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Les variations périodiques des glaciers des Alpes. Onzième rapport

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Prof. Dr F.A. Forel à Morges ( Section des Diablerets ). Onzième rapport — 1890 1 ).

Par le XXXIX. Observations nivométriques sur les hauts névés des Alpes.

Nous avons établi en 1881 que la variation de grandeur du glacier est de longue périodicité — nous la caractérisons en disant qu' elle est de périodicité semi-séculaire. Nous en avons conclu que, des deux facteurs qui interviennent pour déterminer les dimensions du glacier, la vitesse d' écoulement du courant de glace d' une part, sa fusion par la chaleur d' autre part, le second est d' action très subordonnée: le premier est prédominant. La vitesse d' écoulement est tantôt très forte; elle dépasse en valeur l' effet de la fusion sur le front du glacier, et le glacier s' allonge; tantôt la vitesse est très faible; sa valeur est moins active que l' ablation, et le glacier se raccourcit en fondant sur place. De telles variations dans la vitesse d' écoulement ont pour cause des variations dans l' épaisseur du névé; quand le névé qui est la source du glacier est plus épais, le fleuve glacé qui en sort est plus puissant et s' écoule plus vite. Ces déductions sont généralement acceptées par tous les glaciologistes.

Ce sont ces variations dans l' épaisseur des névés, ce que j' ai désigné sous le terme plus étendu d' enneigement des montagnes, que je voudrais proposer d' étudier systématiquement. L' enneigement est tantôt progressif et les hautes régions sont envahies par des couches de neige toujours plus épaisses et plus étendues; tantôt l' enneigement est régressif et les cimes et les cols se dégarnissent de neige. Cela est prouvé par nombre 1 ) Voir dixième rapport, 1889, Jahrbuch des S.A.C. XXV, pag. 448. Berne, 1890.

F.A. Forel.

de faits isolés dont j' ai pu collecter quelques-uns dans mes rapports précédents; mais il nous manque jusqu' à présent des observations méthodiques et suivies, et ce sont elles que j' aspire à provoquer.

L' entreprise n' est pas facile, étant données les difficultés d' accès des régions en question, étant donnée aussi la variabilité probable du phénomène à observer. Mais le grand intérêt qu' aurait la connaissance précise de l' état des neiges pour la météorologie des hautes régions, pour la théorie des glaciers, comme aussi pour les voyages alpestres qui entraînent toujours plus d' ardents zélateurs, m' engage à présenter cette proposition ou cette demande.

Les méthodes qui amèneraient au but peuvent être nombreuses et diverses. Je ne peux pas établir des aujourd'hui un programme définitif: c' est plutôt un avant-projet que je me permets de présenter à l' étude et à la critique des alpinistes de haut-vol, et des montagnards, mieux à portée de mettre à exécution ces idées.

Toute haute montagne bien enneigée se prêterait à ces recherches, si elle est suffisamment fréquentée par des guides et des touristes intelligents. Je voudrais faire établir, sur chacun des rochers qui sortent de la neige dans le chemin des caravanes, une échelle graduée qui permit une lecture facile de la hauteur du névé. Là où existe une paroi plus ou moins plane de roches en place, l' échelle s' obtiendrait facilement en peignant sur le rocher des traits de couleur à l' huile avec graduation en mètres et demi-mètres et numérotation convenable. Là où le rocher, en contact avec la neige, n' est qu' un simple éboulis de pierres, des marques appropriées, numérotant les rocs successivement émergés de la neige, permettraient d' indiquer par des chiffres l' état de l' enneigement 1 ).

Les chefs de chaque caravane qui passeraient devant ces échelle seraient invités à faire une lecture de la hauteur de la neige, à noter le dernier numéro découvert et à faire, à l' arrivée, une inscription de leurs observations sur un registre ouvert au bureau du guide-chef, ou de l' hôtel, ou de la cabane qui sert de point de départ pour l' ascension de la montagne.

