Le Tödi (Piz Rusein) 3623m | Club Alpin Suisse CAS
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Le Tödi (Piz Rusein) 3623m

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par Albert Roussy.

A la limite des cantons de Glaris et des Grisons une haute chaîne de montagnes sépare le fond de la vallée du Linthal de la vallée du Rhin antérieur.

Le groupe le plus élevé de cette chaîne est celui du Tödi qui, vu du nord, a l' aspect d' une massive pyramide tronquée. Le sommet forme un plateau couvert de névés d' où émergent trois sommités: le Tödi lui-même, ou Piz Rusein, le plus élevé des trois ( 3623 m .), aux parois escarpées à l' ouest et au sud; puis le Glarner Tödi ( 3601 m .) et enfin le Sandgipfel ( 3434 m. ). Tout autour s' étendent de superbes glaciers, dont le plus important est le Bifertenfirn. Trois cabanes facilitent l' accès du Tödi; toutes trois sont la propriété de la section Tödi du C.A.S.: la cabane Fridolin ( 2156 m .), à cinq heures de Linthal; la cabane du Grünhorn ( 2451 m .), à une heure au-dessus de la précédente, de là on atteint le sommet du Tödi en quatre à cinq heures et la cabane de Pianura ( 2940 m .), à neuf heures de Linthal ou quatre heures du Klausenpass; de là on atteint le sommet du Tödi en quatre heures par la paroi sud-ouest.

Tous les clubistes savent que la cabane du Grünhorn fut le premier des refuges du C.A.S. et qu' il fut construit l' année même de la fondation du Club. Il fut, d' ailleurs, reconstruit en 1897.

La région du Tödi et des Clarides fut un des trois champs d' excursion désignés pour l' année 1864 par la première assemblée générale du C.A.S., tenue à Glaris les 4, 5 et 6 septembre 1863, sous la présidence du premier président central, le Dr Th. Simler.

Cette région de nos Alpes suisses est peu connue de nos collègues romands et c' est grand d ommage; la raison principale en est l' éloignement, d' une part, et, d' autre part, le prix élevé des frais de transport. Il nous a paru qu' il serait intéressant de parler aujourd'hui, à cette place, de ces lieux, puisque c' est à Glaris que se réunira dans quelques semaines l' assemblée des délégués du C.A.S. Et, pour avoir des indications précises sur ce sujet, nous ne pouvions mieux faire que de les glaner dans la brochure si complète et si bien documentée que M. Rudolph Bühler, membre honoraire de la section Tödi du C.A.S., a consacrée à l' histoire du massif du Tödi* ).

Pendant longtemps le sommet du Tödi fut considéré comme inaccessible. Les premières tentatives connues d' ascension du côté grison furent faites par le Père Placidus a Spescha ( né à Truns en 1752 ), de l' abbaye de Disentis, qui escalada le Stockgron en 1788, puis l' Urlaun; mais il n' atteignit pas le Tödi. Lors d' une tentative, la sixième, en 1824, il ne réussit pas davantage, mais ses deux compagnons, les chasseurs de chamois Piaci Curschellas, de Truns, et Augustin Bisquolm, de Disentis, parvinrent au sommet, étant partis de la cabane supérieure de l' Alp Rusein.

Du côté nord, les premières tentatives d' ascension furent faites par Johannes Hegetschweiler, lequel exerça longtemps la profession de médecin à Stäfa et s' occupait en outre d' études botaniques ( il édita même une excellente « Flora der Schweiz » ). Ces tentatives eurent lieu en 1819, 1820 et 1822, en compagnie de son guide, Hans Thut. Bien qu' il n' ait pas atteint son but, Hegetschweiler est considéré comme ayant montré le chemin à ceux qui réussirent à poser le pied sur le sommet convoité. D' autres tentatives eurent encore lieu jusqu' à ce qu' enfin, en août 1859, H. Speich-Jenni, de Glaris, Th. v. Hallwyl, de Berne, et H. Sprecher, de Coire, accompagnés des guides Thomas Thut, père et fils, et Gabriel Vögeli, menèrent à bien l' ascension du Piz Rusein du côté nord, après être, au préalable, montés au Glarner Tödi.

A partir de cette date, il ne se passa pas d' année que le Piz Rusein ne vît arriver les alpinistes, au nombre desquels nous trouvons, en 1861, le Dr Rudolf Theodor Simler, de Berne. C' est à la suite de cette ascension que vint à la pensée de Simler de fonder une association des amis du monde alpin, idée qu' il réalisa en 1863, par la fondation du C.A.S. Cette même année vit la création de la section Tödi, à laquelle fut confié le soin d' établir le refuge du Grünhorn.

Et maintenant, le sommet du Tödi est fréquenté chaque année par près d' un millier de montagnards.

En 1881 eut lieu la première ascension hivernale du Tödi par le professeur Dr Walter Gröbli, de Zurich, et le guide Salomo Zweifel, de Linthal.

