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Nordend. Paroi orientale

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Paroi orientale.Par René DHferf Avec 3 illustrations et 1 croquis.C.A.S. et W. A. C.

« Parmi les plus suggestifs et les plus impressionnants spectacles des Alpes peut indiscutablement se classer au premier rang celui de l' imposante paroi orientale du Mont Rose1 )... » Fascinant appel auquel notre curiosité d' alpi ne pouvait rester insensible. Ah! la curiosité des alpinistes! Quelle animatrice! C' est elle qui les pousse vers les sommets, à la découverte de sites nouveaux et merveilleux. Et c' est à cette curiosité, éveillée par la lecture des magnifiques descriptions de cette puissante paroi, que nous devons, ce soir, d' être rapidement emportés au travers des Alpes, par l' express du Simplon. Confortablement installés, doucement cahotés, envahis par le rythme monotone du train, des pages glorieuses de l' histoire alpine du siècle dernier défilent dans notre mémoire, celles en particulier qui évoquent la redoutable paroi orientale du Mont Rose, pages lues et relues, qui ont donné naissance au rêve qui semble aujourd'hui bien près de la réalité...

1872, trois alpinistes anglais, C. Taylor, G. M. et R. Pendlebury, accompagnés d' un guide tyrolien, arrivent dans le coquet village de Macugnaga NORDEND.

dans le but de gravir la paroi. Un chasseur de chamois et guide du nom de Ferd. Imseng, qui brûle d' envie de tenter l' as du Mont Rose du côté de cette vallée, les accompagne. D' un bivouac situé à 2600 m ., ils attaquent la muraille, et sous la brillante conduite de Ferd. Imseng, après 13 heures d' efforts, ils atteignent la cime de la Pointe Dufour; la paroi est vaincue malgré l' énorme danger des chutes de pierre qui continuellement menaça les vainqueurs.

1876, Luigi Brioschi, accompagné de Ferd. et Abraham __ Itinéraire o/e la P* Dufour » su Nordend'.

-Variante « Jtì' ni refuse Mannelli' 1Pointe Gnifetti.

2Zumsteinspitze.

3Pointe Dufour.

4 = Nordend.

5 = Jägerhorn.

Imseng, trace un nouvel iti- néraire, d' une conception au- dacieuse, le long de la muraille qui s' élève jusqu' à la cime du Nordend. Cet exploit, que beaucoup mettaient alors sur le compte de la légende, nécessita 12 heures d' efforts continus.

1881, une page sombre. La tentative de Mannelli se termine tragiquement, un tourbillon créé par une énorme avalanche le précipite dans le vide ainsi que ses guides, le fameux Ferd. Imseng et B. Pedranzini. A dater de ce jour, le grand couloir qui descend du Silbersattel porte le nom de « Canalone Mannelli » tandis que l' important îlot rocheux qui le borde sur sa rive droite est baptisé « Imseng-Rücken » en souvenir du vainqueur de la Pointe Dufour et du Nordend par ce versant.

1888, c' est l' inauguration sur le « Crestone Mannelli » du refuge Mannelli, 3200 m.; à partir de cette date, les ascensions se font plus fréquentes, des noms célèbres s' inscrivent dans le livre de cabane: Achille Ratti ( Pie XI ), Guido Rey, Farrar, etc. Plus tard, d' autres routes sont encore ouvertes vers les cimes qui couronnent la paroi, c' est l' évolution rapide de l' alpinisme qui pourtant ne diminue en rien les exploits sensationnels des précurseurs, exploits réalisés avec des moyens et des conditions combien inférieurs à ceux dont disposent les « ferrailleurs » modernes...

