Le tour du Grand Pinier | Club Alpin Suisse CAS
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Le tour du Grand Pinier On dirait le sud !

Le massif des Ecrins, situé à l' inté du triangle formé par les villes de Grenoble, Gap et Briançon, appartient aussi bien aux Alpes du Nord qu' aux Alpes du Sud. Tandis que les glaciers couronnent les hautes altitudes du nord, les sommets du sud sont inondés d' arômes de pins et caressent les 3000 m. Le Grand Pinier veille sur de vastes vallées: en faire le tour offre un voyage unique dans une nature préservée.

De petits virages en épingles aux traversées accrochées à la falaise, la route sinueuse de la vallée de la Biaisse monte en direction du village de Dormillouse, nous immergeant dans un exquis parfum d' exil. Lorsque le bitume laisse place au sentier, nous sommes déjà loin de la civilisation. C' est ici que nous abandonnons les véhicules au profit des chaussures de randonnée. Pourtant, le village n' est pas encore en vue. Dormillouse est perché 300 mètres plus haut et le seul moyen d' y accéder est la marche à pied. Même si elle est aujourd'hui facilitée par des rotations d' hélicoptères chargés de marchandises, la vie à l' année dans ce lieu retiré prend des allures d' insularité. Nous entamons la montée à l' ombre de la forêt, au rythme incessant des bourdonnements du torrent.

Un pont marque l' entrée du village. Partagés entre la curiosité et la peur de troubler la quiétude de l' endroit, nous ne nous attardons pas. La journée ne fait que commencer et nous aurons tout le loisir d' y flâner à notre retour.

A Dormillouse le torrent de la Biaisse accueille les eaux du Chichin. C' est ici que commence notre boucle. En franchissant le pont, nous entrons dans le vallon de ce dernier qui nous conduira jusqu' au point culminant du jour: le col de Freissinières, appelé aussi col d' Or, puisqu' il relie la station d' Or à la vallée de Freissinières. L' entrée de la vallée est bordée de clairières arrosées par le Chichin. Cette ambiance chantante nous pousse à faire une pause. Au pied du Grand Pinier ( 3117 m ), dominés par 1000 mètres de face nord conservant encore quelques névés, intimidés, les yeux rivés vers le ciel pour mieux apprécier le contraste avec le caractère champêtre de notre itinéraire, nous nous prélassons dans la pelouse grasse.

Une fois repartis, les univers que nous traversons se font petit à petit plus minéraux. Après une matinée de marche dans cette vallée qui nous semble interminable, nous arrivons enfin au col. Le sentier paisible s' est soudainement transformé en un raidillon auquel s' accrochent quelques éboulis, renforçant l' austérité du lieu. Du col, nos regards plongent dans le grand lac des Estaris. Les remontées mécaniques d' Orcières ne sont pas très loin et pourtant la nature garde son caractère indompté. Ici pousse le potamot allongé, espèce en voie de disparition et protégée par une réserve naturelle qui englobe le lac.

Durant l' après, le sentier nous guide à flanc de falaise avant de dévaler entre des cascades rafraîchissantes. Lorsque nous arrivons à Prapic, nous découvrons un village où, tout comme à Dormillouse, le temps semble s' être arrêté. Son architecture du XIX e siècle lui confère une atmosphère passéiste qui invite à la détente. Nous en rêvions! Après nous être désaltérés, une alléchante odeur de fromage nous décide à dîner sur place plutôt qu' à installer le bivouac. Nous ne le regretterons pas. Au menu: raclette et charcuterie du pays… Pour nous ce soir-là, le petit village de Prapic prend des allures de paradis!

Le lendemain, nous repartons de bon pied en suivant le cours du Drac. Un sentier à fond de vallon nous aide à nous échauffer, puis nous reprenons notre rythme de croisière en nous élevant dans les alpages. L' étape d' aujourd nous emmène à 3000 mètres d' altitude sur le sommet du Tuba. Tout comme la veille, Photos: Béatrice Frison le paysage se transforme au fil de la journée. Nous nous rapprochons, à chaque pas, des hauteurs rocailleuses.

Au col des Terres blanches, nous quittons le sentier principal pour suivre une longue crête menant au sommet. Alors que nous progressons dans un paysage lunaire déroutant, un puissant frôlement fend l' air et le silence au-dessus de nos têtes. Un planeur blanc se détache dans le ciel bleu limpide. Durant de longues secondes, nous le regardons, envieux, tournoyer en direction du sommet du Tuba avant qu' il ne s' éloigne tout au fond de l' horizon. Nous saluons de loin cette rencontre éphémère, la seule de la journée. Le sommet n' est plus très loin, et pourtant tout ressemble ici au bout du monde.

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