L'arête sud-ouest du Fou par l'Aiguille de Lépiney
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L'arête sud-ouest du Fou par l'Aiguille de Lépiney

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Claude Remy et René Paillard, OJ Vallorbe Lorsqu' on a l' intention de gravir l' une des plus belles arêtes des Aiguilles de Chamonix, c'est-à-dire l' arête sud-ouest du Fou, on hésite pourtant un instant, car, malgré son altitude relativement modeste ( 3501 m ), son approche est impressionnante. C' est, en fait, une magnifique escalade qui débute au refuge de Y Envers. Elle comporte plusieurs éléments: le Couloir du Fou, course glaciaire déjà en elle-même; la face est de l' Aiguille de Lépiney; le Col du Fou et l' escalade de son arête. Au retour, c' est le passage sous les Ciseaux et les Aiguilles de Blaitière, puis la descente de la Bregeault ou du Spencer pour aboutir au Glacier des Nantillons. Longue course évidemment, mais qui a déjà été faite en une journée.

Sous un ciel chargé de nuages, nous quittons la Mer de Glace et, par les échelles qui facilitent heureusement la route, nous passons sous l' imposante 1 Première de la face est de Lépiney ( 3429 m ): M. Bron et E. Gauchat, 6 septembre 1953. Première de l' arête sud-ouest du Fou ( 3501 m ): F. Allain et R. Latour, août 1933.

face du Grépon et atteignons le solide refuge de l' Envers. Un brouillard peu engageant recouvre tout le cirque environnant. Nous sommes accueillis d' une manière très sympathique par le gardien qui n' a pas oublié le chocolat suisse apporté lors d' un précédent passage et qu' au nous avons totalement oublié. Nous passons en sa compagnie une agréable soirée en échangeant moult propos: une tentative hivernale, véritable folie, à la face sud du Fou ainsi que le bivouac de Japs au Grépon; l' abondance actuelle de la neige qui a interdit toute course importante dans le massif jusqu' à ce moment, soit le début de juillet.

A 2 heures, le réveil nous tire de notre sommeil. Nous jetons un coup d' œil à l' extérieur: tout est bouché. A 6 heures, nous sortons du refuge et, ô miracle, nous voyons un ciel uniformément bleu. Immédiatement, nous prenons la décision de nous mettre en route malgré l' heure tardive, la chaleur déjà forte et les mauvaises dispositions de l' alti. Bousculade à l' intérieur du refuge; quelques rapides préparatifs et c' est le départ.

Sur le glacier, nous avançons lentement, enfonçant dans la neige jusqu' à mi jambes, car le soleil tape déjà dur. Nous dépassons le bas de l' arête sud-est de Blaitière et, alors, tout se présente à nous: le couloir, heureusement dans l' ombre, et la face illuminée par le soleil.

Le matériel accroché au baudrier, j' aborde le couloir qui se redresse de plus en plus. La rimaye paraît méchante et me laisse songeur. Sur la gauche, je crois discerner un passage plus facile et j' aperçois un vieux clou. Je monte lentement, aide du piolet et du marteau-piolet. Une fois la rimaye passée, la suite du parcours paraît évidente: il faut suivre des toboggans creusés par de continuelles chutes de pierres et de glace.

Dans le couloir, nous avons d' excellentes conditions.

J' avertis mon camarade qu' il doit me rejoindre, et ma voix résonne étrangement dans la sorte d' entonnoir où nous nous trouvons. Grock - c' est le surnom de mon ami - s' élève rapidement et, dès qu' il est arrive, je repars en veillant à rester toujours dans la même direction générale. C' est enfin la rampe, vingt mètres avant la cheminée caractéristique signalée par l' addendum du Guide Vallot que j' ai soigneusement recopié. Je quitte le couloir et, sur le rocher, j' installe solidement un nouveau relais. Heureusement, car un très gros bloc de glace manque de peu de m' emporter. Un genou me fait mal et je crie à mon camarade de se « planquer ». Nous avons eu chaud et, pour nous remettre de notre émotion, nous nous accordons quelques instants de repos.

La rampe paraît très facile, mais elle est encombrée à tel point de neige et de glace qu' il me faut, dans ce passage de troisième ou de quatrième degré, avoir recours aux clous et me tenir à l' exté. En même temps, je fais descendre quelques blocs, ce qui ne me vaut pas que des compliments de la part de Grock place dans leur trajectoire. Après une courte montée sur une neige très dure et nécessitant l' emploi du piolet, je viens buter contre de belles dalles lisses présentant en leur milieu une fissure très redressée. Elles ne sont vraiment pas faciles et elles exigent la pose de plusieurs pitons que mon ami récupérera.

Parvenus sur une nouvelle plate-forme, nous contemplons un panorama extraordinaire, en particulier la face nord du Requin. Une petite vire à droite nous conduit dans un couloir facile et à une très belle montée en pleine dalle, du style Badile. Nous arrivons à un éperon couvert d' herbe et nous voyons clairement de là que notre itinéraire passe par la droite, dans une grosse cheminée qui raie toute la paroi. Tout semble donc devoir aller très vite. Erreur! car la neige et la glace sont abondantes. Mon camarade étant à l' abri, je peux dégager, à grands coups de piolet, la fissure de tout ce qui l' encombre. Cette opération me prend beaucoup de temps. Tout à coup, je constate que le brouillard nous enveloppe complètement et que je suis trempé jusqu' aux os. Je frissonne et endosse ma veste qui sera bientôt imbibée comme une éponge.