Bruyamment, le train pénètre dans la gare de Domodossola. Finie notre rêverie, brusquement nous sommes jetés dans la cohue des quais où nous attendent les tracasseries douanières. A Domo, nous passons la nuit. De bon matin, c' est le départ dans un inconfortable petit car qu' accompagne un bruit infernal de tôles disloquées. Heureusement, la vallée de l' Anza est riante, tour à tour, elle nous révèle ses prairies et ses coquets villages, ses précipices et ses gorges. Enfin surgit de la verdure le joli clocher de Macugnaga et le pittoresque village blotti au pied de la muraille convoitée qui veut certes se faire désirer, car elle se dérobe momentanément derrière un rideau de nuages. Un copieux repas à l' auberge est prestement avalé et nous voilà en route vers l' alpe de Pedriola et le refuge Mannelli. Au fond de la vallée, un immense amphithéâtre alpin se déploie. A l' alpe de Pedriola, le rideau de nuages devient de plus en plus transparent et laisse entrevoir les hautes cimes avec leur cortège fantastique de précipices de glace, de rigoles creusées par les incessantes avalanches qui balayent leurs flancs pour venir s' abattre sur les glaciers inférieurs, après avoir parcouru en mugissant 2400 m. de paroi. Enfin, cette muraille dont nous avions tant rêvé nous apparaît; lignes élégantes et pourtant puissantes, crêtes rocheuses qui très haut s' élèvent en disputant aux glaciers chaotiques leur suprématie évidente, séracs croulants se mirant dans les eaux paisibles d' un lac morainique; monde de glaciers et de rochers hérissés de cimes dont les noms seuls le rendent célèbre: Gnifetti, Zumstein, Dufour, Nordend; vers chacune d' elles, une route a été tracée, route dangereuse où sifflent continuellement les pierres. Nulle part dans les Alpes Pennines, on ne trouve paroi plus fière et plus haute, glaciers plus resplendissants qui très loin vers les plaines piémontaises envoient leurs reflets argentés.

Ayant traversé l' alpe de Pedriola, nous dévalons maintenant la moraine jusque sur le glacier de Macugnaga; nous nous dirigeons vers le pied du contrefort, à l' aplomb du Nordend, 1e « Crestone Marinelli » sur lequel est construit le refuge. Le ciel s' étant définitivement découvert, les menaces de mauvais temps dissipées, pleins d' espoir, nous attaquons par une sente les pentes raides qui dominent le glacier du Nordend. En montant, tout à notre aise, nous pouvons admirer la colossale architecture des parois immenses qui nous écrasent de leur hauteur et qui laissent deviner leurs moindres détails. Dans la soirée, nous atteignons une vieille construction de pierres, accolée à la paroi de la montagne, vétusté et peu confortable, c' est le refuge. Ces murs ont vu passer les plus célèbres conquérants des Alpes, et, comme pour les vieux monuments de nos cités, nous pouvons regretter qu' ils ne puissent conter leur histoire. L' intérieur est simple, à la paroi une plaque de marbre nous frappe, elle rappelle à ceux qui franchissent ce seuil le merveilleux exploit de Brioschi au Nordend; quelques photos jaunies, un vieux livre de cabane qui renferme derrière sa reliure usée l' épopée héroïque de ce versant du Mont Rose. Délabré, inconfortable, le vieux refuge Marinelli est le témoin d' une époque révolue, la belle époque où l'on pouvait encore, dans les Alpes, aller à la découverte, où les cabanes n' étaient point des palais, fréquentés la plupart du temps par des visiteurs auxquels on accorde presque le confort de l' hôtel.

Notre repas avalé, nous flânons encore quelques instants dans les alentours, et lorsque l' obscurité a effacé les derniers contours des cimes, nous allons nous étendre, partageant entre quatre deux couvertures limées et trouées. Dans la nuit, un vent violent se lève; il secoue le refuge, bouscule la porte; à 2 heures, le temps n' est guère sûr, de gros nuages courent dans le ciel, nous renonçons à partir. Les minces paillasses sont mises à contribution; dans le but d' économiser nos vivres, nous supprimons le déjeuner et faisons la grasse matinée. Plus tard, nous irons reconnaître le point d' at de la voie Brioschi au Nordend, itinéraire prévu pour notre retour en Valais. Deux raisons nous l' ont fait choisir: d' abord, une revanche à prendre sur ce sommet où, il y a quelques années, près du but nous avions échoué; un accident à l' un des nôtres ayant arrêté brutalement une magnifique course à ski, nous avions décidé de revenir par le versant oriental. Puis, cet itinéraire en grande partie rocheux est certainement plus intéressant que la longue montée monotone et dangereuse à la Pointe Dufour par l' Imsengrûcken.

