Des montagnes et des hommes: Abdul Ahad Dugloo et son house-boat. | Club Alpin Suisse CAS
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Des montagnes et des hommes: Abdul Ahad Dugloo et son house-boat.

hommes:

Abdul Ahad Dugloo et

son house-boat

Le Cachemire, qui borde au nord le sous-continent indien, a toujours été symbole de beauté, de splendeur, d' harmonie et de félicité. Malheureusement, cette magnifique région montagneuse est depuis cinquante ans une constante pomme de discorde entre l' Inde et le Pakistan. C' est au sud, dans la vallée du Cachemire proprement dite, avec son incomparable plateau des lacs appartenant à l' Inde, que vous pourrez rencontrer Abdul Ahad Dugloo.

Des nuages viennent assombrir le paradis Lorsque le grand empereur Mogoul Jahangir se trouva sur son lit de mort, ses proches lui demandèrent: « Sa Majesté a-t-elle encore un vœu ?» L' em ouvrit une dernière fois les yeux, dont l' éclat commençait à faiblir, et il répondit dans un souffle: « Le Cachemire seulement !» Abdul Ahad Dugloo arbore un visage soucieux sur la véranda de son house-boat ( bateau-maison ) « Raj- cessus de développement durab-e et de leur offrir un lieu d' échange d' idées et d' opinions.

Manifestations En automne 2000, la campagne « Enfin les vacances. A vous le paysage » organise diverses manifestations à Saint-Martin ( 22-23 septembre ), Wergenstein ( 4 novembre ) et Campo ( TI ) ( 27-28 avril 2001 ), avec des discussions, des excursions et des dégustations. Les hôtes et les populations locales seront associés aux projets retenus.

Des rencontres auront également lieu à Lungern, au Simplon, à la Valle di Muggio et au Parc Jurassien. Elles s' adressent principalement aux spécialistes de la région ( tourisme et protection de la nature ) et visent à offrir de nouvelles prestations touristiques respectueuses du paysage.

Silvia Müller, Alpenbüro Klosters ( trad. ) doot » ( en ourdou: messager ). A côté de la plaquette, une autre inscription ressort en blanc sur fond vert: « VACANT » - comme sur presque tous les house-boats du Cachmirat. On voit très rarement des touristes. Seul l' appel à la prière des muezzins vient interrompre le silence. Abdul a beaucoup de temps pour lui. « C' est triste, constate-t-il, nous espérions en avoir fini avec la guerre civile, et voilà maintenant que l'on se bat dans le nord. » Les temps sont durs pour les propriétaires de house-boats.

Réinventés par les Anglais: les house-boats Le Cachemire n' a jamais perdu son identité, même à l' époque des colonies. Attirés comme les empereurs moghols par le climat doux de cette vallée complètement encerclée de montagnes, les Anglais venaient y trouver le calme. Certains s' y plaisaient tant qu' ils voulurent y construire des maisons. Le maharadjah ne permettait toutefois pas aux étrangers d' acquérir des terrains, raison pour laquelle des Anglais, inventifs, se rabattirent sur les vagues paresseuses des grands lacs Dal, Nageen et Wular, où ils se firent construire - en s' inspirant de la version plus modeste du bateau-maison indigène - de luxueux bâtiments en 4 Abdul Ahad Dugloo, peu après son pèlerinage à la Mecque La véranda du house-boat évoque l' atmosphère de l' époque victorienne Voyages, rencontres, personnalités bois de cèdre pouvant héberger de odeux à six personnes, selon leur taille.

Ceux-ci furent transformés par la sui- ste en hôtels flottants. La grandeur et 2la distinction de l' époque victoriennese dégagent encore maintenant des t,quelque 1500 house-boats duCachemire.

Mi Le grand-père d' Abdul louait déjà des house-boats, et son père s' occupa de monter l' entreprise.. " " .Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à l' époque où les affaires prospéraient, la famille en possédait cinq petits. De nombreux soldats en permission séjournaient alors dans la région. Abdul parle souvent du passé et de l' activité intense qui régnait alors dans la ré- gion. Il y a peu de temps encore, il possédait deux grands bateaux modernes. Vu la précarité de sa situation financière, il dut en vendre un à son beau-fils. Au début 1999, il prend son courage à deux mains et s' offre, à lui et à sa femme, le grand pèlerinage des Musulmans à la Mecque, le hadj. Malgré l' expérience douloureuse du chaos politique et économique, Abdul est un homme équilibré. Ses préoccupations se limitent à assurer la survie de son entreprise, dont une grande part a été reprise entre-temps par son fils Gulam Mohammed, et au mariage de sa plus jeune fille, qui vit encore à la maison.

