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Noms de lieux alpins

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par J. Guex. VIII.

Dans les hauts alpages.

IIe partie.

L' homme. L' activité et les créations humaines.

Certains noms désignent avec clarté les lieux La journée du troupeauou s' accomplissent les actes divers qui sont et des bergers.rj i.

comme le programme quotidien de la journée des bergers et du troupeau, par exemple: la sortie des étables, les repas des vaches ( dîners ou déjeuners du matin, märendes de l' après et cènes du soir ), l' abreuvage, la sieste et la traite. Ces noms sont en rapport direct avec l' industrie pastorale. Avec eux apparaît le « fait humain ». La volonté de l' homme asservit la nature à ses fins.

Le Dzetiau, lieu dit au Folly sur Montreux. Le verbe patois dzêta « jeter » a pris dans la bouche des armaillis le sens spécial de « faire sortir le bétail de l' étable ». Le dzetiau ou « jetoir » est donc le « lieu où l'on sort le bétail ».

Au Denâ dij Acheille, lieu dit montagne de Novelli, Hérémence. Le denâ, identique aux français « dîner » et « déjeuner » ( action de rompre le jeûne ), désigne en patois le repas matinal du troupeau. En ce lieu dit, il y a beaucoup de mélèzes dont on fait des acheilles ou bardeaux. Au Denâ de aie, lieu dit Bagnes, « Au dîner de l' aigle ». Au Denâ dou Tor, lieu dit Hérémence, « Au dîner du tour » ou « du taureau ».

La Dzornivetta, lieu dit montagne des Pétoudes et d' Emaney, « La petite Journée », dans le sens de « petit repas ».

Le Demètre et La Loè des Cendres. Ces deux lieux dits de la « montagne » de Fully ou de Sorniot sont orthographiés d' une façon absurde, le premier sur l' A. S., le second sur la vieille carte du C.A.S. « Ollon-Isérables ». Cet alpage était autrefois divisé en « journées », désignées par les noms patois des jours de la semaine. Le dimanche et le jeudi, le bétail paissait dans le voisinage des chalets. Le lundi, il montait du côté de la Dent de Mordes, au nord du lac supérieur, à la Loué Delon « du lundi »; le lendemain, il allait sur les pentes à l' est, sur la Loué Demâr « du mardi ». Le mercredi, il était conduit à la Loué Demècre ( et non Demètre, comme dit la carte ). Le vendredi, il pâturait à l' est, au pied de la Dent de Fully, à la Loué Devende, enfin, le samedi, à la Loué Dessande ( et non des Cendres ), au sud-ouest des chalets, du côté du Portail2 ).

Les Autans, Autannes, Audannes, ( Mans, Otannes, Outans, Outannes, noms fréquents dans la Suisse romande, que j' ai longuement expliqués dans Les Alpes, VI, p. 36 et 319, et VII, 116. L' adjectif latin augustanus, tombé en désuétude et marquant une relation avec le mois d'«août », sert à désigner quelques pâturages élevés où le bétail est conduit durant les jours chauds de l' été. Je rappelle que Chermontane ( Bagnes ) est en réalité Chermô-tane, du latin calmis augustana « la chaux d' août », que Combasana ( Compo-sane ), alpage de Tracuit sur Zinal, est le latin cumba augustana « la combe d' août », équivalent des Augst-Kummen du Valais alémanique, enfin que le Lac de Zozanne ( A. S. ) s' appelle en réalité le Louché dij Ohanne « petit lac des pâturages d' août ».

La Comba dé Boues, lieu dit Gietaz. Le latin botellum « boyau » est devenu le patois boue « bassin de fontaine creusé dans un long tronc d' arbre ».

La Combe de l' Abérieu, lieu dit Looz sur Vouvry. Les pâtres y recueillent dans un baquet l' eau de neige pour abreuver leurs vaches. L' orthographe abrévieu, plus fréquente, montre l' identité avec le français « abreuvoir ».

