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Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par

Dr F.A. Forel, professeur, à Morges.

E. Muret, inspecteur en chef des forêts, à Lausanne.

Dr P.L. Mercanton, professeur, à Lausanne.

Vingt-neuvième rapport. 19O81 ).

XCIX. Débit du torrent glaciaire.

Quel est l' effet de la variation en grandeur du glacier sur le débit du torrent glaciaire? Nous n' avons pas, que je le sache, d' observations directes sur ce phénomène complexe 2 mais, comme il peut avoir une certaine importance théorique et pratique, je voudrais essayer d' en discuter les conditions; nous arriverons peut-être à quelques déductions intéressantes.

Le problème a été posé pour la première fois, indirectement il est vrai, par Henri de Saussure s ). Dans le procès qui divisait les Etats de Vaud et de Genève an sujet de l' exhaussement du niveau du Léman on avait reconnu, dans la décade de 1870-1880, un état dommageable et inquiétant de la hauteur du lac; Vaud attribuait ces inondations aux barrages toujours plus élevés du Rhône à Genève. En opposition à cela, Henri de Saussure chercha à les expliquer par les variations de grandeur des glaciers du Valais. De 1820 à 1860, disait-il, les glaciers ont été en crue; ils ont emmagasiné l' eau météorique sous forme de glace; ils ont plus accumulé de neige que la fonte annuelle n' en a détruit; de ce fait la quantité d' eau envoyée au Léman a été réduite. De 1860 à 1877, an contraire, les glaciers ont été en décrue; ils ont plus livré d' eau qu' ils n' en ont reçu de l' atmosphère; leurs torrents doivent avoir augmenté d' autant; les hautes eaux de 1860 à 1880 ont été causées par une fonte extraordinaire des glaciers du Valais. Nous n' avons pas en de peine à réfuter cette hypothèse, dont il n' est rien reste I ). C' est du reste en constatant l' insuffisance absolue des faits d' observation pour fonder une théorie des variations glaciaires, encore à chercher alors, que j' ai été amené, en 1879, à entrer plus spécialement dans la récolte des matériaux sur ces phénomènes intéressants. Le paradoxe de Saussure a donc été la cause provocatrice de nos rapports sur l' état des glaciers alpins dont voici le vingt-neuvième, et du grand mouvement d' études sur les glaciers de l' ensemble du globe, qui se manifeste par les travaux de la Commission internationale des glaciers, fondée au Congrès de géologie de Zurich en 1894.

Je considérerai aujourd'hui le débit du torrent glaciaire dans les variations possibles des divers facteurs qui peuvent l' influencer.

Deux facteurs président au débit du torrent glaciaire: les précipitations aqueuses ou neigeuses qui lui fournissent l' eau; la chaleur qui transforme les précipitations glacées, solides, en eau liquide capable de s' écouler dans le torrent.

Les précipitations aqueuses sont:

A. Les unes actuelles, ayant lieu sur le glacier lui-même et sur les parties dénudées de son bassin d' alimentation. La pluie est à l' état liquide; la neige et le givre ont besoin de chaleur pour reprendre cet état et être évacuées vers le bas de la vallée. Les précipitations d' eau sur le glacier varient d' une année à l' autre; elles peuvent donc être la cause de variations assez importantes dans le débit du torrent glaciaire.

B. Les autres sont anciennes. Les neiges se sont accumulées sur le névé; elles se sont avancées lentement dans les régions inférieures du glacier; elles y sont attaquées par la chaleur et y reprennent l' état liquide. Cette destruction du glacier se fait essentiellement à la surface, elle est connue sous le nom d' ablation.

Traitons d' abord de cette ablation.

J' extrais des rapports annuels de la Commission des glaciers de la Société helvétique des sciences naturelles les résultats des mensurations faites sur l' ablation du glacier du Rhône dans les vingt dernières années:

Profils:

vert' bleu jaune rouge Altitude:

1810 1900 2400 2560 m.

1887—1894 11.62 — 4.36 3.16 m.

1894 12.93 — 5.14 3.39 1895 12.58 — 4.81 3.46 1896 8.96 7.60 3.05 1.08 1897 9.14 9.19 3.18 1.79 1898 14.08 13.43 4.63 3.18 1900 7.32 11.61 5.68 3.86 190210.79 4.00 2.38 19039.68 3.99 2.54 190411.42 6.31 4.40 190510.69 5.76 3.75 190611.85 7.74 3.86 1907 — 7.95 3.00 2.89 fe réunis ces chiffres et j' obtiens les valeurs extrêmes et mo :S différents profils:

Profils: vert bleu jaune rouge Maximum 14.08 13.43 7.74 4.40 m.

Minimum 7.32 7.60 3.00 1.68 Moyennes 11.26 10.41 4.62 3.12 De ces chiffres se tire la déduction: L' ablation varie en fonction inverse de l' altitude. Si elle est en moyenne par an:

11 m.à l' altitude de 1810 101900 52400 32560 elle décroit d' environ 1 m. par 100 m. de différence d' altitude.

En multipliant les chiffres du tableau ci-dessus par un millier, j' aurai le débit du torrent glaciaire par kilomètre carré de la superficie du glacier.

Ainsi, au profil vert du glacier du Rhône, par 1810 m. d' altitude un kilomètre carré du glacier fournira au torrent glaciaire: 14,080,000 m3 d' eau dans une année de forte ablation 7,320,000faible ablation 000d' ablation moyenne, de même pour les autres altitudes.

Si j' admets que pour l' extrémité terminale du glacier du Rhône à 1800 m. d' altitude le glacier est dégarni de neige pendant un été de 100 jours, cela me donnera pour les variations de l' alimentation du torrent glaciaire, toujours rapportée au kilomètre carré de superficie du glacier:

au maximum l.g m3/km2—seconde 5870 m3/km2—heure au minimum 0.33060Je n' ose pas faire un calcul analogue pour les profils supérieurs du glacier, n' ayant aucun moyen d' estimation de la durée du désenneigement, de la saison pendant laquelle l' ablation agit sur le glacier lui-même.

Si je cherche quelle est la valeur de l' ablation minimale par rapport à celle de l' ablation maximale, j' ai les chiffres suivants:

Profil vert 0.52 ablation minimale/ablation maximale; bleu 0.56 jaune 0.40rouge 0.32 Donc, le débit du torrent glaciaire doit varier, de par l' ablation du simple au double ou au triple. La variation de l' ablation, d' une année à l' autre, est plus forte dans les régions supérieures que dans les inférieures.

