Trois courses à ski
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Trois courses à ski

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Par Flavien Jeanneret

//. Le Mont Fort J' y étais allé il y a une dizaine d' années depuis la cabane du Mont Fort par le Col des Gentianes, et déjà j' avais été enthousiasmé par ses pentes très ouvertes mais très raides. Toutefois ce n' est qu' en 1943 ou 1944, lors d' un séjour prolongé à Tortin sous la direction de celui qui certainement connaît le mieux le massif, Rodolphe Tissières, que j' ai appris à aimer ce versant nord du Mont Fort. Je me réjouissais de conduire mes amis dans ce cirque au charme si prenant, et longtemps je guettai l' occasion.

Un samedi enfin notre groupe de quatre s' embarque à Lausanne sous un ciel noir, chacun de nous s' efforce de créer une atmosphère optimiste. Bien que mars soit à la porte, Martigny ne voit oue peu de skieurs. L' espace d' un éclair nous voyons briller un mouchoir de bleu du côté de Montana, juste de quoi nous faire envie. A Verbier nous sommes en pleine féerie de givre, mais le brouillard est si dense qu' on risque de se perdre entre la poste et Mondzeur. Simulant une assurance qui fait totalement défaut, je prends une trace au hasard, et de chalet en chalet on arrive au bas de la Combe de Médran. Brusquement le froid paraît moins vif; est-ce un leurre? mais il semble que nos corps dessinent une très légère ombre sur la neige. Et tout à coup Francis, qui nous dépasse tous de dix pouces, crie qu' il a la tête au soleil. Une seconde auparavant nous n' étions que de froids rationnalistes qui supputions les chances d' arriver à la cabane malgré le brouillard, et nous voici faisant des sauts comme des enfants devant un arbre de Noël. Etre ainsi littéralement les pieds dans une brume opaque et le haut du corps nimbé du soleil le plus éclatant, c' est une des joies les plus violentes que l'on puisse éprouver.

Les massifs du Combin et de Chamonix apparaissent presque irréels à nos yeux; et sous nos skis la couverture la plus légère qu' un skieur puisse souhaiter, un mince tapis de plume brodé d' arachnéennes fleurs de givre. Un bref arrêt à la Croix des Ruinettes, puis, sans effort mais gonflés à bloc, nous arrivons à la cabane. Quelques touristes discrets et sympathiques devisent pendant que Michaud le gardien fait fondre la neige à grand renfort de bûches de mélèze. Cette première journée a été riche en joies; le beau temps imprévu, une cabane qui n' est pas un champ de foire, une neige comme on n' en voit d' habitude que sur les films de propagande touristique.

Le dimanche n' a fait que prolonger la même veine. En deux heures quarante, par le Col des Gentianes, nous atteignons le sommet du Mont Fort. Le froid est vif; ce sera tant mieux pour la neige. Toute l' atmosphère est irradiée par des myriades de paillettes qui dansent en scintillant sous le soleil. Et plus qu' à la somme des montagnes qui nous entourent notre admiration va à cette luminosité extraordinaire. Enlever les peaux ne va pas sans onglée, car la cire les colle durement et le fartage est presque un supplice.

Au lieu de redescendre la grande pente que nous avons montée, je prends à droite, pour corser, dans un couloir plus raide qui oblige à un travail rémunérateur; quelques instants suffisent pour remettre les jambes en forme, et les virages se succèdent à un rythme de métronome; le couloir est dévoré en stems ou en christianias, chacun selon sa préférence. Le bas du couloir est pris en flèche et nous en sortons comme de la rainure d' une arbalète pour déchirer le blanc désert du Glacier de Mont Fort. Mais voici la pente qui se casse et tous s' arrêtent. D' un ton faussement modeste j' annonce: « C' est ici que les chats se peignent. » Un trou avec, tout au fond, les écuries de Tortin. Entre les deux, 800 mètres de dénivellation. Mieux qu' une description, la photo de la planche XXII du G. S. A. V., vol. I, donnera une idée de cette descente. Nous repartons, comme aspirés par le vide; un virage trop sec dans une neige maintenant un peu cartonnée nous verse au sol l' un après l' autre. La chute porte ses fruits et en dosant prudemment son effort on arrive à maîtriser la neige et peut-être aussi le soupçon d' appréhension qui nous raidissait. En belles orbes nous débouchons sur un premier petit plateau fréquenté par une faune intéressante ainsi qu' en témoignent les traces de lièvres, de renards et même de chamois. De là, un joli goulet, ombragé par de beaux arolles nous amène à Tortin. La chaleur est intense dans cette cuvette; la tête à l' ombre d' un toit nous regardons, pouvant à peine y croire, l' écran vertical où nous venons de graver de fins sillons. J' entends d' ici les sceptiques se récrier; ils trouveront que mon image est forcée et me prêteront une imagination de Méridional. Eh bien que ceux-là aillent faire la descente de Tortin; ils trouveront sans doute pour en parler des superlatifs colorés.

Sur une belle neige de printemps nous descendons sans autre incident notable le Val de Nendaz et enlevons les lattes à l' entrée de Beuson. Encore une heure de marche le long de la rive droite pour atteindre la halte de Châteauneuf où le train nous cueille un peu plus tard.

Mais pour tirer de cette région le maximum de ce que peut donner un week-end, il est préférable de combiner un itinéraire qui vous ramène de Tortin à Verbier par les Cols de Chassoure ( Sachière ) et des Vaux, puis la Combe de Médran qui se prête indubitablement mieux au ski que le Val de Nendaz.

P. S. Une récente course m' a permis de réaliser ce dernier projet. De Tortin, nous avons atteint en 1 h. 45, par la Combe de Lapirre, le Col de Chassoure ( Sachières ), 2718 m. De là, en contournant au nord le Mont Gelé sans redescendre beauconp, on gagne le Col des Vaux, 2702 m ., entre le Mont Gelé et le P. 2737. La descente sur Verbier par la Combe de Médran fut splendide.

Il conviendra cependant de réserver cette combinaison à des skieurs entraînés, car la course Verbier et retour par cet itinéraire représente 2600 m. de montées.

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