André Henzen ou l'amour du Lötschental. Guide, expert en avalanches et organiste | Club Alpin Suisse CAS
Soutiens le CAS Faire un don

André Henzen ou l'amour du Lötschental. Guide, expert en avalanches et organiste

André Henzen ou l' amour du Lötschental

André Henzen, natif du Lötschental, ne laisse rien au hasard. Que ce soit en tant que guide, comme expert en avalanches et en météo, ou en tant qu' organiste de l' église paroissiale de Blatten.

Lorsqu' André Henzen annonce par radio « niveau 3 » à l' équipe de piquet à Ferden sur le chantier de la NLFA du Lötschberg, le chantier doit être évacué sans discuter. Rien n' est laissé au hasard, Henzen a noté toute la procédure dans un mémo jusque dans le moindre détail. C' est avec la même méticulosité qu' il tient le registre des événements météorologiques et nivologiques survenus dans la vallée. Grâce à cette précision scientifique, il a constaté que, « entre le début d' une forte chute de neige par barrage du nord-ouest et la fermeture de la route de la vallée, il s' écoule entre 43 et 45 heures ». Comme président du service des avalanches du Lötschental, il sait donc quand il doit annoncer l' heure de fermeture de la route et faire évacuer dans le calme le domaine skiable.

Pour André Henzen, il est particulièrement important de pouvoir se fonder sur ces observations pour tirer les leçons du passé et faire des déductions pour l' avenir: les avalanches de l' hiver 1951 ont tué cinq membres de sa famille. « A l' époque, de telles tragédies étaient acceptées comme un coup du destin, dit Henzen, aujourd'hui il y aurait des conséquences juridiques. On cherche toujours un responsable et, en général, on le trouve. » Il pense avant tout à lui – et se défend, si nécessaire, lorsqu' on le qualifie par-ci par-là de fanatique de la sécurité. Créer la confiance Ce sont surtout les flancs abrupts de la montagne qui inquiètent les habitants du Lötschental. Plus que les avalanches, ce sont les chutes de pierres et les pentes instables qui les préoccupent. Encore un travail supplémentaire pour le géologue André Henzen. Régulièrement, il se fait descendre au bout d' une corde, depuis un hélicoptère, près d' un gros bloc de rocher surplombant Goppenstein. Il surveille ses mouvements avec un appareil spécialement mis au point pour mesurer des fissures d' un dixième de millimètre – un procédé qui aurait passé pour exagéré il y a quelques années. Mais le réchauffement du climat a sapé la confiance que l'on avait dans la stabilité du sous-sol. « Le Lötschental est dans une situation que l'on pourrait presque qualifier de confortable, car ses routes et ses zones d' habitation sont assez bien protégées

André Henzen avec son véhicule tout-terrain à Ferden, sur le chantier de la NLFA du Lötschberg André Henzen tient avec minutie un registre des événements météorologiques et nivologiques survenus dans le Lötschental. Cela l' aide à déterminer quand il doit annoncer la fermeture d' une route Pho to s:

Da vi d Co ulin LES ALPES 6/2004

par des galeries et des paravalanches. » Il n' en va pas de même pour la liaison Stalden–Saint-Nicolas dans la Mattertal. André Henzen est persuadé que là il aurait fallu construire un tunnel depuis longtemps.

Une petite mallette se trouve toujours dans son véhicule tout-terrain. Il y loge son mini-bureau, avec ordinateur portable et téléphone mobile. Il a notamment besoin de ce matériel pour commenter le temps actuel une fois par jour sur Radio Rottu Oberwallis, quel que soit l' endroit où il se trouve. André Henzen ne se hasarde pas à faire des pronostics sur les changements climatiques à court terme, car en tant que géologue, il compte plutôt en milliers d' années, mais les modifications du paysage survenues rien que cet été le font réfléchir. « Observer le recul des glaciers suscite un sentiment d' angoisse, dit André Henzen, mais voir comment la face nord du Bietschhorn a changé d' aspect rien que l' été passé, c' est un véritable choc. »

Le jeu des émotions Vu de l' extérieur, André Henzen n' est pas un homme qui laisse libre cours à ses émotions. Sauf lorsqu' il joue de l' orgue. Là elles coulent à flots et se mêlent au jeu des notes pour en donner une interprétation très personnelle. Son modèle, c' est Olivier Latry. « Pour entendre cet artiste en concert, j' irais jusqu' à Paris », affir-me-t-il. Pourquoi? « Cet amalgame entre perfection et expression », dit-il simplement, et ses yeux énoncent le reste.