Je suppose que, pour faciliter le travail d' établissement de ces échelle$, appelons-les des nivomètres, on se contentera de faire la graduation en mètres. Si, plus tard, les observations sont collectées en nombre suffisant et si l'on vent en tirer des chiffres précis pour apprécier l' accumulation 1 ) Il est peu probable que le névé soit à l' étiage ( à son niveau minimal ) au moment où l'on établira pour la première fois les marques de l' échelle. Il sera donc prudent, pour n' avoir pas de valeurs négatives, de donner à l' échelon inférieur un numéro d' ordre suffisamment élevé, 20 par exemple ou 25 m. A mesure que dans les années suivantes le rocher ou les pierres seraient mis à mi par la neige, on devra ajouter par des marques nouvelles les échelons en sous-ordre, 19 m, 18 m, etc.

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de la neige, il y aura lieu d' étudier les conditions locales de l' appareil, la pente et l' orientation de la paroi de rochers sur laquelle la graduation est inscrite, la pente et l' orientation de la surface neigeuse qui est à son pied, de manière à ce qu' un calcul très simple permette de traduire les valeurs relatives, observées par les lectures, en épaisseur absolue de neige accumulée sur le talus.

J' indique ici le projet de nivomètre qui me semble le plus facile à établir; suivant les circonstances locales, un alpiniste le modifiera pour le mieux. Le phénomène à étudier est la variation d' épaisseur du névé. Toute solution qui donnera des résultats précis et comparables sera la bonne.

Admettons que quelque ami des choses alpines suive à ma demande et établisse d' après mon projet, ou d' après tout autre plan, une série de nivomètres sur les rochers saillants du grand chemin d' une montagne; admettons que les guides comprennent l' intérêt de ces observations, et veuillent bien prendre la peine de les consigner dans le registre ouvert ad hoc. Voici quelles seraient les variations que nous pouvons prévoir; elles seront probablement de quatre ordres:

1° Des variations accidentelles locales, dues à une chute de neige dans les quelques jours qui ont précédé l' observation, ou à l' accu de la neige poussiéreuse par le vent au pied de l' échelle du nivomètre.

2° Des variations périodiques annuelles; la neige est plus haute au commencement du printemps qu' à la fin de l' été; la neige de l' hiver et du printemps se tasse, fond et s' évapore pendant la saison chaude.

3° Des variations accidentelles annuelles dues à une saison plus ou moins humide, plus ou moins chaude.

4° Des variations de longue périodicité, dues à la succession d' années plus ou moins chaudes, plus ou moins humides. La hauteur du névé est la somme algébrique des hauteurs partielles des chutes de neige antérieures, diminuées de la valeur de la fusion, de l' éva, du tassement et de l' écoulement de la masse du névé. Cette résultante doit être soumise, comme l' est le volume des glaciers, à des variations de longue périodicité d' ordre semi-séculaire. Ce sont ces variations qu' il serait utile et intéressant de découvrir sous les variations accidentelles ou périodiques de courte périodicité, et c' est surtout pour cette recherche que je réclame la coopération des alpinistes et des glaciairistes.

C' est une recherche de longue haleine, il ne faut pas se le dissimuler. Des phénomènes qui n' accomplissent leur période que deux ou trois fois par siècle, comme les variations connues des glaciers et les variations probables des névés, ne deviennent apparents qu' après nombre F.A. Forel.

d' années d' étude. Mais, et c' est ce qui fait la grandeur, l' intérêt supérieur de la recherche des faits de la nature, si une génération d' hommes n' arrive pas toujours à en déceler les lois, les générations qui se succèdent profitent des labeurs de leurs prédécesseurs. Il est de notre devoir, il est de notre dignité, de semer la graine dont nos successeurs moissonneront après nous la récolte.

XL. E. Brückner, Klima-Schwankungen seit 1700. Wien, 1890. E. Richter, Geschichte der Schwankungen der Alpengletscher. Zeitschrift des D.u. Oe. A.V. 1891.

