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Centovalli

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Max Senger, Zurich

( Images y et 8 ) Quiconque connaît un tant soit peu d' italien saura immédiatement traduire Centovalli par « cent vallées », quoiqu' on dise pourtant le Centovalli. Il serait bien difficile toutefois de dire s' il y a réellement une centaine de vallées, et plus difficile encore de savoir d' où le Centovalli tire son nom. Pour cela, il faudrait pouvoir se référer à des documents du XIIe siècle, c'est-à-dire à un temps on il n' existait guère encore de cartes de géographie. Peut-être alors eût-on pu l' expliquer; peut-être aussi ne s' agit que d' un nom créé par un hôte de passage, et dont l' emploi s' est perpétué à travers les siècles.

Mais il faut bien reconnaître qu' il y a une foule de vallées latéral es. Le Centovalli proprement dit part de Locarno, monte vers le nord par Tegna, jusqu' au bourg principal Intragna, lequel se targue de posséder le clocher le plus haut du canton... disons plutôt des environs; ce bourg se vante également d' avoir un nom romain - à défaut de « romain », nous dirons qu' il est dérivé du latin, inter amnes signifiant entre deux rivières.

La plupart des habitants pensent que c' est là que Gambetta vit le jour... non pas, évidemment, le célèbre Léon Gambetta ( 1838-1882 ) mais un aïeul... Quoi qu' il en soit, si vous sortez de nuit dans les étroites ruelles de cet Intragna, ne perdez pas de vue le clocher, illumine, de peur de vous égarer.

Entre 1880 et 1970, le Tessin a passé de 117000 à 252000 habitants; mais le Centovalli n' a pas contribué à cet accroissement de population; bien au contraire, ses habitants l' abandonnent depuis des générations: bons artisans, ils vont gagner leur vie ailleurs.

Il existe un roman, d' un jeune écrivain tessinois, Plinio Martini, qui donne des descriptions intéressantes de la vie dans cette vallée, et dans celles de l' est. Ce livre, qui porte le titre quelque peu étrange de « Sans commencement, ni fin », a été traduit en allemand.

Aussi haut qu' il y a des villages, ils ressemblent tous à de petits châteaux forts, avec leur église et leurs remparts, dans lesquels habitent encore quelques vieillards et quelques gosses.

Bien sûr, cette vallée a été rendue accessible par une route, en 1908, et, en 1923, par une voie ferrée, avec des tunnels, des ponts, de quoi réjouir tous ceux qui aiment ce genre de travaux! Mais cette « mise en valeur » ne tient certes pas à des raisons économiques, car c' est une région désa-vantagée à tous points de vue. Le Centovalli cependant, c' est le passage vers Domodossola, vers l' Italie.

A Ré, donc en Italie déjà, et non plus exactement dans le Centovalli, à une heure à pied de la frontière suisse, se dresse une basilique, édifiée en 1958, grande, massive, avec coupoles et constructions de style gothique-byzantin, un immense vaisseau central et beaucoup de mosaïques; mais il faut remonter au 29 avril 1494 pour trouver l' église primitive. Un croyant, quelque peu espiègle semble-t-il, avait alors jeté une pierre au visage d' une madone... Du sang en jaillit... Depuis, la Madone est considérée et honorée en tant que relique... et une église fut rapidement édifiée sur les lieux.

Mais retournons à notre Centovalli, avec ses vallées latérales tourmentées, ses villages romantiques, ses innombrables fleurs des Alpes et ses bâtiments en solides pierres de taille, mais en ruines et sans toits pour la plupart, abandonnés par leurs habitants et livrés aux intempéries.

Le prêtre Don Giuseppe de Martini disait, au sujet des torrents qui descendent en mugissant que « le Tessin aussi a commence à ressentir la haute conjoncture de ces dernières années. Dans certain tunnel, on peut découvrir la valeur des forces hydrauliques du Val Maggia, et ces forces viennent en partie du Centovalli. On pense qu' il serait juste de sacrifier la beauté des eaux à l' économie Suisse... En fait, on dépouille une des contrées les plus pauvres au profit de régions infiniment plus favorisées... A cela, il faut encore ajouter que notre canton est comme un pays à part, isolé, qui vit principalement de l' hôtellerie; et là, on apprend à courber l' échine... » Ainsi s' est exprimé le prêtre Don Giuseppe de Martini.

