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Sous le charme des Combins et du massif de Cheilon Du val de Bagnes au val d’Hérens en quatre jours

De Fionnay à Arolla en quatre jours. Une randonnée en montagne au cœur de la légendaire Haute Route. Les imposants paysages de montagne de l' immense zone de captage des eaux de la Grande Dixence sont tout simplement grandioses.

En Valais, les dimensions sont amplifiées. Exemple éloquent, le col des Roux surplombant les 4 kilomètres carrés du lac des Dix et offrant une vue spectaculaire sur les glaciers du massif de Cheilon. Durant la descente vers le lac, on suit avec fascination l' ombre des pics qui miroite sur l' eau. Le randonneur ne se doute pas que ce sont les eaux de 35 glaciers qui clapotent en contrebas. Bienvenue au royaume du plus grand barrage de Suisse, celui de la Grande Dixence! Sa zone de captage s' étend sur 150 kilomètres carrés. Un réseau de galeries pratiquement interminables conduit l' eau fraîche des glaciers dans le lac. Le long de cette Petite Haute Route, pas une goutte d' eau n' échappe à son captage par une conduite pour être turbinée et transformée en électricité propre par EOS, FMB et NOK. L' eau, cet « or noir » du Valais. Les quatre turbines produisent 2000 mégawatts d' énergie, ce qui équivaut à la puissance de deux centrales atomiques. La construction de la Grande Dixence fit date dans les années 1960. Elle laissa des traces partout. Le cirque montagneux autour de la cabane de Prafleuri CAS est un immense amas d' éboulis inhospitaliers qui servit de gravière à l' époque. Des milliers de saisonniers mirent 15 ans pour ériger l' énorme barrage en obstruant la gorge avec des millions de mètres cubes de béton. Avec ses 285 mètres, le mur du barrage est aujourd'hui encore le plus haut d' Europe.

 

La moitié de la course est derrière nous. Il y a deux jours, nous quittions Fionnay ( 1491 m ) dans le val de Bagnes. Le petit hameau touristique avec hôtel est coincé entre deux bassins d' accumulation qui appartiennent à l' usine électrique de Mauvoisin.

L' entrée en matière est raide et grimpe à travers des pentes herbeuses luxuriantes et pittoresques. La cabane de Louvie ( 2213 m ) et son lac constituent le but de la journée. Les cascades de Fionnay jaillissent du sommet de la falaise. Loin au-dessus, un couple d' aigles s' élève au gré des thermiques. Lys martagon, pourprés jaunes et, plus haut, à proximité des bandes de rochers, orchis brûlés: quelle satisfaction pour qui se passionne pour les fleurs de montagne! L' apollon, habituellement rare, est aussi courant ici que l' est ailleurs la piéride du chou.

 

Plus on grimpe, plus la vue plongeante sur Fionnay et ses deux lacs artificiels devient fascinante. A l' ouest, la « famille » des Combins se met en scène: Grand Combin ( 4314 m ), Combin de Corbassière ( 3715 m ) et Petit Combin ( 3663 m ). Après deux heures de marche fatigante, le lac de Louvie se révèle être un bassin de rétention avec un petit mur, preuve que nous cheminons en plein territoire de captage des eaux de la Grande Dixence. De l' idyllique cabane de Louvie, la vue sur le massif des Combins dans la lueur rougeoyante du soir est grandiose. Propriété de la commune de Bagnes et construite en 1997, elle offre des douches et une ambiance agréable. Le lendemain, la face crevassée du Grand Combin se reflète dans le bleu profond du lac par une météo parfaite. Une étape gigantesque de sept heures nous attend, avec au programme le franchissement des cols de Louvie et de Prafleuri. La raison pour laquelle le panneau n' indique que 4 h 50 demeure une énigme. Si un tel temps peut s' avérer valable pour des marathoniens, ce n' est pas le cas des randonneurs alpins qui aimeraient profiter de la journée. Le chemin conduit d' abord au plateau de Plan da Gole, puis il prend de l' altitude en serpentant. A la bifurcation du P. 2628, il tourne à l' est vers le col de Louvie. C' est alors qu' une grande douceur nous saisit: la vue grandiose sur le massif des Combins, semblable à un monticule de crème fouettée, force à de multiples pauses bien qu' il demeure dans notre dos. Alors que l' itinéraire nous dirige à l' est, l' imposant glacier de Corbassière se dévoile complètement. Avec ses presque 10 kilomètres de long, il est le plus grand glacier du Bas-Valais. Début juin, l' EPFZ a formulé un projet de barrage de Corbassière afin de pallier le manque de courant que l'on estime plus ou moins imminent. A l' extrême ouest, on voit pointer les pics de l' Aiguille d' Argentière.