Les deux ouvrages dont je viens de donner le titre feront époque dans l' histoire de la climatologie, et spécialement dans l' étude des variations glaciaires qui nous occupent ici. Dans le premier 1 ), M. le Dr Ed. Brückner, professeur à l' université de Berne, a énoncé une idée d' une haute portée générale. Il est parti du fait révélé par les variations glaciaires qui indiquent une variation de longue périodicité se reliant probablement à une variation analogue du climat, et plus particulièrement à une variation de la température et de l' humidité atmosphérique; il a cherché et trouvé dans un autre phénomène naturel, la hauteur des eaux des lacs sans émissaire, les traces d' une variation périodique du même ordre; il s' est adressé ensuite à la hauteur des eaux des lacs à émissaire, à la hauteur des mers méditerranées, à la hauteur de l' océan, au régime des fleuves, à leurs inondations, à la durée de leur congélation, à des phénomènes phénologiques, tels que l' époque des faits culturaux, en particulier à l' époque des vendanges, etc., etc., et dans toutes ces directions il a reconnu une périodicité analogue et parallèle. Enfin, il a repris les observations météorologiques proprement dites, les études sur la température, la pluie et la pression atmosphérique, et il y a constaté la même périodicité. Le nombre des observations qu' il a dépouillées, élaborées et ordonnées est énorme; c' est un immense travail de statistique dans tous les domaines de la nature; il a mis à réquisition le trésor de l' observation accumulé depuis des siècles dans les archives de la science, et, en le soumettant à un choix judicieux, il en a tire une généralisation brillante. Le cycle de variation qu' il a déduit de ce labeur gigantesque, et qui devra être désigné sous le nom de cycle de Brückner, est de 35 années environ. A chaque trente-cinquième année, il revient une phase météorologique de froid et d' humidité, pendant laquelle les eaux sont hautes dans les lacs et les fleuves, les glaciers sont à leur maximum, les vendanges sont tardives; 1 ) Geographische Abhandlungen, herausgegeben von Prof. A. Penck in Wien, Band IV, Heft 3.

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aux époques intermédiaires, il y a une phase de chaleur et de sécheresse, dans laquelle les phénomènes sont en sens inverse.

Les dates moyennes approximatives des phases de froid et d' humidité sont dans les deux derniers siècles:

1705 1740 1780 1815 1850 1880. Les dates moyennes des phases de chaleur sont:

1720 1760 1795 1830 1860.

Les séries les plus riches d' observations proviennent de l' Europe, cela est naturel. Mais M. Brückner a su retrouver et mettre en œuvre des matériaux provenant de l' Asie, de l' Amérique, de l' Afrique et de l' Australie; il a pu tirer de ces comparaisons la probabilité que le cycle climatologique se reproduit également sur les différents méridiens du globe, également et dans le même sens des deux côtés de l' équateur. En raison du petit nombre de documents utilisables dans les continents extra-européens, ces dernières conclusions sont beaucoup moins certaines que les premières.

Ce n' est pas ici le lieu de critiquer cette généralisation; nous n' en avons ni le temps ni la place. Mais il nous est permis de constater combien est heureuse l' idée de remplacer l' incertitude et le vague qui régnaient jusqu' à présent dans la question des variations des phénomènes climatologiques, par la netteté et la précision de cette affirmation: Il y a une périodicité plus ou moins régulière, qui ramène environ trois fois par siècle des conditions météorologiques analogues; de faire succéder aux questions toujours pendantes sur l' amélioration ou l' aggravation du climat, sur le refroidissement ou le réchauffement de la température, sur le desséchement ou l' humidification de l' atmosphère, cette notion très simple: les variations en plus ou en moins oscillent dans un rythme régulier autour d' une moyenne à laquelle le climat revient constamment.

Ce sera pendant longtemps la tâche la plus fructueuse de la géographie météorologique de rechercher, par une statistique toujours plus serrée des faits du passé et de l' avenir, si le cycle de Brückner se vérifie ou s' il est réfuté, s' il s' étend également, simultanément ou successivement, dans le même sens ou en sens opposé, dans les différentes régions et dans les deux hémisphères du globe; si cette belle généralisation est une des plus fécondes conquêtes de la science, ou bien si elle n' est qu' une de ces illusions que nous devrons abandonner et remplacer par de nouvelles hypothèses.

Un premier fruit de l' œuvre de Brückner nous arrive sous la forme de l' histoire des variations des glaciers alpins par le Dr E. Richter, professeur à l' université de Graz en Styrie 1 ). Cet auteur, l' un des plus actifs et des plus féconds parmi les glaciologistes modernes, celui auquel nous 1 ) Zeitschr. des D. u. Oe. A.V., XXII, Wien 1891.