Cette variation dans la puissance de l' ablation est due essentiellement aux variations, médiates ou immédiates, de la température, ce terme étant pris dans son sens le plus large. Le facteur de la température est complexe; il me serait impossible d' en analyser les valeurs numériques jusque dans leurs détails. J' essaierai cependant de les décomposer en les éléments principaux qui sont:

I. Actions thermiques proprement dites. 1° Le facteur le plus important est la chaleur rayonnée directement par le soleil pendant la phase diurne de la journée. La quantité de chaleur émise par l' astre étant considérée comme uniforme, le ciel étant serein, la quantité de chaleur utile est fonction de l' incidence des rayons, par conséquent de la date dans l' année et de l' heure dans la journée. Elle serait maximale le 21 juin à midi. Son effet utile dépend en outre essentiellement de la nébulosité; affaiblie par un ciel brumeux, elle est nulle par un ciel nuageux.

Son action serait indépendante de l' altitude, s' il n' y avait à tenir compte de l' absorption par l' air traversé; de ce fait elle est plus forte dans les hautes altitudes que dans le fond des vallées.

Pouvons-nous essayer de l' évaluer? Je prendrai les données qui sont le plus rapprochées de nous. Les recherches actinométriques d' Henri F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

Dufourl ) à Lausanne, 500 m. d' altitude, donnent en moyenne 0.8& calories ( gramme, degré ) par centimètre carré et par minute pour la quantité de chaleur revue du soleil par un jour serein. A Naye, 2000 m. d' altitude, cette valeur est de l.oo calorie.

Prenons le chiffre de Naye qui par son altitude se rapproche le plus des conditions du glacier. Par la radiation solaire, à raison de l.o calorie/cm2—minute, une couche d' eau d' un millimètre d' épaisseur serait réchauffée de 10° en une minute, et la chaleur latente de fusion de la glace étant 80 calories, une couche de glace d' un millimètre serait fondue en 8 minutes.

Cela représenterait une ablation de 7.5 mm. par heure, de 45 mm. par jour de 6 heures, si l'on pouvait admettre que pendant G heures par jour la radiation ait l' intensité qu' elle possède à l' heure de midi, ou 45 m. par été, si pendant 100 jours on pouvait attribuer à la radiation l' intensité qu' elle présente par un jour serein. Ces deux suppositions sont purement gratuites; elles dépassent probablement la réalité moyenne. Ce calcul mériterait d' être perfectionné en le basant sur des données plus précises.

Quoi qu' il en soit gardons ces chiffres: En une heure de temps, au milieu d' un beau jour sans nuages, la radiation solaire peut fondre une épaisseur de glace de 7.5 mm ., ou fournir au torrent glaciaire un débit de 7500 m3 par kilomètre carré de glacier. C' est de beaucoup le facteur le plus important.

2° La chaleur rayonnée par Vatmosphère susjacente. Les gaz ont une capacité calorique très faible. Ce facteur n' est pas nul, mais il est certainement de très petite importance. Quant aux vapeurs condensées en nuage j' en ignore le pouvoir émissif; il est probablement plus considérable.

3° La chaleur rayonnée par les montagnes qui encaissent la vallée au fond de laquelle s' écoule le glacier. Ce facteur est d' efficacité très différente d' un point à l' autre, suivant le relief géographique du vallon. Il est relativement peu puissant; je ne sais en apprécier la valeur.

4° La chaleur rayonnée par le glacier lui-même. La température de la surface du glacier ne peut s' élever au-dessus de 0ce qui n' em pas que ce corps ne rayonne de la chaleur vers l' espace cosmique qui est plus froid que lui. Cette émission de chaleur est d' effet négatif sur l' ablation; elle entre en soustraction des actions positives qui transforment la glace en eau. Son efficacité peut aller, dans les belles nuits à radiation puissante, jusqu' à congeler l' eau circulant à la surface du glacier; à exiger par conséquent l' absorption d' une partie des calories.

Bull. Soc. vaud. se. nat., XLI, xvn, Lausanne 1905.

disponibles de la journée suivante pour ramener le glacier à la température de glace fondante qu' il avait dans la journée précédente.

5° La chaleur de contact de l' atmosphère quand celle-ci est au-dessus de zéro, varie essentiellement avec l' altitude; elle diminue à mesure qu' on s' élève, le déplacement moyen des isothermes étant de O.s° par 100 m. de différence d' altitude. Les heures de dégel sont plus nombreuses et plus efficacies dans les régions inférieures du glacier que dans ses régions supérieures.

La capacité calorique de l' air est très faible, par conséquent cette action de contact est peu efficace. On évalue à O.0003 de celle de l' eau la capacité calorique des gaz atmosphériques. Donc si l' air se refroidissait d' un degré en livrant sa chaleur à l' eau, il faudrait 3000 litres de cet air pour réchauffer d' un degré un litre d' eau.

Une couche d' un mètre d' air se refroidissant d' un degré réchauffe-rait d' un degré une couche de 0.3 mm. d' eau, ou fondrait une couche de 0.0036 mm. de glace.

Traduisons ces chiffres autrement, en les diminuant d' un quart pour tenir compte de la réduction de densité de l' air dans les altitudes de deux mille mètres où descend l' extrémité des glaciers. Pour fondre 1 mm. d' épaisseur de glace il faudrait toute la chaleur disponible d' une couche susjacente de 300 m. d' air se refroidissant d' un degré, de 60 m. d' air à 5° se refroidissant à 0°, de 30 m. d' air à 10° se refroidissant à 0°.

Par action de contact, l' air en repos n' a donc qu' une efficacité très faible pour l' ablation à la surface du glacier.

Si l' air au lieu d' être immobile est promené par le vent sur le glacier et se renouvelle avec abondance, la quantité de chaleur livrée par l' unité de volume de l' air est moins grande; mais le volume d' air agissant étant plus considérable, l' effet total peut avoir une plus grande importance.

6° La chaleur latente dégagée par la condensation de la vapeur d' eau à la surface du glacier. Nous en traiterons plus loin.

7° La chaleur livrée par la pluie qui tombe sur le glacier qui est ramenée à la température de zéro ou à peu près; cette chaleur est toute entière employée à fondre la glace. A-t-elle une importance no-tableLa pluie dans les altitudes relativement élevées où les glaciers se meuvent n' est jamais très chaude; donnons lui une température maximale de 10°. Une chute d' eau de 20 mm. d' épaisseur en 24 heures, ce qui est déjà une forte pluie, ramenée de 10° à zéro, dégagerait 20 calories. Mais la chaleur latente de la glace étant 80 calories, l' épaisseur de glace qui serait fondue par cette chaleur ne serait que 0.25 mm.

Traduit en valeurs horaires comme nous l' avons fait pour les autres facteurs, cela représente, pour l' action d' une pluie chaude, O.oi mm. d' ablation par heure, ou, pour le débit du torrent glaciaire, 10 m3/heure—km2.

Faites varier les quantités d' eau de pluie et la température de cette eau; vous n' arriverez jamais à des valeurs bien élevées pour l' ablation et pour l' alimentation du torrent glaciaire.

