Les Touvas, derniers nomades à dos de renne. Un voyage dans la Mongolie d'antan | Club Alpin Suisse CAS
Soutiens le CAS Faire un don

Les Touvas, derniers nomades à dos de renne. Un voyage dans la Mongolie d'antan

Les Touvas, derniers nomades à dos de renne.

T E X T E / P H o T o s Andreas Hutter, Lucerne

Un voyage dans la Mongolie d' antan

Le camp d' automne des Touvas dans la province mongole de Hövsgöl, non loin de la frontière russe: en Mongolie, les Touvas sont aussi appellés Tsaten, c.à-d. éleveurs de rennes Quatre à huit fois par année, les Touvas déplacent leur camp: ici, la fille aînée de Gomb avec son bébé, Eizo; à sa gauche, la cadette des filles de Gomb et à l' arrière, la femme de Gomb, Saintsetseg Au cœur du territoire de chasse des Touvas se trouve le fleuve Tengis. Il s' écoule dans le Shis-ged qui, à son tour, est l' un des cours d' eau qui forment le grand fleuve Yenisey

Avant la création des kolkhozes, les Touvas nomadi-saient avec leurs bêtes dans les régions de la frontière entre Russie et Mongolie. On les sédentarisa dans des kolkhozes au cours des années 1940 et tous les rennes de Russie furent déclarés propriété d' Etat. Quelques Touvas s' enfui en Mongolie et obtinrent un passeport mongol. Il ne leur fut alors plus possible de retraverser la frontière. Les Touvas de Mongolie sont restés nomades, contrairement à leurs compatriotes demeurés en Russie. Ils ne possèdent pas de maisons, mais vivent dans des yourtes qu' ils déplacent selon les nécessités.

Une grande hospitalité

Nous arrivons vers le soir à un embranchement du fleuve, où nous trouvons de l' herbe pour les chevaux et un emplacement sec pour dormir. Le soleil réchauffe notre campement de ses derniers rayons avant de disparaître derrière les rochers rouges d' une montagne sans nom. Nous dormons sous un drap d' étoiles. Le matin suivant, tout est recouvert d' une épaisse couche de givre. Nous attendons

LES TOUVAS, DERNIERS NOMADES À DOS DE RENNE

Photos: Andreas Hutter Orage estival au-dessus du campement touva, à plus de 2500 m. Ici, la température est plus agréable pour les rennes et il y a moins de moustiques

engourdis que les premiers rayons balaient le brouillard matinal.

Après une progression pénible à travers une dense broussaille, nous trouvons enfin la première empreinte fraîche d' un sabot. Gansche devine au loin deux points blancs et nous découvrons bientôt d' autres points noirs et bruns: des chevaux. Les Touvas doivent être tout près, car les chevaux sont parqués durant la nuit pour les protéger des loups. Nous apercevons ensuite les rennes et les premières yourtes, une image que l'on aurait pu contempler en Amérique du Nord voici 300 ans.

Nous chevauchons lentement en direction du groupe de neuf tentes éparses. Les chiens aboient, les enfants interrompent leurs jeux, les jeunes rennes grognent et les femmes se montrent à l' entrée des yourtes. L' une d' elles nous invite à prendre le thé. D' autres femmes nous rejoignent, jusqu' à ce qu' il n' y ait plus de place. Gansche connaît ces gens: à la saison froide, leur campement s' établit à sept kilomètres de sa cabane d' hiver. Les hommes sont à la chasse et ne rentreront que dans quelques jours; le camp devrait alors se déplacer. Gansche et moi établissons notre propre campement à quelques mètres des yourtes. Je passerai les prochains jours à me familiariser avec le travail des femmes. Tsineli me montre comment on s' occupe des rennes. Après deux jours, nous voyons revenir les premiers hommes et, parmi eux, Gomb, le mari de Tsineli, et leur fils Erden.

Instants de tension sur champ de neige

Avant que les Touvas ne déménagent, j' accompagnerai Gomb, doyen de la tribu et le plus expérimenté des chasseurs de la taïga. Il doit reconnaître l' itinéraire vers un nouveau campement.

