Où les grimpeurs ont-ils le droit de grimper? | Club Alpin Suisse CAS
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Où les grimpeurs ont-ils le droit de grimper?

L' escalade sur la roche naturelle, comme tous les sports pratiqués dans la nature, peut être à l' origi de conflits d' intérêts entre les grimpeurs et les défenseurs de la nature. Dans ce champ de tension, le CAS doit se montrer ouvert et prêt à dialoguer, car il s' engage pour les deux causes. Tantôt il prend parti pour la nature, tantôt pour les sportifs. Cet article résume la position et l' attitude du CAS dans des cas concrets et actuels.

d' utiliser les rochers en question. Il acceptera de penser que protéger la nature ne revient pas tout simplement à en chasser l' être humain. Ce partage est à la base de la « philosophie » du secteur de la protection du monde alpin du CAS. C' est pourquoi lors de conflits, nous sommes parfois davantage du côté des grimpeurs, et d' autres fois davantage du côté de la protection de la nature, chaque cas devant être considéré individuellement. Nous invitons par conséquent tous les grimpeurs et protecteurs de la nature à ne pas s' obstiner mais à accepter de dialoguer et de partager.

Groupe d' experts du CAS Le CAS est en train de mettre sur pied une commission d' experts interne susceptible d' intervenir et de conseiller lors de graves conflits. Composée de grimpeurs, de spécialistes de la nature et de juristes, elle sera chargée de peser les intérêts du sport et de la protection de la nature et de définir une « position du CAS ». Elle épaulera les grimpeurs locaux et les sections du CAS et aidera à éviter les interdictions et les restrictions injustifiées de l' escalade. Elle devra aussi proposer des solutions valables lorsque des restrictions s' imposent et aidera les appliquer.

Convention internationale En mai 1998, des représentants des fédérations européennes d' alpi et d' escalade des milieux de I' UIAA se sont réunis à Barcelone dans le cadre d' un séminaire avec des

Le point de la situation

Partager Les grimpeurs aiment « leurs » rochers. Parois et falaises rocheuses évoquent des lignes d' escalade, rappellent des souvenirs intenses, invitent à une danse verticale. Les grimpeurs estiment qu' ils sont en droit d' ouvrir des voies, de grimper où bon leur semble - bref, que ce sont « leurs » rochers!

Les connaisseurs et les défenseurs de la nature aiment eux aussi « leurs » rochers. Cela fait peut-être des années qu' ils y observent des oiseaux rares. Ils connaissent les particularités fascinantes des biotopes rupestres, ces îlots de nature intacte, ces bijoux qui recèlent des espèces végétales et animales spécialement adaptés à ce milieu.

Si chaque partie considère les mêmes rochers comme sa propriété -et c' est souvent le cas en faible altitude ( moyenne montagneon débouche sur une situation concurrentielle où chacun essaie de chasser son rival en faisant valoir ses « droits ».

On peut aussi se partager le site et essayer de s' entendre sur une formule permettant de satisfaire les exigences de chacun en définissant des limites à respecter. Pour les grimpeurs, cela peut signifier qu' ils renoncent à telle ou telle voie, paroi ou falaise et qu' ils se tiennent à certaines règles. En contrepartie, l' écologiste reconnaîtra au grimpeur le droit Pour épargner des biotopes de valeur, leur flore et leur faune, il importe d' inter aux grimpeurs l' accès à certaines régions représentants de l' Union mondiale pour la nature ( IUCN1 ). La réunion avait pour but de trouver des principes communs pour l' escalade en moyenne montagne en Europe. Le débat nourri a débouché sur des di-rectives2 devant servir de base pour tous les pays concernés et pour l' Union européenne. En substance, elles reflètent exactement le principe fondamental du partage mentionné plus haut: refus des interdictions globales, même du côté des défenseurs de la nature! Les réglementations et les restrictions possibles doivent résulter d' un travail coopératif entre les grimpeurs, les défenseurs de la nature et les autorités locales ou régionales. Même si la Suisse ne fait pas partie de l' UE, il nous paraît important de nous appuyer sur ces directives dans notre travail.

La situation actuelle en Suisse

Ci-après un bref aperçu des conflits et des réglementations dont nous avons connaissance en Suisse3.

Région bâloise Le biologiste Daniel Knecht a achevé son étude des parois rocheuses de la région bâloise. A partir 11nternational Union for Conservation of Nature 2 Guidelines on access and conservation on crags and cliffs, 1998. Cette publication peut être obtenue auprès du secrétariat du CAS, tél. 031/370 18 70.

3 Pour autant qu' il n' y ait pas eu de changements notables depuis la parution de l' article sur ce thème dans le numéro 3/97.

Protection de la montagne a.

< de l' analyse scientifique des biotopes rupestres et des dangers auxquels ils sont exposés, il propose de classer ceux-ci pour l' escalade selon une échelle allant du niveau 1escalade possible sans restriction ) au niveau 5escalade impossible ). Ces propositions ont été discutées avec les milieux de l' escalade le temps nécessaire pour aboutir à un consensus. Elles sont actuellement en phase de concrétisation. Ce cas exemplaire sera exposé en détail dans un prochain numéro des Alpes.

