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Schiste, argent et processions Randonnée alpine entre le Val Schons, l’Avers et l’Oberhalbstein

On connaît le Piz Platta, peut-être aussi le Piz Curvér. Entre eux, tout un monde de montagne, de culture et d’histoire que bien peu connaissent.

Piz Platta: la destination figure déjà sur le premier panneau indicateur de notre voyage de découverte. Après Cresta, quelques traces de sentier guident vers le vallon. La configuration du terrain suggère ensuite la direction. Une fois franchie la lointaine barre de rocher, on peut contempler d’en haut le Vadret da Piz Platta. Après une courte pause, il reste la montée au Piz Platta lui-même: tout est beau, sauf la qualité du rocher. J’y reviendrai.

La descente est adoucie par la joie anticipée d’une visite à la cabane Skihaus Piz Platta près de Tga. Modeste construction de bois aux fenêtres fleuries, équipée de couchettes de la protection civile dans sa chambrette de l’arrière, elle n’est ouverte que sur réservation. C’est un logement spartiate, mais on ne peut que recommander d’y passer la nuit. Non seulement pour la chaleur de l’accueil, mais aussi pour les perspectives de randonnées alpines du lendemain.

 

Dès potron-minet

Ici, il vaut la peine de se lever tôt et réveiller son organisme dans la fraîcheur du matin en montant à la Fuorcla Starlera. La descente au long du Val Starlera serait belle ensuite, si l’on n’envisageait pas de poursuivre vers un sommet. On pourrait aussi dévaler en solitaire le long Val Curtegns, si romantique. On pourrait. Mais la montée vers l’arête ouvre sur un compartiment du paysage où trône une élévation qui promet de nouvelles perspectives: le Piz Alv. En traversant sous l’arête orientale, on perd quelque 200 mètres d’altitude. Il ne reste qu’une marche facile sur un névé raide ou, comme au Piz Platta, sur des éboulis.

 

Sur du schiste friable

Toute la région est constituée en grande partie de flysch et de schiste des Grisons, des roches sédimentaires que le plissement des Alpes a partiellement transformées en plaques de schiste plus ou moins friable et savonneux. Très peu pour l’escalade, mais le randonneur y trouve du charme. Du Piz Alv, il suffit de suivre l’arête pour atteindre le Piz Grisch. Il n’y a pas de sentier, le parcours pas très facile exige des conditions favorables et une bonne réserve de temps: c’est quand même une distance de 5 à 6 kilomètres qui sépare le Piz Alv du fond de la descente sur Radons.

 

Célestes menaces

Après la randonnée alpine du premier jour, l’excursion panoramique du deuxième avait ouvert de nouveaux horizons sur le Val Schons, l’Avers et l’Oberhalbstein. La troisième étape aura pour décor d’étonnants témoins historiques. Si l’on s’est levé tôt, un beau dimanche de juillet à septembre, on arrivera juste à temps pour le service divin du pèlerinage de Ziteil. A cet endroit, une petite femme habillée de blanc serait apparue en 1580 à une fillette, et peu après à un garçon, pour leur faire savoir que la population de l’Oberhalbstein aurait à persévérer dans la pénitence et dans les processions. Sans quoi Dieu «flétrirait les fruits de la terre et ferait mourir jeunes et vieux jusqu’au dernier»1. Cette injonction devait avoir un effet durable, puisqu’il faut aujourd’hui encore réserver si l’on veut trouver place dans ce qui est la plus haute chapelle d’Europe.

 

L’argent de Taspegn

Dominant la chapelle, le Piz Curvér a été immortalisé sur plusieurs tableaux du peintre Giovanni Segantini. De l’autre côté de la montagne et trente ans après l’apparition, on a trouvé entre Zillis et l’Alp Taspegn une veine de plomb argentifère et de pyrite. Il y en eut suffisamment pour que l’on ait pu bientôt mettre en circulation de la monnaie d’argent de Taspegn. L’accès aux mines est maintenant ouvert les mercredis d’été, et les personnes intéressées peuvent tout apprendre sur l’histoire de l’exploitation minière du Val Schons et de l’Avers. Ces roches schisteuses peuvent être pénibles au pied du marcheur, elles n’en ont pas moins de valeur pour les indigènes.

 

De Curvér à la mine

La variante avec visite de la mine présente un avantage décisif: elle évite l’épuisante descente (presque 1300 mètres de dénivelé) de Taspegn à Zillis, car le forfait minier inclut le transport en jeep jusqu’à la vallée. C’est une offre que l’on accepte volontiers compte tenu de la fatigue accumulée.

S’il n’est pas question d’escalade, il vaut quand même la peine de faire l’ascension du Curvér qui passe pour l’un des plus beaux panoramas de la région. Le regard plane au loin jusque sur le Domleschg. La descente dans les éboulis s’apparente à une glissade, ce qui permet d’arriver à l’Alp Taspegn pour le début de la visite guidée de 13 h. A la fin de celle-ci, on peut encore aller voir le plus haut musée minier d’Europe aménagé dans une ancienne porcherie, avant de se laisser conduire confortablement à Zillis.

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