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Chalets d'alpages dans l'Apennin central

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Avec 4 illustrations ( 138—141Par Karl Sufer

Dans l' Apennin central se trouvent, comme dans les Alpes, des chalets d' alpages de types très variés. Les régions au-dessus de 1500 m. offrent, là où la forêt n' existe plus, des pâturages qui sont tondus en été par des centaines de milliers de moutons. Ces bêtes arrivent au mois de juin de leurs lieux d' hivernage des basses plaines ( p. ex. de la Campagne romaine ou de la Pouille ), après avoir couvert des distances de 100 à 200 km. et plus en 10 à 20 journées de marche. Elles séjournent à la montagne durant 3 à 4 mois, puis, fin septembre ou début octobre, elles retournent au campement d' hiver au climat clément durant la saison froide, mais brûlé du soleil en été. Pendant toute l' année, les moutons couchent à la belle étoile; la stabulation est inconnue. Il s' agit ici de la transhumance véritable, fondée sur la coexistence de deux régions, diverses en ce qui concerne le climat et la végétation. Il n' y a qu' un nombre très restreint de moutons qui ne participe pas à la transhumance, mais demeure en hiver dans les étables des villages montagnards.

Les chalets d' alpages de l' Apennin central sont situés entre 1400 m. et 2100 m. d' altitude, si possible à proximité d' une source, d' un petit lac ou d' un marais, cas assez rare, cette chaîne de montagnes consistant presque Die Alpen - 1946 - Les Alpes13 CHALETS D' ALPAGES DANS L' APENNIN CENTRAL exclusivement en calcaires perméables. Citons comme exemples les cabanes près des petits lacs de Pantaniello ( Monte Greco ), de Vivo ( Monti della Meta ), de Duchessa ( Monte Velino ) et de Pilato ( Monti Sibillini ). En général, les bergers sont forcés d' amener journellement à dos de mulet l' eau d' une source ou d' une fontaine lointaine dans de petits barils. Comme dans nos Alpes, les cabanes cherchent à s' adapter au terrain pour se protéger contre les intempéries, contre le vent surtout, soit qu' elles s' adossent à un rocher, à une pente ou à une moraine, soit qu' elles s' abritent dans un cirque, dans une doline ou au fond d' un vallon. Les troupeaux peu nombreux ( 200 à 600 têtes ) dominant, les cabanes sont en général petites et très simples, suffisant tout juste à loger deux ou trois adultes et, cas échéant, un petit berger. Elles s'appellent, selon les régions, « capanne » ( Monte Velino ), « casali » ( Monti della Laga ), « posticchie » ( Montagna della Majella ) ou « casolari » ( Gran Sasso d'Italia ). Bien souvent elles ont la forme suivante ( photo n° 139 ): sur un emplacement rectangulaire s' élève un simple échafaudage, se composant de trois ou quatre poteaux de hêtre bifurques, hauts de trois mètres environ, qui portent une poutre horizontale formant le faîte. Des pierres sont empilées au fond et sur les deux côtés jusqu' à une hauteur de deux mètres environ. Du faîte, quelques chevrons parallèles partent des deux côtés et viennent se poser sur les murs latéraux, construits sans mortier. Là-dessus s' ajuste le toit de branchages, de touffes d' herbe et de glèbe. L' entrée consiste en une simple ouverture qui peut être fermée à la rigueur par quelques pierres superposées. Même en plein été, ces cabanes ne protègent qu' insuffisam contre la fraîcheur des nuits dans ces hauteurs de 1600 à 2200 m. Après le long et dur hiver, les bergers doivent souvent réparer ces cabanes si légères, et tous les deux ou trois ans elles doivent être complètement reconstruites.

