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Du marchandage sous les rochers? Controverse entre escalade et protection de la nature

Outre les sorties en peau de phoque, l' escalade sportive est la seconde des activités liées à la montagne qui confrontent le CAS et les membres actifs aux questions de protection de la nature et de limitation d' accès aux sites. L' évolution de la situation montre que le succès des négociations passe par la discipline que doivent s' imposer les grimpeurs et les adeptes du bloc.

Selon les dispositions de la loi sur les forêts, les cantons sont tenus de définir l' utilisation future de la forêt dans des plans directeurs forestiers ( PDF ). Ces plans comprennent notamment les réserves forestières ainsi que les zones de détente pour le sport et les loisirs. Les cantons sont par ailleurs tenus, lors de l' élaboration des plans en question, d' or des procédures de consultation des milieux intéressés. Il est dès lors très important que les représentants des sections du CAS ou des grimpeurs y participent puisque des activités sportives comme l' escalade, les courses à ski et les randonnées à raquettes sont directement concernées. Ce sont souvent les sites d' escalade les plus récents qui se trouvent dans le domaine forestier. Sites qui se distinguent généralement par une couverture forestière diversifiée et des conditions plutôt défavorables pour l' exploitation des bois; c' est pourquoi ils sont prédestinés à devenir des réserves forestières – avec ce que cela signifie de limitations à un libre accès. Parfois, l' es y est interdite ou limitée bien au-delà de ce qui serait nécessaire. C' est la raison pour laquelle nous lançons un appel aux sections et aux grimpeurs afin qu' ils participent à la discussion des plans forestiers de leur région (1)!

Le conflit est particulièrement vif entre escalade et protection de la nature dans le Jura bâlois, région bien connue pour ses sites d' escalade. La raison en est que la pression est forte sur les sites les plus connus; il s' agit en effet de sites de très bonne qualité et proches de l' aggloméra bâloise. La multiplication des voies au cours des années quatre-vingt a inquiété les responsables de la protection de la nature. Les tensions ont également été avivées du fait que, par ignorance, des grimpeurs sont allés ouvrir un certain nombre de voies dans des zones de protection. L' attitude très sceptique des représentants de la protection de la nature n' a pas pu être entièrement modifiée, cela malgré les gros efforts fournis et les limitations volontaires imposées par les groupes de grimpeurs et le CAS depuis le milieu des années quatre vingt-dix. Il faut dire aussi que les sites rocheux de la région bâloise représentent, du point de vue biologique, des biotopes isolés, offrant une flore et une faune riches, souvent rares, protégées, menacées ou endémiques (2). Au début, l'attention s'est portée surtout sur les oiseaux nichant dans les rochers et sur la flore située au sommet des sites rocheux. Tant pour les oiseaux que pour la flore, des solutions ont été trouvées, dans la plupart des cas, sous forme de limitations des périodes d'escalade et des accès ainsi que par la mise en place de points de rappel situés avant le sommet du site. Au cours des dernières années, la flore et la faune sont revenues s' installer sur les rochers. Il s' agit notamment des populations diversifiées de lichens et de divers insectes et escargots de rocher (3).

Pour la plus grande partie des sites controversés, on attend cette année encore des décisions; les négociations seront sans doute difficiles pour certains sites très importants du canton de BâleCampagne. Il est clair pour tous les représentants des grimpeurs et du CAS que des concessions devront être faites et que des limitations sont nécessaires; nous tenons toutefois à ce que les principes qui sont importants pour nous soient respectés 4, tout comme certaines possibilités de développement.

Pour les autorités, la question se pose de plus en plus clairement de savoir si les voies et les écoles d' escalade sont ou ne sont pas de petites installations sportives dont l' emploi doit être soumis à autorisation. L' escalade correspond-elle à une utilisation des lieux qui mérite certes discussion et mise au point mais sans qu' il soit nécessaire de la soumettre à une autorisation formelle? La question est également de savoir si l' autorisation ressortit du domaine des forêts ou de celui de la protection de la nature ou bien s' il s' apparente à une autorisation de construire pour petites installations hors de la zone à bâtir au sens de l' aménage du territoire.

Le Comité central du CAS a estimé l'an dernier qu' il n' y a pas d' obligation générale à demander ou à octroyer une autorisation avec les voies d' escalade, alors qu' il y en a une pour les via ferrata (5. Toutefois, les cantons de Soleure et de Bâle-Campagne estiment, eux, depuis un certain temps qu' une autorisation est obligatoire et qu' elle l' est de toute manière dans les zones sous protection. Des discussions sur le même sujet ont eu lieu récemment dans le canton de Saint-Gall. Une obligation générale de demande d' autorisation pour chaque voie ( ou pour la pose de points d' assurage ) serait insensée et d' ailleurs inapplicable pour des raisons pratiques. Le groupe de travail du CAS « Droit de la responsabilité civile » est, pour sa part, en train d' exa cette question du point de vue juridique. Il s' agira en fin de compte de trouver des solutions adéquates au cas par cas sans se perdre dans les méandres du juridisme.

L' escalade de bloc a pris, ces dernières années, une ampleur telle qu' elle est devenue une activité sportive à part entière. Par refus de toute organisation et de toute structure, certains grimpeurs de bloc estiment qu' il n' y a pas de limite à la pratique de leur sport. Or, il y a déjà eu des problèmes sérieux, notamment avec des propriétaires fonciers, en raison du stationnement sauvage des voitures, des déchets, des excréments ou encore en raison de la fréquentation devenue excessive d' endroits tranquilles et qu' alors réservés aux connaisseurs. Mais il y a également eu des conflits avec les prescriptions dans le domaine de la protection de la nature, même s' ils n' ont pas atteint la virulence qu' ils ont dans la région bâloise. Des grimpeurs de bloc ont, en effet, complètement nettoyé des blocs éboulés de toute leur végétation, au milieu d' une zone de protection riche en flore; ils ont en outre coupé les arbres et arbustes entourant les blocs pour en aménager les abords à la pioche et à la pelle. Et ils l' ont fait sur le territoire d' une commune avec laquelle nous sommes précisément entrés dans une phase de négociation délicate en raison de la présence de sites d' escalade importants et fréquentés. Les choses en ont été rendues encore plus difficiles. C' est pourquoi nous demandons aux grimpeurs de bloc de s' en tenir aux règles convenues, de prendre leurs responsabilités à l' égard de l' environnement et le fait qu' ils sont impliqués dans les négociations avec les représentants de la protection de la nature.

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