II. L' humidité de l' air joue un rôle important dans les phénomènes de l' ablation et du débit du torrent glaciaire. Son action peut se résumer comme suit:

1° Si l' humidité est telle qu' elle se condense en nuages, le voile de ceux-ci arrête absolument l' action directe de la radiation solaire sur la glace. L' ablation est nulle ou presque nulle par un ciel nuageux.

2° Si l' air, près de son point de saturation, se refroidit, l' eau atmosphérique se précipite en pluie ou en neige.

3° Suivant le sens du rapport entre la température de saturation de l' air et la température de la glace, celle-ci s' évapore en livrant de la vapeur d' eau à Fair ambiant, ou elle condense à sa surface la vapeur d' eau atmosphérique. Je résumerai rapidement les résultats de l' étude que nous avons faite de cette question en 1870 et 18711 ).

L' evaporation de la glace dans un air dont le point de saturation est inférieur ne nous intéresse pas au sujet de l' alimentation du torrent glaciaire; elle diminue simplement, mais de peu, la réserve d' eau accumulée dans le glacier. Elle joue un certain rôle dans l' ablation en faisant disparaître une certaine épaisseur de glace; mais ce rôle est minime; dans les conditions les plus favorables nous n' avons jamais vu plus d' un dixième de millimètre de glace être enlevé en une heure par l' évaporation. Le plus souvent c' était O.oû, ou O.o3, ou O.oi mm. seulement. Ces chiffres sont peu de chose comparés à ceux de la radiation solaire, 7 mm./heure.

En effet pour qu' il y ait evaporation de la glace, il faut que la température de saturation de l' air soit inférieure à celle de la surface glacée, inférieure en tous cas à 0°. Or à ces basses températures la capacité hygrométrique de l' air est très faible:

à 0° Fair saturé renferme 4.ss gr./ms de vapeur d' eau n 10»2.22 „ » 20»0.99 De l' air à zéro, partant d' une humidité relative de O.so, qui se chargerait de vapeur d' eau à saturation, n' enlèverait, par mètre cube d' air, que 2.u gr. d' eau. L' ablation produite par l' évaporation, d' activité maximale dans ces conditions, par une couche d' air de 10 m. d' épais ne serait que 0.024 mm.

Ajoutons qu' en été les conditions de l' évaporation sont très rarement représentées sur le glacier; en hiver, au contraire, elles doivent être aussi fréquentes que celles de la condensation.

La condensation de la vapeur d' eau à la surface du glacier peut au contraire jouer un rôle important, soit sur l' ablation, soit sur l' ali du torrent; elle s' élève en effet à des valeurs assez considérables.

a.Par le fait que, dans les températures de l' air supérieures à zéro où le phénomène de la condensation se produit, la capacité hygrométrique de l' air s' accroît rapidement. A saturation, par mètre cube d' air, celui-ci contient:

à 0° 4.88 gr. de vapeur d' eau.

„ 10° 9.7220° I8.44r, 30° 47L' air chaud est capable de tenir en solution, et par conséquent de livrer par condensation à la surface de la glace, des quantités d' eau relativement très fortes.

b. Par le fait que la glace ne pouvant se réchauffer au-dessus de zéro, l' écart de température entre l' air humide et le corps condensateur peut être considérable; la faculté de condensation peut par conséquent être assez élevée.

Et en réalité, nos expériences de pesées de la glace sur le glacier du Rhône ont démontré que la valeur horaire de la condensation, c'est-à-dire de la vapeur d' eau précipitée à la surface de la glace, peut atteindre des épaisseurs de 0.00 à O.15 mm.; cela représente pour l' ali du torrent glaciaire des valeurs de 50 à 150 m3/km2—heure.

Dans la condensation de la vapeur d' eau sur la glace, il y a dégagement de chaleur latente; sa quantité est 7.67 fois plus forte que celle qui serait nécessaire pour fondre un poids équivalent de glace. Par conséquent, nos valeurs horaires de condensation de O.os à O.10 mm. d' eau représentent des valeurs horaires d' ablation de 0.38 à I.15 mm. d' épaisseur de glace, ce qui se traduit en valeurs horaires d' eau d' ali du torrent glaciaire, de 380 à 1150 ms/kmä—heure.

Cette quantité ajoutée à l' eau de condensation fait pour l' action de ce phénomène des valeurs de débit torrentiel de 430 à 1300 m8/km2—heure.

F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

Notons que la fusion de la glace par la chaleur latente dégagée dans la condensation est un des éléments de l' ablation de la surface du glacier; tandis que pour l' eau de condensation elle s' ajoute à celle produite par l' ablation dans l' alimentation du torrent glaciaire.

Quoi qu' il en soit, la condensation de la vapeur d' eau atmosphérique sur le glacier joue un rôle important et nullement négligeable, soit pour l' alimentation du torrent glaciaire, soit pour l' ablation.

III. Le vent intervient très utilement dans les échanges thermiques entre l' air et la glace; par le calme la réaction est plus complète, la couche d' air en contact avec la glace se refroidit plus, se dessèche plus, mais la réaction est moins rapide que lorsque l' air est agité et qu' il apporte à chaque instant de nouvelles masses chaudes et humides, ou froides et sèches, sur la surface du glacier. Je n' ai pas de valeurs numériques qui me permettent d' apprécier cet effet.

IV. La nébulosité est un facteur considérable qui permet ou qui empêche la radiation solaire; ce n' est que par un ciel serein que celle-ci est effective, ou active pour l' ablation et la fonte de la glace. D' autre part un voile de nuages arrête la radiation de la glace vers l' espace, et est par conséquent un obstacle au refroidissement du glacier.

Par un ciel serein le glacier fond puissamment pendant le jour; il se refroidit fortement pendant la nuit. La variation journalière, soit celle de l' ablation, soit celle du débit du torrent glaciaire, sont alors à leur maximum. La variation au contraire est minimale par un ciel couvert.

V. La pluie est de l' eau qui ne fait que traverser le glacier pour s' écouler dans le torrent; elle peut représenter pour celui-ci un élément important, en particulier provoquer des crues temporaires considérables. Si nous admettons une chute d' eau de 20 mm. en 24 heures, qui est déjà une pluie assez notable, cela nous donne pour le débit du torrent glaciaire un afflux extraordinaire de 830 m3/km8—heure; ou 230 litres/km2—seconde.

Il est vrai que par le temps de pluie la radiation solaire est d' effet nul sur le glacier, et que par conséquent ce facteur de l' alimentation du torrent est réduit à zéro.

Pluie et radiation sont donc des facteurs de sens opposé et d' action alternative.

VI. La neige recouvre le glacier pendant la saison froide, qui dure 8 ou 9 mois dans les hautes régions; elle disparaît progressivement dans les mois d' été.