Par des cailloutis désagréables nous montons tranquillement sur le dos du « Crestone », nous marchons facilement pendant un certain temps. Ayant omis de prendre piolets et cordes, nous ne poussons pas très loin notre exploration, néanmoins, du point atteint, nous pouvons à notre aise fouiller la sauvage paroi qui, de 4612 m ., se précipite jusqu' au glacier du Nordend. Une pente de glace inclinée permet de rejoindre assez haut une arête, ligne générale d' ascension. Un autre itinéraire, plus long, la rejoint beaucoup plus bas; la neige offrant de bonnes conditions, nous choisissons d' emblée la première de ces deux solutions. Plus haut la crête se perd dans la paroi; elle ne réapparaît que dans le dernier tiers, longe un névé incliné « Le Linceul » pour se terminer contre un dernier mur couronné de corniches scintillantes. Satisfaits de nos observations qui nous permettront de gagner du temps, nous rentrons au refuge pour grignoter quelques aliments. Notre pitance est maigre, si maigre qu' à un guide monté avec des clients, nous n' hésitons pas à implorer le superflu de ses victuailles. Conversation où la « mimique » joua le premier rôle, aucun de nous n' étant très habile à manier « notre » savoureux « Schwyzerdütsch ». Les habitants de ces hautes vallées italiennes parlent en effet un curieux dialecte, mélange de patois de Saas et d' italien. Leurs ancêtres, des Valaisans, ont occupé ces vallées vers la fin du XIIe siècle; leur langue, sous l' influence de celle des habitants des plaines, le franco-provençal de la vallée d' Aosta, puis l' italien du Piémont, peu à peu se modifia.

Le soir, le temps semble s' être définitivement stabilisé; quel soulagement car le congé d' Aubert expire demain soir et Lador doit se trouver dans deux jours à Paris. Il faudra « faire vite » si nous voulons respecter ces délais imposés par des obligations tenaces, auxquelles nous devons nous soumettre.

A 2 heures du matin, par une belle nuit sans lune, nous quittons le refuge; le vent, qui s' est apaisé, permet les meilleurs espoirs. Dans la vallée, quelques rares lumières scintillent. Vite, grâce à l' exploration de la veille, nous atteignons la neige sans nous tromper. Après des démêlés avec une corde neuve nous chaussons nos crampons et en avant! A l' attaque d' une rigole, nous rejoignons nos camarades Aubert et Lador. Cette rigole est la voie de toutes les pierres qui tombent de la paroi, et nous devons la franchir pour atteindre les pentes supérieures. L' inclinaison est grande et nécessite la taille de quelques degrés confectionnés dans la hâte du danger qui, épée de Damoclès, plane sur nous. Nos camarades veillent tandis que Marullaz et moi ouvrons le chemin; ouf! à bout de souffle nous voici en haut relativement en sécurité. Les pierres nous ont laissé un répit; à cette heure, encore serties de glace, elles ne peuvent venir frapper celui qui par malheur se trouverait sur Die Alpen — 1941 — Les Alpes.g leur passage. En avant! Les pointes des crampons mordent la couche gelée, en zigzagant d' un îlot rocheux à l' autre nous nous élevons à bonne allure en direction de la sombre arête qui ferme l' horizon à notre droite. Près des rochers, nous quittons les crampons, et, par des vires coupées de petits murs, nous décidons de rejoindre l' arête qui se découpe indécise sur le ciel sombre. Escalade désagréable dans la pénombre, faux pas nombreux et non moins nombreuses les pierres détachées par des pieds maladroits; l' écho d' une ou deux apostrophes de celui qui en est l' innocente victime se répand à l' entour. L' allure s' est ralentie, néanmoins, satisfaits du chemin parcouru, nous promettons à nos camarades qu' ils prendront ce soir le dernier train à Zermatt!...