André Henzen tient l' orgue de l' église de Blatten. « Je joue environ 80 fois par an, répétitions comprises. » Lorsque son regard plonge dans la nef depuis la galerie, il se remémore les scènes de la production télévisée Im Namen der Gerechtigkeit qui ont été tournées ici. André Henzen a servi de répétiteur à l' un des protagonistes du film, Matthias Gnädi-ger, et l' a aidé à potasser le dialecte du Lötschental: « Un homme et un acteur très impressionnant », conclue-t-il. De confession catholique, André Henzen a accompagné deux pèlerinages l' année passée – une fois comme organiste, du Haut-Valais à Lourdes, une

André Henzen commente chaque jour le temps actuel sur Radio Rottu. Pour ce faire, il transporte un mini-bureau bien équipé dans son véhicule tout-terrain C' est lorsqu' il joue de l' orgue qu' André Henzen donne libre cours à ses sentiments Les chutes de pierres et les pentes instables préoccupent de plus en plus les habitants du Lötschental. Grâce à un appareil spécialement mis au point pour mesurer les fissures, le géologue André Henzen suit de près les mouvements d' un gros bloc de rocher surplombant Goppenstein

autre fois comme guide de montagne, d' Obergesteln à Einsiedeln en passant par le Grimsel et le Brünig. « Ving-six heures de marche en trois jours avec cent quarante participants, dont l' abbé d' Ein Martin Werlen, originaire d' Obergesteln. » Par 36° C, la transpiration ruisselait de sa casquette, et les pèlerins buvaient jusqu' à sept litres d' eau ou de boissons isotoniques par jour: « Le plus impressionnant, ce fut l' entrée avec l' abbé dans l' église du couvent, par le grand portail. Même moi, j' ai dû essuyer subrepticement une larme », dit André Henzen, le montagnard habituellement si réservé. a

David Coulin, Horw ( trad. ) LES ALPES 6/2004

ous ne pouvons guère imaginer la beauté des Alpes sans l' inséparable présence de leurs glaciers. Ils appartiennent à notre image de la montagne et soulignent un régime climatique tout particulier. Ils sont en outre le siège de formations géologiques caractéristiques, appelées moraines. Chaque crue glaciaire est responsable de la constitution d' un nouvel arc morainique par le dépôt des sédiments charriés par la glace. Quoique de modeste ampleur,ce phénomène a été observé ici et là,lors de la progression glaciaire la plus récente des années 1980. Les vallums morainiques entourant un glacier ont été formés lors des crues glaciaires, les matériaux morainiques s' accumulant à chaque fois dans le dernier vallum. Leur datation permet d' établir la chronologie des crues.

Moraines

Les moraines frontales visibles au voisinage de la majorité des glaciers de nos Alpes se sont formées après la fin de la dernière glaciation, soit durant les dix mille dernières années. Au cours de cette longue période, la crue la plus importante se situe au « petit âge glaciaire » pendant lequel les glaciers connurent leur maximum aussi bien en longueur qu' en épaisseur, les uns au début du XVII e siècle déjà, les

derniers, au milieu du XIX e siècle. Dans le cadre des discussions sur la signification climatologique du retrait actuel des glaciers, l' examen des complexes morainiques

N

Pho to :C hr ist ia n Sc hl üc ht er

P H O T O S Christian Schlüchter et al. 2

T E X T E Christian Schlüchter, Ueli Jorin, Institut de géologie de l' Université de Berne 1

LES ALPES SANS

Feedback