La même simplicité règne dans l' intérieur qui consiste en une seule pièce tout à la fois laiterie, cuisine et dortoir des pâtres. Dans un coin, une mince couche de foin étendue sur le sol de terre battue sert de lit. Dans un autre angle, quelques ustensiles, de la vaisselle surtout, des puisoirs, des seaux; puis une chaudière suspendue au-dessus d' un feu ouvert dont la fumée remplit tout l' intérieur du logis. Aussi l'on préfère préparer, s' il fait beau, le fromage en plein air, soit sur un emplacement favorable près de la cabane, soit à l' abri d' un de ses murs où on a construit un enclos de pierres rectangulaire ou rond protégeant le feu contre le vent. La chaudière est suspendue à un poteau horizontal supporté par deux poteaux verticaux. Là le fromager prépare matin et soir le fromage et le séret; en général cette opération se poursuit jusque vers minuit.

Près de la cabane, c' est le parc des moutons. Il s' agit d' une parcelle de terrain à peu près circulaire entourée d' une claie haute d' un mètre. Elle consiste en bâtons plantés à distance régulière dans le sol et reliés les uns aux autres par un réseau de ficelles. Dans ce parc, appelé le « stazzo », les moutons passent la nuit. De temps en temps, on change son emplacement pour répartir ainsi régulièrement le fumier autour de la cabane.

Le même procédé de construction est employé pour les huttes des charbonniers ( photo n° 140 ). Elles ont un caractère tout à fait provisoire, puis- rf ;.V, qu' elles ne servent que durant deux, trois ou quatre étés au plus. Après ce laps de temps les charbonniers changent de lieu de travail. Cependant, les murs des huttes doivent être soigneusement rendus imperméables par la glèbe afin de conserver la chaleur, car les charbonniers y demeurent du mois d' avril jusqu' à la fin de novembre. Fréquemment aussi elles s' élèvent en forme de cube et sont étançonnées par des troncs d' arbre.

Parfois on rencontre des chalets de bergers plus solidement aménagés qui se maintiennent durant plusieurs années. Il s' agit là surtout de bâtiments devant abriter un personnel plus nombreux ( cinq à huit personnes ) attaché à la garde d' un grand troupeau ( 800 à 1500 moutons ). Ils sont en général entièrement construits en pierre sèche, bas, mais assez larges; leur toit repose sur des piles de pierres. Ils s' adaptent parfaitement au relief environnant, de sorte qu' ils sont à peine visibles à une certaine distance. Il n' y a pas de fenêtres; le jour pénètre par la porte. Une pièce exiguë sert à conserver le lait et les produits laitiers qui sont transportés de temps en temps, deux fois par semaine p. ex ., au prochain village. Dans la partie méridionale des Monti Sibillini il y a certaines cabanes situées à proximité du village de Castelluccio ( 1453 m .) où l'on ne fabrique pas le fromage. On préfère transporter tous les matins le lait au village, et c' est là que le fromage est fabriqué.

La Majelletta ( 1995 m .) qui fait partie de la chaîne de la Majella, présente un autre type d' habitation temporaire: la cabane ronde en pierres sèches ( photo n° 138 ). Le bâtiment consiste en deux parties: une inférieure en forme de cylindre, une supérieure en forme de cône tronqué. L' unique pièce voûtée de l' intérieur n' est éclairée par aucune fenêtre. Il convient de rapprocher ce type de construction des « trulli », ces modestes maisons campagnardes si caractéristiques de certaines parties de la Pouille. Elles servent aux paysans soit d' habitation, soit de réduit pour les ustensiles agricoles. Sans aucun doute, ce mode de construction a été transféré dans la Majelletta par les bergers qui font régulièrement hiverner leurs troupeaux dans la Pouille. Les « trulli » sont une forme de bâtiment très ancienne, connue depuis des siècles; les « nouraghes » de la Sardaigne montrent des formes analogues.