 

Une nouvelle fenêtre s' ouvre au col de Louvie ( 2921 m ). L' étendue du Grand Désert, avec ce qui reste de son glacier, se déploie sous nos pieds. Ici, on mesure à quel point la plupart des glaciers alpins ont perdu en volume durant le siècle passé. Celui-ci a laissé derrière lui un spectaculaire désert minéral parsemé de lacs. Une véritable étendue sauvage et désertique comme nous les aimons! Par brouillard, l' itinéraire peut s' avérer critique, car il est partiellement dépourvu de chemin, raison pour laquelle il est marqué blanc-bleu-blanc. A l' horizon, en direction de la vallée du Rhône, les névés du massif des Diablerets luisent et, 700 mètres plus bas, le barrage de Cleuson scintille au soleil de midi.

Le col de Prafleuri entre dans notre champ de vision, mais il faut tout d' abord franchir un raidillon facile. Trois lacs glaciaires étincellent de mille éclats turquoise, alignés sur le plateau comme les perles d' un collier. Une invitation à une pause de midi bienvenue, durant laquelle les pieds brûlants savourent un rafraîchissement. Deux audacieux se risquent même à une trempette dans l' eau glacée. Dans la descente du col de Prafleuri ( 2987 m ), nous apercevons des edelweiss, que nous montrons à une famille hollandaise enthousiasmée: « Nous en avons rêvé pendant toutes les vacances! »

 

Le jour suivant, le chemin bordant les eaux laiteuses du barrage de la Grande Dixence paraît interminable. Après le Pas du Chat, la montée devient abrupte sur 600 mètres jusqu' à la cabane des Dix CAS ( 2928 m ). La partie supérieure du trajet passant par l' ancienne moraine du glacier de Cheilon est magnifique grâce à la vue qu' on y a sur le Cervin. Tout à coup, elle s' élargit au Mont-Blanc de Cheilon ( 3869 m ), qui s' élève majestueusement au sud. Cela fait 45 ans que je n' avais plus revu cette montagne, aperçue durant un voyage scolaire et présentant alors une face nord enveloppée d' une carapace de glace! Aujourd'hui, elle en est complètement dépourvue. Au pied du Mont-Blanc de Cheilon, la cabane des Dix CAS trône sur un éperon rocheux, au milieu d' un plateau. Son nom lui vient d' une fameuse bande de braconniers, et sa situation souveraine en fait assurément l' une des plus belles cabanes du CAS. Sur sa terrasse, on ne peut se lasser d' admirer le magnifique panorama et les jeux de lumière sur le glacier.

 

Par ce temps idyllique, il fait bon rester dehors en t-shirt et observer le spectacle de l' arrivée des nombreux groupes. Beaucoup apparaissent à l' horizon sud-ouest, d' abord comme de petits points qui, ensuite, ne dessinent plus qu' un long serpent. Soit ils arrivent par l' ouest, de la traversée du Mont-Blanc de Cheilon, soit ils ont quitté la Valpelline ( val d' Aoste ) quelques jours auparavant, arrivant ici après avoir passé par la Fenêtre de Durand, le lac de Mauvoisin, le col du Mont Rouge et le col de Cheilon. Non seulement la cabane des Dix CAS constitue le point névralgique de nombreuses randonnées alpines, mais elle est le point de départ de l' ascension de plusieurs sommets avoisinant les 4000 mètres: le Pleureur, la Ruinette, la Luette, le Pigne d' Arolla, le Mont-Collon. Crampons, casques et piolets cliquettent, les cordes sont repliées, et les cloques soignées. A côté de la cabane, un groupe d' alpinistes anglais exerce l' encordement. L' ambiance de cabane est animée et polyglotte. On devine au moins sept nations servies avec circonspection et amabilité par une équipe de six personnes. Le couple de gardiens, Béatrice et Pierre Sierro, servent vin blanc et jus d' oranges. Des hôtes japonais ravis se voient même gratifiés d' un « bon appétit » en japonais, alors « Sayonara »! Chaque mois de février, quand il réside à Salins/VS, le gardien loue une cuisine militaire afin d' apprêter la viande pour toute la saison. Il la conditionne en portions, la congèle et la fait héliporter par étapes à la cabane. En 2010, il a comptabilisé quelque 8400 menus !

 

Le lendemain, une douzaine de cordées sont en route pour le Mont-Blanc de Cheilon, alors que nous traversons le glacier du même nom en suivant attentivement les marques rouges. Le Pas de Chèvres ( 2855 m ), une échelle haute de 25 mètres, passage-clé de notre Petite Haute Route, s' approche déjà. Les personnes sujettes au vertige lui préféreront le col de Riedmatten ( 2919 m ), dépourvu d' échelle. La descente à Arolla ( 1998 m ), dans le val d' Hérens, est paisible. Alors qu' au sud apparaît l' Evêque, les sommets de l' Aiguille de la Tsa et de la Dent de Tsalion nous font face. Certains randonneurs prolongent leur course de trois jours en gagnant le Turtmanntal par les Haudères, la cabane de Moiry CAS, Zinal et le col de Tracuit ( avec équipement pour glacier ). A moins qu' ils ne reviennent l' année suivante.

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