Organisation de randonnées au Népal. Les sherpas sont-ils des guides? | Club Alpin Suisse CAS
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Organisation de randonnées au Népal. Les sherpas sont-ils des guides?

Les sherpas sont-ils des guides?

L' article « La randonnée: une affaire à prendre au sérieux » décrit une situation particulière qui, au Népal, est loin d' être courante, mais se produit néanmoins de temps à autre et ne peut être ignorée. Il est donc tout à fait justifié de donner une définition des « guides sherpas » et, en même temps, de faire le point sur un projet de formation.

Le nom de « Sherpa » 1 ( en tibétain shar = est, pa = peuple, donc peuple de l' est ) désigne l' origine de ce groupe de population tibéto-mongole qui, il y a environ cinq cents ans, venant du Tibet de l' Est, s' est établi dans la région de l' Everest et de l' Helambu. Les Sherpas, autrefois paysans de montagne, éleveurs et commerçants, se sont surtout fait connaître, lors d' expédition et de randonnées organisées, en se louant comme porteurs pour les camps d' altitude des sommets himalayens, ou comme sirdars ( chefs ), cuisiniers ou aides. Le nom de sherpa est devenu synonyme d' une profession 2. Aujourd'hui, de nombreux sherpas ne sont pas d' origine sherpane, mais des groupes Tamang, Gurung, Magar, Rai ou Bhotia. En règle générale, la profession de sherpa n' est qu' une activité annexe. La carrière commence comme porteur. Puis le sherpa monte dans la hiérarchie et devient aide de cuisine, cuisinier et finalement sirdar. La seule formation est celle de la pratique. Les sherpas ne possèdent pas ou que peu de connaissance sur le mal des montagnes ( œdème pulmonaire ), les dangers d' ava, les prévisions météorologiques ou le maniement de corde, d' assurage et de technique de sauvetage. Leur éducation les incitera en général à ne pas contredire ouvertement un étranger, à ne pas lui faire la leçon ni à lui transmettre des connaissances, même éprouvées. Par ailleurs, le sirdar d' un groupe

1 Cf. Les Alpes 3/2000, p. 43. 2 On notera qu' un glissement de sens du même type s' est produit avec le mot « Schweizer » qui désigne, en Allemagne, une personne qui sait s' occu des vaches. En France, « le suisse », après avoir été un mercenaire, un garde du Roi puis un gardien d' hôtel particulier, est devenu un employé chargé de la garde d' une église.

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va plutôt se tenir à l' arrière. Sa tâche est en effet de surveiller les porteurs et non pas de montrer le chemin ou de juger des risques. Le sherpa est donc organisateur, informateur, chef du personnel et des transports, fourrier et comptable, animateur ou hôte. Mais il n' est en tout cas pas guide de montagne.

Nécessités Comment en est-on arrivé aux regrettables événements décrits dans l' article précédent? Deux raisons sont évidentes: la première est que le mois de février n' est pas un mois adéquat pour une randonnée de ce genre; la seconde est que les signes du mal des montagnes ( MAM ) apparaissent chez de nombreux touristes inexpérimentés parce qu' ils montent trop vite en altitude, ne sont pas au fait des dangers encourus et ne savent pas comment réagir correctement au moment décisif. Trop souvent – comme le relève l' article – les bons conseils sont complètement ignorés. Une personne atteinte du mal aigu des montagnes, même si elle sait de quoi il s' agit, n' est plus en mesure de prendre seule des décisions. Souvent, elle doit être poussée contre sa volonté, c'est-à-dire contrainte, à redescendre à plus basse altitude. Or, ce n' est pas l' affaire d' un sherpa. Les agences de randonnée qui ont engagé les sherpas se trouvent loin, à Katmandou. Leurs employés n' ont qu' une expérience limitée voire nulle de la randonnée et ils ne signalent pas aux étrangers, comme il le faudrait, les dangers existants, car ils craignent de les voir partir vers la concurrence qui, elle, ne fait aucune réserve. Finalement, le touriste lui-même estime que l' engagement d' un guide sherpa lui permettra de pallier son propre manque d' expérience. Mais il n' en est rien. A moins qu' il n' ait l' expérience des

C' est à Thame ( 3800 m ) que se trouve l' école d' alpinisme

expéditions, le sirdar peut lui aussi se trouver démuni, selon la situation, et se tourner vers le randonneur en quête d' une aide.

Centre de formation Pour réduire la disparité entre les capacités des sherpas et les attentes des touristes étrangers, une école d' alpinisme a été mise en place par l' organisation Öko Himal 3 à Thame, dans la région de

l' Everest 4. Ce soutien fait partie depuis bientôt cinq ans du programme de cette organisation d' entraide autrichienne qui collabore au Népal avec la NMA ( Nepal

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Mountaineering Association ) et la TAAN ( Trekking Agencies Association of Nepal ). L' école s' occupe de la formation des participants avancés, de la formation de base des accompagnateurs de randonnées et des cours de perfectionnement. La formation des participants avancés dure cinq semaines et est dispensée dans un gîte d' étape, à Thame. Deux guides autrichiens donnent les cours de théorie et de pratique alpine en rocher et en glace, les techniques de premiers secours et de sauvetage en montagne. La possibilité est offerte aux meilleurs élèves de venir en Europe et d' y suivre les cours de guide de l' Union internationale des Associations de guides de montagne ( UIAGM ). Un sherpa qui a achevé avec succès le cours en question forme maintenant les accompagnateurs de randonnées. En raison des troubles politiques que connaît le pays, ces cours sont actuellement donnés à Pokhara. Les cours de perfectionnement sont dispensés en automne.

Responsabilité de la NMA Pour les promoteurs de l' entreprise, il s' agit d' améliorer durablement l' offre touristique et de développer les compétences des sherpas lors des randonnées commerciales 5. Le but est également de transférer cette école d' alpinisme à la Nepal Mountaineering Association ( NMA ) pour qu' elle en assure le fonctionnement et la surveillance. Le projet est-il réalisable? Pour l' heure, des questions sont posées. Les projets d' Öko Himal ne suscitent guère de réactions car – et ce n' est pas un détail pour les Népalais – ils manquent d' intérêt commercial. Il reste à espérer que cette école d' alpinisme survivra néanmoins, dans l' intérêt des sherpas et de leurs hôtes. a

Bernhard Rudolf Banzhaf, Saas Fee ( trad. ) 3 Öko Himal, Gesellschaft für ökologische Zusammenarbeit Alpen-Himalaya, Salzburg: site Internet: www.ecohimal.or.at 4 Cf. Les Alpes 4/2000, p. 13. Le projet français décrit dans l' article a été depuis lors abandonné. 5 Précisons qu' il existe également une Association pour le respect et la dignité des porteurs et sherpas d' Himalaya. Vivement soutenue au Népal, celle-ci s' engage en premier lieu pour la formation des guides, la promotion d' une charte garantissant le respect d' un poids de portage maximal et des salaires décents ainsi que d' autres projets pouvant profiter aux porteurs et à leur famille. Pour tout renseignement complémentaire, s' adresser à l' asso en question, case postale 200, 1000 Lausanne 16, tél./fax: 021 841 14 83 Situation typique pendant un trekking au Népal: une touriste montre le chemin, au sirdar qui la suit. Sur le Gokyo Peak, 5300 m Gokyo est l' objectif de nombreux randonneurs, avec ou sans sherpa Pho to s:

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