Plus de 1500 house-boats sont stationnés sur les lacs de montagne du Cachemire Pique-nique sur l' Ile d' Argent Le charme paisible de la vie lacustre A bord d' un shikara, le confortable aqua-taxi de la région, nous avançons à bonne allure sur les eaux calmes du lac Dal. Abdul a pris avec lui ses petits-enfants Shahnaz, Aphro-sia et Rashid. Aux derniers house-boats succèdent bientôt les célèbres jardins flottants, où les laborieux Cachemiris cultivent sur des troncs assemblés des quantités surprenantes de légumes de la meilleure qualité. La vue donne plus loin sur les montagnes majestueuses qui délimitent la vallée. Eli et Isa continuent de ramer calmement. Après avoir longé l' Ile Dorée, nous accostons à l' entrée du jardin de Shalimar, où nous faisons une halte sous des chinars géants ( platanus orientalis ) que l' empereur Jahangir fit planter il y a bien cinq cents ans, et où nous admirons les jeux aquatiques. Plus tard, nous sa-vourerons avec les enfants un plantureux pique-nique sur l' Ile d' Argent, avec à la clé des cerises croquantes et des châtaignes rôties au beurre.

Plus tard, à bord du « Rajdoot », on nous offre un curry d' oie, des lentilles, des épinards, du riz, de la compote de rhubarbe. En raison d' une coupure d' électricité, nous devons traverser à tâtons la salle à manger, puis un salon aménagé avec goût pour atteindre la véranda. La pleine lune vient de se lever sur le Takt-U-Suleiman, et son faisceau décroissant se tortille sur le lac au son des gargouillis comiques produits par le narguilé d' Abdul. Les poissons vont et viennent en dessous. Durant quelques instants, le reflet du saule qui se dresse en face est effacé par une shikara qui passe sans bruit. Puis la surface redevient lisse et la silhouette de l' arbre reprend sa forme initiale.

Le marché flottant Cinq heures du matin. Les dernières étoiles s' éteignent et les sommets enneigés du Pir Panjal commencent déjà à s' éclairer faiblement. Eli s' approche en silence avec sa barque. « Salami », et nous voilà partis pour le marché flottant. Le lac s' étale devant nous, lisse et parfaitement immobile. Le shikara trace derrière lui un triangle de vaguelettes qui s' en vont vers les house-boats vides. On entend ici et là un coq chanter. Nous frayant un passage entre les nénuphars jaunes et les feuilles de lotus, nous nous dirigeons vers des canaux bordés d' arbres comme des allées. Le marché y bat déjà son plein, les vendeurs et clients sont en train de marchander à qui mieux mieux. Plusieurs dizaines de barques plates occupent une grande partie d' un large canal. On ne voit que des hommes. Pendant qu' Abdul achète des légumes et des racines de gingembre et que nos yeux et nos oreilles se régalent de toute cette animation, Eli prépare du thé du Cachemire parfumé à la cardamo-me et à la cannelle. Le brûleur à kéro- Quoi de plus beau que le lotus, sorti des fonds lacustres vaseux?

sène bourdonne, des vagues viennent heurter les flancs de l' embarcation. Des légumes et des fleurs de toutes les couleurs possibles et imaginables tanguent devant nous au rythme du roulis. « Beaucoup de sucre ?», s' en Eli.

Abdul remet son bonnet persan en place et remplit le pied de son narguilé avec de l' eau du lac. Il bourre la tête en terre cuite avec du tabac parfumé sur lequel il dépose de petits morceaux de charbon de bois incandescent qu' il prélève délicatement, au moyen d' une petite pince, d' un foyer de braises allumé dans une bassine. Quant à Shahnaz, elle est assise à l' avant du bateau et contemple, rêveuse, les eaux tranquilles du lac. Au loin, on aperçoit de longues rangées de grands peupliers.

Espoir Des nuages blancs planent au-dessus de la vallée. Avec un « flop » à peine audible, un martin-pêcheur transperce la surface de l' eau pour réapparaître aussitôt et regagner une souche en lançant son cri aigu. Nous passons en silence devant cet oiseau merveilleux, véritable messager du paradis.

« Pamposh !», crie Shahnaz. Son grand-père hoche la tête d' un air entendu et continue de fumer. Un spectacle admirable s' offre à notre regard: la première fleur de lotus de l' année. Au milieu du tapis de feuilles vert foncé qui recouvre la surface de l' eau s' élève une tige unique supportant un éventail de pétales ivoire aux pointes teintées d' un rose délicat. La grande fleur s' ouvre au centre sur un pistil couleur jaune d' œuf, entouré des étamines. La régularité et l' har de cette fleur ravissent le cœur en même temps qu' elles rendent songeur.

« Nous vivons au paradis », dit Abdul d' une voix douce. « Quel pays offre une telle profusion de splendeur: des montagnes enneigées, des ruisseaux limpides, d' énormes forêts, des rizières en terrasses, des aman-daies, des champs de crocus, des lacs, encore des lacs, des house-boats, des martins-pêcheurs et des fleurs de lotus ?» Il tire une bouffée de son narguilé, qui gargouille et glougloute, avant de répondre: « Le Cachemire seulement !» Bernhard Rudolf Banzhaf, Saas Fee ( trad ) Scène paisible sur le lac Dal, que l'on ne peut admirer nulle part ailleurs qu' au Cachemire!

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