A pied dans les montagnes des Ailao. Les escaliers célestes des Hani | Club Alpin Suisse CAS
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A pied dans les montagnes des Ailao. Les escaliers célestes des Hani

A PIED DANS LES MONTAGNES DES AILAO

Déchiffrer une carte en chinois?

Après deux jours de voiture et 400 kilomètres, nous arrivons à Yuanyang. Peu de touristes occidentaux s' aventu jusqu' ici et nous trouvons facilement une chambre dans une confortable guesthouse pour passer la nuit. Le lendemain, nous décidons d' abandonner notre véhicule pour découvrir les beautés du lieu au rythme de la marche. Le premier problème qui se présente à nous est la recherche d' une carte géographique détaillée. Quand, enfi n, nous mettons la main sur l' une d' elles, nous nous apercevons qu' elle est écrite en caractères chinois. Avec l' aide d' un habitant de Yuanyang, nous réussissons à traduire et à transcrire dans notre phonétique les noms des principales attractions et des points de vue panoramiques: Mali-zhai, Duo Yi Shu, Tuguozhai, Niujiaozhai et Laozhui ou la « Gueule du tigre ». Munis de nos sacs à dos, nous faisons

Le ciel qui domine les rizières est presque toujours couvert. Quant au brouillard, il s' installe dans toute la région pendant plus de six mois par année

A PIED DANS LES MONTAGNES DES AILAO

Sur un seul de ces versants, on compte plus de 3000 lotissements. Entre la première et la dernière terrasse, la différence d' altitude atteint parfois mille mètres Du fond de la vallée jusqu' à une altitude de 2000 mètres, il y a 13 000 hectares de terrain cultivé en terrasses. Celles-ci permettent de gagner le combat contre les pentes dont la déclivité peut être très importante Les champs de riz sont comme des miroirs dans lesquels les nuages se reflètent La dimension des champs est très variable. On trouve de minuscules parcelles de terrain, mais aussi des terrasses pouvant atteindre facilement une surface de 60 hectares Pour cultiver un kilo de riz, il faut entre 3000 et 5 000 litres d' eau Photos: Alessandr a Meniconzi

du stop pour arriver, 13 kilomètres plus loin, à la route non pavée qui mène à Duo Yi Shu. Là, nous décidons de parcourir à pied les 17 kilomètres qui nous séparent encore de ce village. Durant ce minitrekking de trois jours, nous faisons d' innombrables haltes, qui ne sont pas dues à la difficulté de la randonnée mais à l' irrésistible beauté des lieux. Cheminer ne pose en effet aucun problème, car les sentiers terrassés sont en parfait état. Les seules personnes que nous rencontrons sont des femmes qui se rendent au marché, vêtues de costumes traditionnels, et des paysans affairés accompagnés de leurs inséparables buf-fles. La route unique, presque entièrement naturelle, remonte les rizières et offre plusieurs points de vue spectaculaires sur la région. De chaque virage partent des sentiers donnant accès aux terrasses. Lentement, nous suivons cette route sinueuse qui grimpe dans les nuages qu' au cœur des montagnes des Ailao, une branche de la chaîne du Yunling, sur le tropique du Cancer. Nous cheminons pendant des heures pour arriver dans un paysage que nous n' avons vu jusqu' ici que sur des cartes postales.

Les escaliers célestes des Hani

Les pentes ressemblent à des escaliers gigantesques alors que s' ouvre devant nous un paysage superbe. Le soleil s' est déjà couché, mais les rizières remplies d' eau continuent de miroiter, reflétant toute la variété des coloris du couchant: du rose tendre au rouge plus intense, en passant par les chaudes nuances orangées jusqu' au violet clair. C' est une terre domestiquée avec patience et génie en

Femmes vendant des légumes au marché Les défunts sont enterrés près des champs de riz qu' ils ont cultivés toute leur vie afin de Photos: Alessandra Meniconzi pouvoir, selon la croyance, surveiller leur rizière depuis l' au

fonction des besoins de l' agriculture. Les rizières, que les habitants appellent à juste titre « les escaliers célestes des Hani », spectaculaires ouvrages sculptés dans les versants, remontent à plus de 1300 ans. Au fil des siècles, les ancêtres des Hani se sont retirés dans les Ailao pour fuir les guerres et, avec l' aide de la minorité Yi, ils ont créé l' un des plus surprenants paysages en termes de génie rural.