Les Chaumiaux et Les Soumieux, lieux dits alpes d' Ayent, identique au français « chômoir », « lieu où le bétail chôme », c'est-à-dire « fait la sieste en plein air ».

Le Plan des Reines, lieu dit Col de Balme. Allusion aux « reines » des troupeaux, « reines à lait » et « reines à cornes ».

Le Plan Amaeheux, lieu dit Eusanne, sur Bex. C' est le lieu où les bergers « amassent », c'est-à-dire « rassemblent » le troupeau avant de redescendre aux chalets.

La Dent d' Etava, lieu dit Emaney. Quand le soleil passe au-dessus de son sommet, les vachers savent qu' il est 2 heures environ et qu' il faut commencer la traite de l' après, l' étava, du latin octava « la huitième ( heure ) ». Les heures étaient comptées autrefois, comme on sait, à partir de nos 6 heures du matin.

L' Aryau et son diminutif L' Aryoret, lieu dit de plusieurs alpages valaisans ( Bréonna, Arbey, Val d' Hérens, par exemple ) qui désignent l' emplace ( ou un ancien emplacement ) de la « traite » en plein air. Le verbe aryâ « traire » vient du latin populaire arredare « arranger », tiré d' un radical germanique rêd, devenu l' allemand moderne Rat. Arredare était devenu, en français du moyen âge, « arréer » arranger, préparer, disposer, mettre en ordre ». Le sens très général d'«arranger » a pris, dans les patois des Alpes, la signification plus spéciale de « faire le nécessaire pour soigner le bétail », ou « gouverner », comme nous disons aujourd'hui, c'est-à-dire « donner à manger, abreuver, nettoyer, traire ». Actuellement aryâ ne signifie plus que « traire », et, presque partout, il a fait une concurrence victorieuse à ses équivalents plus archaïques: mouèdre, du latin mulgêre « traire » et blyetsi, du gaulois blig « traire»1 ).

La Wouarda, lieu dit montagne de la Gietaz et de Postes d' observation. Se traduit par « la Garde », mais n' évoque pas l' idée d' une installation militaire. Les lieux ainsi nommés ( et ils sont très nombreux ) sont des belvédères, d' où l'on a des vues lointaines et surtout plongeantes et que choisissent les bergers pour « surveiller » plus facilement le bétail qu' ils doivent « garder ».

La Tenda, lieu dit Emaney, Evolène, Anniviers, devrait s' écrire L' Attenda « lieu où l'on .attend' le gibier, poste d' affût pour la chasse au chamois ou au renard ». A Anzeindaz, ce nom est francisé dans le lieu dit La Pierre de l' Attente.

La Cauille, lieu dit montagne de Lovegnoz, Hé-ciôtures et sentiers.rens. Mot patois valaisan, d' étymologie obscure, désignant une « porte d' enclos à l' entrée des hauts pâturages et des may ens ».

La Délèze, lieu dit Fénestral, du gaulois doratia « porte à claire-voie ». Cette racine dor « porte » est apparentée à l' allemand Tür.

Play, Pley, Plaix, Plex, du latin plaxum ou plexum « haie, clôture ». Nombreux pâturages, entourés de clôtures ou de forêts. De même famille que le français Plessis.

Le Portalet, lieu dit à l' entrée ouest du pâturage de Bovine. Littéralement « le petit portail ».

La Grand Voûta, lieu dit Prélayes, « le Grand Tournant » du sentier qui conduit à cet alpage et en marque la limite inférieure.

La Roua, alpage Anniviers, du latin ruga « la rue », probablement parce que cette « montagne » est traversée par le « sentier » très fréquenté du Meidenpass.