Mais, ce qu' il ignorait, c' est qu' un professeur de l' Ecole polytechnique fédérale, tessinois également, a prouvé que les avocats tessinois sont passés maîtres dans l' art de tourner les lois. Aussi serait-il intéressant de savoir dans quelle mesure le nombre des avocats a augmenté, en proportion de la population. Les sociétés immobilières aussi se sont multipliées. D' après la « Loi von Moos » ( 1941 ), elles ont passé de 385 à 2500 en Suisse... et le Tessin n' est pas en queue de liste dans ce domaine.

Il faut toutefois relever qu' une sorte de sélection s' opère tout naturellement parmi les promeneurs, dans le Centovalli: la route et le train ont bien ouvert un passage, mais le touriste s' arrête au fond de la vallée; ensuite, il doit grimper. Où qu' il veuille aller, il ne dépend plus que de lui-même et de ses propres forces. C' est ainsi que s' opère un tri, et que le Centovalli reste réserve à l' excursion, au marcheur. Celui qui recherche des buts de courses intéressants peut se procurer toute une série d' itinéraires dans le volume Locarno et ses vallées, paru aux éditions Kümmerli et Frey. On ne lui propose guère de balades à plat; juste une pro- t Superbe bouquetin 2Groupe de chamois à l' époque du rut ( Rägeflüeli ) 3Harde de chamois en fuite 4Harde de bouquetins sur le Widderfeld menade au revers, sur de vieux chemins, par Rasa, Bordei, Palagnedra, Moneto, Camedo à la frontière italienne, promenade qui exige environ cinq heures de marche.

Un chemin sur la hauteur, côté soleil, touche Calezzo, Cornino, Madonna della Segna, Verda-sio, Lionza, Borgnone, au cours d' un trajet de quelque six heures.

Puis il ne faut pas négliger le Monte Leone ( 1659 m)> qu' on gravit en trois heures et demie, environ, à partir de Rasa, car on y jouit d' une vue panoramique grandiose.

Le massif du Mont Rose est caché derrière les chaînes du Gridone, dont l' arête rocheuse de Costone di Lenzuoli est toute proche. On aperçoit juste quelques quatre mille valaisans dans le prolongement du Val Vigezzo et de la vallée italienne de Melezza: le massif des Mischabel et celui du Weissmies. Mille deux cents mètres plus bas se creuse le sillon du Centovalli. En face, entre le sommet rocheux du Pizzo da Ruscada et l' Aula boisée, le Col de Segna qui conduit dans le Val Onsernone.

Derrière les chaînes parallèles des Préalpes tessinoises s' étendent les sommets de l' Oberland bernois. A l' est, et nettement plus rapprochée, se dresse la pyramide du Basòdino, la deuxième montagne du Tessin. Au-delà de la plaine de Magadino, on reconnaît les cimes neigeuses du massif de la Bernina, et, tout en bas, large, brillante, orientée vers le sud, la Lombardie et le Lac Majeur, dans une brume bleuâtre...

On sait le rôle capital joué par le tourisme au Tessin. Aussi les autorités ont-elles réuni en un fort volume tout ce qui peut intéresser les visiteurs, mais le Centovalli et les vallées adjacentes n' y ont que très peu de place:

« Dans les régions moins touristiques ( Val Maggia, Val Onsernone et Centovalli ), on ne peut guère imaginer un vrai développement, car ces vallées n' offrent guère la possibilité de pratiquer des sports d' hiver. Seul le tourisme d' été entre en ligne de compte, et c' est uniquement pour la période des vacances estivales qu' il convient de déve- 5Bouquetins dans un paysage d' arrière. Au fond: montagnes de l' Obwald 6Un bouquetin de quatre ans ( Pilate ) Photos :J.F. Wildhaber, Sempach lopper ces régions. Il faut éviter la construction de grands bâtiments coûteux et réparer plutôt d' an maisons et étables. Il est nécessaire également d' aménager des maisons de vacances. Il est clair que ces réalisations ne sont possibles qu' au moyen de subventions d' ailleurs relativement peu élevées. » Pour nous autres touristes, la sélection qui se fait tout naturellement, étant donné la configuration des lieux, nous réjouit, et nous partageons l' avis de Solari qui écrit notamment: « Ces vallées sont notre richesse, et on devrait les laisser intactes. » Traduit de l' allemand par L. Dupraz

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