Région de Thal ( Balsthal ): un modèle à suivre?

Dans la région située à l' ouest de Balsthal, la situation en 1997/98 tendait vers une interdiction générale de l' escalade. Grâce à l' engagement de nos hommes de terrain « expérimentés », Pit Hofer ( CAS Zofingue ) et Stefan Schader ( CAS Weissenstein ), et de représentants de la section locale de Balsthal, des discussions ont été menées avec les grimpeurs, les écologistes, les chasseurs et les autorités. Elles ont abouti à une réglementation acceptable pour tous et satisfaisant pleinement aux directives UIAA/IUCN. Les grimpeurs renoncent à ouvrir et à escalader un certain nombre de sites, alors qu' ailleurs, ils sont tenus de respecter certaines restrictions spatiales ou temporelles. Des panneaux d' information placés dans les zones d' escalade ainsi que des indications paraissant dans les publications spécialisées renseignent sur les réglementations.

Oensingen: situation tendue La situation est moins harmonieuse dans la commune d' Oensingen, près de Balsthal. Les propriétaires fonciers privés et quelques protecteurs de l' avifaune cherchent à imposer une interdiction de l' escalade sur toutes les falaises de la commune. La Kingway, voie à plusieurs longueurs réputée et appréciée de la « Bränte », notamment, constituerait une grande perte en cas d' interdiction. La section locale du CAS avec Adrian Weite y est opposée. Elle est soutenue par la plupart des représentants régionaux de la protection de la nature. Les autorités communales semblent être opposées à la majorité à une interdiction globale de l' escalade. Une solution n' a pas encore été trouvée.

Lindental près de Berne: convention sous toit Cette zone d' escalade de blocs, située au pied de la haute paroi de grès de la Geismefluh, est un site ornithologique unique en son genre au cœur d' une zone cantonale protégée. Un adepte de ce sport a été acquitté lors d' un procès, le juge ayant décidé que l' escalade de blocs ne provoque pas plus de dérangements que les randonneurs ou les promeneurs au pied de la paroi, dont l' activité est autorisée. Pour éviter une trop forte atteinte au site, les grimpeurs, le CAS et le Service de la protection de la nature ont convenu de réglementer la pratique de l' escalade de blocs par le biais d' une convention. Après maintes discussions, cette convention est enfin sous toit et l'on va passer rapidement à son application. Les points essentiels sont les suivants4:

- l' escalade de blocs est interdite pendant la période de nidification et de couvaison, du début février à la fin juin.

- le reste de l' année, l' escalade de blocs n' est autorisée qu' avec un permis valable.

.'Trente permis transmissibles seront établis. Le CAS organise leur distribution et leur obtention. Les détails ne sont pas encore réglés. Les intéressés peuvent se procurer à cet effet un aide-mémoire auprès du secrétariat du CAS, tél. 031/370 18 70.

SeebergseelDiemtigtal: jardin démantelé Le jardin d' escalade controversé a été démantelé. Certaines critiques ont été émises. Les défenseurs du site d' escalade n' ont pas compris pourquoi le CAS n' a pas défendu cette installation, puisque le tour du lac fait déjà l' objet d' une exploitation touristique intense et que l' armée s' exerce sur ce terrain. Nous avons pour notre part estimé que dans ce cas, les intérêts des défenseurs de la nature prévalent. Il s' agit surtout de protéger les gallinacés qui vivent dans la zone du jardin d' escalade. L' existence de sources de dérangement dans une zone de protection de la nature ne signifie pas qu' il faut admettre des perturbations nouvelles ou accrues.

Kiental: affaire à clarifier Dans le Kiental, un guide de montagne a ouvert au Spiggengrund quelques belles voies de plusieurs longueurs qui conviennent bien pour les cours et la formation, et qui sont situées directement le long du sentier. Avec le soutien de l' OFEFP, le Service de la chasse de Berne entend interdire l' escalade dans cette région. Nous nous engageons quant à nous Le grimpeur est « hôte » de la nature - il accepte donc certaines restrictions aux côtés du guide concerné pour une permission de l' escalade, éventuellement avec certaines restrictions. Nous espérons pouvoir clarifier l' affaire et trouver une solution en discutant et en allant examiner le site ensemble.

Se comporter en hôtes des rochers Les pressions exercées sur la nature et les paysages par le sport et les loisirs ne cessent de croître. Dans l' es alpin, le danger vient avant tout de l' expansion des sports d' extérieur en vogue - et notamment de l' escala sportive. A cela s' ajoute le fait qu' à une époque marquée par des soucis d' ordres économiques et concurrentiels, les intérêts de la protection de la nature et de l' environ ont de manière générale de la peine à se faire entendre. C' est pourquoi nous demandons à tous les varappeurs, mais surtout à ceux qui ouvrent de nouvelles voies et de nouvelles régions à l' escalade, de se rappeler que nous ne sommes pas « seigneurs », mais « hôtes » de la nature et de se comporter en conséquence. Toute région qui invite à l' escalade ne doit pas nécessairement être ouverte aux grimpeurs.

Jürg Meyer, délégué à la protection du monde alpin ( trad. )

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