La quantité des précipitations aqueuses de l' atmosphère est à son maximum dans les altitudes moyennes, disons dans la région terminale des glaciers. En effet dans les régions très froides des hauts sommets, la capacité hygrométrique de l' air est faible et les chutes de neige poussiéreuse y ont une moindre épaisseur.

D' autre part le tapis de neige fond plus vite et plus activement dans les régions inférieures; près de la ligne du névé, le glacier n' est dégagé de neiges que pendant quelques jours à la fin de l' été.

Les faits thermiques extérieurs agissent sur la neige comme sur la glace xla neige, qui fond, donne de l' eau au torrent comme la glace. Par conséquent, que le glacier soit ou non recouvert de neige, le débit du torrent dépend de ces faits thermiques. En revanche l' ablation du glacier proprement dit, telle qu' elle est mesurée dans le tableau de la page 288 de ce mémoire, est absolument nulle aussi longtemps que le tapis de neige arrête ou absorbe les actions thermiques extérieures. On peut donc dire que la valeur de l' ablation de la glace est fonction de la durée de la libération des neiges sur la surface du glacier.

Si je résume les faits, complexes et enchevêtrés, qui président à l' écoulement en eau de la neige des hauts sommets descendue dans la vallée sous forme de glacier, je laisse tout d' abord de côté certains facteurs extrinsèques tels que la nébulosité, le vent, la neige, la pluie, dont je ne puis évaluer l' action; je les réunis dans la formule commode, en même temps que parfaitement exacte: „ toutes choses égales d' ailleurs ".

Il me reste comme facteurs directs de l' ablation: La chaleur rayonnée par le soleil, par l' atmosphère susjacente, par les montagnes encais-santes, la chaleur de contact de l' air, la chaleur dégagée par la condensation de la vapeur d' eau et par la pluie; tous ces éléments étant de sens et de nature positifs pour l' alimentation du torrent alpin; puis encore l' évaporation de la glace dans un air sec, de valeur positive pour l' ablation et de sens négatif pour l' alimentation.

L' ablation du glacier, dont j' ai donné les valeurs numériques au commencement de ce mémoire, est la résultante de tous ces facteurs. Le facteur le plus important est la radiation solaire; il est absolument dominant, et les autres disparaissent à côté de lui.

Mais à première vue il est une contradiction apparente que je dois expliquer. D' une part l' ablation du glacier décroît d' importance de bas en haut, du front terminal à la ligne du névé. D' autre part le facteur le plus puissant, le facteur capital, d' effet décisif, la radiation solaire est d' action égale dans toutes les altitudes; elle aurait plutôt une tendance à être plus forte dans les altitudes supérieures.

Cette contradiction s' explique par l' effet du tapis de neige qui protège plus longtemps les régions élevées du glacier que les régions basses; l' extrémité terminale est la première dégagée, et la radiation solaire ainsi que les autres actions accessoires y opèrent bientôt sur la glace même. Ce n' est que successivement que des zones de plus en plus élevées du glacier sont soumises effectivement à l' ablation, jusqu' à la ligne du névé, où celle-ci cesse d' attaquer la glace.

Mais une autre question surgit ici: Comment se fait-il que la neige disparaisse plus vite dans les régions inférieures? D' une part les précipitations atmosphériques, pluie et neige, sont à leur maximum, avons-nous dit, dans les altitudes moyennes, à peu près à l' extrémité terminale des glaciers; il semble que, au printemps, le tapis de neige devrait être plus fort dans le bas du glacier. D' autre part la radiation solaire agit plus efficacement en haut qu' en bas. Pourquoi et comment le glacier ne commence-t-il pas à être libéré de neige dans ses zones supérieures?

Ici intervient la décroissance de température avec l' altitude: Dans les hauts l' eau tombe plus souvent sous forme de neige, l' air ambiant est plus longtemps aux températures de gelée; dans les bas il tombe plus souvent de la pluie, la température est plus longtemps aux températures de fusion. Le dégagement progressif du glacier de bas en haut qui est un fait d' évidence est donc ainsi parfaitement naturel et rien ne nous arrête plus dans l' interprétation du phénomène.

L' ablation, d' action presqu' égale aux diverses altitudes, s' épuise sur la neige dans les parties supérieures, quand elle est déjà efficace dans les parties inférieures du glacier.

Voilà pour l' ablation. Qu' en est-il de l' alimentation du torrent glaciaire?

Que la chaleur agisse sur la neige ou sur la glace, elle produit dans les deux cas de l' eau, qui, si elle ne s' arrête pas dans le corps spongieux du névé, doit s' écouler dans le torrent glaciaire. Pendant les grandes journées de l' été, lorsque le thermomètre reste, même pendant la nuit, au-dessus de zéro, il semble probable que la quantité d' eau fournie par l' unité de surface du glacier doive être à peu près la même, quelle que soit l' altitude de la zone considérée ( nous ne parlons ici que du glacier moyen et du glacier inférieur; les hauts névés, ou la plus grande partie de l' eau produite par la fusion de la neige est absorbée par la masse poreuse qui la retient, restent en dehors de notre énoncé ). Il n' en est plus de même dans les premières semaines de l' été et au début de l' automne, lorsque la température de l' air s' abaisse, lorsqu' il gèle pendant la nuit, lorsqu' une bonne partie de l' eau de fusion de la journée précédente, congelée par la radiation nocturne, absorbe pour revenir à glace fondante une partie de la chaleur de la journée suivante. Dans ces dernières conditions, le glacier supérieur doit livrer peu d' eau.

Le débit du torrent glaciaire est le produit de la fusion de la neige du névé inférieur, de celle qui recouvre le glacier et de la glace du glacier lui-même. Son débit croît en importance dès les premiers jours du printemps; il est à son maximum au cours de l' été; puis il décroît rapidement.

De ces diverses considérations il résulte que, toutes choses égales d' ailleurs, le débit du torrent glaciaire est proportionnel à la superficie utile du glacier. Plus celui-ci est grand, plus fort est le débit.

Donc le glacier à l' état de maximum, dont la superficie est plus grande, doit donner plus d' eau que le même glacier à l' état de minimum.

Devons-nous faire entrer en ligne de compte l' altitude à laquelle le glacier aboutit? Si le front du glacier, à l' état de minimum, s' arrête à cent ou deux cents mètres plus haut que lorsque ce glacier était en maximum, cela fait-il quelque chose pour le débit du torrent glaciaire? Par kilomètre carré du glacier, l' alimentation de ce torrent est-elle plus faible? Sans revenir sur les considérations énoncées ci-dessus, je crois pouvoir répondre: Dans les jours de grande chaleur, où la température nocturne reste au-dessus de zéro, non; dans les jours plus froids, lorsque la surface du glacier se congèle pendant la nuit, oui. Par conséquent le torrent du glacier en état de minimum aura une crue estivale moins forte et moins prolongée que celle de l' état de maximum.

