Notice sur la Carte de la Suisse
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Notice sur la Carte de la Suisse

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Par le Général G.H. Dufour.

Dès le commencement de ce siècle, divers essais de triangulation avaient été faits dans quelques cantons,en vue d' entreprises locales; on avait même songé à une Carte générale de la Suisse et fait plusieurs tentatives dans ce but. Ce n' est toutefois que depuis l' an 1833 que l'on s' est mis sérieusement à l' œuvre, et qu' on a donné une activité suffisante aux travaux qui devaient réaliser la grande Carte topographique et militaire antérieurement décrétée par la haute Diète fédérale.

Les ingénieurs français avaient déjà rattaché à leurs grandes chaînes de triangles l' observatoire de Berne et celui de Genève. Il fallait continuer leur œuvre et

* ) Mit Genehmigung des Herrn General Dufour aus den Mémoires de la Société de Géographie de Genève, tome deuxième, 1861, für das Jahrbuch abgedruckt, und vermehrt durch einige Notizen aus dem Rapport final de M. le général Dufour sur la Carte fédérale de la Suisse, 31. Dec. 1864. l' étendre sur la Suisse entière.

On l' avait déjà tenté; mais les signaux avaient disparu, les bornes qui devaient marquer les points relevés, ou n' avaient jamais été placées, ou n' existaient plus; il régnait sur la position précise de ces points une certaine incertitude qui ne permettait pas de les adopter sans vérification. Pour les mêmes raisons, et d' autres encore, on ne pouvait pas non plus se servir des triangulations partielles antérieurement exécutées. Il y aurait eu trop de difficulté à les raccorder entre elles. On n' en pouvait' tirer quelque parti que pour les déterminations de points secondaires. Enfin, il y avait des parties où jamais triangle n' avait été jeté; telle était par exemple la traversée des Alpes.

On se vit donc dans l' obligation de tout reprendre à nouveau et de conduire l' opération comme si rien n' avait été fait avant cette époque, depuis la mesure d' une base jusqu' au dernier triangle, pour ne laisser planer sur l' ensemble des résultats aucun sujet légitime de doute ou de méfiance. On voulait que l' œuvre fût à la hauteur de ce qui avait été fait de mieux dans les pays voisins, et pût servir à relier entre elles les grandes triangulations de France, d' Italie et du Tyrol.

Le quartier-maître de la Confédération dut, en cette qualité, diriger l' entreprise. Son premier soin fut de réunir sous sa présidence une commission de cinq membres pour arrêter la marche à suivre et aviser aux moyens d' exécution. Cette commission, composée d' un astronome, de deux ingénieur-géographes et de deux officiers supérieurs de l' Etat fédéral, se réunit pour la première fois en mars 1833. Elle décida en premier lieu, que la base qui avait été anciennement mesurée par le professeur Tralles dans la plaine d' Àar, serait vérifiée.

On ne pouvait pas compter suif sa parfaite exactitude, soit que les mesures dont on s' était servi ne fussent pas identiques avec les nôtres? soit que la réduction à la même température n' eût pas été fait avec assez de soin. On reconnaîtrait les an-? ciennes bornes de cette base, ou bien on en établirait de nouvelles, si cela était nécessaire; on nivellerait le terrain; on jetterait des ponts sur les nombreux fossés qui coupent la plaine; bref on ferait tous les travaux jugés indispensables pour que les ingénieurs ne fussent point arrêtés dans cette importante opération, de l' exac de laquelle devait dépendre celle de la triangulation tout entière et, par suite, celle de la Carte qu' on se proposait de dresser.

Pour plus de sûreté, et comme moyen de vérification, on arrêta encore de mesurer une seconde base dans la plaine du Sihlfeld, près de Zurich. On commencerait par celle-là, plus courte que l' autre, et sur un terrain plus abordable, pour former les ingénieurs et leurs aides à la manoeuvre et à l' usage des instruments.