L' Audzi de la France, lieu dit Prélayes, sentier partant dans la direction de la France; Les Audzyè, lieu dit Peulaz; Les Oujets de Mille et Les Oujets de Bagnes, sentiers conduisant de Liddes à Bagnes. Ce mot, dont l' éty est obscure et qui est orthographié Augyer et Ogier dans des documents du XVIe siècle, désigne de « petits sentiers, des pistes marquées par le bétail au pâturage ».

Tsigiore nouve, Arolla, du latin caseorium novum « la Constructions.fromagerie neuve »; à Bagnes, le même mot, sous la forme tsidjyeu, désigne le « récipient du petit-lait ». Tsèjeris ou Chèsery, dérivé de caseoria « chésière » soit « fromagerie » —. Dérivés nombreux, par exemple le diminutif Zigeroula, Anniviers, pour Cheseroule, Cheresaula, Fribourg, avec métathèse de Vr et de Ys; Chèresaulettaz, Fribourg, double diminutif.

Chalevay, lieu dit Bovine et ailleurs, du latin castellitum vêtus « le chalet vieux ». Remarquez que vay est un reste du primitif latin vêtus. L' adjectif « vieux », qui le traduit en français, vient de vetulus.

Les Etablons, alpage Bagnes, « petites étables », nom très moderne.

Bourimont, Anniviers, « Etable de Reymond ». Le gaulois botege « étable » est devenu beu en Savoie, bok à Evolène, bou dans le Val d' Anniviers.

HONOMS DE LIEUX ALPINS.

La Gietaz, sur Martigny et ailleurs, prononciation locale djitte, du participe neutre pluriel latin jacita « le gîte ». Giètroz en est un dérivé. Les Agittes, Agettes, Agiettes sont de la même famille, tout comme les lieux dits savoyards Jas, Jasse, du latin jacium, « lieu où le bétail se couche, se repose ».

Le Cranio diz anyé, lieu dit Val de Bagnes, « petit parc en plein air formé de claires-voies, où l'on enferme les agneaux ». Mot valaisan, d' étymologie obscure, qui signifie aussi « place enclose de l' étable, réservée au petit bétail ».

Orzival, alpage Anniviers, Orgevaux, sur Montreux et Montbovon, du latin horreum « fenil » et vallem « vallée », donc « Vallon des chalets ».

La Remouintse, sur Trient et ailleurs, mot composé du préfixe re et d' un dérivé du verbe latin mutare « changer ». C' est le chalet supérieur où l'on « remue » quand l' herbe est broutée à l' alpage d' en bas.

Le Trémoille ( A. S. ), chalet supérieur d' Emosson. Même sens que le précédent, prononciation locale tremouâlyo, formé du préfixe trans ( ou trémutaculum. En Savoie et dans le Dauphiné, il y a de nombreuses Muande, du latin mutanda, même sens.

La Chaudière, sur Ferret, prononciation locale tsaudire; Ustensiles et outils...

Les Sougdires, heu dit Orzival.

L' Emine, alpage sur Bourg-St-Pierre. Un mot grec, hemina, emprunté par le latin, « mesure de capacité », a pris en Valais la forme émèna et désigne les « grands baquets en bois où le lait repose pour être écrémé ».

La Guitsa, lieu dit sur Arolla. Pour traire, le vacher tient entre ses genoux le « seillon », évasé dans le haut, dont il versera le contenu dans un récipient en bois, de plus grande contenance, évasé dans le bas, que les Valaisans appellent la guitse.

La Tenade, lieu dit Ferret. Il semble que le changement de 17 mouillée en d, fréquent dans l' Entremont, puisse expliquer ce nom: La Tenade serait en réalité la tenaille.

Noms d' hommes.

En tout temps et en tous pays, les noms d' hommes ont joué un rôle très important dans la formation des noms de lieux. Le plus souvent, nous ne savons rien de celui dont le nom seul a survécu, mais nous pouvons supposer qu' il fut propriétaire ou créateur du domaine. Ce mode de formation de noms locaux dérivés de noms d' hommes se continue de nos jours encore, surtout dans les montagnes, et toute explication est superflue pour La Jaquerode, La Veillarde, La Bersière, La Von-der-Weide, etc. Mais quelques exemples retiendront cependant notre attention.

