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Quand il fallait briser le pain à la hache

Autrefois, le pain était le principal aliment. Pour économiser du bois, on n’en faisait que quelques fois par année. C’était notamment le cas dans les Alpes vaudoises, où les habitants ne connaissaient d’autre pain que la flange jusqu’au milieu du 19e siècle.

De la farine, de l’eau, du sel et un agent levant: c’est avec ces ingrédients très simples qu’on fait du pain depuis des millénaires. On utilisait principalement du levain comme agent levant, avant que la levure industrielle ne fasse son entrée dans les boulangeries au milieu du 20e siècle. La découverte du levain remonte aux anciens Egyptiens. Grâce à eux, on a pu passer de galettes de céréales dures comme de la pierre à des pains moelleux. L’astuce: attendre plusieurs jours avant de cuire la pâte. Les levures et bactéries lactiques présentes naturellement font alors fermenter et lever la pâte. En allemand, on retrouve d’ailleurs cette étymologie dans le nom «Brot», pain: le terme vient de l’ancien haut-allemand «prôt», qui signifie à peu près «fermenté».

Le «Brötligraben»

Chaque canton, chaque vallée de Suisse, par endroits même chaque village, a sa propre sorte de pain. On peut cependant déceler un «Brötligraben» entre différentes régions, par exemple selon la couleur du pain: en Suisse allemande, on retrouve plutôt des pains plus foncés, tandis que la Suisse romande et le Tessin préfèrent des pains plus clairs.

La flange est un exemple d’ancien pain clair. Elle vient de la région des Diablerets, à plus de 1000 mètres d’altitude dans les Alpes vaudoises. Les flanges sont faites avec de la farine, de l’eau, du sel, du levain et du saindoux. De la farine de pommes de terre et de fèves viennent parfois compléter la recette. Ces pains n’étaient faits que deux ou trois fois par année, généralement lorsque le boucher avait abattu des cochons et fournissait du saindoux. Pour pouvoir suspendre les flanges au grenier afin de les conserver, on faisait un trou au milieu de la pâte avec une corne de vache jusque dans les années 1950.

La faible fréquence des fournées n’est pas spécifique aux Vaudois: autrefois, on ne faisait du pain que quelques fois par année pour économiser du bois. On cuisait alors des centaines de pains: les villageois se relayaient au four pour profiter de la chaleur. Avec un inconvénient manifeste, comme Alfred Majeux l’écrit dans un article de la fin du 19e siècle sur les flanges: «Ce pain devient aussi dur que la pierre; pour s’en servir, on le brise à coup de hache, on le plonge émietté dans le babeurre tiède.»

Le goût des Alpes

Des périodes de végétation courtes, peu de terrain pour l’agriculture et des villages dispersés, tous ces éléments ont influencé ce que les habitants des Alpes mangeaient. Aujourd’hui, le dépeuplement et la mondialisation menacent l’héritage culinaire alpin, constitué d’un mélange de denrées régionales, de modes de préparation et de méthodes de conservation spécifiques ainsi que de coutumes rituelles. Cette série fait revivre des plats aujourd’hui presque oubliés.

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