Les sauterelles. Randonneurs en bonne compagnie. Bertrand Baur | Club Alpin Suisse CAS
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Les sauterelles. Randonneurs en bonne compagnie. Bertrand Baur

La Suisse compte 106 espèces d' or 1, dont certaines peuvent vivre jusqu' à 3100 m d' altitude. Elles ont adapté leur mode de vie aux conditions propres au milieu alpin.

Qui n' a jamais croisé de sauterelles pendant ses randonnées dans les Préalpes et les Alpes? Dans ces espaces intacts, elles s' épanouissent librement et on entend leur chant, surtout dans les prés fleuris et secs qui s' étalent au soleil. De temps à autre, l' une d' elles s' élève, déployant ses ailes rosées et, dans un vrombissement sonore, franchit plusieurs mètres par la voie des airs avant de se laisser tomber en décrivant un arc de cercle. Pour le mâle de l' œdipode stridulante, ce vol est un moyen d' attirer l' attention des femelles et des rivaux. Le dectique verrucivore, grand, bas sur pattes et le plus souvent vert, a plutôt tendance à garder les pattes sur terre. Ses stridulations perçantes sont une longue suite de sons chevrotants qu' on entend quand le soleil brille. qu' on marche dans les hautes herbes, on voit parfois l' un de ces insectes prendre la fuite, dévalant la pente par des bonds impressionnants. D' ailleurs, le dectique verrucivore doit son nom aux morsures qu' il peut infliger et au liquide brunâtre qui en résulte. Selon une croyance populaire, cette morsure guérirait les verrues.

Du plus sec au plus humide

On connaît actuellement 107 espèces de sauterelles vivant en Suisse. La plupart d' entre elles vivent dans des biotopes secs et chauds. Comme d' autres insectes, certaines espèces de sauterelles sont faites pour vivre dans des milieux très particuliers. On connaît bien, par exemple, les œdipodes avec leurs ailes postérieures roses ou bleues. Elles peuplent des zones rocheuses très arides et vivent donc dans des conditions encore plus extrêmes que l' œdipode stridulante, mentionnée plus haut. Il y a aussi plusieurs espèces qui ne survivent que dans des marécages ou des berges de gravier ou de sable régulièrement inondées. D' autres encore vivent dans des prairies irriguées ou humides. La lisière des forêts, les haies, les coupes rases et les forêts de montagne peu denses orientées au sud, comme il y en a beaucoup dans nos Alpes, sont aussi des habitats courants pour les sauterelles.

Schwarzes Flesch, au-dessus de Ried bei Mörel: un paradis pour les orthoptères qui aiment les climats chauds. On y trouve entre autres des œdipodes stridu-lantes et des gomphocères des alpages – et sur la Bellalp ( en haut à gauche ), des miramelles des frimas Le mâle de l' œdipode stridulante est généralement noir ou brun-noir. En voici un, photographié dans le Tschärzistal, dans l' Oberland bernois 1 Le terme orthoptère recouvre entre autres les sauterelles, les grillons et les criquets. Néanmoins, tous ces insectes sont couramment appelés « saute- relles », dénomination que nous reprenons dans la suite de l' article.

Pas forcément végétariennes

Les sauterelles sont majoritairement herbivores. Les espèces caelifères, dont les antennes sont plus courtes que le corps, se nourrissent surtout d' herbe, d' autres herbacées et parfois de feuilles d' arbres ou de buissons. Les ensifères, aux antennes nettement plus longues, se nourrissent elles aussi d' herbes mais préfèrent les feuilles de buissons, d' arbustes ou d' arbres. Plusieurs ensifères mangent aussi d' autres insectes, notamment des sauterelles. Comme on le sait, dans bien des pays les sauterelles peuvent être une véritable plaie. En Suisse aussi, dans le passé, elles se multipliaient parfois de manière exponentielle. Les dommages causés aux cultures donnaient alors lieu à des compensations. Lorsqu' aujourd, les sauterelles prolifèrent tout à coup, cela ne provoque plus de dégâts car l' agriculture moderne a appris à contrôler ces insectes, extrêmement sensibles aux insecticides et à l' exploitation intensive des sols. Dans les zones d' exploita extensive, elles font partie du cycle naturel puisqu' elles mangent des plantes ou d' autres insectes et enrichissent le sol par leurs excréments et, après leur mort, par leur dépouille.

Jusqu' à 3100 m au-dessus du niveau de la mer

On trouve des sauterelles jusqu' en haute altitude. Le record actuel est détenu par le gomphocère des moraines, qu' on trouve jusqu' à 3100 m. Cet insecte de petite taille, aux ailes courtes, est extrêmement bien adapté à l' altitude: on n' en a jamais observé en dessous de 1910 m. On le trouve en Europe, en Sibérie et dans la région arcto-alpine; en Suisse, il n' y en a que dans l' Engadine, p. ex. au-dessus de l' arrivée du funiculaire Muottas-Muragl et au nord du val Poschiavo. Il a sans doute passé les glaciations sur des cimes qui dépassaient de la glace et doit s' être réfugié en altitude pendant les périodes plus chaudes. Trois autres espèces ont pu être observées au-dessus de 2900 m: le gomphocère des alpages, le gomphocère tacheté et la miramelle des frimas. Etonnamment, le gomphocère tacheté a été observé non seulement à 3070 m, mais aussi à 280 m et à tous les niveaux intermédiaires. On le trouve donc sur 2790 m d' altitude, la marge la plus importante pour un orthoptère en Suisse.

