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Autour du Grand Saint-Bernard. Nouvel itinéraire de randonnée en Valais

En été 2004, un nouveau circuit de randonnée d' une semaine a été ouvert dans la région du Grand Saint-Bernard. Il conduit de col en col jusqu' en Italie et offre, en guise de bouquet final, l' ascension d' un sommet de plus de trois mille mètres. Il allie également des paysages époustouflants à la visite de civilisations diverses, ainsi que de curiosités géologiques et botaniques.

Lundi. Vingt participantes et participants de vingt-cinq à soixante-dix ans, qui ont répondu à l' invitation de Valrando – l' Association valaisanne des sentiers de randonnées –, se retrouvent à Bourg-Saint-Pierre, prêts au départ pour cette promenade inaugurale. Au bruit pétaradant des motos circulant sur la route, la civilisation est encore bien présente. Mais nous nous en éloignons rapidement et pénétrons dans le silence de la combe de Drône et de la montée au col des Chevaux. Une courte descente nous mène sur la route du Grand Saint-Ber-nard, à quelque distance seulement de l' hospice. Pour fêter cet événement, quatre joueurs de cor des Alpes nous y accueillent aux sons traditionnels de leurs instruments et nous trinquons à cette inauguration. Il nous reste encore suffisamment de temps pour visiter l' hospice.

Mardi. Il pleut et il fait froid. Cela nous perturbe, car nous voulons franchir trois cols successifs, une étape que nous avons qualifiée de royale dans notre programme. Plongés dans nos pensées, nous cheminons vers le sommet du col de Saint-Rhémy. Grâce au GPS de notre guide François Perraudin, le brouillard ne nous pose guère de problèmes d' orientation. En revanche, nous regrettons de ne pouvoir admirer les magnifiques paysages espérés, cachés par les nuages. Mouillés et grelottants, nous poursuivons notre route. De surcroît, il se met à neiger. Devant nous s' élève la paroi toute blanche du col de Malatra. Nous nous encourageons puis, pendant un certain temps, on n' entend plus que notre halètement. Toutefois les dieux du ciel daignent nous accorder une trêve; la neige cesse et quelques taches de soleil courent sur l' étendue immaculée. En descendant sur le Rifugio Bonatti, de vastes névés offrent aux équilibristes l' occasion de godiller sur les arêtes de leurs chaussures. Trempés jusqu' aux os, nous arrivons à la cabane où une bonne douche bouillante nous remet des émotions de la journée.

Le mauvais temps nous procure une heure supplémentaire de sommeil. Un peu plus tard que prévu, nous descendons dans la vallée, vers Lavachey, où nous rejoignons la route carrossable montant au Rifugio Elena. L' améliora tant attendue du temps se fait désirer et nous apprécions d' autant plus la polenta servie dans cette cabane. Sur le versant opposé de la vallée, les nuages jouent à cache-cache sur les flancs du Cette randonnée conduit d' un col à l' autre. De celui de Mille, on a le choix pour la poursuite de la course: ascension du Mont Rogneux ou descente directe sur Bourg-Saint-Pierre Photo: Dr es Balmer Mont-Blanc; pendant une ou deux minutes, ils nous dévoilent partielle- ment le sommet du Mont Dolent, puis le rideau se referme sur le théâtre climatique capricieux des hautes Alpes. Plus nous nous approchons du grand col Ferret, plus le vent se renforce. Sous leurs ponchos les protégeant de la pluie, les alpinistes ressemblent à des fan- tômes escaladant le versant d' une montagne.

Sur l' alpage de La Peule, nous nous réchauffons dans un petit refuge. Le point médian de notre circuit qui forme une sorte de huit se trouve ici, à proximité immédiate du Grand Saint-Bernard, mais dans une autre vallée. Lorsque le tambourinement de la pluie sur le toit de notre abri commence à s' atténuer, nous reprenons nos sacs à dos et entamons, pieds mouillés, la dernière étape pour La Léchère, au-dessus de La Fouly, où nous attend une confortable petite cabane. D' ailleurs, nous avons emprunté aujourd'hui une partie du circuit pédestre autour du Mont-Blanc.

Quatrième jour. La nature se réveille fraîchement débarbouillée. Sur les prairies, des millions de gouttelettes d' eau scintillent aux rayons du soleil matinal. Nous savourons la pureté de l' air sous le bleu profond du ciel. Après deux jours de pluie, nous apprécions à sa juste valeur ce temps splendide et le pas devient plus léger. Après avoir acheté quelques vivres à La Fouly, nous prenons un petit télésiège pour l' alpage. L' étroit sentier montant au col du Basset, équipé de cordes fixes neuves, ressemble à une échelle conduisant vers le ciel. Chaque fois que nous nous retournons, les lambeaux de brouillard jouent une scène différente devant le décor du massif du Mont-Blanc. Un nouveau monde s' ouvre devant nous, la combe de l' A, dont les formations rocheuses révèlent des phénomènes géologiques aussi explicitement que dans un manuel scolaire. Dans cette réserve naturelle, des panneaux d' information racontent au randonneur ces épisodes de l' histoire de la Terre. Sans aucun effort, nous descendons vers le bas de la vallée, jusqu' à la mignonne cabane de Tsissette.

Autour de la cabane de Tsissette et dans la descente vers Liddes, dans le val d' En, les observateurs de la vie sauvage sont aux anges: chamois, cerfs et chevreuils jouissent du calme de cette zone protégée, de même qu' un aigle royal sur son aire, plus bas dans la vallée. Lors d' une pause, avant d' aborder le village de Liddes, nous prenons enfin conscience de notre accoutumance au silence, car le bruit du trafic routier heurte nos oreilles. La montée au col de Mille, tout d' abord sous le couvert de la forêt, puis en plein soleil, nous replonge dans la nature. Du sommet de ce col, nous bénéficions d' un beau coup d' œil sur le relief environnant que nous avons parcouru ces derniers jours. Sur la carte topographique, il n' occupe qu' un angle assez fermé mais, en raison de la lenteur de notre déplacement et des imposantes échappées dans la troisième dimension, ces petits coins du Valais et de la vallée d' Aoste se transforment en un grand pays et notre randonnée en un voyage à travers de vastes mondes.

Le programme imprimé de Valrando pose une question directe: « Avez-vous ce matin le courage et l' ambition d' escala les 3082 mètres du Mont Rogneux? » Pour nous, pas de problème! Déjà nous gravissons le sentier balisé en bleu-blanc-bleu pour aborder sans retard des champs de neige durcie par le gel, offrant heureusement de bonnes prises de pied. Ils alternent avec des éboulis grossiers où nous nous déplaçons à quatre pattes. Les alpinistes n' apprécient guère les bâtons télescopiques, ces béquilles traîtres et bruyantes qui les empêchent de développer leur sens de l' équilibre dans la caillasse en utilisant leurs mains nues.

Nous grimpons dans le soleil du matin. Un ensellement, suivi d' une corniche de neige, et nous voici au sommet. A hauteur de nos yeux s' ouvre un vaste panorama s' étendant des Combins à l' aiguille du Chardonnet, tandis que, sous nos pieds, se creuse un profond cirque de rochers. Par des névés escarpés, la descente nous conduit au bord d' un petit lac où deux personnes de notre groupe barbotent comme des grenouilles. Mais ils ne tiennent pas plus de dix secondes dans l' eau glacée. Trois heures plus tard, nous arrivons à Bourg-Saint-Pierre.

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