On convint de prendre pour règles à mesurer des tubes de fer réunissant à la fois la rigidité à la légèreté. Ce métal était préférable au bois, quoique très-sensible aux variations de température, parceque la dilatation correspondante à chaque degré du thermomètre est parfaitement connue, et que la réduction nécessaire pour ramener les règles à une température uniforme, est très-facile et très-sûre. Ces règles, armées à leurs extrémités de cylindres d' acier trempé et poli, 3 MDvfour.

terminés par des portions sphériques, durent être de trois toises à la température de 13 degrés Réaumur, celle dite du Pérou étant prise pour unité. La construction en fut confiée à un mécanicien distingué, et le célèbre astronome Homer, qui avait accompagné Krusenstern dans son voyage de circum-navigation, fut chargé de leur vérification; ce qu' il fit avec les soins les plus scrupuleux. Pour éviter les chocs, ces règles, posées bout-à-bout, ne devaient point se toucher, mais laisser entre elles un petit intervalle. M, Horner s' ar à l' idée de mesurer cet intervalle au moyen d' un coin d' acier qu' on ferait descendre avec précaution entre les deux règles, et dont les divisions, tracées sur un de ses côtés, accuseraient des millièmes de lignes. Bu reste, les règles, renfermées dans des auges de bois et munies chacune de deux thermomètres, seraient portées par des chevalets solidement établis sur le sol et munis d' appareils à vis propres à donner, sans secousse, aux règles la hauteur et la direction convenables.

La projection de la Carte qu' adopta la Commission fut celle par développement, connue sous le nom de projection de Flamsted modifiée. Le centre en serait l' observatoire de Berne, quoique ce point fût bien plus rapproché de l' extrémité occidentale de la Suisse que de son extrémité orientale. Mais sa position était bien connue et il n' y avait pas d' observatoire plus central. D' ailleurs, l' altération qui en résulterait dans la position des points les plus éloignés irait à peine à 80 mètres, ce qui, à l' échelle adoptée pour la carte, ne donne qu' une longueur insignifiante. Cette échelle fut fixée au cent millième.

Elle fut jugée plus convenable pour un pays aussi accidenté que la Suisse, que celle du quatre-vingt millième adoptée pour la grande carte de France. Il n' y avait aucune raison d' adopter celle-ci, parceque les méridiens de là carte de Suisse s' inclinant en sens inverse de ceux de la carte de France, on ne pourrait pas opérer le raccordement qui, aux yeux de quelques personnes, paraissait désirable. La commission voulait rester dans les mesures décimales, et la Suisse n' avait pas une carte faite antérieurement qui, comme celle de Cassini, pût engager à conserver une échelle qui ne s' écartât pas trop de celle d' une ligne pour cent toises, ou du quatre-vingt-six mille quatre centième.

Le mètre fut adopté comme mesure linéaire, et la carte entière fut divisée en vingt-cinq feuilles: cinq en longueur, ou de l' est à l' ouest, et cinq en hauteur. Les feuilles auraient chacune Om,7O de longueur et 0 m,48 de hauteur, comprenant ainsi 33,6 décimètres carrés, lesquels représentent une superficie de dix mille hectares. Mais de cette étendue il n' y a guère que les deux tiers qui appartiennent à la Suisse, le reste est pays étranger. La forme découpée des frontières est cause que les feuilles du pourtour ne peuvent pas être plus remplies, et que, même celles des angles ne peuvent l' être que de renseignements utiles, il est vrai, à consulter, mais étrangers à la topographie.

Chaque feuille dut porter deux échelles, l' une purement métrique, l' autre en lieues suisses de 4800 mètres de longueur. Le cadre serait divisé en minutes sexagesi- 386Diifour.

maies et en minutes centésimales; ces dernières, subdivisées chacune en dix parties, fournissent l' avantage de donner des kilomètres dans le sens des méridiens; en sorte qu' on trouve sur les côtés de la feuilles de nouvelles échelles pour apprécier les distances.