F.A. Forel devons entre autres la précieuse description des glaciers des Alpes orientales 1 ), celui qui a le mieux étudié les variations glaciaires, et en a élaboré le plus complètement la théorie, s' est emparé de l' idée de Brückner; il a cherché dans l' histoire des variations des glaciers s' il en trouverait la confirmation ou la réfutation. Pour cela, il a repris et critique tous les documents épars dans cent mémoires divers, il est remonté aux sources et les a épurées, il a apporté de nouveaux matériaux, et il a fait une histoire générale de ces variations dans les Alpes. Le travail de Richter nous arrive pendant la correction des épreuves du présent rapport; nous ne pouvons lui consacrer ici toute l' étude qu' il mérite. J' y reviendrai certainement une autre année. Aujourd'hui, je me bornerai à le signaler et à le recommander à ceux qui s' intéressent à ces questions. Je donne le résumé des périodes qu' il a reconnues dans l' état des glaciers pendant les siècles écoulés:

1° Phase de crue et époque de maximum des glaciers aux environs de l' année 1600.

2° Maximum de 1630 à 1640.

3° Maximum vers 1680.

4° Maximum vers 1715.

5° Maximum vers 1740.

5bis Minimum vers 1750.

6° Crue et maximum vers 1770.

7° Crue et maximum vers 1820.

8° Maximum de 1840 à 1850.

La durée moyenne de période qu' a calculée Richter est de 35 ans et correspond parfaitement au cycle de Bruckner; les phases de crue et les époques de maximum coïncident très suffisamment avec les phases de froid humide. Le professeur de Berne peut donc trouver, dans le mémoire de notre ami de Graz, un appui très heureux de ses idées et une confirmation de sa généralisation. Nous y reviendrons.

XLI. Chronique des glaciers des Alpes, 1890.

I. Bassin du Rhône.

( G. ) Vallée de Conches. Glacier du Rhône. D' après les mesures de M. l' ingénieur L. Held, du bureau topographique fédéral, chargé des études du glacier du Rhône pour le compte du S.A.C., le front de ce glacier a subi les variations suivantes:

1 ) Die Gletscher der Ostalpen, Stuttgart 1888.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

a. Du 31 août 1888 au 26 août 1889:

Surface mise à découvert par la fusion du glacier.. 7100 m2 Surface recouverte par l' allongement du glacier... 300 m2 Différence en moins dans l' état du glacier 6800 m2 La plus forte diminution de longueur a été de 40 m, au point on le torrent sort de dessous le glacier.

b. Du 26 août 1889 au 27 août 1890:

Surface mise à découvert4820 m2 Surface recouverte 710 m2 Différence en moins dans l' état du glacier 4110 m2 Il y a donc en encore en 1890 diminution de la surface du glacier, par conséquent décrue.

Mai si l'on se rapporte aux chiffres analogues des années précédentes, on voit que la diminution actuelle est beaucoup moins considérable. De 1885 à 1889, la surface mise à découvert chaque année a été en moyenne de 6570 m2; cette dernière année, elle n' est plus que de 4110 m2.

En second lieu, M. Held joint à ses notes les observations suivantes: „ Sur les 4110 m2 de moraine profonde mise à nu par la fusion du glacier, 2050 se rapportent à un morceau de glacier mort, sur la rive gauche, glace conservée par un revêtement de débris d' avalanches, plus ou moins séparée du glacier principal; le front du glacier n' a donc perdu en réalité qu' une superficie de 2060 m2. De cette dernière quantité, la plus grande partie revient à la porte du Rhône; le torrent glaciaire s' est creusé en 1890 une splendide porte, voûte de 40 m de haut, dans la paroi verticale qui s' est éboulée sous l' action des eaux. Sans cette forte ablation d' origine mécanique, on aurait probablement eu compensation dans l' avancement positif et négatif du glacier; la superficie totale du glacier serait restée à peu près la même. Ce qui le prouve encore, c' est le nivellement du profil vent, à environ 120 m au-dessus du front du glacier; ce profil a gardé la même hauteur en 1890 qu' en 1889, tandis que dans les années précédentes nous lui constations un affaissement vertical moyen de 3 m environ. "

De ces données et chiffres, et de l' étude que j' ai moi-même faite sur les lieux en août 1890, je conclus que le glacier du Rhône est actuellement à la fin de sa phase de décrue, qu' il est à l' état de minimum, et que la phase de crue de la nouvelle période commencera probablement à être manifeste par l' avancement de son front en 1891.

