«Haute Route» jurassienne
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«Haute Route» jurassienne

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PAR WALTER ZEUGIN, MONTFAUCON ( BERNE )

Dans la compétition touristique, le Jura n' est certes pas au premier rang des concurrents. N' of ni hautes cimes ni neiges éternelles, il reste ignoré de la grande masse des touristes étrangers. Les anciens manuels de géographie le présentent comme une chaîne calcaire pauvre en eau, recouverte de pâturages et de forêts de sapins et relativement peu fréquentée. A vrai dire, les choses ont bien changé durant les dernières décennies, mais le Jura, tout en s' ouvrant au progrès, a gardé sa virginité originelle. Les promeneurs épris de simplicité et de solitude aiment ses vastes horizons baignés d' un calme qui se fait de plus en plus rare aujourd'hui. Ils trouvent là un coin de pays resté fidèle à lui-même, en marge de la grande industrie du tourisme. Sur les hauteurs solitaires du Jura, c' est la vie paisible d' une époque révolue qui se perpétue.

Vu du Moyen-Pays, le Jura offre l' aspect d' une ligne bleuâtre, ondoyante. Tantôt recouvert de forêts, tantôt dénudé, il est parfois coupé de cluses ou couronné de bastions rocheux. Cette chaîne de bourrelets montagneux s' allonge de Genève jusqu' à Bâle.

A l' horizon d' un verdoyant pays Peint d' un bleu délicat par le divin artiste, En nos cœurs tu éveilles le délicieux désir De flâner par monts et par vaux.

Sur tes hauteurs cheminent de blanchâtres nuées Messagères de pays lointains et bienheureux.

Quel merveilleux coup d' œil! Encore un peu, je croirais presque Que Dieu lui-même là-haut s' est arrêté.

Tu parais si léger, de loin si nostalgique...

Je ne trouve les mots, comment, comment te dire...?

Montagne douce et bleue qui au loin me fait signe, O combien j' aimerais voler vers tes nuages Et vers ton divin Hôte, mon Seigneur et mon frère!

Ce n' est pas à tort que cet Hymne au Jura d' Emile Schibli promet au voyageur les plus intenses satisfactions.

Courant parallèlement à la chaîne des Alpes, le Jura est riche en points de vue magnifiquement situés. A l' ouest, la Dôle, le Mont Tendre, la Dent de Vaulion et le Suchet dominent les mamelons environnants. En remontant vers l' est, on rencontre successivement le Chasseron, la Tête-de-Ran, le Chasserai, puis les Grenchenberge, la Hasenmatt, le Weissenstein avec la Rötiflue, le Belchen, la Geissflue et la Wasserflue, et enfin les Lägeren. De tous ces observatoires, le promeneur domine le pays loin à la ronde. Côté sud, ses regards portent jusqu' aux Alpes. Se tournant vers l' est ou l' ouest, il voit les longues crêtes de la chaîne du Jura se perdre dans les vapeurs de l' horizon. Le coup d' œil sur les Vosges et la Forêt Noire, direction nord, éveille la nostalgie des pays lointains que l'on éprouve toujours au sommet d' une montagne située à proximité de nos frontières.

Mais il n' y a pas que les belvédères et les précipices pour nous faire découvrir le vrai visage du Jura. On y rencontre aussi des paysages tout imprégnés de délicatesse et de sauvage beauté. D' im rivières, telles l' Areuse, la Suze, la Birse et d' autres encore, coupent la chaîne de profondes cluses au fond desquelles elles se ruent en mugissant, avec toute la fougue de jeunes animaux sauvages. A l' extrême pointe est du Jura, près de Neuhausen, le Rhin s' est taillé un passage au travers de ses calcaires, formant les plus imposantes chutes que l'on trouve en Europe: sur une largeur de 150 mètres, le fleuve se déverse entre de gigantesques blocs de rocher, d' une hauteur de 21 mètres. On fait remonter à quelque 6000 ans la formation de cette brèche, la plus vaste de toute la chaîne jurassique. Un hôte étrange venu de la plaine, le Doubs, baigne la contrée fertile du Clos-du-Doubs. Mais c' est au cœur des Franches-Montagnes que l'on trouve le plus pur joyau du Jura, l' étang de la Gruère, serti de prés verdoyants et d' arbres séculaires. A quelque distance, deux autres perles reposent, elles aussi, dans un écrin de verdure: l' étang de Piain de Saigne et celui des Royes. Plus au sud, là où la chaîne du Jura atteint ses plus hautes altitudes, s' allonge le lac de Joux dont les eaux reflètent de ténébreuses forêts de sapins.

