Escalades en Europe de l'Est (Hongrie et Tchécoslovaquie)
Jean-Luc Amstutz, Peney-le-Jorat ( VD )
« La puszta hongroise n' a pas la réputation d' être particulièrement montagneuse... le pays culmine au Matra Ra ( 1015 m ); il y a des grimpeurs et des falaises: on n' en sait guère plus. » Ces quelques lignes ont paru dans un article intitulé « Toutes les montagnes du Monde ».
A l' heure où certains sites d' escalades connaissent un encombrement de plus en plus gênant, il est toujours rassurant de savoir qu' il existe ailleurs des falaises peu fréquentées. Cela est vrai, en particulier pour la Hongrie, pays plat par excellence. Alors que le Matra Ra ne satisfera que le randonneur et le skieur de fond en hiver, le grimpeur aura le choix parmi une vingtaine de falaises, toutes situées dans le nord du pays. Ces dernières, hautes de 20 à 70 mètres, offrent des difficultés comprises entre le III et le IX- ( cotation uiaa ).
Je tiens tout de suite à préciser que, si je n' avais pas fait la connaissance d' amis hongrois lors d' un séjour au Pamir, je ne serais probablement jamais venu grimper en ces lieux, faute de renseignements. Toutefois, il est intéressant de souligner l' intense activité des alpinistes locaux dans un pays au relief si peu évocateur.
L' alpinisme hongrois Une trentaine de clubs réunissent la quasi-totalité des grimpeurs du pays. Ces groupements permettent parallèlement la pratique de nombreux autres sports et certains sont affiliés à I' uiaa.
Contrairement à ce qui se passe en Tchécoslovaquie ou en Pologne, les clubs d' alpi hongrois ne reçoivent aucun subside de l' Etat. Ici, qui se veut privé s' assume! La principale source de revenus provient de différents travaux effectués à l' aide de la technique alpine: cela va du montage de cheminées d' usine à la rénovation de monuments historiques ou de statues. La concurrence se fait de plus en plus sentir, car il est maintenant fréquent de voir trois ou quatre grimpeurs se grouper en association Hegymâszo Technihâ-val comme on l' appelle ici. De ce fait, l' alpi hongrois connaît une période difficile, en tout cas en ce qui concerne les expéditions lointaines. Toutefois, au printemps, un groupe partira pour le Spitzberg en vue d' y tenter la traversée nord-sud de l' île à ski, une précédente tentative ayant échoué par mauvaises conditions atmosphériques. Pour plus tard, un projet en Chine est en train de germer dans certains esprits...
Il n' est pas inutile de connaître les difficultés qu' éprouvent les grimpeurs hongrois pour se rendre dans les contrées « capitalistes »: un voyage est possible tous les trois ans et avec un nombre très limité de devises, la durée du séjour étant fixée à huit jours pour la Suisse et à un mois pour la France, pour ne citer que ces deux exemples.
De plus fréquentes escapades à l' ouest ne sont envisageables que par le biais d' une lettre d' invitation provenant d' un club ou d' une personne à titre privé.
Malgré ces divers obstacles administratifs, les alpinistes hongrois se sont déjà manifestés dans les Andes équatoriennes, au Kilimandjaro et au Satopanth ( Himalaya indien ) en 1983. Les différents massifs alpins, tels que le Mont Blanc, le Dauphiné, les Dolomites, la Bregaglia, les Alpes suisses et autrichiennes, ou encore les gorges du Verdon sont régulièrement visités.
Néanmoins, leur terrain d' action préféré et rapidement accessible est le massif des Tatras dont la réputation n' est plus à faire. Il est fréquenté en toutes saisons, et chaque forme d' alpinisme y est possible: de sérieuses escalades hivernales suppléant à l' absence de glaciers et à l' altitude modeste; la randonnée à ski, bien qu' encore peu classique, y est aussi pratiquée. A ce propos, il ne faut surtout pas sous-estimer les dangers que peuvent présenter ces montagnes à l' aspect parfois débonnaire. Nous en avons fait la fâcheuse expérience en janvier 1985, lorsque, pris dans une avalanche, nous nous sommes retrouvés avec une paire de skis pour deux personnes et contraints à un bivouac très improvisé...
Le reste de la chaîne carpatique est aussi fréquemment parcouru par les Hongrois, que ce soit le Pirin bulgare ou les Monts Fogaras en Roumanie. La Yougoslavie, pays voisin et ne présentant pas de problèmes d' ordre administratif pour les Hongrois, est également très convoitée pour ses Alpes Juliennes ( massif du Triglav ) et pour ses parois de Paklenica.
