Première ascension de la face SE de la 3e tour du Stockhorn de Baltschieder
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Première ascension de la face SE de la 3e tour du Stockhorn de Baltschieder

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de la 3e tour du Stockhorn de Baltschieder

Pentecôte 1948.

Par Jean Fuchs Avec 4 illustrations ( 99—102 ) La situation atmosphérique orageuse de ces derniers jours semble se rétablir, lorsque le train nous dépose en fin d' après à Ausserberg. Après avoir traversé ce pittoresque petit village valaisan, nous longeons le bisse qui nous conduira dans le Baltschiedertal. Cette vallée peu parcourue et presque ignorée du monde des alpinistes est le paradis du « rochassier ». Il est vrai que la marche d' approche est très longue, mais, une fois arrivé à la Baltschiederklause, le grimpeur se trouve au centre d' un chaos de granit.

La bise a repris, l' air est frais et c' est à une allure rapide que nous nous enfonçons dans la vallée. Comme d' habitude, nous avons de très grands projets et ne voulons pas perdre une minute des précieux jours de congé dont nous disposons. Le dimanche, nous pensons gravir l' arête sud du Stockhorn et traverser jusqu' au pied du grand ressaut de l' arête SE du Bietschhorn où nous bivouaquerons; le lundi, nous monterons par l' arête SE que nous avons déjà escaladée l' automne passé et dont nous gardons un magnifique souvenir.

Après deux bonnes heures de marche, nous nous trouvons dans les environs de la Martischüpfe; nous devons y chercher minutieusement quelque chose qui ressemble bien plus à un abri pour les moutons qu' à un refuge et nous ne trouvons pas les couvertures dont il est question dans le « Livre des Cabanes », édité par le C.A.S.1. Aussi, l' herbette du pâturage nous paraissant plus accueillante, nous déroulons nos sacs de couchage et dormons à la belle étoile.

1 heure. Je suis réveillé par le bruit de la pluie. Je rentre la tête dans le capuchon et ferme mon sac pour me rendormir aussitôt. A 4 h. 30, nous sommes déjà debout, tandis que se lève un jour triste et maussade. Pourtant... mais oui, ce sont quelques étoiles qui nous donnent un tout petit espoir. Nous sommes à peine en route que déjà nous devons faire de la gymnastique, car le pont qui permettait de traverser le torrent a été retiré pour l' hiver et, engourdis encore par le sommeil, nous sautons de bloc en bloc. Au bout d' une demi-heure, nous quittons le chemin de la Baltschiederklause et montons sur la gauche par des pentes de neige qui nous conduiront au pied d' un profond couloir. Nous avançons lentement et sans beaucoup d' ardeur, le fœhn paralyse notre énergie. La neige est molle et nous enfonçons jusqu' à mi-jambe. Tout-à-coup le temps semble s' arranger, le brouillard se dissipe et les coins de ciel bleu s' élargissent. Arrivés en haut du couloir, nous trouvons des champs de neige qui nous conduisent dans une grande cuvette, au pied de la face SE du Stockhorn. Sur un bloc de granit qui émerge du névé, nous nous arrêtons pour déjeuner. C' est alors que se produisit un incident qui changea complètement nos projets. Une simple remarque: « Quelle belle paroi! » Et tout de suite, en voyant le regard de Monty, je comprends qu' il n' aura de répit avant de l' avoir gravie. Il est vrai que cette muraille de granit verticale, haute de 300 à 400 m ., est vraiment d' une beauté et d' une sauvagerie fascinantes. On discute; mes trois camarades veulent y aller tout de suite et redescendre le soir même par l' arête sud. Quant à moi, je préférerais que nous nous en tenions à notre premier projet pour profiter au maximum de nos deux jours et demi de congé et revenir un prochain dimanche gravir cette face. J' ai beau expliquer à mes amis que nous ferions ainsi trois ascensions au lieu d' une, ils tiennent à leur idée et je ne puis les en faire démordre.Vu que cette face me tente tout autant qu' eux et que nous risquons d' avoir la pluie pour le bivouac du soir, je cède volontiers et très rapidement à leur insistance; les préparatifs commencent donc aussitôt. Nous laissons sur place une grande partie de notre matériel et répartissons le strict minimum dans deux sacs: huit mousquetons, 1 Ce n' était pas la Martischüpfe. Le ler août, R. Perrenoud et moi sommes retournés dans la région et, de jour cette fois, avons trouvé le refuge — avec les cou vertures. Celui-ci est sur la rive droite du torrent, alors nous l' avions cherché sur la rive gauche.

dix pitons-pelles, deux cordelettes 6 mm. de 40 m. ( pour une retraite éventuelle et pour la descente ), deux cordes d' assurage, la nylon de 30 m. mise à double et une chanvre 11 mm. de 15 m. La première cordée est composée de R.M.onty et M. Perrenoud, la seconde de J. Fuchs et R. Perrenoud.

