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Escapade alpine entre Berne et Valais Tour du Balmhorn, de l’Altels et du Rinderhorn

De Kandersteg à Kandersteg en trois jours par le Lötschepass et la Gemmi. Le Tour de l’Altels permet une approche originale d’une région bien connue des Alpes bernoises. Récit d’une randonnée alpine entre glaciers en voie de disparition, parois abruptes et paysages de haute montagne.

Le ciel devient de plus en plus noir, le tonnerre gronde au loin, et le vent qui se lève rendrait méfiants les plus optimistes : l’orage approche, et le haut du névé qui s’étire sans fin sous la face est du Balmhorn ne correspond malheureusement pas au but du jour. Le Lötschepass et sa cabane accueillante se trouvent encore à bonne distance. Ecrasé par la masse rocheuse qui s’élève au-dessus de sa tête et par le ciel qui semble s’abaisser, le marcheur presse le pas, avec un seul but en tête  parvenir à la Lötschepasshütte à temps. Et les terribles images de l’automne 2011 lui reviennent à l’esprit : de violentes intempéries avaient alors dévasté le Gasteretal et le Lötschental.

 

Un col à la mauvaise réputation

La journée de marche avait pourtant commencé quelques heures plus tôt sous un soleil prometteur, qui mettait en valeur la vallée encaissée du Gasteretal, verdoyante malgré les traces laissées par la catastrophe. Sur le sentier qui conduit de Selden au Lötschepass, le randonneur franchit les différents étages alpins en un temps étonnamment bref. Le regard s’arrête en contrebas sur la lave torrentielle qui a coupé du monde le hameau de Heimritz, terminus de la route, quelques mois plus tôt. Le paysage varié fait oublier la raideur des lacets du chemin, qui conduit des bords de la Kander aux névés, puis au col lui-même.

Fréquenté depuis des siècles pour passer du canton de Berne à celui du Valais ou inversement, le Lötschepass était autrefois un col difficile qui avait mauvaise réputation. Sébastien Münster précisait ainsi dans sa Cosmographia, parue en 1544, que de nombreuses personnes y décédaient chaque année. Son altitude relativement élevée et l’importante quantité de neige et de glace qui le recouvrait alors ne facilitaient pas son franchissement. Le chemin muletier initial menant au Lötschepass montait du Gasteretal à Balme pour atteindre la rive gauche du Lötschegletscher, avant de le traverser. Le glacier ayant considérablement reculé ces dernières décennies, le tracé passe maintenant par des névés et des rochers qui peuvent être parcourus sans problème particulier par les randonneurs. Pour autant que la météo soit favorable.

 

Du Lötschen à la Gemmi

Le lendemain matin, le brouillard épais et la pluie, même faiblissante, n’invitent pas vraiment à se remettre en route. Est-il raisonnable dans de telles conditions de se lancer sur le parcours relativement alpin conduisant au col de Gitzifurggu, au pied du Balmhorn, qui reste pour l’heure invisible ? La remontée du Ferdengletscher, de plus en plus raide à mesure que l’on monte, pourrait s’avérer glissante. Sans compter les problèmes liés à l’orientation, rendue difficile. Sur place, le passage se révèle plus facile qu’espéré : piolet et crampons ne sont pas indispensables, même s’ils facilitent la marche et offrent un surcroît de sécurité.

Du col, la vallée de la Dala s’étire jusqu’à Loèche. Avant d’arriver au village, la rivière s’engouffre dans des gorges très profondes que l’on peut parcourir moyennant un petit détour. On retrouve à la hauteur de la Flüekapelle un sentier tracé à flanc de coteau, en contrebas de l’Alte Gemmi, l’ancien passage utilisé pour franchir les falaises qui ferment la vallée. La raideur du versant laisse circonspect, et l’on ne peut s’empêcher de penser aux efforts déployés pour tracer un chemin dans un tel terrain.

 

Pas pour les ivrognes et les étourdis

Quelques heures plus tard, couchés dans l’herbe aux alentours de la Lämmerenhütte SAC, on peut admirer le plateau désertique de la Lämmerenalp et, par la même occasion, la dernière partie du chemin parcouru. Plus loin, le Gemmipass, gagné sans effort en téléphérique. Sur quelque 1000 mètres de dénivelé qui séparent le village de Loèche du col, cette voie aérienne totalement rénovée en 2012 offre depuis 1957 une vue imprenable sur les mythiques lacets du chemin qui serpente à travers les rochers. Sébastien Münster disait déjà au milieu du 16e siècle, en parlant du même chemin, que le parcours n’était pas recommandable aux ivrognes et aux étourdis. Que l’on ait décidé de monter à pied ou par les airs, on ne peut que lui donner raison.

 

Des glaciers bientôt disparus

Le troisième jour débute par un sentier qui longe le Lämmerengrat pour atteindre, sans difficulté particulière, la Rote Totz Lücke. Le Bietschhorn émerge au loin, tandis que l’Altels, le Balmhorn et le Rinderhorn apparaissent enfin, après s’être laissés désirer durant deux jours en raison du mauvais temps. Le paysage désertique offre peu de points de repère. Quelques perches indiquent le passage, alors que l’on chemine sur le lit de ce qui était autrefois le Tälligletscher, aujourd’hui presque entièrement disparu. Sort réservé à bien d’autres glaciers traversés ces derniers jours. S’ils sont encore présents sur la carte, la réalité du terrain est tout autre.

Le monde minéral laisse peu à peu place à quelques herbes, et l’on jouit d’une belle vue sur la vallée d’Üschenen, réputée pour l’escalade sportive. A gauche, le Tschingellochtighorn. A droite, les falaises de Schwarzgrätli se dressent au-dessus du sentier. Plus loin, la face nord de l’Altels se découpe dans le ciel, avec ce qui lui reste de glacier. Droit devant, l’Üschenegrat s’étire en direction du Gällihore, d’où un raide sentier mène à la station de téléphérique de Sunnbüel. Ici comme à Loèche, un choix s’impose pour rejoindre Kandersteg. Gageons qu’il n’aura rien de cornélien !

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