L' arête que nous suivons est fine et aérienne, sur son versant ouest nous tournons plusieurs obstacles; la neige fraîche tombée ces jours derniers fait son apparition et contribue, avec les difficultés que nous commençons à rencontrer, à ralentir notre marche vers le but. Longues et pénibles sont les heures qui précèdent le lever du jour; déjà un froid mordant nous pénètre, dans quelques instants, le soleil va surgir à l' horizon où déjà se fondent des teintes bleues et mauves dans un ciel profond sans nuage. Dans les vallées, des vapeurs impalpables se traînent; elles estompent les contours et ne se dissiperont que plus tard lorsque l' atmosphère se sera réchauffée. Malgré l' inconfort du lieu, nous nous installons tant bien que mal sur une arête et aspirons avec délices la chaleur des premiers rayons du soleil. Léger repas devant un horizon grandiose: au delà des hautes chaînes que nous côtoyons, l' immensité de la plaine piémontaise, vivante carte de géographie où, sans peine, nous reconnaissons, ici, de nombreux affluents du Pô, là, se détachant sur les sombres prairies, brillant au soleil matinal, les contours d' argent des Lacs Majeur et de Corne. On prétend que la paroi du Mont Rose, par temps exceptionnellement clair, est visible du golfe de Gênes; ceci n' est guère étonnant, car aucun obstacle ne s' y oppose et la plaine succède immédiatement au géant qui élève jusqu' à plus de 4600 m. des falaises de séracs qui, tels les mille facettes d' une pierre précieuse, scintillent et projettent très loin leurs brillants reflets. Près de nous, sévère, la muraille du Nordend, crépie de verglas, offre le spectacle de ses à-pics vertigineux, de sa paroi cyclopéenne à laquelle pendent des stalactites géantes en constante rupture d' équilibre. La grandeur de ces images nous fait négliger d' autres vues pourtant magnifiques: le Jägerhorn, 1a Cima di Jazzi, plus loin le Strahlhorn et les plaines paisibles sur lesquelles l' œil ne s' arrête que pour se reposer quelques instants de l' intense lumière qui nous enveloppe. Le froid piquant nous oblige enfin, vers 7 heures, à nous remettre en route vers la cime, but de notre convoitise. Longeant la crête sur son flanc sud, du piolet, nous blessons la neige immaculée des pentes que nous traversons: trace aérienne laissée entre les taches foncées des rochers qui émergent. Puis, la nature de l' escalade change; à l' arête succède une vaste paroi que nous gravissons allègrement d' abord, mais qui trop tôt se redresse, se rebiffe et brusquement paraît insurmontable. A droite une traversée ascendante sur des prises encore confortables nous conduit en plein mur. Hésitations, léger serrement de cœur; le leader part et s' élève sur des saillies qui se révèlent au fur et à mesure de sa progression; l' escalade est finalement moins difficile, et toujours se retrouve la possibilité de progresser, qui semblait douteuse de prime abord.

Le « Linceul », névé très incliné auquel nous parvenons, « doit être entièrement remonté » indique la note d' itinéraire que nous possédons. Tout à coup, la lutte change de caractère, les difficultés s' avèrent plus importantes et nous voici devant l' obstacle qu' il faut à tout prix franchir. Par une fine crête de neige, sur le bord gauche du névé, nous nous élevons; plus haut, cette crête s' évase et finalement se perd dans la pente rapide et luisante. Un coup d' œil au gouffre profond qui attire, et courageusement le leader attaque la glace au piolet qui vibre et fait jaillir des éclats transparents. Chaque marche nécessite un grand travail, ici, nous devons sacrifier à la sécurité de précieuses minutes que nos camarades voient s' égrener sans possibilité de freiner leur cadence inexorable. Cinquante mètres sont ainsi franchis avant que nous soyons réunis sur un bloc qui émerge. Une étroite rigole nous sépare maintenant de l' arête bordant l' abîme qui plonge vers le glacier du Nordend. Solidement assuré, Marullaz rejoint l' arête et s' élève au-dessus de nous, il envoie des paquets de neige qui, accumulée sur les rochers, entrave la progression. Les conditions de la montagne empirent à chaque cordée. Les rochers sont recouverts de neige farineuse, la pente est de glace, quelle solution adopter?