Par les difficultés que nous avons à déterminer l' époque du minimum, la plus facile à constater, de ce glacier du Rhône, de beaucoup le mieux étudié dans les Alpes, on voit combien la tâche est peu aisée de pré- F.A. Forel.

ciser les faits généraux des variations glaciaires. Le lecteur impartial apprendra à excuser les hésitations, les incertitudes, le manque de netteté et de sûreté dans les déterminations que nous sommes appelés à donner des époques et phases des périodes antérieures.

Vallée de la Massa. Glacier d' Aletsch. Aux diverses dates que j' ai indiquées dans mon IXe rapport pour l' époque du commencement de la décrue actuelle de ce glacier, je puis ajouter la suivante de M. T.G. Bonney; d' après le géologue anglais, la décrue n' a pas commence avant 1859, et elle n' a été bien marquée qu' après 1861 1 ).

Ecoulement du lac Märjelen le 25 juillet 1890. ( Prince Roland Bonaparte. ) 2 ) Vallée de Lœtsch. Le Lœtschengletscher s' est raccourci de 8 m en 1889/90. ( C. V. ) 3 ) Vallée de Saas. Le Schwarzenberggletscher s' est allongé en 1889/90 de 29 ( C. V. ) C' est la première nouvelle que nous avons de la crue de ce glacier.

Glacier d' Allalin; il s' est allongé en 1889/90 de 18 m. ( C.V. ) C' est là une réponse précise aux doutes que nous avons exprimés dans notre dernier rapport sur l' état de ce glacier; cette observation indique un état de crue manifeste.

Glacier inférieur de Fée. Allongement de 43 m en 1889 90. ( C.V. ) Les mesures du Comité Valaisan dans la vallée de Saas ont été prises en 1889 le 5 septembre, en 1890 dans la première semaine de septembre par M. E. Burgener.

Vallée d' Hérens. Le glacier d' Arolla est encore en décrue en 1890. Le Zigiorenove avance beaucoup; il coupera bientôt le chemin qui mène au glacier de Pièce. ( M. H. Gans de Genève. ) Vallée de Bagne. L' Otemma en 1889,90 a diminué de 3 m en longueur et de 5 m en largeur. Deux repères sont établis, l' un à droite, l' autre à gauche. ( C. V. ) Le Durand en 1889/90 a diminué en largeur de 10 m. Le front qui aboutit à la Dranse est inabordable; la longueur n' a pas été mesurée. ( C. V. ) Le Giétroz en 1889/90 a augmenté en longueur de 21 m, en largeur de 3 m, en hauteur de 5 m; sur les rochers en pente sur le flanc droit du glacier il a augmenté d' épaisseur de 5 m, et y montre d' énormes 1 ) Nature, XLII, 51, Londres 1890.

2 ) Arch. de Genève, XXIV, pag. 401, 1890.

3 ) Comme dans mon rapport précédent, je désigne par les lettres C. V. les notes qui m' ont été fournies par le comité glaciaire de la section Monte Rosa. Ces observations recueillies par M. A. de Torrenté ont été pour la plupart levées par les agents forestiers qui sont sous ses ordres.

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crevasses qui n' existaient pas en 1889. Ses mouvements sont très actifs et il donne de nombreuses chutes de glace. ( C. V. ) Le Giétroz est en reprise. ( M. F. Lombard de Genève. ) Tous les rapports, entre autres ceux de M. H. Correvon de Genève, disent que le glacier a montré une très grande activité dans l' été de 1890, que de très nombreuses avalanches de glace se détachaient de son front et dérochaient dans la vallée.