Si l'on nous demande quelle est la région la plus typique du Jura, nous désignerons sans hésiter celle des Franches-Montagnes. C' est un coin de pays d' une envoûtante beauté, et qui n' a nulle part sa réplique en Suisse. Le climat y est rude, mais c' est à peine si l'on y connaît le brouillard. Un royaume de pâturages et de sapins, quelque peu étrange avec ses maisons blanches qui paraissent accroupies sur le sol. Partout résonne le carillon des grands troupeaux de vaches. Des bandes de chevaux, jeunes et vieux mêlés ensemble, errent au travers des vastes pâturages.

Le Jura offre à l' automobiliste de bonnes routes qui servent, au premier chef, à relier entre elles ses vallées, mais qui permettent aussi d' accéder aux sites intéressants. Les plus connues sont le Col du Marchairuz, le Col du Mollendruz, la Vue-des-Alpes, le défilé des Rangiers, le Passwang, le Haut et le Bas-Haùenstein, la Staffelegg et le Bözberg. Si l'on prend la route de la « Corniche du Jura », qui longe l' étroite arête reliant les Rangiers à St-Brais, on jouit d' une vue magnifique: d' un côté se succèdent les combes et les pentes sud du Jura, tandis que de l' autre, le regard plonge vers la profonde vallée du Doubs.

Il y aurait encore beaucoup à dire du Jura, par exemple de ses centres industriels prospères, spécialisés dans la mécanique de précision et l' horlogerie. On pourrait aussi parler de ses lignes ferroviaires qui relient au monde des régions autrefois très reculées. Nous nous en tiendrons cependant à ce que le Jura nous réserve de meilleur: aux plaisirs de la marche. Et dans le vaste réseau de chemins qu' il offre aux promeneurs, et d' où les dangers et le vacarme des grandes routes restent bannis, nous choisirons la « Haute Route », celle qui longe les arêtes et nous conduit d' un point de vue à l' autre. Ici, pas besoin de crampons ou de pitons: le goût des longues randonnées suffit, allié à l' amour de la nature sauvage. Je vais essayer de vous décrire ce long itinéraire qui nous conduit, par les hauts, de Zurich à Genève, et je dirai au passage quelques mots de ses multiples embranchements ou variantes.

Mais, avant de partir, un mot tout de même à l' adresse des varappeurs. En marge des chemins battus, le Jura, avec ses gorges et ses arêtes, offre aux grimpeurs des possibilités que beaucoup ignorent. Nous nous bornerons à mentionner ici deux arêtes qui présentent toutes les ressources des vraies montagnes à varappe. Il s' agit d' une part de l' arête ouest du Mont Raimeux, longue d' en 2 km avec une dénivellation de près de 600 mètres. Admettons qu' à première vue, cela ne nous en impose guère; et pourtant cette crête nous réserve quelque 25 obstacles, dont certains font appel aux plus hautes capacités techniques - le mot n' est pas trop fort - et dont le degré de difficulté excède parfois celui d' itinéraires célèbres dans les Hautes Alpes. L' arête du Raimeux exige d' un varappeur -en dépit du fait qu' elle n' est pas vraiment exposée - une somme d' efforts plus considérable que le Cervin par l' arête du Hörnli.

Moins imposante peut-être, mais aussi moins longue et moins exposée est la descente des So-mètres qui nous conduit des Franches-Montagnes aux rives du Doubs. Cette arête est relativement peu fréquentée, ce qui lui vaut la préférence de tous ceux qui aiment varapper en solitaires. Ajoutons que le coup d' œil sur le Doubs, qui coule quelque 600 mètres plus bas, et au-delà, sur la France, est un spectacle unique.

Une course dans le Jura n' a rien de comparable à une excursion alpine. Il est assez facile d' at n' importe lequel de ses sommets, car de tous les côtés le train, la poste ou la route vous amènent à votre point de départ. Mais une fois sur la montagne, vous pouvez y marcher des jours durant sans redescendre en plaine.

Le principal itinéraire qui permet de longer, par les hauts, toute la chaîne du Jura part de Dielsdorf, non loin de l' aérodrome de Kloten. Il est indiqué par les couleurs rouge et jaune. Il nous conduit tout d' abord à la petite cité médiévale de Regensberg puis, en suivant la crête des Lägern, jusqu' à Baden. De là il remonte à la Baldegg et se poursuit en direction de Brugg en passant par le Gebensdorferhorn, d' où le coup d' œil sur le confluent de l' Aar, de la Reuss et de la Limmat est unique. Plus loin, le regard va du Bözberg au château de Habsburg et la Gisliflue, avant de plonger vers la vallée de l' Aar. Nous traversons ensuite l' antique cité de Brugg, franchissons l' Aar et remontons le Bruggerwald en direction du Col du Bözberg, non loin de Neustalden. Saluons au passage le vénérable tilleul de Linn qui se dresse sur le Linnerberg. Nous atteignons bientôt le Col de la Staffelegg, une très ancienne voie de communication qui relie Aarau à Frick. Connaissez-vous les hauteurs du Fricktal? Trois tronçons de chemin, marqués eux aussi, s' écartent de notre itinéraire pour nous faire redescendre vers les paisibles vallées du nord de la Suisse, après avoir traversé les plateaux du Jura tabulaire. Les bourgades de Laufenburg et de Rheinfelden, toutes deux riches de souvenirs historiques, méritent que nous nous écartions un instant de notre route. Du haut de la Mumpferflue, le voyageur découvre la vallée du Rhin et la Forêt Noire. Mais continuons en direction du Herzberg et de son « Centre d' éducation pour adultes ».

