Sérénité uranaise et hospitalité grisonne | Club Alpin Suisse CAS
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Sérénité uranaise et hospitalité grisonne En course pour le plaisir entre le Pizzo Centrale et le Piz Cavradi

Un maximum de plaisir pour une dépense minimale: notre forteresse nationale, théâtre d' une tragique retraite, est devenue un espace de liberté. Pizzo Centrale, Giübin, Piz Borel, Badus, Pazolastock ou Piz Cavradi couronnent cet eldorado des courses. Il y en a tant, entre la vallée uranaise de l' Unteralp au-dessus d' Andermatt et le Val Maighels dominant Sedrun dans les Grisons, que le choix est vraiment difficile.

La région est bien fréquentée: le général Souvorov y passa, Bernhard Russi y est revenu, et l' investisseur égyptien Sami Sawiri, qu' on le veuille ou non, s' y installe. Le projet « Neu Andermatt » ( Les Alpes 12/2010 ), avec ses conséquences radicales pour toute la région du Gothard, a donné lieu à d' innombrables reportages et commentaires dans la presse. Du coup, on a un peu oublié l' espace de courses et de randonnées au cœur de la Suisse. A tort: que ce soit à skis ou à raquettes, le triangle Andermatt – Gothard – Sedrun offre de nombreuses possibilités d' excursions qui peuvent être combinées en diverses variantes. Changer de projet? C' est facile dans cette région où l'on trouve des cabanes CAS accueillantes ( familles bienvenues ) et un intéressant patrimoine culinaire. On peut aussi compter sur l' enneigement dans cette région de la crête principale des Alpes, comme l' explique Bruno Honegger, guide et gardien de la Camona da Maighels: « Lorsque les précipitations viennent du sud, elles profitent aux deux hautes vallées aussi bien que les chutes de neige apportées par les vents du nord. De plus, la neige n' y fond pas si vite. » Encore une bonne raison de reconstituer au goût de chacun le puzzle des sommets qui alimentent les sources du Rhin et de la Reuss.

 

Si l'on veut commencer par couronner une excursion « mini-maxi » ( minimum d' effort, maximum de plaisir ) par une visite au plus haut sommet du massif du Gothard, le Pizzo Centrale ( 3000 m ), il suffit de monter dans la Gemsstockbahn à Andermatt. L' excursion commencera une demi-heure plus tard par la contemplation d' un panorama splendide et par une courte descente sur le col séparant le Rothorn du Chastelhorn. Il faudra alors mettre les peaux de phoque pour gagner le Pizzo Centrale en deux heures et demie. La descente sur Andermatt par la vallée de l' Unteralp peut se comparer aux plus belles courses alpines. Si l'on ne veut pas ( encore ) passer l' après sur la terrasse ensoleillée de la Vermigelhütte, on mettra encore au programme un détour par le Giübin ( 2776 m ), voisin du Passo della Sella. Même ceux que la géographie ne passionne pas seront heureux d' être allés à la source de la Reuss ( d' Unteralp ).

 

Les eaux de la Reuss et du Rhin pourraient être responsables de la notoriété dont la Vermigelhütte jouit auprès des initiés d' Allemagne et de Hollande. En effet, elle constitue une base idéale pour l' ascension de nombreux sommets ( Piz Alv, Piz Borel, Piz Ravetsch ) se trouvant à l' est de la cabane. La Wildenmattenhütte de la section Basel du CAS, située juste 250 mètres au-dessus de la Vermigelhütte, n' a pas été reconstruite après avoir brûlé voici six ans. Pourtant, on ne voit plus trace de ses décombres: à leur place, une cabane privée construite par Bernhard Russi « dans son coin préféré du pays d' Uri ». On le comprendra si l'on fait le détour de l' alpage de Wildenmatten qui, avec son charmant petit lac, mérite une excursion ( familiale ). De là, à l' exception de la station supérieure de la Gemsstockbahn, on ne voit plus aucun signe de civilisation.

 

On peut encore se croire dans le Réduit national lorsque l'on passe par la vallée de l' Unteralp, tant sont nombreuses les traces de l' ancienne activité militaire. Il suffit de voir les cantonnements et les restes d' un téléphérique vers le Pass Maighels, ou de penser à l' origine ( militaire aussi ) de la Vermigelhütte. En 1946, la section Zofingen du CAS a pu acquérir ce refuge sommaire, situé à l' ombre de l' éperon rocheux du Sunnsbiel. Durant presque trente ans, il a rempli son office dans des conditions pas toujours satisfaisantes. En 1974 enfin, on a inauguré une nouvelle cabane au soleil, 50 mètres plus haut, en remplacement de l' ancien antre aux murs humides. Aujourd'hui encore, elle fait le bonheur des randonneurs et freeriders qui préfèrent descendre du Gemsstock à l' écart des pistes, sur le flanc sud ensoleillé.