Le glacier de Corbassière est en recul. ( M. F. Lombard. ) Il a diminué en 1889/90 de 3.3 m en largeur, de 30 m en longueur, ce dernier chiffre étant apprécié sans mesures. ( C. V. ) Val d' Entremont. Observations de M. Jules Balleys, garde-forestier à Bourg-St-Pierre. Glacier de Valsorey en 1889/90 s' est raccourci de 2.2 m. Dans sa partie supérieure, il s' est épaissi de 1.5 m. ( C.V. ) Glacier de Boveire a montré depuis l' année dernière un allongement de 18.i m. Ce glacier s' est aussi épaissi; son grand avancement tient sans doute à ce qu' il glisse sur un rocher poli à sa partie inférieure. ( C. V. ) Vallée du Trient. Le glacier du Trient a continué à s' allonger sérieusement, de 11 à 14 m suivant les repères, dans l' année écoulée. L' élargisse s' est accentué également, et il y a eu de forts éboulements de glace sur le front d' avancement. ( M. J. Guex de Vevey. ) „ Le glacier des Grands a donne, du 19 juillet 1889 au 30 septembre 1890, un allongement:

repère n° I, flanc du glacier,11 mII,disparuIII, près de la base,5 mIV, axe du glacier,5 m „ Le n° III peut être considéré comme remplaçant le n° II de 1888 89. D' après la différence des vitesses le glacier vient butter contre la moraine de gauche, contre laquelle il travaille énergiquement. La calotte inférieure est très inclinée et la moraine terminale bien marquée. Dans les parties supérieures, épaississement sur le plateau, grande activité dans la région des séracs, éboulement des moraines.

„ L' enneigement du plateau supérieur du Trient était plus fort en 1890 qu' en 1889; les crevasses recouvertes facilitaient le passage sur le grand plateau, ainsi que la traversée des rimaies d' Orny et de l' Aiguille du Tour; près de la Fenêtre de Saleinaz de même une grande quantité de neige. " ( M. F. Doge de la Tour de Peilz. ) Vallée de l' Arve. M. Joseph Tairraz a continué à prendre des photographies des divers glaciers de la vallée; il a ajouté à sa collection une vue du glacier de Bionnassay. M. V. Payot m' a de même fort obligeamment communiqué les notes de ses observations.

F.A. Forel.

Le glacier du Tour est en augmentation manifeste. ( Photogr. Tairraz. ) Le glacier d' Argentière s' accroît aussi très évidemment. ( Photogr. Tairraz. ) „ Dans la visite que j' ai faite le 15 octobre 1880, j' ai constaté que le glacier s' est considérablement avancé et élargi sur ses deux moraines; je ne trouve aucune trace des repères marqués sur deux points bien éloignés l' un de l' autre; je ne peux donc apprécier, même approximativement, l' agrandissement du glacier, mais il a certainement été important. " ( V. Payot. ) Glacier des Bois. Les changements de son front sont considérables; le glacier s' allonge et s' épaissit dans sa partie terminale. ( Photogr. Tairraz. ) Par rapport à un repère inscrit sur le rocher des Mottets ( rive gauche du glacier ) en 1886, en ligne droite du front du glacier, il y a un allongement de 74 m au 15 octobre 1890. ( V. Payot. ) Note rétrospective: D' après Auguste Simon, guide à la Frasse, près Chamonix, né en 1826, le glacier des Bois aurait eu son maximum en 1841.

Le glacier des Bossons continue à s' accroître. Cela est évident sur les photographies Tairraz, où l'on voit les gros blocs situés devant le front du glacier mules et bousculés depuis l' année dernière; je l' ai vérifié moi-même sur place, le 5 septembre 1890. M. V. Payot évalue à une vingtaine de mètres l' allongement du 20 mai 1889 au 15 octobre 1890; une mesure plus exacte est impossible, tous les repères de M. Payot ayant été recouverts ou déplacés par l' allongement du glacier. D' après ses alignements et repères, M. Tairraz estime que, sur le profil du Pavillon de la Grotte, le glacier s' est épaissi de 7 m environ entre octobre 1889 et mai 1890.

Le glacier de Taconnaz a continue à s' allonger en 1889/90. ( Photogr. Tairraz. ) Glaciers du Dauphiné. Le glacier Blanc s' est beaucoup avancé depuis 1888; la chute de glaces descend en 1890 vers le glacier Noir, quoique ces deux glaciers soient encore loin d' être réunis comme autrefois. ( M. W.A.B. Coolidge de Cambridge. ) II. Bassin de l' Aar.

