volontiers domicile, et en la saison d' été ces diverses stations se constellent de la multitude de ses fleurs qui sur un champ de pierres tissent un tapis rouge. Aussi le coup d' œil est de toute beauté.

Enracinée dans les fissures de la rocaille, on se demande de quoi la plante peut bien vivre et d' où elle tire l' eau indispensable à son existence. Les fentes, si petites soient-elles, contiennent toujours un peu de terre fine, maintenue humide par l' eau qui filtre d' en haut ou qui par capillarité s' élève de la profondeur. Ce peu lui suffit et l' autorise à construire, avec l' aide du gaz carbonique extrait de l' air, un organisme compliqué et d' une riche coloration. On n' admire jamais assez la puissance de la Nature qui d' un sol en apparence ingrat, stérile, sait édifier des êtres d' une beauté remarquable. Chose curieuse que les botanistes s' efforcent d' ex, l' Erine est assez inégalement répandue dans le Jura. Tandis qu' à la Vallée de Joux et plus au sud elle est très commune, dans la con- Euphraise trée de Sainte-Croix, soit à une distance d' une trentaine de kilomètres, elle est plutôt rare.

Les Véroniques! Ah! mais nous dira-t-on, ce sont des plantes banales, archicom-munes dans le bas pays et dont plusieurs font partie du contingent des « sarclons », soit des mauvaises herbes qui pullulent dans les cultures et que l'on s' efforce d' en par le sarclage. D' ac, mais le genre Véronique comprend d' autres espèces, hôtes de la moyenne et haute montagne et qui sont dignes d' attention. Citons entre autres, la Véronique des Alpes ( V. alpina ), la Véronique des ro- chers ( V. saxatilis Scop. = V.

Erine ( Erinus alpinus ) fruticans Jacq. ) dont les fleurs d' un bleu profond émaillent les hauts gazons et les rocailles des Alpes, ainsi que certaines stations du Jura. Fleurs charmantes dont la beauté s' allie harmonieusement à celle de leurs compagnes, Trèfle des Alpes, Pensée, Saxifrages, Orchis vanille, etc., ces joyaux de la prairie alpine.

La Véronique fruticuleuse ( V. fruticulosa ), aux tiges sous-ligneuses, hante non seulement les Alpes, mais encore les lieux pierreux du haut Jura méridional, d' où elle s' est avancée jusqu' à la Vallée de Joux. Sa corolle est rose, aussi elle manque de l' éclat de ses sœurs que la Nature a parées d' azur; néanmoins, le charme ne lui fait pas défaut et quiconque la remarque s' en convainc incontinent.

La plus majestueuse de nos Véroniques est certainement la Véronique en épi ( V. spicata ). A l' encontre de ses sœurs qui sont plutôt rampantes, elle dresse fièrement sa tige au-dessus des gazons maigres, qui se termine par un épi formé des fleurs densément rapprochées. Elle n' habite pas la haute Alpe, mais bien les collines, les combes arides des régions plus basses. Pour l' admirer dans une abondance peu commune et dans son altière prestance, c' est au vallon des Amburnex ( ouest du Marchairuz ) qu' il faut aller. Par endroits, on l' observe en rangs serrés. Sa floraison succède à celle du Daphné cneorum, hôte bien connu des lieux séchards des Amburnex. En parcourant certains endroits de ces Amburnex, où foisonnent Véronique, Daphné et d' autres plantes xérophiles, on ne peut s' empêcher de songer à la steppe de l' Europe orientale et de l' Asie centrale, dont ils rappellent peut-être divers aspects.

Euphraises, Erine, Véroniques, toutes plantes de notre pays suisse que le touriste rencontre un peu partout dans ses excursions. Elles n' appartiennent pas au contingent des espèces rares ou rarissimes auxquelles tant de gens font la chasse, simplement pour le plaisir qu' ils éprouvent de les posséder. Non! si elles sont relativement communes, elles sont néanmoins charmantes et celui qui sait voir aura toujours de la joie à les rencontrer et les saluer d' un regard admiratif; mais toujours il les respectera, car dès que l'on commence à cueillir, on court grand risque de commettre sacrilège.

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