Par la Wasserflue, la Geissflue et la Schafmatt, nous parvenons enfin au sanatorium de Frohburg, situé non loin des ruines du château des comtes de Frohburg. Nous sommes dans la région du Bas-Hauenstein, et deux heures de marche nous suffisent pour atteindre le sommet de la Belchenflue. Au nord s' étend le sympathique Oberland bâlois avec ses terrasses plantées d' arbres fruitiers, tandis qu' en direction du sud le regard balaie le Plateau et les Préalpes jusqu' aux Hautes Alpes. Nous faisons maintenant connaissance avec les hauts du canton de Soleure: partout, ce ne sont que grasses prairies où s' éparpillent d' opulents troupeaux de bovidés. Des cinq chaînes parallèles que compte le Jura soleurois, la plus méridionale est celle du Weissenstein avec la Rötiflue. Quel magnifique panorama nous y attend! A nos pieds, la vaste étendue du Plateau. Au loin, la toile de fond des Alpes, du Säntis jusqu' au Mont Blanc. Laissant derrière nous la Hasenmatt, les Grenchen- berge et la Montagne de Romont, nous débouchons sur la vallée de la Suze, au confluent de la cluse de Rondchâtel et de la gorge du Taubenloch. Puis nous remontons vers le sommet du Chasserai qui nous offre, en direction du sud cette fois, un panorama qui ne le cède en rien à celui du Weissenstein. Pour le touriste qui parcourt le Jura de bout en bout, c' est une surprise sans cesse renouvelée - et combien agréableque ce perpétuel changement de paysage. Notre randonnée se poursuit vers la Vue-des-Alpes et le d' Amin, d' où nous parvenons aux confins du Jura vaudois. Mais nous pouvons aussi, du Chasserai, obliquer vers le Chaumont et redescendre sur la belle cité de Neuchâtel où nous nous reposerons, au bord de son aimable lac, des fatigues du chemin. Nous traverserons alors la vaste forêt de Boudry pour reprendre notre itinéraire et gagner le grandiose cirque de rochers du Creux-du-Van. Le chemin des cimes se poursuit par le Chasseron en direction de Ste-Croix et du Col de l' Aiguillon - une contrée des plus variées et riche d' imprévus - d' où nous gravissons le Suchet avant de retomber sur Vallorbe.

Laissant sur notre droite le lac de Joux, nous gravissons ensuite le Mont Tendre - encore un point de vue qui vaut bien les peines de la montée. Quelques heures de marche au travers de pâturages presque déserts, coupés de bosquets et de bois de sapins, nous amènent à St-Cergue. De là, le chemin monte raide jusqu' au sommet de la Dôle, un des plus hauts du Jura, d' où nous pouvons contempler le Mont Blanc au sud, et le Jura français, au couchant. C' est à Crassier enfin, non loin de Genève, que se termine la « Haute Route » jurassienne.

Revenons en arrière pour en mentionner brièvement quelques variantes. Du Chasserai, un embranchement du chemin descend sur le Vallon de St-Imier, d' où nous remontons en direction des Franches-Montagnes. C' est là, parmi ces pâturages et ces bouquets de sapins, qu' il fait bon flâner, oublieux des soucis du train-train quotidienMais nous voilà à nouveau dans le nord du Jura, à quelque distance de Bàie. Si nous obliquons vers le sud, nous franchissons le Passwang d' où nous découvrons de vastes horizons; à la hauteur de la Belchenflue, nous retrouvons notre itinéraire de l' aller. Un autre embranchement de la « Haute Route » part de Liestal, traverse le Jura tabulaire du canton de Bâle pour aboutir également à la Belchenflue. Par les hauts du Passwang et des Hohen Winde, nous atteignons la petite ville jurassienne de Delémont, vieille de dix siècles. Un chemin, balisé également, nous amène en quelque trois heures au site historique des Rangiers avec sa célèbre sentinelle.

Si vous aimez la marche, laissez-vous tenter par le Jura, par sa solitude et son calme.Vous y serez bercés par l' harmonie de ses rochers et de ses prairies, de ses bois et de ses lacs, de ses gens et de ses bêtes. Puissent votre cœur et votre âme s' enrichir au contact des sauvages beautés de cette chaîne de montagnes encore si mal connueTrad, de l' allemand R. Durussel

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