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Fin lumineuse d'un jour ensoleillé

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par Jacques Streiff.

Silencieux,, assis devant la cabane, nous attendons le coucher du soleil, le déclin du jour. En pensée nous passons en revue les tableaux qui ont défilé devant nos yeux au cours de cette journée.

La nuit est encore sombre et glaciale lorsque nous quittons une cordée de camarades alpinistes dans I' hospitalière cabane de la Pianura.

En silence, nous descendons à la pâle lueur d' une lanterne le glacier de Hüfi déjà bien déchiqueté; le sifflement du vent nocturne nous accompagne. Arrivés au pied du flanc abrupt et glacé d' où notre chemin nous mène vers le haut, à la Lücke, nous mettons nos crampons, pendant que la nuit se dissipe, et la nuit cède la place à un nouveau jour triomphal! Là-bas, à l' est, l' aube s' annonce terne et grisâtre. Déjà par-ci par-là des rubans dorés bordent le gris mat du firmament. L' aurore jaunâtre semble descendre directement du champ de neige; les étoiles s' éteignent l' une après l' autre.

Nous montons dans la pénombre, en file indienne, muets, en admiration devant la naissance d' un jour nouveau.

A l' est, la clarté augmente, le soleil est proche et baigne déjà de ses rayons l' arête escarpée du Düssistock; partout des éclats de feu, les montagnes s' allument l' une après l' autre et aussitôt nous sommes inondés par les chauds rayons de l' astre du jour.

Une journée ensoleillée à la haute montagne est une source de souvenirs inoubliables!

Vivement nous escaladons l' arête escarpée du nord et, comme récompense pour notre peine, le sommet hospitalier nous gratifie, dans une chaleur divine, d' une vue splendide et d' un repos bien mérité.

La descente effectuée sans hâte et le retour vers notre quartier général de la Pianura délient les langues, réveillent les souvenirs et cimentent la camaraderie en affermissant la fidélité à nos montagnes.

Un jour de vacance touche à sa fin, mais nous tenons à lui dire encore un dernier adieu.

Insensiblement le crépuscule nous enveloppe. En bas, à l' ouest, le soleil n' est plus qu' un disque vaporeux, exsangue, entre les noires silhouettes du Kammlistock et du Scheerhorn. Des nuances vives se dirigent peu à peu vers l' est qui, doucement, s' efface dans le gris.

La paroi nord-ouest du Tödi s' élance abrupte, toute embrasée d' or vers le ciel qui, au couchant, se teinte d' un vert mat; un reflet rouge vif anime soudain les robustes coupoles du Rusein et du Sandgipfel.

Un silence féerique s' étend sur les Alpes, tout est d' un calme solennel.

En bas, dans la plaine, le pays va prendre son repos dans un crépuscule de nuit et de brume. Pourtant les sommets sont encore radieux dans la lumière souveraine du soleil couchant.

Au nord et à l' est la nuit s' étend rapidement sur les montagnes; mais à l' ouest la lumière résiste encore. Cependant quelques instants plus tard, là aussi, le jour s' éteint: en un clin d' œil, rochers et glaciers sont plongés dans un morne et lugubre silence.

Toute vie est figée dans les griffes froides et acérées de la nuit.

Le vent de la montagne, cet infatigable compagnon, se fait de plus en plus violent; son souffle glacial mugit sur les névés et les rochers et hurle autour de la cabane, fouille vestes et pantalons et finit par nous chasser à l' intérieur où régnent chaleur et confort.

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