Les levés topographiques ne pouvaient pas être faits à la même échelle dans les Hautes-Alpes, couvertes en grande partie de glaciers, et dans les parties que, relativement parlant, on peut appeler la plaine« La commission adopta l' échelle du vingt cinq millième pour la plaine, et l' échelle moitié, ou du cinquante millième, pour les hautes montagnes. Celle-ci parut bien suffisante pour des régions si fortement accidentées et si peu peuplées. Elle est encore double de celle des réductions destinées à la gravure. Les levés devaient rendre, aussi exactement que possible, non seulement les lieux habités quelle qu' en fût l' importance, les chemins et sentiers de toute nature, les cours d' eau grands et petits, mais encore la forme du terrain, si importante à saisir dans un pays tel que la Suisse. La méthode des courbes de niveau, quoique d' une application difficile dans les hautes montagnes, fut néanmoins prescrite, en adoptant l' équidistanee de 10 mètres pour les levés au vingt-cinq millième. Les points de départ de ces courbes seraient donnés par un nivellement géodésique fait avec le plus.grand soin; mais les altitudes, exprimées en mètres ne seraient inscrites sur les minutes et sur la carte qu' en nombres entiers les plus rapprochés des nombres fractionnaires donnés par le calcul. Une plus grande précision, dans ce genre d' indication, parut illusoire et sans utilité réelle. En fait de délimitations territoriales, on s' en tint à celles des cantons, jugeant peu nécessaire de faire figurer sur la carte celles des communes et même celles des districts ou arrondissements, limites quelquefois assez vagues et susceptibles de modifications.

On ne tint pas non plus à obtenir, avec une grande précision, les contours des forêts que les coupes et la mise en culture font varier d' année en année.

L' allemand étant, en Suisse, la langue officielle, il fut arrêté que les titres, les légendes explicatives, etc. etc., seraient en cette langue, mais écrits en caractères romains; et que, pour rendre la carte plus commode à consulter dans tous les cantons, les noms français, italiens et romans seraient conservés dans les parties où l'on ne parle pas l' allemand.

Le centre de la projection serait, avons-nous dit, l' observatoire de Bertie; Sa détermination astronomique était parfaitement arrêtée par un grand nombre d' ob directes, bien concordantes avec les renseignements puisés dans les registres du colonel Henri et envoyés par le directeur àvt dépôt de la guerre français. Les coordonnées de ce point sont:

longitude 5g 6700",00 = 5° 6' 10 latitude 52« 1685",2546° 57' 6.

On adopta aussi, pour azimuth de départ, celui du Chasserai sur l' horizon de Berne et du côté de l' ouest, égal à.

60? 8967",90 = 54° 48' 25.

« Je ne crois pas, dit M. le chef d' escadron Delcros, « dans sa correspondance, qu' il existe en Europe un « azimuth plus exact. »

Schweizer Alpenclub.«2

Disons encore que l' altitude du Chasserai, fixée à 1609 m,57 par les ingénieurs français, en partant.de-différents, points de leur grand réseau trigonométrique,. fut prise pour base des nivellements géodésiques.

Il existait dans, les archives fédérales quelques documents topographiques sur l' exactitude desquels on pouvait compter; c' étaient entre autres la carte de l' ancien evêché de Bâle par Buchwalder, celle de la principauté de Neuchâtel par Osterwald et celle de Soleure par Walker. La commission pensa que, moyennant quelques corrections rendues nécessaires par les changements survenus depuis leur puttlication, on pourrait s' en servir. Il n' y aurait, pensait-on, que les cotes de nivellement à y ajouter pour les assimiler au reste des levés. Il en fut de même pour des plans encore-manuscrits des cantons de Bâle-Ville, de Thurgovie, et d' Appenzell; on s' entendit avec leurs auteurs pour en avoir des copies. Le canton de Genève remit gratuitement au bureau fédéral des plans fort détaillés, qui venaient d' être levés à l' échelle du douze mille cinq centième et avec courbes équidistantes de quatre mètres. Quelques triangulations partielles de troisième ordre furent aussi jugées acceptables si l'on parvenait aisément à les rattacher à la triangulation primaire projetée.

