Saxifrages et joubarbes
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Saxifrages et joubarbes

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Avec 2 dessins.

Par Sam. Aubert.

Les saxifrages! Ce sont pour la :>lupart de petites plantes qui vivent haut dans la montagne, incrustées dans les fentes et les creux des rochers, à la surface des graviers et auxquelles, en général, le touriste ne prête nulle attention. Erreur! car observées de près, elles sont jolies comme tout et proclament bien haut la suprême puissance de la nature, de créer de la beauté avec de l' air, de l' eau et des matières minérales.

Le terme saxifrage est forme de deux mots latins et signifie « briseur de rochers ». En effet, chez certaines espèces, les feuilles sont bordées de calcaire, et ce calcaire, d' où proviendrait-il, si ce n' est du terrain rocheux sur lequel la plante vit.

Des feuilles disposées en rosettes, des fleurs à cinq pétales, blanches, jaunes ou violettes, voilà les caractères par lesquels on peut reconnaître de nombreuses espèces. La plus connue, la plus répandue est le S. Aizoon, commun dans les lieux rocheux des A Ipes et du Jura. On le voit, on l' admire aussitôt et l'on se demande comment il se fait qu' une plante d' une figure aussi attrayante puisse tirer sa subsistance du terrain où elle est enracinée. C' est que les lieux en apparence les plus stériles, les plus hostiles à la végétation contiennent toujours un peu de terre fine amenée par les eaux de ruissellement ou par le vent. Et notre saxifrage a le pouvoir de s' en emparer aussitôt, d' en absorber les matières nécessaires à son existence, en même temps que d' attaquer la roche, de la dissoudre et d' y prélever le calcaire que l'on observe à la marge de ses feuilles. En bonne mère qu' elle est, la nature, qui crée des organismes, ne manque jamais de les mettre à même de subvenir à leurs besoins. On ne saurait trop insister sur sa toute-puissance créatrice et régulatrice.

Proche parent de l' Aizoo :i, nous avons le S. Cotylédon, qui s' en distingue par un port beaucoup plus majestueux et des tiges fleuries atteignant qu' à 50 cm. de longueur. Il habite essentiellement le versant sud des Alpes et les touristes qui hantent cette région I auront sûrement remarqué et admiré. Dans les ravins rocheux il se développe d' une façon exubérante, et le tableau forme par ses grappes fleuries géantes est d' une extraordinaire magnificence. Mais Saxifrage aizoon.comme nombre de ses congénères, il ne tient pas toujours fidélité à l' Alpe et, par les gorges, les ravins, il lui arrive de descendre très bas. C' est ainsi qu' on l' observe non loin de Locamo.

L' espèce de saxifrage que le touriste rencontre le plus souvent dans sa montée vers les cimes est le S. à feuilles opposées ( S. oppositifolia ), une plante qui, dans son maintien, n' a rien de commun avec les précédentes. Tout en rampant sur le sol, ses tiges s' agglomèrent en tapis, en coussins plats qui se revêtent de nombreuses et belles fleurs violettes et quiconque sait ouvrir l' œil ne peut pas ne pas les apercevoir. Tout en avançant le long des moraines, en escaladant les sommets, l' alpiniste les aura sous les yeux. Ces tapis fleuris de violet et ces îlots de vie et de beauté perdus dans le monde des rocs allumeront dans son âme une flamme d' admiration; ils lui rappelleront, une fois de plus que la vie dans sa lutte éternelle contre les forces de mort de la haute montagne a souvent la victoire. Notre saxifrage, en altitude, dépasse les 3500 m ., mais il n' en détient pas le record, car maints de ses congénères se rencontrent au-dessus de 4000 m.