Bovonne, alpage Gryon, ne vient pas de la racine bovem « le bœuf », mais très certainement du nom de famille Bovon.

Anzeinde, alpage Gryon, ne dérive pas, comme on l' a dit, de l' allemand Anken « beurre », vu que le nom de ce célèbre pâturage s' écrivait en 1300 Adzenda, en 1302 Azenda, et que Vn de la première syllabe à' Anzeinde n' est constaté qu' à partir du XVIIe siècle. Ce nom de lieu doit être tiré d' un nom d' homme, soit d' Adosindus, comme le propose M. E. Muret1 ), soit, comme j' incline à le supposer, diun nom de femme germanique: Adal-seinde ou Adalsendis, qu' on peut traduire par « noble femme ».

Eusanne, alpage sur Bex. Partant de la prononciation patoise actuelle: Euvanne, H. Jaccard l' expliquait par le latin ovem « mouton », d' où « La montagne des moutons ». Mais M. E. Muret a proposé une hypothèse beaucoup plus intéressante. « Le 23 décembre 1043 l' évêque de Sion inféodait au chanoine marié Warnerius, à sa femme Helisana et à leurs héritiers la terre de Mordes et l' alpe de Martenod, dans les Alpes vaudoises; or le nom d' un alpage de la même région, Euzanne en français, Oeuvanna en patois, est une réplique exacte de celui d' Helisana ).

Ja man, alpage sur Montreux. En 1340 Gément et Gémant, en 1402 Géman, en 1453 Zamant, prononciation locale Dzaman. Creux de Dzéman, sur Collonges, Valais. Tous deux semblent tirés d' un nom d' homme germanique: Gaman.

Méribé, alpage Hérémence. En 1273 Miriber. Jaccard le traduit par « pâturage d' où l'on a une belle vue », du patois mèri « regarder » et bé « beau ». Mais la graphie du XIIIe siècle me fait supposer que ce toponyme dérive d' un nom d' homme germanique: Miribert.

Lonâ, alpage sur Grimentz 3 ). Comme il y a là-haut plusieurs petits lacs, Jaccard voulait l' expliquer par le latin lacuna « petit lac ». Il ne tenait aucun compte de l' accent tonique placé sur la dernière syllabe et il ignorait probablement que des documents d' archives du XIIIe siècle désignent cet alpage sous la graphie leonard; donc nous sommes en présence du nom d' homme « Léonard ».

Challand, alpage sur Bourg-St-Pierre et ailleurs. Jaccard croit y reconnaître le participe présent du vieux verbe chaloir « être chaud » et explique ce nom de pâturage par « pentes très ensoleillées ». Mais dans un document, daté du 16 décembre 1555, Challand apparaît comme le nom d' une famille de FEntremont: « François Chaland sindic de Lide, Pierre Challand, sindic et bourgeois du Bourg de St-Pierre Montjou. » Barberîne, alpage devenu lac. En 1294 Barberina, en 1307 et 1324 Barbarina, semble dériver, par le suffixe anus, du gentilice romain Barbarius.

La Sèvalir, lieu dit Zaté, Hérens; La Sevalir, lieu dit Cotter, sur Evolène; La Lue Sèvali, lieu dit Meina, sur Evolène. Probablement d' un ancien nom de famille: Chevalley, Chevallay ou Chevalier. Un Perrodus Cheualeir est mentionné en 1352 à Bramois.

Proz a Béguin, lieu dit Proz du Sex, sur Trient. « Pré de Béguin », nom de famille.

Le Dru aux Boyards, lieu dit Anzeinde. Un dru est une prairie de montagne bien engraissée par le fumier.. Boyard est le sobriquet régional des habitants d' Ollon, Vaud.