Cette triangulation, partant de la base d' Aarberg devait s' étendre circulairement de l' est à l' ouest contournant les hautes sommités de nos Alpes et se portant, d' un côté jusqu' à Genève, où elle se lierait avec

Voy. la planche qui accompagne cette notice. la triangulation française, et de l' autre jusqu' au Monte Legnone et Pizzo Menone déterminés par les ingénieurs italiens.

Un rameau dirigé au sud, par la vallée du Rhône, relierait au tout le Valais et le Saint Gotthard. Il existait, dans cet embranchement, une petite base de vérification qui avait été primitivement mesurée près de Sion, et qui ne serait pas sans utilité pour la sûreté générale du travail.

Les opérations commencèrent dès cette année 1833, mais elles se réduisirent presque exclusivement à ré-lever les signaux abattus, à en construire de nouveaux, et à placer des bornes partout où il n' y en avait pas.

La grande base d' Aarberg ne fut mesurée que l' année suivante; réduite à la température de 13° R. et au niveau de la mer, elle s' est trouvée de 13053 m,74. Disons de suite que, pour en constater l' exactitude, les ingénieurs français l' ont, de leur côté, déterminée géodésiquement par un enchaînement de triangles partant d' Ensisheim en Alsace, et l' ont trouvée de 13053 m,78 par une première opération, et de 13053'",72 par une seconde. La mesure directe se trouvant entre ces deux nombres, à 0ni,04 de l' un en moins, et à 0 m,02 de l' autre en plus, on voit combien elle est exacte et quel degré de confiance elle mérite.

Il a fallu deux années pour franchir les Alpes et relier notre triangulation à celle de la Lombardie, et trois années pour la terminer. Les détails en ont été consignés dans un ouvrage ayant pour titre: Ergebnisse der trigonometrischen Vermessungen der Schweiz, rédigé par l' un des collaborateurs avec l' ap probation du quartier-maître de la Confédération, auto- risé lui-même par, le pouvoir exécutif d' alors.

C' est une description géométrique de la Suisse, faite à l' instar de celle de la France, mais qui a besoin d' être complétée et qui le sera plus tard, quand tout sera terminé. Nous nous contenterons d' en tirer quelques rapprochements qui donneront une idée du degré d' exactitude que les ingénieurs suisses ont mis à leurs opérations.

Le côté Faux d' Enson, indiqué sur la planche par les lettre AB, a été trouvé par les ingénieurs français, dont la triangulation comprend le même côté, de 35997ra,22, et par les ingénieurs suisses de 35997 m,27, coïncidence extraordinaire, et sans doute fortuite, mais qui prouve cependant que la triangulation fédérale a été soigneusement faite, ce que confirment d' alleurs les comparaisons suivantes.

A la frontière lombarde, le côté CD, entre les pics Forno et Menone, a été trouvé de 44572 m,77 par les ingénieurs italiens, et de 44572",12 par les ingénieurs suisses; différence 0",65, un peu forte, il est vrai, mais balancée par celle de la ligne DE qui se dirige sur le Monte Legnone, de l' autre côté du Lac de Corne, laquelle n' est que de 0 m,13 pour une longueur de 21124 m,54 * ).

* ) Les lignes de raccordement CD et ED avec la Lombardie n' offrent plus que — 0™,25 et + 0 m,05 de différence avec les nôtres aulieu de — Q^fiö et — 0 m,13 quand on ramène la toise du Tessin, dont les ingénieurs italiens se sont servi en 1788 pour la mesure d' une basej à celle dite du Pérou avec laquelle a été mesurée la base d' Aarberg. A l' est, vers le Vorarlberg et le Tyrol, la différence sur le côté de raccordement FG, entre les points Kumenberg et Frastenzersand n' est que de 0^,17, pour une longueur de seize mille mètres.

Mais pour un côté plus court, GH, elle s' élève à lm,99. Il est probable qu' il y a quelque faute de calcul dans le triangle étranger qui détermine ce côté. On doit le supposer quand on voit le degré de concordance des trois déterminations précédentes. Les ingénieurs. autrichiens ont reconnu eux-mêmes qu' ils n' avaient pas mis la dernière main à leurs calculs, lorsque cette différence a été trouvée. Nous ignorons s' ils y sont revenus. Il y avait aussi, dans leurs déterminations géodésiques, une différence de quelques mètres entre les altitudes qu' ils attribuaient à certaines sommités et celles que nous trouvions de notre côté pour les même points; tandis que nos résultats concordaient avec ceux des ingénieurs français et des ingénieurs italiens, dans les limites que comporte ce genre de calcul.