Un éperon rocheux, raide, s' élève très haut à notre gauche; en le rejoignant, nous pourrons peut-être gagner de l' altitude. Un profond couloir en défend l' accès. Avant de nous engager, pour plus de sûreté, nous formons une seule cordée. Avec le piolet, sans trêve, nous dégageons de leur neige les minces saillies qu' offrent quelques rochers et avançons lentement! Maintenant, tous les quatre nous sommes engagés, sans possibilité d' enrayer la moindre glissade, un seul faux pas nous précipiterait au bas d' un abîme insondable; prudemment, chaque pas est contrôlé comme ceux d' un danseur de corde sur la place publique. Une grande enjambée, je traverse un couloir et parviens ainsi au pied de l' éperon. Libéré d' une angoisse poignante, je puis, solidement campé, assurer mes camarades qui suivent. Joie! nos espoirs se réalisent. Malgré les difficultés que nous éprouvons à découvrir l' itinéraire le plus favorable dans ce monde de couloirs, de cheminées, de dalles, nous montons plus vite. Au souffle plus court, au sac plus pesant et à l' impérieuse nécessité de nous arrêter, nous sentons que nous avons largement dépassé 4000 m. Au sortir d' une rigole, court arrêt sur une plateforme enneigée où soufflent tous les vents, endroit peu favorable, aussi, poussés par l' im d' atteindre la cime et d' être au soleil, nous continuons notre route.

Un profond couloir défend l' accès d' une muraille de granit que nous ne rejoignons qu' après maints échecs et, par une escalade intéressante mais pénible, nous sortons de la paroi à 13 heures 30 seulement, non loin du point culminant du Nordend. Une demi-heure plus tard, sur le sommet, nous pouvons admirer les géants voisins qui tous se sont abaissés, à l' exception de la Pointe Dufour. Nous sommes stupéfaits du brusque contraste qui s' est opéré en quelques instants: des heures durant, nous nous sommes élevés le long des précipices d' une paroi sauvage, entourée de murs carapaçonnés de glace, de dalles aux lignes fuyantes, de séracs aux formes impressionnantes, et, tout à coup, nous émergeons de cette atmosphère de lutte, atmosphère dans laquelle l' homme se sent une bien petite chose en regard des forces puissantes de cette nature qu' il aime à combattre et à vaincre. Nous émergeons sur un glacier débonnaire entouré de pointes lumineuses aux contours agréables et reposants qui réservent à ceux qui les gravissent d' agréables promenades. C' est sur la plus belle d' entre elles que nous allons terminer notre ascension de la paroi orientale du Mont Rose: du Nordend par la Dufour, la Zumsteinspitze, nous gagnerons la Pointe Gnifetti.

Au Silbersattel, nous quittons nos amis Aubert et Lador qui s' enfuient vers la vallée, à la poursuite d' un train qu' ils n' attraperont certainement pas. Une légère mélancolie, due probablement à la fatigue, me gagne; j' envie mes deux camarades qui s' en vont vers le confort, du côté de la vallée et de la verdure. Faiblesse passagère vite dominée. Une tablette d' Ovosport avalée et nous revoilà partis, Marullaz et moi, à l' attaque des rochers de la Pointe Dufour pour une brève visite au plus haut sommet de notre pays.

Le soleil a tout à coup disparu; dans le ciel, ce ne sont que teintes brouillées, ternies, à peine distinctes et, chassés par le vent, des nuages courent dans le ciel lourd. Et c' est la traversée Ostgipfel-Grenzgipfel-Grenzsattel-Zumstein-spitze, pour atteindre enfin le Col Gnifetti.

Il neige; glacés, le visage fouetté par le vent qui souffle en rafales, par les flocons rageurs qui aveuglent, après une demi-heure de rudes efforts, enfin nous voyons apparaître, fantôme givré, le refuge Margherita. La course est terminée, ce qui fut un rêve vient de se réaliser...

Horaire: Cabane Mannelli. 1 h. 50 Zumsteinspitze. 17 h. 55 Nordend14 h. 10 Pointe Gnifetti. 18 h. 55 Pointe Dufour.. 16 h. 05

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