Toutefois, leurs terrains d' escalades favoris, outre les falaises du pays dont nous parlerons plus tard, se trouvent en Allemagne de l' Est et au nord de Prague; ceux-ci sont constitués de plusieurs centaines de tours de grès qui offrent des voies de hautes difficultés et souvent à grande exposition ( Dresde, Teplicke, Adrspack, etc. ).
Je profite de m' attarder quelque peu sur ces deux massifs gréseux connus respectivement sous le nom de Suisse saxonne et de Bohême tchèque. Ce n' est pas la nature du rocher qui déroutera le plus le grimpeur occidental, mais les règles d' escalade très strictes, élaborées dès le début du siècle et, à quelques nuances près, toujours en vigueur aujourd'hui. Je ne connais pas d' autre endroit où une telle éthique de l' escalade est respectée par chacun, bon ou moins bon. En voici l' essentiel: les pitons, ici gros golots à anneau appelés « rings », sont placés par le premier grimpeur et en nombre très limité ( l' intervalle minimal est de 5 mètres ). L' assurage intermédiaire se fait au moyen de divers nœuds de cordelettes utilisés comme nos coinceurs métalliques. L' usage de ces derniers, tout comme celui de la magnésie, est interdit. L' ouverture des voies se fait depuis le bas, en libre évidemment et les grimpeurs suivants sont tenus de ne pas rajouter de pitons supplémentaires.
De Rudolf Fehrmann à Bernd Arnold, chaque génération a pu s' exprimer dans ce fantastique terrain de jeu constitué de plusieurs centaines de tours atteignant parfois 150 mètres. Grâce à la rigueur des règles locales, l' élévation du niveau de difficulté ne pouvait qu' être étroitement liée aux progrès de l' indi; les « raccourcis », tels que la reconnaissance en rappel ou l' escalade artificielle, n' ont Varappe à Hâmor ( Hongrie ): dans la voie « Kentucky Horne » ( IXen chaussures de foot!
jamais été utilisés dans cette partie de l' Europe orientale. Le grimpeur occidental veillera à ne pas « mettre la barre trop haut » au cours de ses premières sorties, car il n' est pas rare ici que le premier « ring » se trouve à 10 mètres, puis le second à 25, et si le sol sablonneux se prête agréablement bien au piquenique, il ne permet pas toutes les fantaisies en escalade.
Pour en revenir à l' organisation au niveau des clubs, il faut savoir que l' alpinisme hongrois n' est pas considéré comme un sport de compétition avec une véritable équipe nationale comme cela se voit dans d' autres pays de l' Est. Cependant un « classement » individuel et entre clubs apparaît chaque année, établi en fonction des ascensions réalisées ( un système à points comme ceux que l'on rencontre dans les GHM ). Les meilleurs jouissent de facilités pour se rendre dans les massifs soviétiques du Pamir et du Caucase, par exemple. Les différents clubs prennent à leur charge les frais de quelques participants et, en contrepartie, ces derniers doivent faire acte de présence pendant les entraînements en salle, les séances de course à pied et les épreuves physiques organisées dans les collines de Buda. En outre, à la veille d' une expédition, chacun subit un examen médical complet et a la possibilité de prévoir son comportement, en haute altitude, à l' occasion de différents tests réalisés dans une chambre à pression variable.
La « grimpe » magyare Les deux centres principaux sont les villes de Miskolc et de Budapest. Commençons par le premier qui présente le plus d' intérêt avec quelques huit falaises calcaires.
Hâmorest sans aucun doute le haut lieu de l' escalade hongroise de par le nombre de voies de haute difficulté que l'on y trouve. Le rocher excellent et très souvent surplombant, offre des passages où de bons bras ne sont pas un handicap. Kentucky Home ( IX- ) représente actuellement le sommet de l' escalade libre en Hongrie, réussi pour la première fois en 1982. Viennent ensuite Hajlék, ( VIII ) Német ut ( VIII- ), 7/K/-Ta/c/(VIIVIII ), John Lennon ( VII ) pour ne citer que quelques voies classiques.
Chaque année, au mois d' avril, Hâmorac-cueille durant trois jours les alpinistes de tous pays pour son traditionnel « Boulder », escalade bien sûr, mais encore parcours chrono-métrés, cela organisé par le club Hetesz GM. Puisque le sujet de la compétition est abordé, il faut aussi signaler que, au début de septembre, à Aggtelek, sur la frontière tchécoslovaque, ont lieu différentes épreuves de vitesse. Le reste de l' année, l' escalade y est interdite par souci d' impartialité.