Le panorama que l'on peut admirer de cette sommité est l' un des plus remarquables de la Suisse. Cela est dû à la fois à l' altitude et à la situation particulière du Tödi. Aux yeux de l' alpiniste apparaissent de nombreuses montagnes, des glaciers et des vallées, car rien ne vient s' opposer aux regards jusqu' aux plus lointains horizons. A l' est, ce sont les Alpes centrales jusqu' à l' Ortler, par delà les Alpes grisonnes; à l' ouest, la vue s' étend jusqu' au Mont Blanc, par delà les Alpes d' Uri, de Berne et du Valais. Vers le nord et l' ouest, le plateau suisse et jusque par delà le Rhin et le Jura, avec des cités, des villages, des lacs, des rivières. On peut même apercevoir aussi les hôtels du Pilate, du Righi, le Säntis.

Sans doute l' ascension du Tödi offre quelques difficultés, mais, avec un bon guide et un équipement approprié, elle ne présente pas de dangers particuliers.

L' origine du nom du Tödi n' est pas établie avec précision. On a émis l' opinion que ce nom pouvait provenir du mot Öde ( Einöde ), soit désert, solitude, mais ce n' est pas prouvé.

Quoi qu' il en soit, c' est un nom cher aux alpinistes et plus spécialement aux membres du C.A.S., parce que c' est à l' occasion d' une ascension au Tödi qu' est née la pensée de la fondation de notre Club.

Pour compléter cette esquisse, il convient de présenter à nos collègues de la Suisse occidentale la personnalité du premier explorateur du massif du Tödi, 1e Père Placidus a Spescha, auquel peut revenir le titre de précur- seur grison de l' alpinisme; on l' a même qualifié de premier clubiste grison. Voici donc quelques mots à son sujet. Le hasard des lectures a mis sous mes yeux ( il est bon parfois de relire les anciennes publications du Club ) le volume de L' Echo des Alpes de 1868, dans lequel J. L. Binet-Hentsch, de la section Genevoise, consacre un article à ce fervent montagnard. J' en transcris ici quelques passages. On y verra qu' à cette époque déjà, les Romands s' intéres aux événements alpins.

« L' un des passages du groupe du Tœdi », écrit Binet-Hentsch, « exploré il y a quelques années par la section de Glaris, a reçu le nom de Porta a Spescha. Plusieurs des lecteurs de l' Annuaire du Club ont été ainsi conduits à se demander le motif de cette dénomination. » Et, afin de pouvoir « satisfaire la légitime curiosité des lecteurs de Y Echo », Binet-Hentsch a puisé des renseignements dans un ouvrage du professeur Théobald de Coire sur le Rhin antérieur et ses vallées latérales, paru en 1861.

Le Père Placidus a Spescha naquit à Truns, en 1752, et selon l' usage, ainsi qu' il le raconte lui-même, il garda dans sa jeunesse les troupeaux de son père sur les alpes de l' Oberland grison. De bonne heure, le jeune berger manifesta son goût pour vivre dans les montagnes et pour en gravir les points les plus élevés. Il acquit bientôt, dans l' art de grimper et de sauter, une habileté peu commune; sa mère avait coutume de dire que cela n' était pas étonnant, attendu qu' il était né sous le signe du capricorne. Son plaisir était de chercher des blocs de cristal et autres minéraux qui excitèrent sa curiosité.

Déterminé à embrasser la carrière ecclésiastique, il entra dans le couvent de Disentis, puis, à l' âge de 24 ans, on l' envoya, pour achever ses études, au couvent d' Einsiedeln, où régnait alors un esprit scientifique. Après y avoir fait un séjour de six années, il revient dans son couvent de Disentis avec la résolution d' y continuer ses études et d' y rassembler une collection de minéraux. Il ne put malheureusement pas échapper à la jalousie de ses confrères, dont; quelques-uns le taxaient d' hérétique, ce qui ne le détourna pas de ses études scientifiques. De retour dans sa vallée natale, il se livra de nouveau à l' étude de la magnifique nature dont il était environné. Il fit le premier l' ascension du Piz Pozata ( Cristalina ) et de là il put contempler les sommets et les vallées innombrables des Alpes, considérer leurs chaînes et leurs groupements, leurs formes si variées, et en saisir l' ensemble. La plus grande partie de ces merveilles était pour lui chose inconnue: de là naquit dans son âme un ardent désir de pénétrer plus avant dans ce monde, qui dévoilait à ses. yeux tant de splendeurs... Il s' éteignit doucement au commencement de l' année 1838.

Ajoutons que le Père Placidus a Spescha publia de nombreux écrits sur ses excursions, des études d' histoire naturelle, etc. Ses principales ascensions sont le Badus, le Giuf, l' Oberalpstock, le Kistenstöckli, 1e Piz Ault, le Stockgron, l' Avat, l' Urlaun, le Scopi, le Piz Terri et le Güferhorn.

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