Le Drou d' Ambréjo, lieu dit Sanfleuron. « Le Dru d' Ambroise ».

La Chaux de Jean Max, lieu dit Valsorey. On prononce Ma.

Pyera ou Karma à Batefoua, lieu dit Salanfe. Gros bloc vers lequel un chasseur, surnommé Batefoua, se postait pour surveiller le gibier.

Le Clot do Noterò Tonyo, lieu dit Crête, sur Evolène. « Au creux du Notaire Antoine ». La Catse à Tougne désigne une petite grotte sur territoire de Conthey, où le guide Broyon, dit Jean-David à Tougne ( Antoine ) se cachait à l' affût du gibier. Tounot, alpage Anniviers, au XIIIe siècle Tono, est encore un Antoine, sous la forme abrégée et familière: Togne, Tougne.

Dans le Valais central, les montagnards emploient ce nom propre déformé ( Togne, Tougne, Tognet ) comme un nom commun et s' en servent pour désigner ce que les alpinistes appellent un cairn, un steinmann, un homme de pierre. C' est la signification qu' il faut donner, semble-t-il, à quelques noms de lieux valaisans qui s' appliquent à des sommets ou à des portions de hauts pâturages. Exemple: Le Tonio de Merdesson, sur Sierre, La Tougne ( A. S. ), mieux Le Tougne, Hérémence, Le Tonet, Le Tounet, lieu dit à Lirec et Cottier, Anniviers1 ). Il en est de même en Savoie, où je trouve le Rocher du Grand Togniaz, altitude 2540 m. Roc de Tougnoz, sur Pralognan, altitude 2481 m.

Mais, dans le Bas-Valais, un steinmann s' appelle un « bonhomme », d' où le Bonhomme de Chalevay, sur Bourg-St-Pierre; le Bonhomme, lieu dit Bovine; les Bonhommes, lieu dit Catogne sur Trient.

Noms d' alpages dérivés de noms de villages.

A ma connaissance, on ne trouve pas dans les Alpes romandes de noms d' alpages dérivés du nom d' un village voisin. Dans le Jura, au contraire, les exemples en seraient nombreux: La Giurine, L' Arzière, La Grandsonne, La Saint-Cergue, etc.

Souvenirs historiques et vieilles coutumes.

A Dzenèva, lieu dit Barberine. « A Genève. » Nom de l' emplacement de l' ancienne cabane, construite en 1898 par la section de Jaman et submergée en 1925. C' est peut-être un souvenir de la cession de Barberine à des Salvanins par Guy et Thomas Tavel, citoyens de Genève, en 1294.

L' Arétô de la Dyèra, lieu dit Tanneverge, propriété des Salvanins sur territoire français. « L' arête de la guerre. » — De 1307 à 1324, les Valaisans et les Savoyards furent en guerre pour la possession des alpages de toute cette région.

Au Zaleux, lieu dit Crête, Evolène. Déformation de l' orthographe Aux Alleux, prononciation locale iz dieu. Au moyen âge, on appelait alleu le bien patrimonial et héréditaire, opposé au bien qui résultait de la concession d' un seigneur, c'est-à-dire au « fief ». Un simple roturier pouvait posséder un « alleu », ou « franc alleu », qui était exempté de redevances féodales, ne payait ni cens, ni dîmes et se transmettait, par vente, héritage ou échange, sans avoir à acquitter de droits de mutation. Ce mot d'«alleu », ayant disparu de l' usage avec les institutions féodales et n' étant plus compris, a subi de curieuses déformations dans les noms de lieux où il a survécu. Exemple, à Nendaz, Es Alou est devenu Es Aou, et plus tard Esaii!

L' Amona, lieu dit Ferret, « L' Aumône », rappelle peut-être un vieil usage valaisan: la distribution gratuite par la commune d' une certaine quantité de sel aux familles indigentes.

Religion et légendes.