Toujours à proximité de Miskolc et dans un cadre idyllique, se dressent les rochers de Dédes ( prononcer Dédèch ), avec des voies de deux ou trois longueurs équipées, bien que parfois avec une certaine légèreté. Il s' agit de la plus haute falaise du pay, où bon nombre de voies artificielles n' ont vu leur premier parcours en libre que très récemment. A ce propos, on peut ajouter qu' en Hongrie l' escalade est un sport jeune, pratiqué tout au plus depuis une vingtaine d' années. Dédes, contrairement à Hamor, possède plusieurs voies de moyenne difficulté dont Repedés ( IV, Jobb Oldali Ut ( IV ), Bal Oldali Ut ( V, et Hanomâg ( VIparmi les plus dures figurent Narkózis ( VII, Repulös ( VII, Darling ( VII ), Anarchia ( Vili, Majâlis ( VIIIou encore Nönapi direkt ( Vili ).
Je garderai toujours en mémoire ma première visite à Dédes lorsque, arrivés à pied d' œuvre, mes amis hongrois exhibèrent d' étranges chaussures, apparemment plus propices au football ou au cross-country qu' à l' escalade. Les crampons de caoutchouc avaient soigneusement été limés, et seuls quelques-uns subsistaient au talon; cependant mon sourire s' estompa très vite quand je vis ces mêmes godasses gravir Narkózis à toute allure. Cette anecdote mise à part, il existe un réel problème de matériel de montagne en Hongrie. Quelques rares articles peuvent être achetés en Tchécoslovaquie ou en Allemagne de l' Est. Conséquence de cette situation: un véritable artisanat est né ici où tout se fabrique ou presque: piolets, baudriers, réchauds,sacs de couchage,vête-ments d' altitude, tentes, etc Ces différentes créations, très fonctionnelles, n' ont, à mon avis, rien à envier aux modèles commercialisés.
Les alentours de Budapest, bien qu' aux possibilités d' escalade plus restreintes, possèdent tout de même deux sites dignes de retenir l' attention. Oszoly se trouve être la falaise la plus fréquentée du pays à cause de sa proximité de la capitale et du nombre de passages en IV et IV + qu' on y rencontre. Le style est plutôt du genre « murs à trous » où il est préférable de ne pas être doté de trop gros doigts pour les voies les plus coriaces. Parmi celles-ci, on ne manquera pas Jethro Tu/l ( VII ), Veszprémi direkt ( VII, Jan Becher ( VIIou encore Excelsior ( VIII, VIM.
Kecskehegy, aux portes mêmes de Buda, présente un intérêt tout particulier pour l' ama de blocs. Cette carrière désaffectée rappelant celle de Grenoble, permet également quelques courtes voies très techniques dont Hétplusszos ( VIIIet Sör-Repedés ( VIII + à IX- ).
Pour qui se trouverait là-bas en hiver, de nombreuses randonnées à ski de fond sont envisageables; spécialement au nord de la capitale, dans les forêts de feuillus du Pilis; ces montagnes sont situées à l' intérieur de la courbe du Danube ( Dunakanyar ), là où le fleuve, changeant de direction, abandonne provisoirement sa course vers l' est, pour s' in vers le sud.
En mai 1982, I' UIAA a organisé en Hongrie une rencontre de jeunes alpinistes. On peut considérer celle-ci comme un pas vers de plus fréquents échanges entre les grimpeurs des deux Europes. Cet article n' a pas la prétention de mettre en concurrence les parois de Hongrie avec les falaises du Verdon ou de Presles: mais en combinaison avec une visite du massif carpatique ou des tours de grès de Bohême, la Hongrie mérite amplement le détour...
Voies d' escalade Les astérisques ont été placés en fonction de l' intérêt que présente chaque site; pour les situer, on consultera les différentes cartes touristiques très détaillées.
Environs de MiskolcHâmorAvec probablement l' unique escalade glaciaire du pays, une cascade verticale de deux longueurs ( dès fin janvier ).
- Dédes ( NagyvisnyOrvényko ( OmassaSzöpüskö ( OmassaVöröskö ( OmassaLàtóko ( OmassaFehérkolàpa ( BukkszentlâszlôHàromko ( Istàllas-KoEnvirons de BudapestOszoly ( CsobankaKecskehegy(BudaKesztölcDorogGerecseBajòt * Zemplény hegység ( SârospatakSólyómbérc ( BaskoUne falaise granitique d' une trentaine de mètres de haut, située dans une des plus belles contrées du pays, à moins de cent kilomètres de la frontière soviétique.