A 7 h. 15, les préparatifs sont terminés et l' itinéraire à suivre semble tout indiqué par une longue cheminée, des dalles et un couloir cheminée. Nous progressons tout d' abord une demi-heure dans la neige et montons un couloir assez raide, coupé de deux rimayes, pour nous trouver au pied de la face, juste au-dessous de la troisième dent de l' arête sud. Nous empruntons alors un premier dièdre, mouillé dans le fond et qui se monte par une mauvaise opposition du dos et des pieds. Monty plante trois pitons d' assurage et assure tout en étant en opposition. Stift ne semble guère rassuré et manifeste nettement que ce système ne lui revient pas beaucoup ( il faut dire qu' il est jeune marié et n' a d' autre désir que de se retrouver le plus vite possible au logis !). Après une trentaine de mètres, un surplomb nous barre la route, mais nous le franchissons sans grosses difficultés. Un peu plus haut, un gros bouchon de glace qui semble ne tenir que par la force du raisonnement interdit toute tentative de progression. Tout en nous permettant de le contourner par la gauche, une petite vire nous conduit devant une dalle d' environ dix mètres fissurée en son milieu, presque verticale et absolument lisse, que nous forçons à l' aide de trois pitons d' escalade. Mon « client », c'est-à-dire R. Perrenoud, le plus âgé et le plus petit de l' équipe avec ses 161 cm ., doit mettre en œuvre tous ses talents et toute sa technique pour remédier un peu à sa petite taille! Nous grimpons maintenant dans une cheminée afin d' éviter un surplomb et sortons par la droite sur de magnifiques dalles du plus beau granit que l'on puisse trouver. Nous sommes enthousiasmés et ivres de joie, tellement cette escalade est belle. Le temps se couvre à nouveau et devient menaçant. Nous retournons dans la cheminée terminée en sa partie supérieure par un surplomb long et pénible. Une vingtaine de mètres de couloir délité nous font déboucher sur une belle petite terrasse. Soudain, à ma gauche, au moment où je m' ap à sortir, un énorme bloc de glace coincé dans une cheminée se détache et entraîne à sa suite une multitude de cailloux. Ne sachant pas d' où vient le bruit, je me plaque contre le rocher. Le fracas devient de plus en plus fort et il semble que toute la face est en mouvement. Puis, peu à peu, l' ordre se rétablit et tout retombe dans le silence. Nous avons eu de la chance, car si l' avalanche s' était déclenchée quelques minutes plus tôt, alors que nous étions dans le couloir, nous aurions tous été perdus. Nous sommes maintenant à la même hauteur que la brèche entre la lre et la 2e tour, une centaine de mètres au nord. Selon l' itinéraire que nous avions repéré depuis le bas, nous devrions tirer sur la gauche pour nous engager dans un profond couloir-cheminée, mais nous en avons assez de ramoner et de nous coincer, bien que tout autre tracé nous semble peu engageant. Nous obliquons donc sur la droite pour rejoindre une petite arête, quoique bien marquée, formée de belles dalles. De la sorte, nous gagnons rapidement une cinquantaine de mètres et nous nous trouvons au pied d' une dalle recouverte de lichens verts, démunie de prises, absolument verticale — c'est-à-dire que les bras seraient facilement tentés de dire qu' elle surplombe — coupée par une fissure. Après dix mètres, difficiles et pénibles, par une gymnastique hasardée, nous nous rétablissons sur une large vire herbeuse, mais peu solide.

Le temps qui était menaçant est devenu vilain et une fine pluie serrée s' est mise à tomber. Tous les sommets avoisinants disparaissent les uns après les autres. Des bandes de brouillard étirées et déchiquetées montent du fond de la vallée à une allure vertigineuse. Elles se lancent à notre poursuite, comme pour nous emprisonner. Toutefois, un formidable coup de fœhn vient à notre défense, refoulant l' assaillant et le rejetant dans l' abîme insondable.

