Descente extrême de la face nord du Grossjoch | Club Alpin Suisse CAS
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Descente extrême de la face nord du Grossjoch

Descente extrême de la face nord du Grossjoch

Adrénaline et sensations fortes dans l' Oberland bernois

Si Pierre Tardivel, skieur de l' extrême français, a toujours caressé l' idée de se mesurer au couloir nord du Grossjoch, la difficulté de cette descente l' a longtemps incité à différer un projet aujourd'hui concrétisé. Récit de cette aventure extrême qu' il nous fait vivre en direct en nous faisant partager des sensations démulti-pliées.

J' ai longtemps relégué le projet un peu fou de descendre à ski le couloir nord du Grossjoch dans un coin de ma mémoire. En effet, aux témoignages des skieurs extrêmes et des alpinistes, énonçant d' une même voix la difficulté d' une telle entreprise, s' ajoutait encore le fait que j' ai toujours accordé ma préférence aux descentes de proximité qui permettent de surveiller l' évolution de l' enneigement des faces. Vingt ans plus tard, en juin 2000, le besoin de me changer les idées et l' envie de répondre à l' appel de l' aventu m' ont poussé à concrétiser cette folie.

La sécurité a un prix Une fois les prévisions météorologiques favorables, je rejoins aux côtés de Tim Dobbins, mon compagnon de descente, la Schmadrihütte dans l' Oberland bernois. Sur le sentier d' accès au refuge, il n' y a quasiment plus de neige et nous devons porter les larges skis parabo-liques et les chaussures de slalom que nous avons apportés, adeptes tous deux du matériel « sérieux ». La sécurité a un prix: nos sacs, avec piolets, crampons, baudrier, casque, corde et réchaud pèsent au moins 16 kg chacun! Une fois arrivés, nous constatons la viabilité de l' iti projeté: un superbe couloir de 600 m à l' aplomb du Grossjoch. Pour le rejoindre, succède, à un socle facile de 400 m, une traversée étroite et exposée vers la gauche, ouvrant sur une falaise et surplombée par des séracs!

Reconnaissance de l' itinéraire en montée Au matin, nous quittons le refuge à l' aube pour progresser décordés sur le glacier qui nous semble peu dangereux. Si la neige au-dessus de la rimaye est bonne et prédit une descente de qualité, la présence plus haut d' une série de profondes goulottes d' avalanche laisse par contre entrevoir de folkloriques traversées avec les skis! A 3000 m, nous prenons nos distances avec la fameuse traversée afin de n' exposer qu' une seule personne à la fois. Nous sommes soulagés de constater que, même si elle s' annonce périlleuse à cause de la glace, la traversée tant appré-hendée pourra se faire à ski, les dalles de rocher laissant un espace de 40 cm de large. Le grand couloir surplombé de séracs se révèle en revanche toujours plus raide à mesure que nous grimpons, et atteint 54° au niveau du verrou rocheux supérieur que nous explorons consciencieusement en prévision de la descente. C' est au spectacle d' endroits aussi dangereux que ce couloir s' ouvrant sur un vide de 800 m, que le skieur extrême prend conscience de l' importance de reconnaître l' itinéraire à la montée pour accroître sa sécurité. Les pièges sont souvent invisibles pour celui qui n' a pas remonté l' itinéraire!

Stress et émotions fortes, mais plaisir extrême! Nous négocions les premiers virages depuis le sommet du Grossjoch remplis d' un stress qui se dissipe lorsque nous constatons que les carres accrochent bien sur la neige, encore un peu dure. La concentration requise par ces premières pentes où toute erreur est fatale n' enlève rien au plaisir qui nous envahit déjà. Au niveau du verrou rocheux supérieur, les virages sont rendus délicats par la neige que de vieilles coulées ont lus-trée. La difficulté se corse encore à la sortie de ce passage: nous devons traverser – à toute vitesse sur une plaque verglacée –

A l' arrière se dessine l' impres couloir emprunté par Pierre Tardivel et Tim Dobbins, sur la face nord du Grossjoch, 3564 m Pho to s: Pie rr e Ta rd w el

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LES ALPES 3/2001

pour nous récupérer en haut du grand couloir. Si ce mouvement paraît facile sur un freeride en station, la perspective de dévaler la falaise en contrebas augmente nos pulsations cardiaques.

Le reste de la descente est plus décontracté. Rassurés par l' excellente qualité de la neige, nous prenons plaisir à enchaîner de nombreux virages, parfois en petite godille, parfois en grandes courbes. Toujours vigilants, nous veillons à ne pas nous laisser embarquer par les petites coulées de surface, déclenchées par nos skis.

Aux abords de la fameuse traversée, l' inquiétude qui nous avait repris se dissipe vite au spectacle d' une glace désormais ramollie par le soleil. Les goulottes d' avalanche des pentes inférieures sont presque des jeux d' enfants et nous nous amusons à les traverser soit en les descendant, soit en les sautant. Mais il n' est guère conseillé de s' attarder dans de tels versants où le soleil risque à tout moment de déclencher des avalanches de pierres ou de neige et nous sommes contents d' en finir avec le saut de la rimaye.

Des moments de bonheur intense Le plaisir d' une telle aventure consiste à être en harmonie avec la nature: être là le bon jour et à la bonne heure nécessite en effet d' en connaître et d' en respecter les rythmes. L' extrême permet par ailleurs de mieux explorer sa personnalité, de définir ses limites et d' apprendre parfois à les dépasser. A ces plaisirs se surajoute encore celui de partager un moment de bonheur intense avec une personne elle aussi passionnée par l' extrême, qui n' est pas, quoi que l'on dise, un sport d' égoïstes... a

Pierre Tardivel, Metz-Tessy ( F ) Pierre Tardivel escalade décordé le glacier du Grosshorn Montée d' adrénaline pour Tim Dobbins lors de la descente vertigineuse du couloir

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