Dans tous ces faits la vitesse d' écoulement du glacier qui, suivant ses variations, détermine et l' état de crue et l' état de décrue n' entre pour rien. Ce sont les dimensions actuelles du glacier qui sont seules à considérer, et non le sens de ses variations.

Tels sont les termes dans lesquels je crois pouvoir établir les relations entre le débit du torrent glaciaire et les variations périodiques du glacier.F.A. F.

C. L' enneigement en 1908.

Trois particularités caractérisent l' enneigement de nos Alpes suisses en 1908: premièrement il a été moindre que celui de 1907, deuxième- ment il a été plus tardif, troisièmement et contre toute attente, il a présenté un second maximum en septembre.

Ce dernier fait est des plus intéressants et de grande conséquence pour la marche de nos observations climatologiques. Dans mon dernier rapport ( Cf. 28e rapport, 1907 ), j' avais exprimé l' espoir que de bonnes lectures des échelles nivométriques à fin septembre suffiraient à fixer notre connaissance du minimum annuel de l' enneigement. L' expérience devait dire aussi un jour si nous serions en droit de simplifier de la même manière le travail d' observation en ce qui concerne le maximum printanier. Le nombre des lectures strictement nécessaires pour connaître la variation annuelle de l' alimentation des régions glaciaires se fût ainsi réduit à deux, l' une de printemps, l' autre d' automne. Cela aurait grandement facilité l' établissement et la surveillance d' autres installations nivométriques, fort désirables.

Notre espérance ne paraît, pour l' instant du moins, guère en voie de se réaliser; il faut encore, et sans se laisser rebuter, recueillir des observations à toute époque de l' année et les plus nombreuses possible. Plus que jamais l' appui de nos collègues alpinistes nous est indispensable pour mener à chef notre tâche qui est longue, difficile et de profit éloigné. Plusieurs nous l' ont déjà et fidèlement accordé, nous les en remercions sincèrement.

Résumons leurs précieuses constatations.

Alpes orientales. M. F. Frauenfelder, avocat à Schaffhouse, visite régulièrement depuis dix ans, en juillet-août, la région de l' Albula et l' Engadine. Il n' y a jamais trouvé, à la mi-juillet, le désenneigement aussi grand que l' an dernier et cela jusqu' à 3500 m. d' altitude environ. Ce désenneigement était notable aussi bien sur les glaciers mêmes que dans les ravins où, les années précédentes, on trouvait encore des restes considérables d' avalanches, et que dans les vallons, abrités du soleil, où persistait de la vieille neige jusqu' en août. D' autres touristes ont pu corrober les observations de M. Frauenfelder.

A fin juillet, il est vrai, la neige a envahi la montagne jusqu' à 1600 m ., mais pour récéder bientôt.

Alpes centrales. Notre fidèle collaborateur, M. le prof. Dr J. Kœnigsberger, de Fribourg en Brisgau, nous communique ses observations dans les Alpes d' Uri en 1908: Jusqu' en février peu de neige, fortes chutes en revanche à la fin de l' hiver et au premier printemps; en juin et an commencement de juillet désenneigement rapide et un degré qui n' est atteint d' ordinaire qu' à la fin de ce mois. Des la mi-juillet, changement général du temps et régression faible des neiges jusqu' en septembre où d' abondantes précipitations réenneigent les hauts sommets.

Les premières constatations de M. Kœnigsberger datent de fin août et concernent l' extension minimale de la couverture de neige perennelle. Les voici:

Le Luterseeli ( Oberalp ), libre de neige au début d' août 1907 en était, en 1908, à moitié recouvert.

Le Giufseeli, en 1903 encore complètement libre, était en 1908 presqu' entièrement enneigé.

Au glacier de Lucendro, la neige de 1908 recouvrait celle de 1907. Tandis que tous les glaciers de la région étaient à nu en 1903, les dernières années y ont laissé chacune une couche de neige, mince, mais appréciable. Les gisements d' apatite, encore à découvert en 1907, ne l' étaient plus en 1908.

Le Briichplanckenstockseeli, jadis libre, était enneigé.

Le Rientallücke et le glacier du même nom avaient garde plus de neige qu' auparavant; de même pour le haut du Gasserental ( près Wassen ) où il y avait beaucoup plus de neige qu' en 1904.

Dans le Val Prevot, le Val Sella, le Val Pusmeda à fin avril une couche de neige de 20 cm. d' épaisseur persistait, dépassant de quelques mètres celle de 1907.

Le Scopi était plus enneigé, le Fibbiaseeli, jadis découvert, ne l' était plus.

La couche de neige des trois dernières années recouvrait encore l' extrémité des petits glaciers, à nu cinq ans auparavant, empêchant de constater s' ils avançaient déjà.

M. Kœnigsberger concluait de cet ensemble de faits que la tendance à un enneigement progressif, sensible en 1907, s' était maintenue, sinon accentuée en 1908. Toutefois, dans une note ultérieure basée sur des constations faites en automne dans les mêmes régions, il corrige cette appréciation. Du 20 septembre au 15 octobre en effet, le temps a été très beau, le désenneigement a été très rapide, dénudant plus ou moins complètement la majeure partie des petits lacs susmentionnés et laissant en définitive l' enneigement en 1908 au même point que ceux des quatre années antérieures.

Nous allons voir que ce phénomène a été général dans nos régions et repéré par les lectures nivométriques.

Alpes occidentales. M. Wagnon nous envoie les renseignements qui suivent pour la région Salvan-Trient.

La fin de juillet est marquée par de fréquentes et copieuses chutes de neige; le froid est vif. Une tentative d' ascension au Grand-Perron de Valorsine échoue, par suite de la neige et de la glace qui encombrent les rochers, toujours si secs à cette époque de l' année.

A la Creusaz sur Salvan, 1780 m ., la neige subsiste encore au 20 juillet. Il y en a I.20 m. au bas du pâturage où elle se concentre.

A fin août le lac Blantzin sur Emaney est encore partiellement rempli de glace et de neige.

A mi-juin l' hôtel de Planpraz sur Chamonix ( 2064 m ) est entouré de neige. Le trajet Planpraz-Flégère se fait en partie et le trajet Planpraz-Brévent entièrement sur la neige.

Cependant à la fin de l' été les glaciers de la Feniva ( Barberine ), les névés de Tanneverge et de la région de la Tour Sallières ne présentaient guère de changements appréciables par rapport aux années antérieures.

J' ai moi-même note que, le 19 août 1908, le Sasseneire ( Val d' Hérens ) laissait apercevoir, des Haudères, plusieurs flaques de neige sur ses flancs, dont l' une, arrondie, située sous le sommet, était seule visible en 1905, à la même date.