Un type spécial d' exploitation alpestre est représenté par la « masseria » ou « azienda della masseria ». Il s' agit là d' entreprises assez grandes et bien organisées, de vrais consortages d' alpages. Comme leurs troupeaux comptent 2000 à 4000 moutons, ils doivent être divisés pour la garde en sections plus petites appelées « branchi » ( branco ) ou « morre » ( morrà ), comptant chacune 250 à 350 bêtes. Chaque « morrà » pâture séparément sous la garde d' un berger et d' un petit-berger et possède son propre « stazzo » à la « posta », le campement des pâtres. Ces consortages disposent à l' ordinaire de solides bâtiments alpestres servant d' habitation et de laiterie. Citons en exemple la « masseria » qui se trouve près du Lago Pantaniello à 1820 m. d' altitude sur le flanc nord du Monte Greco ( photo n° 141 ). C' est une région nue, sans arbres ni broussailles, recouverte dans certaines parties d' anciennes moraines. Le troupeau quitte les plaines de la Pouille le 20 mai environ et atteint les pâturages du Monte Greco aux premiers jours de juin, donc après un voyage de 12 à 15 jours.

Vers la mi-octobre il regagne son campement d' hiver. Ce troupeau compte 2500 têtes environ, c'est-à-dire six « moire » sous la garde de six ou sept bergers et cinq ou six petits-bergers. Pour ce nombreux personnel, on a bâti une maisonnette en pierres et mortier recouverte d' un toit de tuiles chargé de grosses pierres. Son intérieur est divisé en deux pièces. La plus grande contient un foyer pour préparer les repas et, en cas de mauvais temps, les produits laitiers, puis, le long d' un mur, des couchettes ressemblant à celles de nos refuges alpestres. La pièce plus petite est une sorte de cave où sont conservés le lait et ses produits. Tout à côté, une ancienne cabane fort primitive sert, par les intempéries, d' étable aux quatre ou cinq bêtes de somme. Là nous trouvons, à part deux « stazzi » mobiles, quatre « stazzi » fixes les uns près des autres. Sur un emplacement aplani et libre de pierres, des murs hauts de un à deux mètres ferment de trois côtés chacun de ces grands carrés. Le quatrième côté est clos par une haie de bois munie d' une ouverture par où les moutons entrent et sortent à la file indienne. Ils sont traits au passage soir et matin.

C' est le maître-berger qui porte toutes les responsabilités du personnel et du troupeau. Il ne fait jamais la garde, mais prépare matin et soir le fromage, assisté par un aide-fromager. Outre les bergers, il y a encore trois ou quatre domestiques. Un ou deux d' entre eux sont chargés de ratisser dans chaque « stazzo » le fumier et d' en remplir des sacs. Chaque nuit vers 3 heures, une caravane de quatre ou cinq mulets se met en route sous la direction d' un des valets et transporte ces sacs de fumier à une distance de 17 km. au village de Scanno ( 1050 m .) pour la vente. Elle y arrive vers 8 heures. Deux fois par semaine vient s' y ajouter une charge de mulet de produits laitiers. La caravane remonte vers le soir, rapportant du pain et quelques autres vivres, mais surtout le bois qui manque totalement aux alentours du Lago Pantaniello. Le dimanche et les jours fériés, ces voyages ne se font pas. Par les journées de mauvais temps, d' ailleurs bien rares en été dans l' Apennin central, ils sont également suspendus, car le fumier mouillé par la pluie deviendrait trop lourd à transporter. Les bergers mènent une vie fort simple; leur frugale nourriture se compose presque exclusivement de pain et de fromage de mouton. Le soir, ils préparent « l' acquacotta », une soupe contenant du pain rassis, un peu de sel, d' huile et d' herbes ramassées aux alentours. Le menu est varié de temps en temps par un peu de salade et de pommes de terre cultivées sur un petit carré de terrain près de la cabane. En dédommagement de son travail, chaque domestique recevait avant la guerre 6 lire par jour, ce qui représentait la valeur de trois kilos de pain!

La « masseria » du Piano di Campitello dans la Montagna del Matese tient non seulement de nombreux moutons, mais aussi une centaine de vaches. Là le lait et ses produits sont transportés par un téléférique à San Massimo, village situé au bas du flanc septentrional de cette montagne.

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