Nous déambulons ainsi trois jours durant avant d' at Duo Yi Shu, 2000 m, où les habitants du village, comme au cours des nuits précédentes, nous offrent un toit pour la nuit. Le lendemain, à l' aube, nous avons de la peine à nous lever. Le brouillard descend des montagnes à une vitesse impressionnante, masquant l' ensemble du paysage encore plongé dans les ténèbres. Après un petit-déjeuner frugal et de rapides ablutions, nous admirons l' aube. Des touristes chinois, arrivés à Duo Yi Shu en voiture, nous emmènent jusqu' à la route pavée qui mène aux rizières de la « Gueule du tigre » ( Laozhui – Tiger Mouth ). Nous reprenons notre marche et suivons cette route sur une dizaine de kilomètres pour arriver dans la région de Mong Peng, où se trouvent ces stupéfiantes rizières. Parvenus au sommet de la montagne, nous sommes pris de court par le spectacle insolite d' un majestueux amphithéâtre naturel. Tel un caméléon, l' eau des terrasses change sans cesse de couleur, chatoyant entre le bleu et le gris. Aussi loin que se porte le regard, les flancs escarpés alternent avec les replats occupés par les rizières. Plus les pentes sont raides, plus les terrasses se réduisent à de minuscules plateformes de terre. Après avoir abandonné le vieux système de brûlis, les Hani s' adaptèrent à l' agricul de montagne en adoptant le système des terrasses à flanc de coteau, qui couvrent actuellement 2189 km 2. Du fond de la vallée jusqu' à une altitude de 2000 mètres, 13 000 hectares de terres ont été aménagés en gradins pour vaincre les pentes les plus escarpées. Entre la première et la dernière terrasse, la différence d' altitude atteint parfois mille mètres.

Le peuple de l' eau

Les rafales de vent nous giflent sans répit. En un clin d' œil, le brouillard épais se transforme en nuages denses chargés de pluie qui viennent rapidement obscurcir le cield' ailleurs, il est presque toujours couvert et, pendant plus de six mois par année, toute la région est enveloppée par un brouillard très épais. Ces conditions climatiques sont causées par les terrasses: l' air chaud qui remonte du fond de la vallée se transforme, au contact de l' eau d' évapora des rizières, en nuages et en brouillards épais. Ceux-ci se condensent et vont alimenter les rivières et ruisseaux qui, par un réseau de canaux artificiels dont les Hani ont le secret, vont amener de l' eau jusqu' aux villages pour la consommation courante. L' eau superflue finit dans les rizières situées en dessous. Un système de régulation ingénieux fait que l' eau venant de la terrasse située en amont est récupérée par la terrasse située en aval.

La zone est desservie sporadiquement par quelques bus publics qui relient les villages. Comme nous avons

Sur le marché Femme portant des vêtements traditionnels typiques des groupes minoritaires Femme en train de tisser sur un petit métier Informations pratiques Cette région éloignée du Yunnan est encore épargnée par le tourisme de masse et, en dehors de Yuanyang, les infrastructures touristiques, guesthouses ou restaurants, sont inexistantes. Durant notre voyage, les habitants des villages nous ont offert l' hospitalité, mais les conditions sont spartiates. Pour tout le trajet, prévoir de fonctionner en autonomie. On trouve assez facilement de l' eau qu' il faut purifier. Il est possible de se ravitailler dans de nombreux villages, car les marchés sont bien approvisionnés. Guide/Carte: Lonely Planet, Chine; Nelles Map 1: 1 500 000, China South Map, ISBN 388618675 X.

manqué le dernier bus pour Yuanyang, nous acceptons l' invitation qui nous est faite de passer la nuit sur place. Nos hôtes, comme toute la minorité Yi, sont très hospitaliers. Non seulement ravis de nous héberger, ils nous offrent une liqueur alcoolisée à base de maïs si forte que nous avons beaucoup de peine à la boire. Nous ne pouvons toutefois nous résoudre à accepter le repas qu' ils nous proposent ensuite généreusement. Nos habitudes culinaires sont si différentes des leurs que nous ne parvenons décidément pas à apprécier leur cuisine. Mais ce sont surtout les très mauvaises conditions d' hygiène qui nous contraignent à décliner poliment leur offre. Après une bonne nuit passée sous leur toit, nous rentrons donc à Yuanyang avec le premier minibus.