M. B. Grivel et moi, en passant le 12 avril 1908 la Fenêtre du Chamois à la Pointe d' Ornex, avons trouvé le haut du couloir assez dégarni, le roc saillant en maint endroit sur les cinquante derniers mètres supérieurs, alors que, le 23 avril 1900, j' avais trouvé le passage fortement enneigé de partout.

Val d' Entremont. Les observations systématiques organisées dans l' Entremont par MM. Forel et Mercanton, avec le secours bénévole de l' Administration fédérale des postes et télégraphes ( voir 28e rapport 1907 ) se sont poursuivies régulièrement en 1907-1908. Quelques poteaux ont été remplacés sans que les observations en aient eu à souffrir. MM. les postillons François Baileys et Paul Genoud ont continue à assurer le service avec un dévouement et une intelligence dont nous leur savons un gré infini.

Il ne nous semble pas encore expédient de citer ici des chiffres: disons seulement que les mesures faites sur la neige gisante, corroborent pour la région du Grand St-Bernard les constatations faites ailleurs sur le régime de l' hiver 1907/1908. Elles sont en accord aussi avec les observations, publiées par l' Observatoire de Genève, des précipitations dans la vallée de la Dranse et que résume le tableau ci-dessous:

MartignyOrsieres Bourg St-Pierre Grand St-Bernard Chute totale Ecart CJmte totale Ecart Chute totale Ecart Chute totale Ecart 1908 avec moyenne 1903—1908 cm.cm.cm.cm.cm.cm.cm.cm.

Hiver68 +6 95+10 155 +13 416 +71 Printemps 42 15

107 _2 322

+ 21

Eté 0 0 0 0 0

16

— 11

Automne 15 - f- io 29

+ 13

73

+ 10

129 — 77 1908 87 - f- 14 139 + 17 335 + 20 883

1907 165 - 1- 95 151 + 32 375 4- G4 SSG 4- 6 Nos observations du Val d' Entremont font voir que de la mi-décembre 1907 à la mi-février 1908, l' enneigement est resté faible, qu' il s' est accentué brusquement depuis ce moment pour atteindre son maximum vers le 1er avril seulement et décroître ensuite, mais avec un retard d' une quinzaine de jours sur les années précédentes, 1907 excepté.

Les observations sont continuées.

Nivomètres. Les trois échelles nivométriques de l' Eiger, d' Ornex et des Diablerets, celle-là pour la première fois, ont régulièrement fonctionné. Pour les deux dernières la collaboration fréquente de nos collègues alpinistes nous est, je le répète, indispensable et nous voulons compter sur elle pour l' avenir.

Nivomètre d' Ornex 1 ). La plupart des lectures ont été faites par M. Maurice Joris, gardien de la cabane d' Ornex qui a fait de son mieux pour suppléer au défaut de notations des clubistes à cette échelle malheureusement un peu négligée. Nous Pen remercions vivement comme d' ailleurs tous ceux qui ont songé à nous à ce propos.

Nivomètre d' Ornex ( 3119 mètres)2 ).

Dates 5 1 19 11 1 111 26 III 29 111 8 IV 13 IV 29 V 5 VI 20 VI 26 VI 5 VII 6 VII 7 VII 11 VII 12 VII 13 VII 14 VII 15 VII 17 VII Dates1903 1904 1905 1906 1907 1908 10(1113 29 III 17 13 IV16 2117 16 158 14.5 16 1412 141411.5 Dates 18 VII 20 VII 24 VII 26 VII 28 VII 30 VII 31 VII 1 Vili 2 Vili 1 Vili 6 Vili 7 Vili 8 Vili 10 Vili 11 Vili 12 Vili 13 Vili 14 Vili 17 Vili 18 Vili 19 Vili 20 Vili 22 Vili 27 Vili 28 Vili 30 Vili 5 IX 6 L\ 8 IX 9 IX 10 IX 12 IX 10 IX 17 IX 20 IX 21 IX 24 IX 2 7 IX. '!

On tire de ce tableau les valeurs annuelles suivantes pour l' accu et la dissipation des neiges ( en mètres d' épaisseur ): AccumulationDissipation Hiver Metres EU Mètres 1902—1903.

5 ni.

1903 5 .is m.

1903—1904 li 1904 7 n 1904—1905 li n 1905 7 1905—1906 li n 1906 9 - 1906—1907 7 n 1907 7 1907—1908 8.., 1908 8.a Le second maximum de l' enneigement en 1908 apparaît ici nettement grâce à une observation inespérée du 20 octobre 1908.

Nivomètre des Oiablerets. Cet instrument est surveillé de près par M. Louis Grenier, inspecteur des forêts aux Ormonts-dessous, à qui vont nos remerciements.

Je crois devoir rappeler que ce nivomètre, encore peu connu, est du type adopté déjà pour ceux d' Ornex et de l' Eiger. C' est une échelle verticale, à traits rouges équidistànts de 50 cm. et numérotés en chiffres régressifs de haut en bas à partir de 90. Ces traits sont peints à même un rocher gris, sur 10 mètres de hauteur dans la paroi ( flanc Est ) qui domine le glacier des Diablerets proprement dit, à 3030 m. environ d' altitude, et non loin de l' arête neigeuse tranchante, arête terminale du Dôme, dite aussi „ le Rasoir ", qui sépare le glacier précité de celui de Prapioz.

Il est situé sur la route habituelle des touristes qui montent au sommet des Diablerets venant de la cabane d' Entre ou des parages de la Tour St-Martin, en passant soit au-dessus soit au-dessous des pointements rocheux dits: „ les Petits Rochers ". L' instrument est visible de loin, à droite en montant.

La lecture mvométrique se fait le mieux de tout près en déterminant au jugé à quelle division de l' échelle aboutit une ligne de visée horizontale rasant le bord de la neige au pied de l' appareil. On évalue ainsi facilement la demi-division ( 25 cm. ). Ce mode de faire est le seul rigoureux, quand en arrière saison, le glacier n' adhère plus au rocher.

Nous prions instamment les alpinistes, membres du C.A.S. ou non, de nous accorder leur collaboration durable, en notant le numéro de la division émergeant immédiatement de la neige et en l' envoyant, avec la date du relevé à l' adresse suivante: Professeur Mercanton, Lausanne. Nous les en remercions d' avance.

Voici les quelques résultats obtenus, non susceptibles évidemment encore d' interprétation sûre vu leur nombre restreint.

Nivomètre des Diablerets ( 3030 m ).