Fêta d' Août. Dans le Valais central ( Anniviers, Hérémence, Conthey ), ce nom désigne plusieurs chalets et pâturages de haute montagne, occupés à l' époque des deux grandes fêtes de la mi-août, l' Assomption ( le 15 ) et la Saint-Théodule ( le 16 ), donc à l' époque des visites traditionnelles aux alpages. Les propriétaires de bétail s' y rendent en grand nombre pour assister à l' im opération du second mesurage du lait de chaque vache. Comme il est naturel, c' est un prétexte à modestes bombances, dont le menu varie selon les vallées1 ).

Saint-Laurent. Ce lieu dit, situé à 2500 m. environ, à la partie supérieure de l' alpe de Cleuson, n' est pas l' emplacement de quelque chapelle votive. Si l'on se rappelle que la fête de ce saint a lieu le 10 août, on rapprochera ce nom du précédent et l'on conclura qu' il s' agit des lieux où pâture le bétail à cette date.

Lautaret, alpage Hérémence. En 1238 li Altaret, en 1239 Autares, Autarez. Ce nom correspond au provençal autaret « petit autel ». Peut-être s' agit d' autels en plein air, comme il y en avait en Gaule, antérieurement au christianisme, ou de reposoirs chrétiens 2 ).

La Gouille du Dragon, lieu dit Planards, Entremont. Petit lac de montagne où un dragon-volant prenait plaisir à se baigner, après avoir déposé sur une pierre de la rive sa longue chaîne de diamants, qui a tenté et fait rêver de nombreux montagnards.

La Colline de la Mort, lieu dit Arpitetta sur Zinal. Dans ses « Légendes valaisannes », M. J. B. Bouvier conte à peu près ceci3 ). Un dimanche, pour se distraire, les bergers eurent l' idée de dresser dans le chalet une espèce de potence et de jouer à qui resterait le plus longtemps pendu. Après que tous s' y furent essayés, le tour passa au petit berger. Mais, comme il nouait la corde à son cou, le bétail, dehors, se dispersa soudain dans tous les sens en un galop désordonné. Les bergers sortent en courant, oubliant tout. Le petit mâyo aurait bien voulu prendre ses jambes à son cou, lui aussi. Mais la chaise,Voir Glossaire des patois de la Suisse romande, t. I, p. 485, 6.

2 ) Voir Glossaire des patois de la Suisse romande, t. II, p. 120.

3Edition V. Attinger, p. 66.

Die Alpen — 1937 — Les Alpes.10 sous ses pieds, est tombée: il gigotte au bout de la corde qui se resserre toujours davantage; il suffoque et perd bientôt connaissance. Quand les bergers rentrèrent, ils constatèrent avec épouvante que l' enfant n' était plus qu' un cadavre.

On l' emporta en pleurant. On lui creusa une tombe sur la colline la plus proche, on l' y coucha, et on le recouvrit de branches de sapin. On se mettait en devoir de combler la fosse, lorsqu' il arriva cette chose étrange: chaque pelletée de terre, à mesure qu' elle touchait le fond, était relancée au dehors.

La nuit était venue. Les bergers s' acharnaient, ils rivalisaient à qui refermerait le plus vite la terre.Vains efforts! La tombe revomissait tout. Et il en fut ainsi jusqu' au moment où on entendit la voix plaintive du petit berger: « Apprenez par mon exemple comment Dieu punit jusqu' après la mort ceux qui jouent avec la vie qu' il leur a donnée! » On montre encore sur l' alpe d' Arpitetta la tombe toujours ouverte de l' enfant pendu, et la colline où elle est creusée, depuis lors, a pris le nom de Colline de la Mort.

Arrivé au terme de cette étude, trop longue et pourtant si incomplète, je voudrais souligner le sain réalisme de nos montagnards, qui savent appeler les choses par leur nom. Que de bon sens, quelle juste définition des lieux I Vevey, mai 1936.

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