Toute une vie en quelques mois

Parmi les 106 espèces représentées en Suisse, 46 ont été observées au-dessus de 2000 m. A partir de mai/juin, début de la saison, l' évolution de ces insectes est d' une rapidité surprenante: l' éclosion des œufs qui ont passé l' hiver dans le sol, Photos: Ber tr and Baur Les caractéristiques du mâle du gomphocère des alpages sont les bouts de ses antennes, qui s' élargissent, et surtout les tibias antérieurs en forme de bulle Le gomphocère des alpages se trouve jusqu' à une altitude de 2920 m La miramelle des frimas a été trouvée jusqu' à 2960 m d' alti. Elle survit aux premières chutes de neige. Ici, un couple photographié le 2 septembre 2004 au-dessus de Muottas- Muragl/GR les cinq mues par lesquelles passe la larve pour devenir adulte, l' accouplement et la ponte des œufs pour assurer la génération suivante – tout se fait en l' espace de quelques mois. Cela n' est possible que parce que le corps des sauterelles est suffisamment petit pour se réchauffer en peu de temps, même si le soleil est souvent dissimulé par les nuages. En outre, ces insectes gèrent très bien leur énergie: lorsque le soleil disparaî, ils s' installent sur un rocher ou se glissent entre les herbes d' un pré, où la chaleur est stockée. De plus, en montagne, l' ensoleillement est généralement plus long et plus intense que sous les brumes du plateau, surtout au printemps et en automne. C' est pourquoi, au mois de juin, les sauterelles sont souvent plus développées en montagne qu' en plaine. Comme les espèces qu' on ne trouve qu' en montagne résistent aussi au froid, elles survivent aux premières chutes de neige. Si la neige vient à fondre avant l' arrivée de l' hiver, vers 2500 m, les stridulations des mâles ainsi que les accouplements reprennent de plus belle.

Stridulations sur tous les tons

Les sauterelles se caractérisent surtout par leur chant. Les caelifères produisent des sons stridulants en passant les tubercules situés à l' intérieur de leur fémur postérieur sur la nervure qui se trouve sur l' élytre. Quant au bruit de crécelle que fait entendre l' œdipode en vol, il est produit par le frottement des ailes postérieures l' une contre l' autre. Le bruit stri-dulant des ensifères, à l' opposé, est produit par une friction de la base des deux élytres qui, chez ces espèces, sont conçus spécialement pour permettre la stridula-tion. D' autres sauterelles se font entendre par des moyens plus surprenants encore: le son à peine audible des miramel-les provient de leurs mandibules. Les méconèmes, petits et délicats, produisent des séries de sons doux mais parfaitement audibles en tambourinant avec une patte arrière sur la feuille sur laquelle ils sont assis. Quant au criquet ensanglanté, il produit un son d' une force inouïe en projetant vers l' arrière ses tibias postérieurs, qui viennent frapper ses ailes. On l' entend à plusieurs mètres de distance. Les orthoptères et leur chant sont à nos journées d' été ce que le chant des cigales est aux pays du Sud... a Ber trand Baur 1, Münchenbuchsee ( trad. ) 1 Coauteur de Sauterelles, grillons et criquets de Suisse; cf. recension en p. 68 Photos: Ber tr and Baur Sunnbühl, au-dessus de Kandersteg: un lieu frais mais ensoleillé. On y trouve des mira-melles des moraines et, dans les genévriers, des decticelles des bruyères. Cette espèce continue de chanter après les premières neiges, dès que les buissons sont à nouveau dégagés Cette miramelle alpestre mâle a été trouvée à l' Alpetli, dans le Diemtigtal. Cette espèce, d' un vert brillant, se trouve dans les climats plutôt frais jusqu' à une altitude de 2650 m Reidigen, au-dessus de Boltigen dans le Simmental ( Oberland bernois ). Cette région est ensoleillée et à l' abri du vent. On y trouve plus de 20 espèces d' or thoptères, notamment la decticelle montagnarde et l' œdipode stridulante La miramelle des moraines apparaît jusqu' à 2800 m. Elle affectionne les pentes rocailleuses en plein soleil. Cette femelle a été photographiée au-dessus de la Lauchernalp La decticelle montagnarde se trouve jusqu' à 2340 m. Les pattes de cet insecte, de couleur verte, adoptent la coloration de la tige des plantes. Femelle trouvée à Reidigen, au-dessus de Boltigen/BE Les criquets ensanglantés se trouvent jusqu' à 2710 m. Parmi les femelles, généralement verdâtres, on trouve parfois des spécimens brun-rouge Le gomphocère tacheté vit entre 280 et 3070 m d' altitude, un record d' adaptation parmi les espèces suisses. Ce mâle a été pris en photo à Entlebuch Un dectique verrucivore femelle, particulièrement grand, s' est fait sa place au soleil parmi les végétaux dans le Lötschental, au-dessus de la Lauchernalp. Son long ovipositor est légèrement recourbé

es chevaux avancent péniblement à travers le marécage, enfonçant jusqu' au ventre dans la boue. Il n' y a pas de passage non plus sur les pentes des montagnes, couvertes d' une broussaille impénétrable. Nous avançons ainsi en sinueuses reptations à la rencontre des Touvas, les derniers nomades mongols à dos de renne. Personne ne peut nous dire où ils se trouvent exactement. Nous, c' est mon ami mongol Gansche avec ses trois chevaux, et moi. Le père de Gansche était touva, sa mère est mongole. Gan-

L

sche connaît tous les Touvas de la région, qui sont encore une centaine. Mais il ne s' est jamais aventuré aussi loin dans la taïga. Nous sommes partis voici deux jours avec des vivres pour un mois au moins et le projet de ratisser la taïga jusqu' à trouver le camp des nomades.

Les Touvas – un peuple sans Etat

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