19 IX1907n° 72 21 I190884 25Vnivomètre enfoui 11 VIn° 88 11 VIII76 17 IX73 21 IX72 3 X72 18 X70.8 26 X70.5 Nivomètre de l' Eiger. Cette installation précieuse, autant par sa situation au centre du massif bernois que par le soin avec lequel les observations y sont faites, a été améliorée encore. L' échelle, trop courte, a été prolongée de cinq mètres vers le haut; son degré supérieur porte actuellement le n° 50. Vers le bas aussi il a fallu recourir à une graduation en chiffres négatifs. La Compagnie de la Jungfraubahn a pris à sa charge et à ses soins l' exécution de ce travail et continue avec régularité les observations, donnant ainsi un bel exemple d' intérêt pour des recherches purement scientifiques. Nous sommes heureux de lui en témoigner ici notre reconnaissance en la personne de son directeur d' exploitation, M. l' ingénieur Liechti, dont la complaisance est inlassable.

La prolongation de l' échelle nous mettra, espérons-le, à l' abri des lacunes qui ont affecté en 1908 encore les lectures du printemps. En revanche il ne paraît pas possible d' éliminer une cause d' erreur que je signalais déjà dans mon rapport pour 1907, à savoir l' erreur due aux tassements de la neige au pied du rocher de la station Eismeer et qui ont vraisemblablement lieu sous forme de glissements. Ainsi seulement peuvent s' expliquer les diminutions observées pendant les jours froids, celle de 11 mètres du 18 au 29 janvier, par exemple, la couche de neige enlevée ne formant probablement qu' un mince placage contre la paroi rocheuse.

Ainsi se trouve mise en évidence la différence entre un nivomètre de paroi et un nivomètre de plein champ de neige. D' autre part les observations de l' Eiger font ressortir la sensibilité supérieure des premiers et, de fait, le nivomètre de la station Eismeer répète avec fidélité, en les grossissant, les variations de l' enneigement que nous avons pu déterminer par ailleurs.

Les tableaux suivants résument les lectures jusqu' au 31 janvier 1909.

Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m ) Dates 190t 1907 1906! 1909 7 I — 38 32 13 15 I — 36 32 32 1 11 — 32 ;il 9 III — au-dessus de 4C j IO IV

7 V — n?

18 VI — 39 1 VII — 20 20 15 VII — 34 13 J Vili — 24 11'15 Vili — 14 6 29 Vili — 14 1 1 IX — 12 - 2 i:> IX — 10.5 3 X 3 5 7 X — 13 2 8 XI 1\ y 4 13 XII 25 — 12 1907 X — 4 I 1908

+

9.8 m.

1908 4 I -31 I

+

1 31 I — 4 11 0 i 4 li — 14 II

3 n )u 14 II au 16 VI le numérc i supérieur ultime de l' échelle ,é cette année encore.

Au 16 VI le chiffre 39 i sst redevenu app 1908 16 VI —30 VI — 9.5 ni.

30 VI — 6 VII — Ti e.

VII — 12 VII 0 y ) 12 VII —21 VII

+

3.5 ~ 21 VII —31 VII

1 n 31 VII — 6 Vili

1.8 n 6 Vili — 9 Vili

+

1.5 ' .) Vili —23 Vili

5.5 n 23 Vili—29 Vili lacune.

29 Vili — 1 IX 1 ni.

Le nivomètre donne des chiffres négatifs du 24 VIII au 3 IX.

1908 1 IX3 IX0.5 m.

3 IX - 5 IX4.5 „ 5 IX15 IXf 3.5 „ 15 IX27 IX1 „ F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

1908 27 IX — 1 X 1 X —22 X 22 X —26 X 26 X — 5 XI 5 XI —29 XI 29 XIg XII 9 XII —13 XII 13 XII —31 XII 31 XII — 6 I ] 6 I —12 I 12 1 —18 I 18 I —21 I l'I I —29 1 29 1 —31 I2.5 m.

3.5

1.5r 3

+ 2o

1909 — 2 1909

+ 4.556 „

Conclusions. De ce qui précède nous nous croyons en droit de conclure que l' année 1908, bien que commencée sous des auspices favorables à une progression de l' enneigement, a été, dans les Alpes suisses, une année d' enneigement stationnaire, malgré les chutes de neige anormales de septembre et cela grâce au temps exceptionnellement doux de l' arrière. M.

CI. Chronique des glaciers suisses en 1908.

Nous avons reçu de l' Inspectorat fédéral des forêts des rapports sur 6G glaciers, provenant des divers cantons alpins. Nous y joignons quelques observations individuelles, et nous exprimons notre reconnaissance à tous ces collaborateurs qui contribuent à nous faire mieux connaître l' état actuel de nos glaciers.

Notre rapport général sera établi sur le même pied que les précédents.

Glacier.

I. Bassin du Hhône. A. Alpes valaisannes.

Valeur de la variation en 190619071908 m.m.ni.

Dernières années de crut.

Rhône - 16 - 25 — Fiesch — 32 — 4 Aletsch - 12 — 7 — 1 Lötschen - 27 — 11 — 1 1893 à 1896, 1900 Zanfleuron - 10

+ 11

1902, 1907, 1908 Kaltwasser8 — 3

1901 à 1903, 1908 Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

Valeur de la variation en 1906 1907 1908 m.

Aïlalin — 31 — 1 0 1892 à 1894 Gorner — 723 Turfmann - 38 — 7

Pour le glacier du Rhône nous extrayons des rapports de la Commission des glaciers de la Société helvétique des sciences naturelles, les chiffres suivants mesurés par les ingénieurs du Bureau topographique fédéral.

Variation moyenne Superficie mise à nu 1904—190521.9 m.8200 m2 1905—190615.76100 1906—190724.76950 M. le professeur J. Guex, de Vevey, en nous transmettant les observations sur le glacier du Trient, nous avertit d' une erreur de transcription dans le chiffre de la décrue de l' année dernière ( 1907 ) qui a été de — 21 m. et non de 2 m. seulement.

B. Alpes vaudoises.

1906 1907 1908 m.

Paneyrossaz — 8 — 13 — 10.50 1902 Martinets j2i

+ 0.50 + 5 1907, 1904, 1908 1907, 1908 Grand Plan-Névé — 8 o O -j- 1 1902, 1908 Petit Plan-Névé — 3 — 3 -j- 4 1902, 1908 Le Dard

— 17 — 7 1904, 1906 Scex Bouge

Q -f- O.50

1903, 1906,1907,1908 Prapioz

— 13 — 3.50 1903, 1906 F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

Seul de ces glaciers, Paneyrossaz est en décrue accentuée; les autres sont plutôt stationnaires et n' accusent que des changements de forme. Le Scex Rouge est depuis 1899 note comme ayant été toujours en crue sauf pour les années 1900 et 1904. L' allongement total est de 20 m.

II. Bassin de l' Aar.

Canton de Berne.

Glacier.

Valeur 1906 de la variation en 1907 1908 Dernières années de c m.