Errer dans le dédale des rizières

Cette région offre au voyageur d' innombrables possibilités d' excursions: en une seule journée il est possible de s' immerger dans la vie rurale des Hani et de rentrer le soir dans la vie citadine de Yuanyang. Nous décidons de rayonner à partir de Yuanyang en direction des points panoramiques alentour. C' est ainsi que, les jours suivants, nous nous rendons à Xing Cheun ( six kilomètres ), à Gok Jie ( deux heures et demie ), une randonnée qui nous permet

Le séchage du riz est une opération préalable au décorticage Femme étalant le riz au râteau pour le sécher Photos: Alessandr a Meniconzi

de traverser de nombreux villages, et à Rie Shiu Tan ( deux heures et demie ) où l'on trouve des sources d' eau chaude. La plus intéressante des sources chaudes de la région est à cinq kilomètres seulement de Yuanyang, sur la route menant à Luchun. C' est là que se trouvent aussi les belles rizières en terrasses de Kwo Jie et le village pittoresque de Ching Kou ( six kilomètres ). Un musée intéressant y explique, avec de belles photos, quelques films et divers objets agricoles, les différentes techniques de construction des champs de riz. Si les chemins qui mènent à travers les rizières ne présentent pas de difficultés techniques particulières, il est très facile de se perdre dans leur dédale. Pour rejoindre les parcelles cultivées, des sentiers prioritaires ont été créés: cela nous facilite la marche, mais pas pour longtemps. En effet, se déplacer à l' intérieur de ce labyrinthe de rizières est une véritable aventure. Nous avançons en parfait équilibre sur les diguettes qui ferment les terrasses et retiennent l' eau pour irriguer la récolte. Il nous faut être très attentifs à chaque pas, non seulement parce que nous ne voulons pas faire céder le terrain sous nos pieds, ruinant ainsi le travail long et patient des agriculteurs, mais aussi parce que nous avons peur de tomber dans la rizière située quelques mètres en contrebas. Dans la pâleur matinale se profile soudain un petit groupe d' enfants en uniforme scolaire. Quelques fillettes aux joues roses comme des radis, munies d' un véritable petit restaurant portatif, s' avancent vers nous avec curiosité pour nous vendre quelques produits du terroir: œufs bouillis, petits poissons séchés, bananes, douceurs et un délicieux riz cuit à la vapeur.

Vie et mort dans les rizières

Le riz est l' aliment de base dans tous les pays d' Orient. Pendant les longues périodes de pénurie, cette céréale permettait à la population de survivre. Même les cérémonies de crémation se déroulent dans les rizières. Il n' existe d' ailleurs pas de cimetière commun, le défunt étant enseveli près du champ sur lequel il a travaillé toute sa vie. Cela lui permet de surveiller sa rizière même depuis l' au. Comme d' autres minorités du Yunnan, les Hani disposent d' un système de croyances animistes et chamaniques. Les esprits des ancêtres, du ciel, du vent et de l' eau sont invoqués et vénérés après le semis et la récolte du riz, avant un voyage, pour guérir une maladie et pour accompagner la mort d' un conjoint. La fin de l' hiver, tout comme la moisson d' automne, est marquée par de nombreuses fêtes champêtres et religieuses où la population remercie les dieux. C' est également le moment pour les jeunes de se mettre à la recherche d' un compagnon ou d' une compagne. Nous quittons à regret les spectaculaires « escaliers célestes des Hani », merveilleux témoin de l' intégration parfaite de l' être humain dans son environnement, espérant en secret que cette région lointaine et perdue et sa culture millénaire seront préservées. a

Arrivés au point le plus élevé de la région, nous nous accordons une courte pause

Escalade libre / Compétition

Arrampicata libera e di competizione

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