Après une agréable soirée à la petite, mais confortable Vermigelhütte, on peut envisager de changer de vallée. Deux heures de montée mènent au Pass Maighels, point de départ de la double ascension du Piz Borel ( 2952 m ) et du Piz Ravetsch ( 3007 m ). Les deux sommets sont séparés par une selle, d' où on les atteint à pied au prix d' un brin d' escalade. Après quoi, et moyennant une légère remontée vers la Camona da Maighels, on profite pleinement d' une belle descente vers Sedrun par le Val Maighels.

 

Si l'on ne dispose que d' un jour, on suivra la Unteralpreuss depuis la Vermigelhütte en direction de « Neu Andermatt ». Lorsque les conditions de glisse ne sont pas idéales, cette descente de 10 kilomètres vers l' Urserental est redoutée des snowboarders en raison de deux passages à plat. Si l'on traverse le flanc occidental en gardant de la hauteur, on peut habituellement faire la descente d' un seul coup, mais il vaut la peine de faire une halte intermédiaire un peu au-dessous du lieudit Heuplangge: contemplant la vue sur Andermatt, il est difficile d' imaginer qu' on ait pu envisager en 1920 de noyer tout l' Urserental sous un lac de retenue qui aurait englouti les villages d' Andermatt, de Hospental et de Realp, ainsi que la partie inférieure des vallons adjacents. La population locale mena un combat victorieux contre le projet en 1920, puis derechef en 1946, où les autorités auraient envoyé des troupes pour mater une révolte des indigènes.

 

On peut aussi parcourir les deux hautes vallées dans le sens inverse des aiguilles d' une montre, en utilisant de préférence les transports publics. On empruntera alors la Matterhorn Gotthard Bahn MGB ( au départ d' Andermatt ou de Sedrun ) pour gagner tranquillement le col de l' Oberalp. Il y a quelques mois, on a construit sur le col le phare « Rheinquelle », haut de 10 mètres, censé évoquer le proche Lai da Tuma/Tomasee et la source du Rhin. Et s' ils avaient l' idée saugrenue d' y ancrer un chaland du Rhin, en plus? Mais en ce moment, il nous faut décider si nous voulons prendre le chemin du Val Maighels en commençant par l' ascension du Pazolastock, suivie d' une descente à l' est vers Plidutscha, ou s' il faut entrer en matière par une brève descente vers les étables de l' alpe Milez pour ensuite monter par le chemin d' hiver de la cabane. Si l'on suit l' excellent balisage de celle-ci, on a tout de suite l' impression que l'on y sera bien reçu. Mais peu importe que l'on emprunte le chemin de la cabane ou que l'on passe par le Pazolastock, on atteindra en deux à trois heures le sommet, la haute vallée ensoleillée et la Camona da Maighels.

 

Les militaires ont laissé des souvenirs dans le Val Maighels aussi bien que dans la vallée de l' Unteralp. Parmi les bons figure la baraque « Cavradi West » construite en 1943 et reprise trois ans plus tard par la section Piz Terri du CAS. En 1968, la Confédération l' a vendue pour 50 francs au CAS, qui l' a baptisée Camona da Maighels. Bruno et Pia Honegger, gardiens depuis de nombreuses années, s' en félicitent. Transformée à trois reprises déjà, la cabane se présente actuellement comme un hébergement de charme géré professionnellement. Une fois le cuir des sièges réchauffé, on est à l' aise dans le coin abrité de la neige, pour discuter de la suite de l' excursion. Au choix: le changement de vallée en direction du sud par le Pass Maighels, ou l' ascension du Piz Ravetsch et du Piz Borel. Un jour supplémentaire d' excursion ne sera pas perdu si l'on monte au Badus ( Six Madun ) par son flanc oriental. Mais le meilleur est encore à venir, si l'on conclut la tournée en tournant le dos à la Camona da Maighels pour gagner en moins d' une heure sa montagne tutélaire, le Piz Cavradi ( 2612 m ). Par bonnes conditions d' enneigement, la descente souvent raide vers la gare MGB de Tschamut sera un vrai dessert: avec ses 1000 mètres de dénivelé, elle passe pour l' une des plus belles de Suisse centrale. Si la neige est mauvaise, le Cavradi n' est pas à négliger comme course d' une demi-journée. On peut aussi changer de côté et gagner, en moins de trois heures, la Vermigelhütte dans la vallée de l' Unteralp. 

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