Stein — 15 + 0.60

1907, 1908 Unteraarg — 7 — 29 Ob. Grindelwald — 13 — 43 — 34 1903 Uni.30

+ 20

+ 25

1908 Eiger

+ 34

— 67

+ 35

1906, 1908 BliimMsalpb>

— 18 1905, 1906, 1907 Eanderfirn

+ 28

+ 0.50 — 4 1906, 1907, 1908 GamcM — 7

+ 14

— 4.50 1907 Wildhorn — 24 — 12 — 7 1902 Gelten — 16 — 9 — 7 1899 Le recul très accentué du glacier supérieur de Grindelwald a continué cette année, au grand désespoir des touristes et des habitants de la vallée. Le glacier s' est retiré actuellement au point que la grotte traditionnelle n' a pu être établie qu' à grands frais; un chemin d' accès beaucoup plus long a dû être construit à travers la moraine et les pentes rocheuses. ( Marti. ) Resserrée dans une gorge étroite, la langue du glacier inférieur de Grindelwald présente des variations très accentuées. Il est au reste impossible de les mesurer directement, elles sont estimées depuis un point situé à environ 60 mètres de l' extrémité du glacier. ( Marti. ) Nous recevons de M. Adolphe Gabier, photographe à Interlaken, les intéressants clichés que nous reproduisons ici ( planches I—IV ). Ils figurent les deux glaciers de Grindelwald, le supérieur et l' inférieur, à quarante et quelques années d' intervalle: en 1858 au moment d' un maximum qui avait porté le front des glaciers au milieu des forêts et des prairies, tout près des chalets habités; en 1900 et 1901 dans la phase de décrue qui les ont amené à un état de réduction au minimum.

Le mesurage des variations de longueur du Kanderfirn se fait depuis 1895 sur une langue détachée du glacier principal et qui en est aujourd'hui éloignée de 100 mètres environ. Cette langue aura probablement fini de fondre l' année prochaine en sorte qu' il sera nécessaire de repérer une nouvelle base. ( Risold. ) Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

III. Bassin de la Heuss.

Glacier.

ST

?908 m.m.

A. Canton d' Uri.

années de crue.

Kartigel Wallenbuhl Kehlefirn Erstfeld Hüfi Brunni Griessen Grassen lirnälpeli17 — 15 - 151132032

+ 115

715617 62310 916 13. Canton d' Obwalden.

— 336

— 619

1907 1902, 1902 1907

+ 21

1903, 1906, 1898 ( Langue ouest ) Depuis 1900, le glacier de Grassen s' est retiré de 23 mètres. ( Schwyter. ) IV. Bassin de la Linth. Canton de Glaris Glacier.

Valeur de la variation en Dernières années de crue.

190619071908 m.m.m.

2.505.5011117 Eiferten Clariden Le recul du glacier de Clariden est surtout très accentué sur le côté droit, du côté de la cabane du Club. L' épaisseur du glacier est très faible à son extrémité. ( Oertli. ) Glacier.

V. Bassin du Rhin.

Valeur de la variation en 1908 1907 1908 ni.

m ni.

A. Canton des Grisons.

1 — 1 - 40 - 27 - 23 1903 - 68 — 32 - 13 1903 — 23y 1903 — 62 — 14 — 4 — 21

- 13 1907 — 4 - 8 - 10 - 32 16 - 16 Dernières années de crue.

Err Zapport Paradies lambo Segnes Lenta Ponteglias Lavas F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

Glacier.

Valeur 1906 de la variation 1907 en 1908 Demie m.

Porchabella — 7 — 6 - 7 Scaletta — 103 B.

Canton de St-Gall.

Pìz Sol + 0.50 — 0.501 1905 Sardona + 0.50 0.50 - 1 1906 Dernières années de crue.

Le glacier de Tambo doit être considéré comme stationnaire. ( Schwegler. ) Les observations sur le glacier de Vorab seront reprises à l' avenir; elles ont été empêchées cette année par suite d' une chute de neige.

L' épaisseur de la moraine terminale du glacier d' Err est si grande, que le mesurage des variations du glacier proprement dit en est rendu impossible. On ne peut en effet mesurer que les variations de situation de la partie découverte du glacier qui ne donnent d' indications que sur les déplacements de la moraine frontale et non pas sur l' allongement ou le retrait du glacier lui-même. Par cette raison, le glacier d' En sera dorénavant plus l' objet d' observations régulières. ( Peterelli. ) VI. Bassin de l' Inn.

1898 VII. Bassin de l' Adda.

PaliiI — 52 — 16 1895 Forno12 — 6 — 25 D' après une observation de M. Ed. Blösch le glacier de Lambressa donne depuis l' année dernière des signes de crue. Cette crue n' a pas pu être mesurée. Alpina XVI 177, 1908.

Glacier.

Valeu VIII. Bassin du Tessin.

Dernières années de crue.

Mnccia 190619071908 m.m.m.

A. Canton des Grisons - 57 +17 — 2 B. Canton du Valais. 852 1907 Bossboden 1893, 1894.

Résumé.

Nous résumons ces diverses observations dans le tableau récapitulatif suivant:

Nous apportons, sur notre schema des années précédentes, une petite amélioration que nous croyons utile. Nous séparons nos crues et et décrues en douteuses, probables et certaines suivant qu' elles ont été constatées pendant une, deux ou trois années de suite. Nous avons ainsi en crue certaine 3 années ( ou plus ) de variation positiveprobabledouteuse stati onnaire en décrue douteuseprobablecertaine 2 années de variation positive 1 annéesans changement appréciable 1 année de variation négative 2 années3 années ( ou plus ) de variation négative Bassin Canton Observés Nombre de glaciers:

3 3 — 1 41 5 4 — 20 44 12 ( iS 29 La décrue est encore dominante, générale. 51 mesures en décrue contre 14 seulement en crue. Nous constatons cependant un nombre toujours plus grand de glaciers qui nous donnent des signes temporaires tie crue: 3 en 1905, 9 en 1906, 12 en 1907, 14 en 1908. Comme nous l' avons dit dans l' avant de notre XXVIIe rapport, ces petites variations de sens alternatif sont la caractéristique de l' état stationnaire du glacier, en stade de minimum dans le cas actuel.

Deux glaciers, en crue probable l' année dernière, le Kanderfirn et le Blümlisalp se sont mis en décrue cette année.

Un seul glacier reste, d' après nos définitions, dans la catégorie des glaciers en crue certaine, le glacier du Scex-rouge sur le flanc occidental de l' Oldenhorn dans les Alpes vaudoises: il s' est allongé de 14.5 m. dans les trois dernières années, cependant l' allongement de l' année 1908 n' a été que d' un mètre. Les mesures y sont faites avec soin par M. Grenier et nous pouvons nous y fier. Suivons avec intérêt cette variation en crue dans un très petit glacier, qui n' a pas plus d' un kilomètre de longueur.E. M. et F.A. F.

III.

Kleinere Mitteilungen.

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