Le paysage ressemble fortement à ceux du nord du Canada ou de l' Alaska: de la forêt, des buissons denses, des vallées interminables et de hautes montagnes aussi loin que porte le regard. Gomb scrute la taïga en long et en large avec ses jumelles, à la recherche de gibier. Aujourd'hui, les Touvas de Mongolie sont plus qu' autrefois dépendants de la chasse car les nomades éleveurs de rennes n' en possèdent plus que quelques centaines. Depuis des années, les tentatives de faire venir des rennes de Russie ou de Finlande se sont heurtées aux barrières de la bureaucratie. C' est pourquoi il est toujours plus difficile aux nomades d' éviter les pièges de la consanguinité. Les rennes sont de plus en plus petits, ce qui réduit les revenus tirés de la

Photos: Andr eas Hutter Le nord-ouest est la seule région de Mongolie où il pleut et il neige beaucoup. Les brumes matinales y sont elles aussi fréquentes Le lac Dschoschin, riche en poissons, se situe à 30 km de la frontière russe. Les Touvas y installent volontiers leur campement en automne Les camps d' hiver des Touvas sont souvent abrités par des arbres. Comme les tentes ne sont pas isolées, il faut les chauffer constamment: en hiver, dans la taïga, la température s' abaisse fréquemment en dessous de –50° C Photos: Andr eas Hutter Gomb emmène toutes ses possessions avec lui vers son prochain campement, de l' autre côté d' un col de 2700 m d' altitude A la fin du mois d' août, Gomb part dans la taïga. Les Touvas chassent l' élan, le cerf, le chevreuil, l' ours, le loup, le lynx et d' autres espèces Le petit-fils de Gomb, Eizo, prêt à partir pour le nouveau campement Gomb construisant sa yourte. Les tentes des Touvas font environ 4 m de diamètre et 3–4 m de haut en leur centre. Elles tiennent debout grâce à 15 à 25 perches en bois Ces pentes proches du Dschoschin sont un territoire de chasse apprécié des Touvas Photos: Andr eas Hutter En s' approchant des terres des Touvas, on longe d' innombrables petits lacs. A l' arrière se dressent les hautes montagnes d' Horidol Suridag. Derrière les cimes se trouve le deuxième plus grand lac de Mongolie, le lac Hövsgöl. On l' appelle aussi le petit frère du Baïkal

vente des produits de leur élevage. La chasse apporte quelque amélioration à la mauvaise situation économique, et l'on fonde un nouvel espoir dans le tourisme en forte augmentation.

Après quatre jours, nous revenons par le col que tout le groupe empruntera par la suite. On en descend par une vallée étroite et raide. Un flanc d' éboulis est recouvert d' un tapis neigeux de 35° d' inclinaison. Gomb se fait du souci: il craint que l' un des chevaux ne dévale la pente. Nous les conduisons un par un. Peu avant la fin du champ de neige, le cheval de Gomb perd brusquement pied et commence à glisser. Heureusement, Gomb parvient à le tirer par la longe jusqu' aux rochers. Les deux en seront quittes pour la peur et de profondes éraflures. Rendus au campement, Gomb raconte cet incident et il paraît clair que ce champ de neige ne pourra être franchi qu' avec les rennes: avec les chevaux chargés, il faudra faire un détour.

En chemin au rythme des rennes

Deux jours plus tard, on démonte la moitié des yourtes et l'on charge les effets de cinq ménages sur une trentaine de rennes. Les montants de bois sont laissés empilés sur place. Tout ceci n' est que routine: en deux heures, tout le groupe est prêt au départ. Il reste à attacher les enfants sur les rennes, et l'on se met en chemin. Les rennes ont le pied bien plus sûr que les chevaux, ils passeront sans problème le dangereux champ de neige. Seule la chaleur les incommode, et c' est pourquoi les nomades les mènent estiver en altitude. Le nouveau campement se situe à 2400 m. Il ne fait pas seulement plus frais ici durant les mois d' été: il y a aussi moins de moustiques. Les Touvas ont déjà fait halte ici voici quelques années, ils y retrouvent les piquets de yourtes prêts à l' usage. Quelques heures plus tard, cellesci sont de nouveau montées.

Deux hommes prennent le chemin du retour avec les rennes les plus robustes, qui seront utilisés après-demain pour le déménagement du reste de la tribu. Pour moi, c' est aussi un déménagement qui m' attend: je dois retourner à la « civilisation ». a

Un motard à la recherche des Touvas Andreas Hutter s' était mis pour la première fois en 2002, à moto, à la recherche des derniers nomades à dos de renne. En route pour Zagan Nuur, première étape vers le monde des Touvas, il fit connaissance avec leur société grâce à Basen, un « moto-stoppeur ». Le père de Basen était lui-même touva. En 2003, Hutter fit une nouvelle visite à la cabane de bois de Basen, dont le frère Gansche l' emmena sur le long chemin équestre vers les derniers nomades touvas.

Montagnes et environnement

Montagne e ambiente

Berge und Umwelt

L' exemple d' Uri

Feedback