Considérations diverses en salle d'escalade. Une délicieuse odeur de gâteau ... au fromage | Club Alpin Suisse CAS
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Considérations diverses en salle d'escalade. Une délicieuse odeur de gâteau ... au fromage

Observations diverses en salle d' escalade

Lorsque l' été touche à sa fin, la saison d' escalade en salle recommence. Il est donc temps d' y retourner régulièrement. Et pourquoi ne pas se livrer à quelques considérations sur ce qui s' y déroule? Les voici!

Les salles d' escalade sont principalement des lieux où l'on s' entraîne. C' est du moins ce qu' on dit. Parce qu' on y observe également des pratiques aussi vieilles que l' humanité, consistant à voir et à se faire voir.

Essai de typologie Avant tout, la salle est le lieu où se rend le grimpeur sportif typique, lequel se distingue par quelques caractéristiques physiques bien particulières. Premièrement, ce grimpeur-là est un poids léger, parfois au-dessous d' un poids normal pour sa grandeur. Ses jambes sont comme des bâtons noueux et secs et sa taille est celle d' une guêpe. Pour les épaules, il en va tout autrement: elles sont larges, avec des muscles protubérants qui se prolongent jusque dans le dos. Cette surcharge musculaire influence de manière négative la posture du grimpeur: penché vers l' avant, il déambule dans la salle comme s' il était chargé de tout le poids de son entraînement. Avec ses avant-bras tout aussi musculeux, il pourrait faire concurrence à un forgeron.

La salle attire également l' alpiniste classique qui se prépare pour la prochaine saison. Ses caractéristiques physiques ne se laissent toutefois pas définir précisément. Il y a de tout dans cette catégorie: de l' étroit au large, du mince à l' épais, avec des longs bras et des petites jambes ou inversement, avec une légère bedaine ou de puissants paquets de muscles. Tous grimpent et paraissent y trouver du plaisir.

Yoyos et balles de ping-pong Dans la catégorie des familles grimpeuses, on trouve d' abord ces jeunes couples qui ne peuvent pas imaginer de renoncer à leur passe-temps et qui, pour

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cette raison, amènent en landau leur bébé de neuf semaines dans cet air plus que sec et poussiéreux de la salle. Evidemment, ils espèrent bien fort – et avec eux tous les gens présents – que leur progéniture se tiendra correctement pendant l' entraînement des parents et ne se mettra pas à manifester son mécontentement.

Les enfants plus âgés qui ont commencé à grimper, eux, posent moins de problèmes. Presque tous s' amusent dans ce terrain de jeu vertical. Lorsqu' ils ne peuvent encore se lancer dans les grands itinéraires, ils vont faire les yoyos au-dessus des matelas posés au pied des voies d' escalades de bloc. Le grimpeur honorable mais néanmoins resté coincé à un certain degré de difficulté, doit se secouer pour ne pas être jaloux à la vue de ces balles de ping-pong vivantes. L' agilité et le rapport entre le poids et la puissance sont tout simplement incroyables chez les enfants.

Peau de léopard ou poivrons? Le sac à magnésie, ou sac à pof, fait partie des accessoires obligés. Il y en a de toutes les tailles, de celle d' une mandarine à celle d' un bidon, et de toutes les couleurs et formes. Ce qui est actuellement à la mode, c' est le sac x-small, avec une peau imitation léopard, ou le modèle de moyenne grandeur avec des dessins de poivrons. Viennent ensuite les chaussons d' es. La largeur est inversement proportionnelle aux capacités du grimpeur: meilleur il est, plus ses chaussons sont étroits. Ils peuvent même l' être à ce point que le grimpeur ne va pouvoir supporter la douleur de la compression que le temps de parcourir un seul itinéraire, soit au maximum 16 mètres. Aussitôt qu' il est revenu au sol, il les arrache pour enfiler n' importe quelles babouches. Les ongles de ses orteils sont soumis chaque fois à la torture et il vaut mieux ne pas trop les regarder de près. Les chaussons d' escalade se doivent d' avoir du mordant, d' où des noms comme « Terminator » ou « Dominator ».

Alors que l' alpiniste met son équipement standard – des pantalons légers de course, une chemise en coton et une veste légère –, les grimpeurs sportifs portent des habits qui suivent la mode; les grimpeuses y vont avec des brassières ou des soutiens-gorge de sport qui laissent un bon rapport entre musculature et féminité. Sûrs de leurs attraits, les hommes bombent leur torse ruisselant de sueur, le déodorant étant resté au vestiaire.

Il y a encore les méthodes d' assurage, du traditionnel demi-nœud d' amarre au moderne « Grigri ». La manipulation des cordes laisse en effet des points d' interrogation dans l' air: n' avons pas appris que l' assurage est une opération qui demande toute notre attention? Désormais, ce genre de principe trop banal est mis à mal par la composition sociale même des utilisateurs de la salle: on s' y retrouve en effet aussi pour bavarder et discuter! Et il arrive plus d' une fois que le grimpeur, tout en haut de la paroi, soit pris de doutes et se sente comme négligé par sa partenaire qui, au pied de la voie, papote allègrement avec le séducteur qui grimpe dans la voie d' à côté.

Bloquer, coincer, poussez-tirer, balancer Une différence essentielle entre le visiteur occasionnel des salles d' escalade et le grimpeur ambitieux tient à leurs vocabulaires respectifs. Alors que l' utilisateur lambda y va de phrases banales du genre « Fais attention !» ou « Je ne sais pas comment continuer !» ou encore « Super, j' ai passé sans problème », les grimpeurs spécialistes ont, eux, un mot particulier pour chaque prise, chaque mouvement et chaque suite ou combinaison de mouvements. « Ainsi, à il s' agit sans cesse de

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bloquer, de coincer, de pousser-tirer et de balancer!

A un moment ou à un autre, tous parviennent à la moulinette, c'est-à-dire au bout de l' itinéraire. Là, on est un tant soit peu surpris agréablement par l' odeur de gâteau au fromage qui règne à cette altitude, parfum venu tout droit du four à micro-ondes du bar et qui file puis s' étale sous le plafond. C' est avec un certain plaisir qu' on se rend compte de cette odeur qui est en contraste parfait avec les barres dites énergétiques et à consistance mollassonne présentées sur le comptoir du bar. Les changements de personnel du bar en question ne passent pas inaperçus sur la paroi d' escalade. En effet, l' averse musicale de vieilles rengaines fait tout à coup place à un rock genre Heavy Metal en même temps que le son monte d' une série effrayante de décibels.

Et toujours l' appel de la montagne On est rarement seul dans les salles d' es. Le plus souvent, ça grouille de grimpeurs qui « passent facile » du 7b, doivent « tirer un peu » dans du 7 c – alors que, à côté, on se scie complètement et désespérément les bras dans un 6a qui semble bien petit-bourgeois. Il ne reste plus qu' à se consoler avec le constat que le génie de l' escalade ne tombe pas du

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