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Pas mètre sans surveillance Prendre des risques en 2050 – une vision de l’avenir

La maladie, les accidents, l’invalidité : tout a un prix. Jusqu’à présent, la communauté a payé pour ces risques en se demandant rarement si notre responsabilité était engagée. Mais cela fait longtemps que le principe de solidarité est mis à mal. Comme l’a révélé un sondage représentatif du Beobachter en 2006, 58% des personnes interrogées seraient favorables à ce que notre comportement vis-à-vis de la santé détermine le montant de la prime pour l’assurance-maladie de base. Les chercheurs examinent presque à la loupe l’influence du comportement humain sur les maladies. Mais dans quel but ? Apparemment pour nous montrer comment être en meilleure santé ou vivre plus heureux et plus longtemps. Mais en réalité, les assurances pensent à leur porte-monnaie.

Si nous poursuivons dans cette voie, nous en arriverons un jour à n’assurer des risques que si, preuves à l’appui, le comportement humain n’entre pas en ligne de compte ou joue un rôle minime. Nous en serons forcément là dans 50 ans. De nombreux chercheurs à la pointe en sont convaincus. Le physicien Michio Kaku a demandé aux 300 scientifiques et chercheurs les plus influents comment nous vivrons dans 50 ou 100 ans. Ces derniers nous imaginaient par exemple passer au scanner grâce à des capteurs en entrant dans notre salle de bains le matin. Après la douche, nous recevrions – ou plutôt les assurances recevraient – des informations précises sur notre état de santé. Si le contrôle révélait une maladie, un robot nous prescrirait la thérapie et procéderait au traitement. Imaginons encore qu’un organe soit sérieusement touché, il en commanderait éventuellement un nouveau et il l’implanterait. Les conséquences du vieillissement seraient fortement réduites, et les centenaires ne seraient pas une exception. Alors, de belles perspectives ? Eh bien oui. Je pourrais encore escalader les montagnes avec mes 80 ans tout fringants. Mon téléphone portable me surveillerait en permanence grâce à ses capteurs. Il m’aiderait aussi beaucoup à planifier mes excursions, puisqu’il connaîtrait ma forme du moment. A chaque kilomètre, j’accumulerais des points de santé qui seraient automatiquement communiqués à l’assurance. Plus on aurait de points, moins on paierait de primes.

Mais on ne pourra toujours pas éviter, même en 2050, que je trébuche ou que je me blesse. Et cela coûtera tout de même encore un peu d’argent. Si j’applique les règles, il s’agira toujours d’un cas pris en charge par les assurances. L’une de ces règles pourrait même prescrire de ne pas s’écarter d’un centimètre de la voie préétablie. Interdiction stricte de poser le pied à côté. Non seulement parce que tout le reste appartient aux animaux sauvages, mais surtout parce que les assurances ne paieraient pas pour un accident survenu en dehors des voies. Les risques d’accident sur des sites non balisés en dehors des circuits ou de chute à cause d’un piton mal fixé ne seraient plus supportés par la société, du moins en ce qui me concerne. En 2050, je ne serai pas une grande alpiniste, juste une grand-mère tremblotante allant à la montagne pour sa santé. Tout le monde cependant ne voudra pas vivre la montagne de cette manière. Je peux facilement m’imaginer que beaucoup de jeunes en particulier partiraient en cachette, en dehors de toute surveillance et sans aucune assurance, pour escalader ces vieilles voies oubliées ou interdites. Ils porteraient peut-être d’anciennes tenues de camouflage pour qu’on ne puisse pas les distinguer des rochers. Et lorsqu’il arriverait quelque chose à l’un d’entre eux, on n’aurait plus que les yeux pour pleurer ! Si des secours devaient toutefois arriver, il devrait les payer de sa poche, amende comprise.

Pour moi, cela ne changera rien. Car en 2050, je n’escaladerai plus ces sentiers depuis longtemps. A 80 ans, je n’irai plus que rarement faire de l’escalade en salle ou sur un site d’escalade simple. Il y aura là certainement d’autres coutumes. Quelqu’un veillera probablement encore à ce que tout le monde porte un casque et s’assure dans les règles de l’art. Qui ne maîtrisera pas une voie ne pourra grimper qu’en second. Une manière d’éviter pratiquement toutes les blessures.

Mais l’excitation, la peur, lorsqu’on avait dépassé le piton et que l’on n’était pas sûr de pouvoir saisir les prochaines prises, auront disparu. Tout comme le sentiment de joie qui nous gagnait si l’on y arrivait quand même… 

Pour en lire plus :

Michio Kaku, Physics of the future, Penguin Books, Londres 2011 (version allemande : Die Physik der Zukunft, Rowohlt 2012)

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