A pied sur la frontière linguistique | Club Alpin Suisse CAS
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A pied sur la frontière linguistique Escapade gruérienne au Gros Brun

Le Gros Brun, ou Schopfenspitz, dans les Préalpes fribourgeoises, est le sommet le plus élevé d’un petit massif constitué également des Dents Vertes, du Vanil d’Arpille, de la Chörblispitz et de la Spitzflue. Situé à la frontière linguistique du canton de Fribourg, il offre au randonneur l’un des panoramas les plus étendus de cette région des Préalpes.

Le fil de la crête se rétrécit. Brève montée d’adrénaline sur cette arête rocheuse particulièrement exposée, mais bien étagée. La topographie redevient toutefois vite plus large et engageante à mesure que l’on s’approche de la Pointe de Balachaux, dernier avant-poste avant d’atteindre le Gros Brun, que d’autres nomment Schopfenspitz. Sur la droite, la cime anguleuse du Vanil d’Arpille, ou Maischüpfenspitz si l’on préfère, révèle des arêtes magnifiquement découpées. Sur la gauche, de nombreux névés récalcitrants esquissent des arabesques surprenantes du côté du vallon de Breccaschlund, au pied de la Chörblispitz, sur lesquelles il arrive que l’on aperçoive çà et là quelques chamois. On devine aussi les abords du Schwarzsee, ou lac Noir, dominé par le Kaiseregg et dont les eaux riches en soufre sont utilisées depuis près de 200 ans à la faveur de leurs vertus curatives. La satisfaction de rejoindre la Pointe de Balachaux est de courte durée, puisqu’une descente inattendue de plus de 100 mètres est nécessaire avant d’entamer la dernière pente, particulièrement rude pour des jambes déjà bien sollicitées. Cela fait déjà plus de trois heures en effet que la randonnée a démarré à la chartreuse de La Valsainte. C’est là également, devant cet imposant monument fondé en 1295, unique monastère de l’ordre des chartreux encore actif en Suisse, qu’elle se terminera dans quelques heures.

 

La Gruyère vue d’en haut

A montée d’exception, panorama d’exception. Le choix du Gros Brun se justifie largement, même si la Berra voisine, gravie été comme hiver, reste éminemment populaire. De la plateforme fort spacieuse du sommet, les lointaines rives du Léman, le Plateau romand, le Jura et le relief tout en rondeurs du massif de la Berra contrastent avec les pointes acérées de la mythique chaîne des Gastlosen, qui s’étire dans son intégralité au-delà de la vallée de la Jogne, sur près de 15 kilomètres. On aperçoit également la Hochmatt, témoin étymologique de l’alpage le plus élevé de ce canton bilingue, le massif des Vanils, de même que les indissociables Dents de Brenleire et de Folliéran. Plus loin, les neiges immaculées recouvrent encore les géants des Alpes bernoises et valaisannes. Pour les curieux, la grande croix sommitale renferme un panorama dans lequel on se plonge volontiers, abandonnant alors toute notion du temps.

 

Comme un tableau de poya

Après les crêtes aériennes, changement de décor avec une descente au travers du vallon de Balachaux, tacheté de quelques névés résiduels inclinés réclamant une certaine attention, jusqu’au chalet de Gros Morvau (1551 m). Un dernier sentier abrupt déployant ses multiples lacets au sein d’une forêt dense permet de regagner la sérénité des pâturages fleuris. Les nombreux chalets d’alpage aux tavillons caractéristiques et les multiples collines arrondies aux flancs partiellement boisés nous donnent soudainement l’impression de parcourir l’envers d’un tableau de poya, si cher à l’artisanat traditionnel local. Retour vers La Valsainte, au fond de la vallée du Javro. Seule la perspective de soulager quelques légères courbatures dans les eaux chaudes des bains de Charmey semble pouvoir inciter le randonneur à se résoudre à quitter ces lieux de quiétude. La boucle, bientôt bouclée, laisse la satisfaction d’avoir gravi trois sommets en une seule journée, sans difficulté majeure, et de profiter ainsi d’une vue unique et centrale sur les massifs préalpins avoisinants.

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