Les levés de détail, ou travaux topograpbiques proprement dits, n' ont commencé qu' en 1836; et, en même temps qu' ils avaient commencé dans les cantons de Vaud et de Fribourg, on poursuivait dans le reste de la Suisse la triangulation secondaire et tertiaire; on rassemblait et réduisait à la même échelle les cartes dont on à déjà parlé, et quelques matériaux épars qui existaient ça et là dans les archives cantonales. Mais, il faut le dire, ce travail a donné plus de peine que s' il eût été fait à nouveau, et il ne pouvait pas inspirer la même confiance. Heureusement, qu' il se réduisit à peu de chose, comparativement au reste. 842Dufour.

C' est à cette époque que le bureau topographique fédéral fut installé à Genève, résidence habituelle du quartier-maître, directeur de la carte. Ce fonctionnaire y réunit un petit nombre d' ingénieurs, de dessinateurs et de graveurs; les ressources du budget, excessivement restreintes, ne permettant pas d' en faire davantage. Il calcula lui même la projection, et prépara les cuivres de toutes les feuilles de manière à pouvoir rapporter successivement les levés. au fur et à mesure qu' ils

1

seraient réduits à l' échelle du

100000.

Dès que les premières minutes furent remises, et qu' on put songer à s' en servir pour la rédaction définitive de la carte, l' importante question du mode de représentation fut nécessairement abordée. Se servira-t-on de |a lumière zénithale ou de la lumière oblique?

Si l'on peut donner de très-fortes raisons en faveui du premier procédé, pour les pays de plaine et légèrement ondulés, il en est tout autrement pour ceux qui sont fortement accidentés, où cette méthode conduirait inévitablement au noir et rendrait les feuilles très-difficiles, très-pénibles même, à consulter. Et, comme le premier mérite d' une carte est après l' exactitude, la clarté, l' emploi de la lumière oblique parut plus convenable pour faire ressortir les hautes montagnes dont le pays est couvert, et rendre sensibles, au premier d' œil, les traits principaux et caractéristiques de la contrée. On pensa, qu' après la détermination mathématique et rigoureuse de ce qu' on peut appeler le délinéament de la carte, on pouvait, à partir de ce moment, recourir au dessin pittoresque et faire une

quitte à multiplier les cotes de hauteur pour donner une juste appréciation des pentes; on réunissait ainsi le charme d' un dessin soigné à la précision géométrique des déterminations linéaires. Cela parut préférable à la sécheresse des procédés et des diapasons, sur l' exac desquels il est d' ailleurs impossible de compter dans l' exécution.

Si l'on a adopté, en général, la lumière oblique pour les hautes montagnes qu' il faut faire, pour ainsi dire, sortir du papier pour les rendre sensibles aux yeux les moins exercés, on s' en est toutefois plus ou moins écarté dans les parties basses, reconnaissant que pour les pays de plaines, le système de Lehmann, ou de la lumière zénithale, est préférable en ce qu' il accuse les plus légères inflexions du sol. Rien d' absolu, telle a été notre devise, et nous avons cru devoir recourir aux moyens pittoresques, dès que la précision mathématique devenait impossible ou illusoire, comme « ela arrive dans le système des hachures qui ne peuvent réellement satisfaire qu' à une seule condition mathématique, celle de tomber perpendiculairement sur les « ourbes horizontales qui leur servent de directrices, et de représenter ainsi, autant que possible, les lignes de pentes du terrain.

