Une date dans la peinture alpestre: «Orage à la Handeck»
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Une date dans la peinture alpestre: «Orage à la Handeck»

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Avec 2 illustrations.Par Marc Juland.

Il y a eu un siècle, l' an passé, que fut exposé au Salon de Paris le célèbre tableau d' Alexandre Calarne, « Orage à la Handeck », actuellement propriété du Musée d' Art et d' Histoire de Genève, lequel a aimablement accordé aux Alpes l' autorisation d' en donner une reproduction.

Ce n' est, d' ailleurs, pas la première fois qu' une œuvre de Calarne est reproduite dans la revue du C.A.S. Deux études de ce peintre, « A la Handeck » et « Chute de l' Aar à la Handeck », illustraient, en 1935, un article d' Albert Gos, « Souvenirs d' un peintre de montagne ». En 1938, un « Eboulement » ( Haslital ), propriété du Musée alpin, de Berne, accompagnait l' article d' E. Jenny « Le C.A.S. et l' art alpin ».

Dans un article paru dans Les Alpes ( 1928, pp. 186—195 ), Maurice Jeanneret définit comme suit le peintre de l' Alpe: « Le peintre de l' Alpe, au sens étroit, mais d' autant plus précis du terme, est l' artiste vraiment doué qui, vivant pour l' ordinaire dans le pays, a consacré à l' Alpe l' essen de son souci — tout ou partie de sa carrière — et a résolu ce problème que posait la peinture alpestre: faire de la haute montagne transportée sur la toile une œuvre d' art. » Ce qui revient à dire que la montagne doit être le sujet principal du tableau et non se borner à être un simple décor, l' intérêt de l' œuvre résidant dans une scène de genre. La définition de M. Jeanneret nous semble s' appliquer tout naturellement à Calarne.

D' autre part, en 1837, Rodolphe Tœpffer avait publié dans la Bibliothèque universelle un article où il reprochait aux peintres suisses de ne pas s' inspirer des scènes de la montagne, et, en 1843, après 1'«Orage à la Handeck », il reprenait le sujet dans la même revue: « L'on peut, envisageant la nature alpestre au point de vue du paysage, distinguer trois zones principales: la basse, qui comprend les abords cultivés des gorges et le penchant des premières pentes; la moyenne, qui comprend de hautes vallées, des cols et tantôt des vallons ouverts, tantôt des défilés étroits, finit là où finit toute végétation d' arbres ou d' arbustes, la supérieure, chaos sublime de sommités chenues, de déserts rocheux, de cimes tantôt rases et gazonnées, tantôt couvertes d' éboulis et sillonnées d' abîmes, ici détrempées de neiges fondantes, là hérissées de glaces rigides, crevassées, sonores et incessamment en travail d' enfanter les fleuves de la terre, finit où commence le ciel... Artistes, mes compatriotes, ne le perdez pas de vue, ce domaine; faites-en la garde, profitez des beaux jours pour vous y introduire un à un, guettant, regardant, observant, étudiant; puis, le moment venu, jetez-vous y en foule sur la trace du plus habile, et que la gloire de votre conquête illustre la patrie! » Bien que 1'«Orage à la Handeck » ne soit pas la première toile où la montagne ait été représentée, on est généralement d' accord pour dater de cette œuvre la naissance de la peinture vraiment alpestre.

Avant Calarne, P. L. de la Rive, Maximilien de Meuron, François Diday, pour ne citer que des artistes du 18e siècle, avaient choisi la montagne comme sujet de tableaux. On s' était enthousiasmé pour « le Mont Blanc vu de Sallanches » de de la Rive ( 1802 ), pour « le Grand Eiger » de de Meuron ( 1825 ). Mais ni l' un ni l' autre ne persévèrent dans la voie où ils s' étaient essayés. Diday avait mieux compris les scènes que la montagne lui offrait. En 1835 il exposa un « Staubbach ».

Toutefois il fut surpassé par Calarne, qui avait été son élève.

La famille Calarneétait d' origine neuchâteloise, mais fixée à Vevey; c' est dans cette ville que naquit Alexandre Calarne, le 28 mai 1810. Il était chétif et resta délicat toute sa vie. En outre, il perdit l' œil droit à l' âge de dix ans, à la suite d' un coup qu' il reçut d' un de ses camarades. En 1826, son père mourut à Genève, où il s' était rendu, après avoir subi de lourdes pertes d' argent et où il avait trouvé du travail. Le jeune Alexandre fut placé dans la maison de banque de M. Diodati de Morsier. Tout en continuant son apprentissage, il coloriait de petites vues suisses qu' il vendait. Il prit des leçons chez Diday. En 1834 il épousa Amélie Muntzberger. Peu après il fit dans l' Oberland bernois un séjour qui lui permit de prendre contact avec les montagnes dont Diday lui avait vanté la majesté.

Sa première toile représentant un paysage de haute montagne, « Vue de la Handeck », fut exposée à Berne en 1836. Il exposa ensuite une série de tableaux dont les sujets lui étaient fournis par la montagne. Malheureusement, sa santé laissait beaucoup à désirer; il ne pouvait retourner dans les hautes régions et il devait se contenter de travailler les études qu' il avait rapportées de ses premiers voyages. Il va alors visiter Paris et la Hollande, leurs galeries et leurs écoles.

Rentré en Suisse, il fit un nouveau séjour dans l' Oberland.

Il ne s' en tenait pas seulement, il est vrai, à la montagne; il exposait de nombreux tableaux sur d' autres sujets à Genève, à Leipzig, à Lyon, à Zurich, à Berlin, à Paris, à Mulhouse. Les commandes affluaient.

L'«Orage à la Handeck », exposé au Salon de Paris en 1839, valut à son auteur une médaille d' or de deuxième classe. Eugène Rambert a donne de ce d' œuvre une admirable description. En 1840, séjour dans la Vallée d' Anzasca, à Zermatt. Au Salon de 1841, Calarne exposait une « Vue de la Vallée d' Anzasca » et Diday un « Rosenlaui ». La médaille d' or de première classe fut décernée aux deux artistes genevois. En 1842, tous deux exposèrent au Salon de Paris, Diday « Les Baigneuses » et Calarne « Chênes battus par l' orage ». La croix de la Legion d' honneur récompensa les deux peintres.

En 1843, Calarne livrait au public un tableau qu' il intitula « Le Mont Rose ».

En réalité, il s' agit là d' une œuvre de pure inspiration et non du Mont Rose lui-même; d' ailleurs, Calarne n' avait rien précisé touchant ces montagnes que d' aucuns crurent pouvoir identifier. De fait, le titre du tableau était « Effet de soleil sur les hautes Alpes du Valais, en face de la chaîne du Mont Rose ». On s' est même demandé s' il s' agissait d' un lever ou d' un coucher de soleil!

En 1844/45, Calarne se rendit en Italie; ce voyage nous a valu « les ruines de Pœstum ». Puis il retourna dans l' Oberland bernois, de là dans la Suisse centrale où il peignit l' un de ses grands tableaux du « Lac des Quatre Cantons » ( 1855 ). Cette région fut, comme l' Oberland bernois, une source d' inspira pour Calarne. Plus tard, Calarne fit plusieurs séjours sur la Riviera pour lutter contre le mal qui le minait. Et le 17 mars 1864, il rendit le dernier soupir à Menton, entouré de sa famille.

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