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Les poires au vinaigre d’une époque aigre-douce

Sans congélateur ni commerce fournissant en tout temps des denrées fraîches, faire des réserves était vital. Aujourd’hui, certaines méthodes de conservation sont presque tombées dans l’oubli. L’une d’entre elles: les conserves au vinaigre.

C’est grâce aux Romains que les fruits conservés dans du vinaigre sont devenus des aliments d’hiver importants dans nos contrées. Selon l’inventaire du patrimoine culinaire suisse, ce seraient eux qui auraient fait connaître en Suisse, au début du Moyen Age, le procédé de conservation au vinaigre. Aujourd’hui, on retrouve des traces de cette influence romaine avec, notamment, les cornichons et les petits oignons. Par contre, baies, cerises, pruneaux, pommes et autres fruits en conserve de vinaigre sont presque tombés dans l’oubli. Par exemple, on ne trouve plus de poires au vinaigre que dans l’Emmental.

Du sucre pour contrer l’acidité

Le vinaigre empêche le développement des micro-organismes nuisibles tels que des moisissures et des bactéries pathogènes. Toutefois, ces organismes indésirables ne meurent qu’à partir d’une acidité de 9%, ce qui est beaucoup trop acide pour nos papilles. On rajoute donc, outre le vinaigre, un peu de sucre et des épices.

Malgré tout, autrefois, les poires au vinaigre de l’Emmental étaient très acides. En effet, il fallait beaucoup d’acidité pour assurer la conservation de ces fruits entreposés dans des pots en faïence à la cave. «Dans les nouvelles recettes, on en met beaucoup moins, explique Marianne Schweizer, paysanne dans l’Emmental. Toutefois, pour des raisons de conservation, il faut mettre les poires dans des bocaux de verre stérilisés ou ébouillantés.» Ce sont surtout les poires à Botzi, une variété qui, selon ProSpecieRara, pousse notamment en altitude, qui conviennent à la mise en bocaux. Selon d’anciens écrits, cette poire de la taille d’une balle de golf a été rapportée d’Italie par des soldats fribourgeois il y a 300 à 400 ans.

Autrefois, la conservation de fruits n’avait rien d’inhabituel: les familles paysannes en faisaient du moût, les grillaient, les séchaient, les sucraient ou les mettaient dans du vinaigre. Mettre en bocaux le surplus permettait d’avoir un apport en vitamines pendant l’hiver aussi. Selon Marianne Schweizer, les poires au vinaigre étaient prêtes à être servies à tout moment en automne et en hiver. Aujourd’hui, elle et ses collègues ne mettent en bocaux les poires, «devenues une rare spécialité», que de temps en temps.

Le goût des Alpes

Des périodes de végétation courtes, peu de terrain pour l’agriculture et des villages dispersés, tous ces éléments ont influencé ce que les habitants des Alpes mangeaient. Aujourd’hui, le dépeuplement et la mondialisation menacent l’héritage culinaire alpin, constitué d’un mélange de denrées régionales, de modes de préparation et de méthodes de conservation spécifiques ainsi que de coutumes rituelles. Cette série fait revivre des plats aujourd’hui presque oubliés.

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