C' est en 1845 que les premières feuilles gravées de l' atlas ont été publiées; ce sont les feuilles XVI et XVII. La seconde a été, dès lors, tellement demandée que le cuivre en a été usé avant l' achèvement de la carte et qu' il a fallu le retoucher en entier, ce 314Dufour.

qui à retardé nécessairement l' apparition des dernières-feuilles; sans cela et sans les retouches partielles qu' il a fallu faire à d' autres planches, la confection de l' atlas n' aurait pas exigé plus de trente années de travail. L' invention de l' aciérage nous mettra, à l' a, à l' ahri d' un tel inconvénient. Ces premières feuilles ont montré toute la supériorité de la lumière oblique sur la lumière zénithale, pour la représentation d' un pays aussi fortement accidenté que l' est la Suisse-La médaille d' or qui a été décernée aux feuilles qui ont été envoyées à l' exposition universelle de Paris^ en est la preuve. Et les quatre feuilles minutes, au cinquante millième qui ont servi à dresser la feuille XVII, sont on peut le dire, de très beaux types de topographie; ils font toujours l' étonnement des connaisseurs auxquels ont les présente.

Pendant les années qui ont suivi, les autres feuilles de l' atlas ont successivement paru. On les a soumises ( leurs planches ) au nouveau procédé de l' aciérage qui les rend, pour ainsi dire, indestructibles. Et pour, les mettre à l' abri de tout accident qui pourrait anéantir un travail aussi considérable, les cuivres ont été envoyés à Munich pour y être reproduits par la galvanoplastie. En sorte qu' à présent nous avons trois, collections complètes: les originaux; les clichés, c'est-à-dire, les planches avec traits en relief, et les reproductions qui ne différent en rien des planches originales et peuvent sans le moindre inconvénient leur être sub-stituées. Les clichés offriront toujours un moyen facile et peu coûteux de reproduction identique, si lès planches gravées venaient, par un accident quelconque, à être détériorées.

Aussi faut-il porter à la conservation de ces clichés une attention toute particulière.

Ainsi qu' il a été dit, on a dû assujettir la position des points déterminés par la triangulation à la projection de Flamsted modifiée, en prenant pour centre l' Observatoire de Berne.

Les calculs ont été faits au moyen des formules les plus rigoureuses de la science moderne, formules qui exigent la connaissance des coordonnées astronomiques des points à réduire.

Pour l' application des résultats sur les cuivres, le directeur s' est chargé lui-même du tracé des méridiens et des parallèles. Il fallait avoir trois méridiens et trois parallèles sur chaque planche afin de pouvoir, par leurs recoupements, en assurer convenablement la-courbure..

Pour cela il s' est servi des mesures décimales qui mettent moins d' intervalles entre ces lignes fondamentales, et qui simplifient les calculs; quitte à en conclure ensuite, en division sexagésimale les méridiens et les. parallèles qui figurent sur les feuilles.

Comme tous les points obtenus par la triangulation devaient se placer par leurs coordonnées rectangulaires,, il a été dressé un tableau particulier indiquant les distances à la méridienne et à la perpendiculaire de Berne des côtés du cadre de chaque planche, à partir desquels on a pu placer, par recoupement, la position .exacte des points relevés trigonométriquement.

Les degrés et les minutes dans les deux systèmes de division du cercle, centésimale et sexagésimale, ont été tracés sur les cadres;

bien qu' on n' ait laissé dans l' intérieur des feuilles que les méridiens et les parallèles de l' ancienne division, par cela seul, qu' étant moins nombreux sur un espace donné, ils jettent moins de confusion dans le tracé de la carte. La division centésimale sur le cadre aurait même été supprimée, si elle n' offrait pas l' avantage de donner sur les côtés " verticaux de la feuille une échelle commode à consulter au besoin, chaque minute centésimale, clairement indiquée, correspondant a un kilomètre, mesure itinéraire -dont on fait un si grand usage depuis l' introduction des chemins de fer.

Les feuilles ainsi préparées, et à l' échelle du cent millième, sont au nombre de vingt-cinq, en y comprenant celle du titre: *). cinq dans un sens et cinq dans l' autre. Elles ont 0 m,70 de longueur sur 0 m,48 de hauteur. En sorte* que, si on les colle ensemble, elles forment une carte rectangulaire de 3 m,50 de longueur sur 2 m,40 de hauteur. Ces cartes d' ensemble forment des espèces de tableaux qui ne sont pas sans quelque valeur, en montrant mieux l' ensemble d' une topographie si caractérisée que celle de la Suisse. Chaque feuille contient 33,6 décimètres carrés, soit 145,8 lieues carrées suisses de 4800 mètres.

