La vipère
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La vipère

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Avec 1 illustration ( 77Par R.P. Bille

Tu avances sans effort, on ne sait trop par quel miracle! Tu n' avances pas, mais coules parmi les ronces et les cailloux comme un filet d' eau grise... A peine l'on aperçoit ton dos tigré que déjà tu disparais au fond de quelque retraite. Partout les gens te craignent et te lancent des pierres, car personne ne sait voir ta splendeur. Celui qui ne craint pas de t' observer au naturel cependant goûtera plus d' un rare spectacle! Malheur à l' imprudent mulot qui passe à ta portée! Lovée près de son trou, tu te détends comme un ressort et frappes, tel un déclic, pour revenir à ton point de départ. Mais déjà le mulot se couche sur le flanc, déjà il agite ses petites pattes et bientôt ton puissant venin a fait son œuvre. Alors l' œil fixe et féroce, la narine dilatée, tu te rapproches de ta victime, la saisis par la tête et par lentes contractions musculaires la fais disparaître toute entière dans ton corps qui se gonfle à son passage. Puis repue, tu somnoles de longues heures au soleil...

Ah! ta rencontre fait toujours ma joie! A l' écart des bruits et des vaines agitations humaines, dans ces endroits retirés où nul ne s' aventure, parmi les herbes sèches et les framboises, les pierriers et les troncs morts, nous échangeons de silencieux saluts. Ta mince prunelle cernée d' or et de bronze regarde fixement les alentours. Parfois, baillant à la lumière, tu découvres, l' espace d' un éclair, tes terribles crochets; nous nous observons pendant des heures et mon ombre ne te rassure guère... Pourtant tu as toute ma sympathie: j' admire la souplesse de ton corps et cette curieuse, façon de progresser sur le terrain sans peine apparente, j' admire les beaux dessins de ton dos, la coloration toujours variée de tes écailles. Car tu es tantôt grise, tantôt noirâtre, tantôt cuivrée ou rousse encore selon le milieu de nos rencontres. Jamais tout à fait la même, un simple coup d' œil me suffit cependant à te reconnaître. Ta queue obtuse, ton museau relevé font déjà pressentir ton redoutable venin. Mais malgré tes allures menaçantes, tu restes pour moi inoffensive: loin du monde, loin des hommes, n' avons pas depuis longtemps conclu ensemble un pacte d' amitié?

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