Une petite halte d' un d' heure nous permet de casser la croûte et surtout d' humecter nos gorges desséchées. En tirant d' un mètre ou deux sur la gauche, nous nous trouvons au pied d' un dièdre, haut de 45 m ., vertical et fissuré en son angle. Il s' escalade tantôt à la « Dulfer»-opposition en tirant des mains et en poussant des pieds —, tantôt en tirant sur la dalle de gauche munie de prises minimes et excessivement rares. Monty, chaussé de ses nouveaux souliers de varappe « Spécial Dittert », progresse avec une rapidité et une sûreté inaccoutumées. Avec ces « ripatons », clame-t-il comme un camelot, tout le monde est varappeur et l'on trouve des prises partout. Le passage est long et difficile, mais d' une extrême beauté. Nous plantons trois fiches d' assurage et débouchons sur un petit « trottoir ». Nous sommes maintenant accrochés dans une dalle pourvue de prises minimes et mauvaises, toutes dirigées vers le bas. A mi-hauteur, nous nous engageons dans une cheminée très peu marquée dont la sortie est difficile. Sur la droite, il faut plaquer ses mains sur un petit rebord déversé, se laisser penduler à bras tendus, puis vite, avant que les mains ne glissent, se rétablir avec l' aide des « Vibrams ». Au moment où je m' apprête à franchir le passage, une formidable bourrasque de neige, ou plutôt de grésil, s' abat sur nous avec une telle force que je suis contraint de descendre jusqu' au piton d' assurage pour attendre l' accalmie. Encore une fissure dans laquelle il faut engager ses mains et faire le poing pour se tenir et nous sommes en haut de ce passage qui, du bas, nous donnait quelque inquiétude. Encore trois quarts d' heure de belle varappe et nous atteignons le sommet de la 3e tour. Nous aurions grande envie de continuer jusqu' au sommet proprement dit, mais comme nos deux camarades qui manquent d' entraînement en ont assez, il est plus sage et plus prudent de redescendre. Nous nous reposons un moment, mangeons le peu de vivres que nous avons emportés et étudions le retour.

Notre première idée était de descendre un couloir de la face SO, mais tous les couloirs sont remplis de neige, et une seule pierre suffit pour déclencher une avalanche. Tout de suite, nous constatons que c' est chose impossible et nous décidons de descendre par l' arête sud. Un petit rappel fixé à un piton nous dépose dans la brèche entre la 2e et la 3e tour. Pendant que mes camarades descendent, pour passer le temps, je m' amuse à construire un « steinmann ». La descente de la 2e tour est très belle, si belle que nous évitons de faire des rappels partout où il est possible de varapper. Monty qui est en tête, pour ne rien perdre, remonte de petits bouts pendant que nous descendons. Nous sommes tellement enthousiasmés que nous décidons de revenir le plus vite possible dans la région pour gravir cette arête. C' est la première fois que nous éprouvons du plaisir à redescendre, c' est la première fois qu' une descente ne nous semble pas monotone. Puis au pas de course, nous franchissons les pentes de neige qui nous séparent de nos sacs et des vivres. C' est avec férocité que nous mangeons tout ce qui est possible: œufs, chocolat, viande, sucre, fromage, fruits secs...

Le soir nous retrouve passablement plus bas dans la vallée, groupés autour d' un feu dans un joli pâturage parsemé de gros blocs de granit et bordé de mélèzes, à travers lesquels de pâles rayons d' un quartier de lune filtrent.

Cette escalade, d' une difficulté soutenue, mais pas extraordinaire, sur un beau et solide granit, est la plus belle varappe que nous ayons faite. Aussi, décidons-nous de donner à cet itinéraire le nom de notre petit groupe: Voie des Bouquetins. Nous avons planté trois pitons d' escalade et une vingtaine d' assurage dont un fut abandonné ( au-dessus du grand dièdre ).

Horairet Départ des sacs07.15 h.

Attaqué rocher07.45 h.

Hauteur brèche lre-2etour.. .10.15 h.

Haut grand dièdre11.45 h.

Sommet13—14.30 h.

Sacs17.00 h.

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