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Lorsque nos sommets étaient des fonds marins Le Rimpfischhorn (4199 m)

En termes de surface, les laves en coussins sont les roches les plus répandues au monde. On peut les observer dans l’océan Atlantique, l’océan Pacifique ... et sur un 4000 valaisan.

Vous avez sûrement déjà entendu parler de la Téthys, cet océan qui s’étendait autrefois entre l’Europe et l’Afrique, avant l’apparition des Alpes. Et peut-être avez-vous déjà remarqué que les rochers du sommet du Rimpfischhorn présentent une structure particulière. Non? Ils ressemblent à de gros coussins qu’on aurait empilés (voir photo ci-contre). C’est de leur forme que vient aussi leur dénomination géologique: basaltes en coussins.

Du basalte? Une roche volcanique? Mais il n’y a pas de volcan en Suisse! C’est vrai. Mais c’est là qu’entre en scène la Téthys. Cet océan s’est formé il y a quelque 200 millions d’années, lorsque du magma basaltique à environ 1200 degrés est remonté depuis les profondeurs du manteau terrestre le long d’une longue faille dans la Pangée, ancien supercontinent, et s’est écoulé dans l’eau de mer froide au fond du bassin marin qui s’élargissait toujours plus. Ce fut un sacré spectacle: des sifflements, de l’écume, des mugissements, des déferlements, des déflagrations. La roche en fusion s’est immédiatement refroidie au contact de l’eau de mer froide et a formé une solide croûte. Cependant, le magma ne cessait d’arriver depuis le bas, pressé comme dans un tube de moutarde, et c’est ainsi que sont apparues des structures en forme de saucisses et de coussins qui se sont empilées pour constituer la lave en coussins. Aujourd’hui, il est possible de photographier et de filmer la formation de ces structures depuis un submersible. Toute la dorsale qui s’étend du Svalbard à l’Antarctique en est constituée, ainsi que la majeure partie du Pacifique. Les laves en coussins basaltiques sont les roches les plus répandues au monde en termes de surface. Seulement, nous ne pouvons pas les voir, car elles se trouvent au fond des océans.

L’éclogite, jolie nouvelle roche

Comment les basaltes en coussins sont-ils donc arrivés au Rimpfischhorn? Il y a environ 100 millions d’années, l’Afrique a commencé à se rapprocher de nouveau de l’Europe. Comme les basaltes des fonds océaniques sont plus lourds que la croûte continentale, la croûte océanique passe sous le continent et disparaît de nouveau dans le manteau terrestre, où elle fond lentement – un gigantesque recyclage. Seuls certains morceaux se sont détachés et sont restés coincés dans la zone de collision entre les deux continents. Ils se sont enfoncés jusqu’à une profondeur d’environ 100 kilomètres, où régnaient d’énormes pressions avoisinant 28 000 bars et des températures de 600 degrés. Les basaltes se sont métamorphosés et de nouveaux minéraux sont apparus: du grenat rouge et du pyroxène vert. Cette jolie nouvelle roche est appelée l’éclogite (photo en bas à droite). Ce n’est qu’après, lors du soulèvement des montagnes, que les laves en coussins se sont retrouvées au sommet du Rimpfischhorn.

Ces coussins d’éclogite peuvent également être observés un peu en dessous du col de Pfulwe, un peu plus simple d’accès. Mais attention, ne songez pas à y aller avec un marteau: c’est un géotope protégé au niveau national!

La géologie des Alpes suisses

La géologie des Alpes est terriblement complexe, et la diversité des roches quasi infinie. Néanmoins, de nombreuses montagnes connues offrent des phénomènes géologiques intéressants et spectaculaires, faciles à reconnaître et à comprendre, même pour les novices en la matière. Jürg Meyer (www.rundumberge.ch), guide de montagne et célèbre géologue qui aime transmettre ses connaissances, nous en parle dans cette série.

Conseil pratique pour déterminer les roches→ Une loupe à la main

Les structures et composants de nombreuses roches s’observent à l’échelle millimétrique. Une bonne loupe constitue donc un instrument indispensable pour les faire parler. L’idéal, ce sont les loupes 10× pliables, qui conviennent aussi parfaitement pour l’observation de la flore alpine, des lichens, etc. Mieux vaut toujours l’emmener dans son sac à dos! En cas d’oubli, on peut aussi utiliser ses jumelles à l’envers ou une application de loupe sur son smartphone comme outil de fortune. Un peu d’exercice est nécessaire pour observer correctement à la loupe: garder l’instrument près de son œil, demeurer stable, se tenir près de l’échantillon et veiller à ce que l’incidence de la lumière soit bonne. Amusez-vous bien!

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