Kari Kobler | Club Alpin Suisse CAS
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Kari Kobler Porte-bonheur

Guide de montagne et organisateur d’expéditions dans l’Himalaya. Il a gravi, entre autres, cinq fois l’Everest.

Mon premier Dzi était formidable. Cette lourde pierre d’un noir profond était ornée d’une quantité de petits agneaux. Durant 15 ans, j’ai porté ce talisman tibétain suspendu à une chaîne autour de mon cou – je n’en ai fait que peu de cas. Chaque course en montagne m’inspire du respect. Cependant, en 2004, alors que nous nous rendions au K2, le second plus haut sommet du monde, j’ai ressenti de la crainte pour la première fois. Avant que nous ne quittions la civilisation du Pakistan, j’ai envoyé ce courriel à la maison : « L a peur est suspendue au-dessus de moi, telle un épée de Damoclès ». Durant l’ascension, ce sentiment d’angoisse a persisté. A part cela, tout a fonctionné comme prévu. Nous avons aménagé les camps sur la montagne et avons effectué des allers et retours entre eux. En une nuit seulement, une souris a construit son nid dans une de mes chaussures de montagne. Mon Dzi est une agate. Ses ornements en forme d’oeil sont importants. Il en compte plus de neuf, chiffre sacré dans le bouddhisme. Au Tibet, les Dzis se négocient à des tarifs plus élevés que l’or. On raconte que lorsque l’on enroule un cheveu autour d’une pierre véritable et qu’on lui met le feu, le cheveu ne brûle pas. Mon Dzi est serti de coraux rouges et d’anneaux métalliques. Une autre nuit d’horreur remplie de crises d’angoisse – étais-je en train de devenir fou ? Je me suis tranquillisé en me disant que cela ne voulait rien dire. A six, nous avons quitté le camp IV pour tenter l’assaut du sommet. Notre groupe était composé d’alpinistes de haute altitude chevronnés. Physiquement, je me sentais en pleine forme, c’était toujours ça ! Je me suis chargé de faire la trace. Tout à coup, à mi-chemin du tristement célèbre passage du « B ottle Neck », j’ai à nouveau été paralysé par la peur, incapable de franchir un mètre de plus ! Un peu plus tard, mes deux compagnons suisses ont aussi rebroussé chemin. Deux autres alpinistes et un sherpa ont poursuivi l’ascension. De retour au camp IV, nous avons reparlé de notre décision et, alors que nous regardions vers le haut, cela s’est produit : juste en dessous du « B ottle Neck », quelqu’un a perdu l’équilibre et a chuté. Je me suis rendu jusqu’à lui – il était mort. Son ensevelissement était impensable. Une terrasse à 8 000 mètres serait donc l’endroit de son dernier repos. Bouleversés, nous sommes redescendus. Sa femme nous attendait au camp de base. Cela a été terrible. Peu avant d’arriver au camp, j’ai voulu saisir mon Dzi – il avait disparu – perdu ! Les Tibétains prétendent qu’une telle pierre te fait cadeau d’une vie. J’en ai acheté un nouveau à mon frère népalais Dorjee. Si quelque chose devait m’arriver, cette pierre lui reviendrait. 

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