On a placé au bas de chaque feuille deux échelles, l' une en ruthes, pouvant servir d' échelle métrique, puisque chaque ruthe est de trois mètres, l' autre en

* ) Cette feuille du titre a été gravée à Paris, par l' artiste le plus habile du dépôt de la guerre. On ne s' est adressé h lui que pour accélérer la besogne. lieues suisses de 16,000 pieds, ou 4800 mètres.

La date de la publication y est aussi inscrite. Cependant, malgré l' espèce d' anachronisme qui en résulte, les chemins de fer ont été tracés postérieurement sur toutes les feuilles, en raison de leur importance et du désir manifesté par un grand nombre de personnes. Les frontières de la Suisse étant extrêmement irri-gulières, il restait dans les planches du bord, et surtout dans celles des angles, de grands espaces blancs; on a cru devoir en profiter pour ajouter à la topographie du pays, des renseignements utiles, tels que les altitudes de principales sommités, des cols, des lacs, des capitales, etc., l' étendue superficielle des Cantons, les doubles noms de lieux, les légendes et l' assemblage des feuilles. Ce dernier, indispensable pour l' usage facile de l' Atlas, se trouve dans l' angle inférieur gauche de la carte générale, c'est-à-dire dans la feuille .XXL De plus, il a été ajouté comme complément, sinon indispensable du moins intéressant, le trait et même le figuré d' assez grandes portions de territoire étranger. On s' est servi pour cela des meilleures cartes. On ne peut cependant répondre de la parfaite exactitude de ces parties, comme on le ferait des nôtres; mais elles sont plus que suffisantes pour faire connaître la physionomie des territoires qui nous environnent, la contexture et la direction des chaînes de montagnes, l' étendue des glaciers, etc. Les documents nécessaires nous ont été fournis par les état-majors ou les administrations des pays voisins auxquels, à titre de réciprocité, nous avons également communiqué, les parties de la Suisse contigues à leurs frontières. Quant aux subdivisions territoriales, on n' a tracé sur la carte que les limites des cantons;

celles des cercles ou districts, et à plus forte raisons celles des communes ayant été jugées, par la commission, superflues dans une carte de cette nature et à cette échelle. Elle en a jugé de même pour les signes conventionnels au moyen desquels on indique, sur les cartes ordinaires, les chûtes d' eau, les points de vue remarquables, etc. Tout a été jugé inutile, une bonne topographie et une grande exactitude devant suffire à tout.

Les levés au vingt-cinq millième donnent seize feuilles de dessins-minutes. Ceux à l' échelle du cinquante millième n' en donneraient que quatre de la même grandeur; mais, pour la commodité du travail, on a jugé convenable de couper chaque feuille ou section en quatre sous-divisions dont chacune fait une planchette de levé. En sorte qu' à la petite échelle, comme à la grande, il y a seize subdivisions, ou feuilles-minutes, représentant chacune une superficie territoriale de 9,113 lieues carrées.

A mesure que le travail avançait, on a tracé les routes nouvelles et les simples corrections de routes qui parvenaient à notre connaissance. Et, avant la publication des feuilles, on les a, autant que possible, soumises à l' examen des personnes tes plus compétentes pour indiquer les véritables noms de lieux et leur orthographe. On n' a, en un mot, rien négligé pour donner à la carte fédérale tout le degré de précision et d' exactitude désirable. Il en résultait, sans doute, quelque retard dans la publication des feuilles, mais Je résultat était plus satisfaisant; et si, comme dans toute œuvre humaine, il reste encore quelques défectuosités dans l' atlas de la Suisse, du moins pourra-t-on assurer qu' on a fait tout le possible pour en diminuer le nombre.

