Au bord du Qproq-fjord (Groenland) | Club Alpin Suisse CAS
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Au bord du Qproq-fjord (Groenland)

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Ascensions dans le sud du Groenland Alex. v. Wandau, Vienne Avec ses 2650 kilomètres d' extension maximale, le Groenland est considéré comme la plus grande île de la Terre. Il porte une carapace de glace d' une épaisseur considérable, atteignant 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer, et jusqu' à 1000 mètres au-dessous. Si cette carapace fondait, il ne resterait, tel un immense atoll, que les chaînes et la plate-forme côtières. Ces chaînes de montagnes qui s' élèvent en avant de l' inlandsis offrent des possibilités presque inépuisables aux expéditions d' alpinistes. Les difficultés liées au climat arctique dans de telles entreprises ont déjà fait l' objet de nombreuses descriptions. Le nom de Groenland ( pays vert ) est bien peu adéquat! Il fut probablement utilisé pour la première fois par Eric le Rouge, lorsqu' il découvrit l' endroit qu' on a baptisé depuis Eriksfjord et qu' il y vit de grasses prairies où faire paître ses vaches. Ce fut le point de départ de la colonisation du Groenland par des paysans islandais et norvégiens, en 981982. Aujourd'hui il n' y a plus de vaches au Groenland. La colonie des Vikings, dont on eut des nouvelles une dernière fois en 1408, s' éteignit vers 1500, certainement à la suite d' une altération du climat, que seuls les Esquimaux venus ultérieurement étaient en mesure de supporter. On peut déduire des restes retrouvés dans les tombes que des signes de dégénérescence étaient apparus chez les colons germaniques ( à la suite peut-être de mariages consanguins ).

Le hasard voulut que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, les USA installent, à proximité des deux anciens établissements de Vikings d' Igaliko et Brattahlid, une grande station météorologique et un lazaret pour invalides graves, ainsi qu' un aérodrome. Le lazaret a été transforme en hôtel, et l' aérodrome sert au trafic international. Trois fois par semaine, de nombreux visiteurs — principalement des participants à des voyages organisés — sont déposés ici après un long vol en provenance de Copenhague. En 1973, les directeurs d' une entreprise munichoise avaient choisi comme terrain d' action pour leurs clients alpinistes une région montagneuse encore peu connue, offrant toutes les finesses alpines — arêtes effilées, grands glaciers, parois granitiques - et située à une altitude de presque 2000 mètres, à 20 kilomètres seulement à vol d' oiseau de Narssarssuaq, l' ancienne base américaine. Il s' agit de la région bordant le Qproq-fjord, fjord, intérieur dans lequel nous avons pénétré par le sud, en traversant l' Eriksfjord, puis en contournant un cap, à bord d' un petit vapeur appartenant à la t Lac glaciaire près du Glacier d' Imja et l' Ama Dablam 2Pareshaya Gyab; camp du Glacier Imja 3En montant à F Island Peak au-dessus du Glacier d' imja Photos Alex. v. Wandau, Vienne Expédition: Qoroq-Fjord Itinéraire. Date: 16 juillet 1973 Qoroq-Fjord llgdlerfigsalik 1757 m JL1 Akuliarrulik 1690 m 2 Agdlerf igsaliq 1790 m 3Qoroprulik 1840 m 4Carltima 1870 mItinéraire ( 16 juillet 1973 ) Heure ( Europe centrale ): de 7.00 à 21.00 Température + 5° Situation météorologique: variable/pluie/neige société de l' hôtel. Ce voyage n' était d' ailleurs pas sans danger, car de gros icebergs, tombés des glaciers qui débouchent dans le fjord, auraient pu bloquer le passage, surtout à marée haute. Pour ceux qui ne connaissaient pas encore les icebergs, la traversée du Qproq-fjord, le 14 juillet 1973, représenta un événement mémorable.

Pour nous entraîner, nous avions déjà fait une excursion dans l' inlandsis, à environ 8 kilomètres en ligne droite au nord-est de Narssarssuaq; nous étions arrivés à un champ de glace pourrie de plusieurs kilomètres carrés de large ( formé peut-être par l' effondrement d' un barrage naturel ), où les clients de l' hôtel sont généralement conduits pour X 1600 m Déclinaison 39° Nombre de participants: 11 y admirer le paysage. Quant à nous, nous avons passé la journée à monter et à descendre des pentes raides en glace vive dans ce glacier très crevassé. Nous étions une douzaine de personnes, dont quelques dames venues d' Autriche et des Italiennes sportives, connaissant toutes la technique de la glace et guidées par un habitué du Groenland.