Encore une remarque: il faut compter trois heures d' approche au cours desquelles il n' est pas exclu de rencontrer des loups!
Magyarorszag pratique Formalités d' entrée Passeport accompagné d' un visa valable 30 jours: prolongation aisée.
Ambassade de Hongrie en Suisse Eigerplatz5, 3007 Berne Magyar Hegymàszó Klub ( Club alpin hongrois ) Bacjcsy Zsilinszky u. 31. 11, 1065 Budapest 6 Adresse du spécialiste de la région: Himer Jószef, Palota u. 11, 3517 Miskolc Topos:
Hâmor et Oszoly, quelques descriptions de voies ont paru dans Uveghegy, fascicule édité par le Club OSC.
Sliezski Dom ( 1670 m ) dans les Tatras ( Tchécoslovaquie ) ©Copyright 1988 by Club Alpin Suisse Les Alpes ( 3e cahier trimestriel 1988 ) Numéro spécial du 125e anniversaire du CAS Editions du Club Alpin Suisse
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Editeur Rédaction Club alpin suisse, Comité central; Helvetiaplatz 4, 3005 Berne, téléphone 031/43 36 11, télex 912 388.
Préposé du CC aux publications CCSt-Gall, 1986-1988 Hans-Peter Lebrument.
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Thomas Fearnley ( 1802-1842 ). Le Glacier supérieur de Grindelwald ( détail ). Huile sur toile: 157,5 x 195,0 cm, 1838 ( d' après un dessin à la plume du 17 août 1835 ). Nasjonalgalleriet, Oslo.
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I able des matières
130Préface de la rédaction 131En guise de préface et de remerciements...
135 Méthodes pour déterminer les variations des glaciers au cours des siècles 135 1. Méthodes en glaciologie 135 2. La méthode historique 137 3. La méthode archéologique 137 4. La méthode glacio-morphologique 1395. La notion de « Petit âge glaciaire » 1406. Abréviations dans le texte 142 Le grand glacier d' Aletsch 1421. Vue d' ensemble 1432. Le grand glacier d' Aletsch pendant les temps modernes 154 3. Vestiges archéologiques 160 4. Bois fossiles de la marge proglaciaire 166 Le glacier de Rhône d' après les sources historiques 166 1. Introduction 166 2. Les premières mentions du glacier du Rhône: IVe et XVIe siècles 170 3. Le glacier du Rhône au début du XVIIIe siècle 173 4. Le recul du front du glacier du Rhône dans les années 1760 et sa poussée vers 1770-1777/81 189 5. Le recul du glacier du Rhône de 1782(?)à 1810198 6. La crue du glacier du Rhône de 1810/12(?)à 1818 204 7. La grande extension du glacier du Rhône entre 1819 et 1831/34 et l' avance jusqu' en 1856 218 8. La fin du « Petit âge glaciaire » et le long recul de la langue dès 1857 2229. L' activité de la langue au XXe siècle ( jusqu' en 1987 ) 22310. Les principaux projets de recherche réalisés sur le glacier du Rhône 22611. La marge proglaciaire 22712. Les fouilles dans la marge progla- ciaire 129 234 Le glacier de Rosenlaui d' après les sources historiques 2341. Introduction 2352. Les données et les sources histori- ques les plus anciennes 2363. La poussée du glacier de Rosenlaui dans les années 1770 241 4. La phase de recul à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle 244 5. La période de crue ( depuis 1815 ?) jusqu' en 1824 et l' état stationnaire avec faible retrait jusqu' en 1840 248 6. La grande extension des années 40 et 50 du siècle passé 2527. Le retrait durable du glacier de Ro- senlaui depuis le milieu des années 1850 jusqu' à l' état actuel 2538. Le glacier de Rosenlaui comme su- jet secondaire des vues du Wellhorn et du Wetterhorn au XIXe siècle 264 9. Datation au carbone 14 pour le glacier de Rosenlaui 266 Le glacier de l' Unteraar d' après les sources historiques 266 1. Introduction 268 2. La première mention du glacier de l' Unteraar ( 1577 ) et sa crue au XVIIIe siècle 272 3. La crue du glacier de l' Unteraar au XIXe siècle ( jusqu' en 1871 ) 278 4. Le retrait continuel de 1872 à 1986 278 5. Grands moments de la recherche glaciologique au glacier de l' Unter 285 6. Le glacier de l' Unteraar menacé 285 7. Bois et sols fossiles de la marge proglaciaire 292Les glaciers-le l' art 296Notes 314Catalogue des œuvres 319Bibliographie