Soudain, le fracas impressionnant d' une grosse chute de pierres me fait sursauter. Nous nous cramponnons à nos prises, mon camarade et moi, non sans faire la remarque que cette course presque sans clous ( nous en aurons repéré quatre en tout ), mais avec cette eau qui dégouline de partout et qui nous inonde, prend un caractère « dingue » et aventureuxquenousn' avions pas prévu. Nous arrivons au bas d' une dalle où j' aperçois un ancien coin de bois dont nous devons nous méfier. Ce passage franchi, deux possibilités se présentent à nous: la plus logique semble être une cheminée dans laquelle je m' engage, mais à laquelle je dois renoncer bientôt en raison de la colonne de glace qui la remplit. Je repars par la droite, arrive à un piton garni de cordelettes et des dalles qui invitent à la descente. Je ne renonce pas pour autant et force la cheminée à l' aide de deux pitons pour arriver à une plate-forme on René me rejoint. Il semble que le dernier surplomb et les difficultés de la face aient mis tout en œuvre pour nous inonder, car c' est tout ruisselants que nous débouchons sur un névé bienvenu.

Deux longueurs de corde, plus faciles, et nous voici arrivés, avec la nuit, sous le sommet. C' est l' installation du bivouac sur une toute petite terrasse à l' abri du vent. Nous restons debout, accrochés à nos cordes, entourés de nos baudriers et toujours « trempés comme des soupes ». Nous passons là, dans la nuit, des heures interminables en attendant le lever du jour. Il ne fait pas trop froid l' isotherme zéro est à 3800 mètres — et, sur notre réchaud alimenté par une bonbonne neuve, nous préparons quelques litres de liquide chaud. Ce sera là toute notre nourriture de la nuit. Nous entendons pitonner dans la face sud-est de l' Ai de Blaitière: ce sont certainement des Anglais qui « bricolent ». A ce bruit s' ajoutent de sourds craquements produits par les mouvements incessants de l' eau, de la glace et des rochers. Fait étonnant, alors que tout semble figé autour de nous!

Une lueur rouge apparaît à l' horizon. Mais il n' est que trois heures et l' attente sera encore longue. Tout notre corps est crispé et le froid nous fait claquer des dents. Un nuage traîne sur l' Ai Verte et fait écran au lever du soleil. Je m' imagine muni d' un immense balai, en train de faire disparaître toutes les nuées. Enfin le soleil perce. Il est sept heures, et nous attendons que l' at se réchauffe un peu. Puis, mécaniquement, je gravis quelque vingt mètres, trouve un replat juste sous l' arête, m' y allonge et... m' as. Grock a fait de même.

Reposés par une petite heure de sommeil, nous reprenons l' ascension. Je rejoins l' arête aérienne et gagne le fameux rappel qu' il ne faut pas manquer, côté Envers. Il est magnifique, mais impressionnant et difficile. Tout en laissant un peu de peau sur le rocher, nous prenons pied sur une lame de rasoir, et je retrouve le piton d' assurage. Quelques pas franchis en véritables équilibristes nous amènent au Col du Fou, très enneigé pour la saison. C' est le second départ. J' indique à René quels sont les passages qui nous attendent, et lui, dont le moral est toujours excellent, s' en réjouit tout en trouvant l' endroit assez exceptionnel.

L' arête sud-ouest du Fou est réellement très belle. Son ascension constitue une suite classique de mouvements vraiment extraordinaires et sans cesse différents, avec de très bons relais. Elle est à nos yeux malheureusement trop courte! Nous passons rapidement toute une succession de fissures, de terrasses, de dièdres, de râteaux de chèvre, de cheminées et, hop! nous débouchons tout à coup sur le sommet, entre des blocs de rocher. Jetant un coup d' ceil autour de nous, nous ne voyons partout que des pentes vertigineuses.

Cependant nous n' avons pas le temps de nous attarder: le sommet ne constitue pour nous qu' un simple passage, et nous attaquons la descente. En raison de la neige, nous devons redoubler de prudence et, délicatement, nous gagnons la brèche du gendarme. Les cordelettes sont toujours là; un rappel nous dépose au bord d' une petite vire à l' extrémité de laquelle un second rappel nous fait descendre de quarante mètres. Corde tendue, nous passons sous les Ciseaux et devons monter à la brèche Blaitière-Ciseaux.

C' est une très fine traversée sur un parcours ourlé de neige qui nous conduit sous les Aiguilles de Blaitière. Encore quelques photos, les dernières. Je prends le sac et descends le premier pour arriver à la Bregeault qui est à l' ombre et enneigée. Je me tourne alors vers le couloir du Spencer qui semble en meilleures conditions. C' est bien le cas, et nous descendons sans crampons ni piolet. Les longueurs de corde se succèdent. Un saut à la rimaye et c' est le glacier. Nous en-

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