Vallée de l' Aar. Les glaciers du haut Hasli sont encore en décrue. L' Unteraargletscher est de 20 pas en arrière de la moraine frontale; de même affaissement, soit dans les névés, soit à la hauteur du Pavillon Dollfus. ( M. Nægeli, hôtel du Grimsel, et Gaspard Abplanalp, guide. ) Pour les autres glaciers de l' Oberland, j' analyse les notes de M. le pasteur A. Baumgartner de Brienz.

Ritzlihorn. Sur la face orientale de cette cime, M. A. Baumgartner remarqua dans fete de 1890 l' établissement de petits glaciers non marqués sur la carte Siegfried; cela indique un enneigement progressif.

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Le Gauligletscher n' a pas montré de changements. En revanche, le Hangendgletscher, qui verse ses eaux sous le Gauli, et le Renfengletscher, dont le torrent s' écoule directement dans l' Urbach, se sont agrandis et allongés dans les dernières années.

Le glacier de Rosenlaui, qui est en crue manifeste depuis 1880, semble ne s' être guère allongé les années dernières. Dans les régions supérieures, au contraire, il montre un épaississement évident.

Vallée de la Lütschine. Le glacier supérieur de Grindelwald continue sa crue et s' est notablement allongé.

Le glacier inférieur de Grindelwald s' épaissit toujours dans les hautes régions, mais ne montre pas encore de signes d' allongement à son front terminal.

Vallée de la Kander. Le Schwarzgletscher sur le versant occidental du Balmhorn n' a pas paru en 1890 s' être accru depuis 1881, époque de la dernière visite de M. Baumgartner. En revanche, les deux petits glaciers qui descendent sur le Schwarzgletscher du flanc septentrional du Rinderhorn semblent être en crue: dans une ascension du Balmhorn, M. A. Baumgartner dut traverser, an pied de ces glaciers, une vaste avalanche de glaces, indice certain d' une grande activité du Rinderhorn-gletscher.

III. Bassin de la Eeuss.

Vallée de Maderan. Notre fidèle correspondant, M. E. Krayer-Rams-perger de Bâle, continue à observer ces glaciers.

Le Brunni s' est raccourci en 1889/90 de 14 m. La voûte du torrent avait cet été une hauteur de 2 à 3 m.

En additionnant les chiffres des rapports précédents, on trouve que de 1882 à 1890, en huit années, le glacier s' est raccourci de 201 m, soit une variation annuelle moyenne de — 25 m.

Le Hüfi s' est raccourci cette année de 27 à 28 m; sa voûte avait une hauteur de 5 à 6 m.

De 1882 à 1890, le raccourcissement total a été de 273 m, soit en moyenne annuelle de 34 m.

IV. Bassin de l' Inn.

M. F. Lombard de Genève m' a communiqué ses notes, d' après les observations de MM. Caviezel à Sils, Arpagaus et Schocher à Pontresina. Aucun des glaciers de la vallée ne montre des signes de croissance. Ceux du versant sud, massif de la Bernina, continuent à se raccourcir considérablement; le Morteratsch aurait perdu en longueur de 20 à 30, à 100 m suivant les évaluations diverses, dans les dix dernières années. Quant aux glaciers du versant nord, Piz Munteratsch, Err, Kesch et Vadred, ils seraient plutôt stationnaires.

F.A. Forel.

Résumé.

En résumé, l' état de choses décrit l' année dernière continue sans grands changements. La totalité des glaciers du Montblanc, une notable partie des glaciers du Valais, une partie de ceux de l' Oberland bernois sont en crue. La totalité des glaciers de Glaris et des Grisons sont encore stationnaires ou en décrue; la nouvelle période n' a pas encore commencé pour eux.

En fait de glaciers dont la crue a été pour la première fois constatée par les notes du présent rapport, j' ai à citer:

Le Schwarzenberggletscher et l' Allalin, vallée de Saas, massif du Monte Rosa.

Le glacier Blanc, vallée de la Durance, massif du Pelvoux.

Le Hangendgletscher, Urbachthal, massif du Wetterhorn.

Les petits glaciers du Rinderhorn, Kanderthal, massif du Balmhorn.

Cela porte à 60 le nombre des glaciers dont la crue est actuellement constatée d' une manière plus ou moins certaine.

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