Le lendemain, le vapeur bien chargé s' arrêtait à distance respectueuse d' une plage de la baie de Qproq, où équipe et matériel furent débarqués au moyen d' un canot pneumatique conduit par un habile Groenlandais. Les provisions, le matériel de cuisine et les tentes furent ensuite transportés, 1 Camp du Fjord Qoroq Photo Alex. v. Wandau, Vienne environ 60 mètres plus haut, sur une bonne place de camping, d' où la vue s' étendait sur le fjord scintillant au soleil, sur le glacier au front abrupt et sur un groupe de phoques curieux qui gui-gnaient vers nous lorsqu' ils faisaient surface. Devant nous, une montagne étonnamment rouge, haute de 1600 mètres, déversait un énorme torrent d' éboulis dans la mer; plus loin à l' inté, un massif à plusieurs sommets, dépassant r 800 mètres, présentait son versant strié par trois glaciers abrupts. On ne pouvait malheureusement pas ignorer la longue marche d' approche, interrompue par plusieurs gorges. Une colline au joli nom, Iganarssuanquaq, s' élevait près du camp; on y reconnaissait à mi-hauteur une ancienne moraine. Nous y montâmes des que le camp fut installé, pour examiner les possibilités d' escalade qui se présentaient dans la région. Les montagnes tout autour de nous rappelaient les régions élevées des Alpes, mais les aulnes et les bouleaux nains accrochés aux rochers étaient typiquement groenlandais.

Le résultat de cette reconnaissance fut le choix d' une ascension pour le lendemain; mais vu le temps instable, orageux même, quelques personnes seulement purent partir, dont une Salz-bourgeoise qui avait déjà deux 7000 à son actif. Pour atteindre notre but, un sommet cote 1757 mètres et nommé Jgdlerfigsalik, nous franchîmes une gorge abrupte, puis un col sur un glacier dont il fallut contourner les séracs par la gauche. Nous parvînmes alors à un plateau de glace très crevasse, puis, après avoir franchi la rimaye, à une paroi de rochers. Ici commencèrent trois longueurs de corde plus difficiles que nous ne le pensions, dans des dalles de granit; puis nous nous élevâmes sur une raide pente de glace qui menait à l' arête. Cette montagne est sensiblement plus facile à escalader à partir du sud, où l'on rencontre des éboulis et des gros blocs. ( Les Vikings avaient, dit-on, installé là, au-dessus de leur colonie d' Igaliko, une station d' observation des glaces. ) Une partie de notre groupe explora pendant ce temps la région du col, à l' est de la montagne. Comme dans les montagnes norvégiennes, où des vallées en auge conduisent à un haut plateau à la sortie duquel les eaux se rassemblent avant de s' écouler vers la mer, de même s' ouvrait là une large cuvette ronde, où s' étendaient quelques petits lacs. Quant à l' arête de blocs rocheux si engageante, il s' avéra qu' elle ne menait qu' à un premier petit sommet, et que la suite de l' esca, jusqu' au sommet se dressant à l' ouest aurait exigé des connaissances techniques asses poussées. Parmi les sommets accessibles en un seul jour dans notre rayon d' action, on peut recommander la montagne aux trois glaciers déjà mentionnée, haute de 1870 mètres, et située à l' est. Au début de cette ascension, nous fûmes entourés de fleurs jusqu' à 300 mètres d' altitude ( un botaniste se disposait même à chercher des champignons !), puis apparut le rocher nu, un bon granodiorite ( roche des profondeurs ), enfin le glacier, toujours plus redressé, facile à gravir, à l' excep d' un passage de glace bleue tout en haut. Sur l' arête schisteuse, après six heures de marche, nous eûmes, à 1600 mètres, un coup d' œil étonnant sur de nombreuses montagnes en forme de trapèze, flanquées de contreforts plats qui dégringolaient ensuite vers les vallées en auge. Le grand dôme de glace du Carltima fut une autre surprise: c' est le plus haut sommet de la région. Il nous apparut au-dessus d' un glacier vert brillant très encaissé. L' arête nord en partie en dents de scie, en partie couverte de glace, mène assez facilement jusqu' au sommet d' où on jouit d' une vue grandiose sur le glacier en forme de « S » descendant de la région des célèbres Alpes Stauning. Ceux qui ne purent nous suivre sur l' arête durent rester au premier petit sommet ( 1690 m ) et attendre les autres, car le chef de l' expédition ne voulait pas manquer l' occasion de faire une première dans une si belle région. Le temps s' étant rapidement gâte, il était impensable de redescendre sans assurage, du fait des torrents d' eau qui se formaient au fond des gorges, rendant celles-ci difficilement franchissables. J' étais restée un peu en arrière, avec un camarade, dans le brouillard humide; par deux fois, nous ne pûmes trouver des gués dans les ruisseaux gonflés par la pluie. Il fallut chercher un endroit plus calme - et entrer pieds nus dans l' eau glacée! Ce n' est que vers 23 heures, à la nuit tombante, que nous atteignîmes le camp.

Pour profiter au mieux des possibilités d' excur dans cette région, un équipement spécial aurait été nécessaire. A défaut, nous ne pûmes traverser les torrents qui nous séparaient de la partie nord du fjord et de ses sommets fort intéressants.

Il convient d' informer les touristes alpinistes que le temps est moins favorable au sud du Groenland que dans la partie nord, bien plus sèche. Depuis le cap sud du Groenland, où se rencontrent divers courants marins tempérés, un temps brumeux et pluvieux monte souvent jusqu' à la hauteur de l' inlandsis. Aussi faisait-il grand beau quand le bateau à vapeur revint nous chercher à Qproq-sund pour nous ramener à Narssarssuaq. ( Traduit de l' allemand par Annelise Rigo )

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