Tous les touristes ne gravissent pas les cimes; beaucoup limitent leur ambition aux pâturages de l' étage alpin et prennent plaisir à contempler avec amour l' admirable floraison qui est leur apanage. Et s' ils ont fait halte auprès d' un de ces jolis ruisseaux à l' onde cristalline, échappé de la moraine proche, ils se trouveront sûrement en présence d' un charmant petit saxifrage dont chaque fleur est une étoile d' or: le S. aizoïde. Dans son voisinage se rencontrera à coup sûr le S. étoile ( S. stellaris ), aux petites fleurs blanches, ponctuées d' orange. Dans son désir de jeter de la beauté sur les rives des ruisseaux de la montagne, la nature n' aurait pas pu choisir objets plus délicieux que ces deux jolis saxifrages.

L' Alpe héberge encore bien d' autres saxifrages, dont plusieurs sont très disséminés et confinés dans les régions supérieures; petites plantes frileuses qui s' insinuent dans les fissures des rochers afin de bénéficier de la température du terrain, toujours plus élevée, en altitude, que celle de l' air.

Les saxifrages ne sont pas strictement liés à la montagne; il en est qui habitent les pentes sèches du plateau et, d' autre part, une espèce à fleurs d' un jaune vif, le S. Hirculus, tient fidélité aux tourbières. On pourrait dire tenait, car elle a disparu de la plupart des localités où elle était signalée autrefois. La cause en est l' assainissement, la mise en culture de ces dernières. Par bonheur, elle persiste encore dans deux ou trois d' entre elles. Hélas! depuis cinquante ans et plus, combien de plantes, joyaux de notre flore, reliques des périodes glaciaires, ont été anéanties par les progrès de la colonisation humaine.

Aux saxifrages s' apparentent les Joubarbes ( Sempervivum ), plantes pourvues de feuilles charnues, succulentes, véritables réservoirs d' eau, grâce auxquels elles sont en mesure de résister à une sécheresse prolongée. Même pressées, mises en herbier, elles demeurent vivantes et capables de croître à nouveau.

Dans le cours de vos excursions, vous aurez certainement fait halte une fois ou l' autre auprès de l' un de ces blocs de gneiss ou de schiste qui cons- \ SAXIFRAGES ET JOUBARBES.

tellent les pelouses alpines. Et vous aurez observé à sa surface de petites plantes rouge grenat, munies de feuilles disposées en rosettes, habillées d' un fin duvet soyeux, blanc, rappelant une toile d' araignée. Il s' agit de la J. aranéeuse ( S. arachnoideum ), une des plus gracieuses plantes des Alpes, que l' œil contemple avec ravissement. A beaucoup, l' envie prend d' en emporter quelques pieds dans le but de les cultiver en rocaille. Transplantation d' ordinaire infructueuse, car cette plante, habituée des sols siliceux, se refuse en général à l' honneur qu' on daigne lui faire de s' ac d' un milieu qui n' est pas celui que la nature lui a dévolu.

Sur l' Alpe, cette petite joubarbe a plusieurs congé- Joubarbe aranéeuse.

nères qui lui ressemblent peu ou prou. Mais la J. des toits ( S. tectorum ) en diffère fort par la dimension de ses divers organes; la tige fleurie, en particulier, peut atteindre une longueur de plusieurs décimètres. Aussi, par rapport aux autres membres de la famille, elle mérite la qualification de géante. Dans certaines régions, on la plante sur les toits dans l' idée qu' elle protégera l' habitation de la foudre.Vaine superstition!

Saxifrages et joubarbes! Ravissantes fleurs de l' Alpe, gracieusement parées, qui jetez une note de vie et de beauté dans le désert des rocs, votre image n' est pas présente dans l' âme du touriste à l' heure du départ; ne s' applique pas à vous découvrir dans la réalité des qu' il atteint les hautes régions; ne sait-il pas que là-haut vous proclamez la toute-puissance de la vie et que pour ses yeux, vous et es une vision ideale. De cela, il est convaincu; aussi dans sa course, il se bornera à vous admirer, vous et vos compagnes des hauteurs et ne commettra pas le sacrilège de vous emporter par bouquets vers la plaine. Tout an plus se permettra-t-il, à titre de souvenir, de cueillir le plus beau spécimen de l' espèce de saxifrage qu' il rencontrera. Le culte de la montagne implique celui de ses fleurs et comment s' y adonner, sinon en les respectant!

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