La Confédération n' a consacré d' abord que des sommes extrêmement minimes et peu proportionnées à la grandeur du but; mais, dès qu' elle a pu -voir quelques résultats, elle a successivement augmenté ses crédits annuels jusqu' à les porter à 38,000 francs, sans compter ce qui figurait dans ses' budgets, sous la rubrique de crédits supplémentaires, pour des allocations aux Cantons qui avaient entrepris à leur frais, et d' après les mêmes principes, leurs cartes particulières. Quelques dons et legs s' ajoutant à ces crédits, on est parvenu à couvrir toutes les dépenses jusqu' à ce jour, moyennant une somme qui peut être évaluée à environ un million, somme énorme pour la Suisse, mais qui, répartie sur un grand nombre d' années ne lui a pas été trop onéreuse. On doit même dire qu' elle est restée au-dessous d' une estimation qui avait été faite en 1837 par le directeur de la carte. Cette estimation, qui n' avait pourtant pas effrayé la diète, portait en effet la dépense présumable à 1,130,000 francs.

Indépendamment de l' atlas général, les Chambres fédérales ont ordonné qu' il serait dressé une carte réduite à l' échelle du deux-cent-cinquante millième, plus commode pour les touristes et les besoins ordinaires de la consultation. Cette carte sera en quatre feuilles de même grandeur que celles de l' atlas, c'est-à-dire de 70 centimètres de longueur sur 48 de hauteur. Elle présentera les grands accidents du sol, sans entrer dans les mêmes détails que la carte générale, et elle indiquera toutes les localités par des signes plutôt géographiques que topographiques.

Si maintenant on réfléchit aux difficultés de tout genre que la nature du pays offre à une semblable entreprise, on ne refusera pas à la Suisse le mérite de l' avoir tentée dans le but, non-seulement de faire quelque chose d' utile aux diverses administrations qui, depuis longtemps,. réclamaient une carte générale suffisamment détaillée, mais encore de se mettre en harmonie avec les pays voisins, de se placer à leur hauteur, et de travailler pour la science. Ses ingénieurs ont mis, dans l' accomplissement de cette tâche difficile, soit dans les opérations sur le terrain, soit dans les calculs de cabinet et l' application des formules les plus rigoureuses de la géodésie, tous les soins et l' exactitude nécessaires pour obtenir des résultats comparables à ce qui a été fait de mieux en ce genre.

Ils ont supporté avec un dévouement digne d' éloges tous les genres de privations et de rigueurs pour passer des saisons entières dans les régions les plus sauvages du globe ,'exposés aux intempéries et souvint sans abri; ils ont bravé plus d' une fois des périls réels sur des glaciers coupés de profondes crevasses, sur des pics presque inaccessibles: l' un d' euxl ) a même péri misérablement en se précipitant du haut d' une montagne abrupte; un autre2 ) a été foudroyé sous sa tente où son domestique a été tué à côté de lui et d' où il

. ' ) Glanzmann. 2 ) Buchwalder. n' est sorti que paralysé de la moitié du corps.

Ainsir privations et dangers, tel a été le partage de ce& ingénieurs qui, pour une bien modeste rétribution, ont consacré les belles années de leur vie à la confection de l' atlas général de la Suisse. Mais leur œuvre, bien appréciée des connaisseurs, a déjà produit ses fruits; c' est leur principale récompense; les minutes de leurs, levés ont été maintes fois consultés et mises à profit pour des projets de routes, et notamment pour l' établis des voies ferrées qui se sont tant multipliées en Suisse depuis quelques années. Elles ont aidé aux recherches des géologues et des amis des sciences naturelles. L' autorité militaire y a aussi puisé d' utiles pour ses préparatifs de défense et pour ses champs de manœuvres.

Disons en terminant, que la gravure a été faite par de jeunes artistes suisses qui se sont formés au bureau fédéral, ou ils ont trouvé de bons modèles et une direction éclairée et vigilante. En sorte que tout a été réuni dans ce bureau: ingénieurs, dessinateurs, graveurs, et même l' imprimeur chargé des tirages quiT ensuite se répandent dans toute la Suisse.

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