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Stromboli (Le volcan -)

I Science et montagne I Scienza e mondo alpino I Wissenschaft und Bergwelt

Jürg Alean et Roberto Carniel1

Un accueil tempétueux

Nous n' avons encore jamais vu le Stromboli se comporter ainsi: dans les derniers mètres avant le sommet, la tempête nous jette violemment au visage la cendre volcanique, piquante comme des aiguilles. Et dans un vent d' environ cent kilomètres à l' heure, je parviens à peine à rester debout. Bien que j' aie du sable plein les yeux, j' essaie de prendre encore quelques photos des cratères, puis nous sonnons la retraite.

Les conditions météo de ce mois d' avril 1996 nous créent de sérieuses difficultés: une basse pression stationnaire sur l' ouest de la Méditerranée amène en alternance de la pluie et du soleil, et surtout le sirocco, ce vent chaud et tempétueux venu du Sahara. Aujourd'hui, juste avant notre visite éclair au sommet et malgré ce vent agaçant, nous avons tenté d' ajuster et de nettoyer les cellules solaires de notre station sismique. Mais même la patience d' ange et les nerfs solides de Franco Iacop,

1 Adresse des auteurs: Jürg Alean, Rheinstrasse 6, 8193 Eglisau et Roberto Carniel, Via Resistenza, 1-33034 Fagnagna, Italie 42' N 5' E Stromboli à * Ustica Ftticudi m t Salina »Panarea \ Alicudi ^ Li pari Palerme Vulcano I Calabria ^V

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100 km F Etna |3^H Catania

notre technicien, n' y suffisent plus: les rafales de vent rendent tout travail impossible sur nos appareils.

Trois jours plus tard, le vent est tombé, le ciel est d' un bleu profond et les éruptions se manifestent à intervalles de quelques minutes: nous poursuivons notre travail dans des conditions idéales et nous sommes au septième ciel des vulcanologues. Quelques touristes lèvent les yeux vers nous depuis le sentier de terre battue: ils doivent se demander ce que ces trois silhouettes armées de pelles à neige et de fers à souder, d' appareils de photos et de batteries de voiture peuvent bien faire là, sur le versant nord-ouest du Stromboli.

Un volcan auquel on peut se fier

Aucun autre volcan actif n' a été observé presque sans interruption depuis des millénaires. Pour les anciens Grecs, le Stromboli servait de phare naturel lors de leurs navigations en Méditerranée; actuellement, il est une attraction pour des milliers de touristes.

Les îles Eoliennes sont situées face à la côte nord de la Sicile. Stromboli est au nord-ouest de l' archipel. Vulcano aussi a été actif récemment ( grandes éruptions de 1888 à 1890 ).

Le volcan Stromboli: une éruption normale telle qu' elle se produit plusieurs fois par heure: des lambeaux de lave sont projetés à 200 m de hauteur, retombent et dévalent la Sciara del Fuoco vers la mer. Photo prise au clair de lune ( octobre 1986 ). Toutes les prises de vue des éruptions ont été faites sur film diapositif Kodachrome 64 et à une ouverture de diaphragme entre 2.8 et 1.8.

Science et montagne

Stromboli est la plus septentrionale des îles Eoliennes ou îles Lipari, un archipel volcanique situé entre la Sicile et le sud de la péninsule italienne ( cf. fig. 1 ). La distance jusqu' à la côte italienne est de 54 km; elle est de 240 km jusqu' à Naples et de 55 km jusqu' à la Sicile. L' île est reliée plusieurs fois par jour par hydroptère à Milazzo el deux fois par semaine par bateau à Naples.

Alors que la population de l' île a reculé depuis la fin du siècle dernier de 2700 à 360 personnes environ, le flot des visiteurs a grimpé au cours de ces dernières années jusqu' à des valeurs presque insupportables. Des vacanciers italiens accourent en été par milliers sur les plages de sable noir, tandis qu' au printemps et en automne, ce sont les Allemands et les Suisses qui donnent le ton.

En juillet et août, les guides de montagne conduisent les groupes de touristes en fin d' après jusqu' au sommet, malgré une chaleur suffocante et une dénivellation de plus de 900 mètres. D' autres gravissent le volcan en solitaire ( ce qui est d' ailleurs interdit ). Plus de 400 personnes se retrouvent parfois au sommet pour assister, à la nuit tombante, au spectacle naturel à la fois terrifiant et splendide que donne le volcan.

Différents cratères, dont certains comptent plusieurs cheminées, projettent vers le ciel, toutes les dix minutes ou quelques fois par heure, selon l' intensité de l' activité, des jets de scories rougeoyantes et de lapillis qui peuvent atteindre jusqu' à trois cents mètres de hauteur ( cf. photos 1, 9a-d, 10 et 13 ). Certaines éruptions surviennent par surprise, comme une explosion, d' autres

s' annoncent par des jets de gaz qui feulent et grondent longuement.

Un sismomètre enregistre pratiquement chacune de ces éruptions. Il a été installé par le Dipartimento Georisorse et Territorio de l' Université d' Udine, à un endroit discret proche du sommet ( photo 6 ). Les mesures des secousses du sol sont transmises de façon ininterrompue par un émetteur à ondes courtes à un ordinateur installé au bureau des guides, près de l' église, dans la partie du village portant le nom de San Vincenzo ( photo 5 ). Les chiffres obtenus sont impressionnants: en 1992 par exemple, la station a enregistré 46421 « événements » ( voir ci-dessous ); en 1993 ce chiffre est monté à 65631, de même en 1994, pour redescendre à 49566 en 1995. Le Stromboli crache de la lave basaltique. La teneur en quartz relativement faible du magma et d' autres facteurs en font « un volcan auquel on peut se fier », le seul au monde d' ailleurs. Certes, les gaz montant du magma font sauter des lambeaux de lave toutes les quelques minutes par les cheminées ( comme un bouchon de champagne ). Mais le magma est liquide et son débit est assez lent pour permettre au dégazage de se dérouler généralement de façon inoffensive. Ainsi, il est rare qu' on assiste à des éruptions violentes et destructrices, comme on le voit pour tant d' autres volcans.

Des gaz acres et brûlants, une humidité qui se condense en brouillard et des cendres qui pleuvent du ciel font d' un séjour au sommet une aventure certes impressionnante pour tous les sens. Mais à l' exception des yeux qui pleurent et des accès de toux, la plupart des visiteurs du Stromboli font l' expérience d' un volcan inoffensif. Cela n' a pourtant pas toujours été le cas.

Fig. 2 Carte de l' île Stromboli. Elle se compose d' un cône volcanique et de deux zones un peu plus plates sur lesquelles ont été bâtis le village de Stromboli ( avec ses quartiers de San Vincenzo et de San Bartolo ) ainsi que le minuscule hameau de Ginostra. Au siècle dernier, quelques familles habitaient aussi à Punta Lena. La voie normale pour monter aux cratères passe par la Punta Labronzo et le point 865 m ( sommet apparent vu de San Vincenzo ) pour atteindre le Pizzo ( 918 m ). Mais le point culminant ( 924 m ) se trouve sur l' arête des Vancori, un bord de la caldera du Paléo-Stromboli. La descente directe sur San Vincenzo par la pente de cendres de la Rina Grande ne doit être choisie que de jour ou par des gens qui connaissent les lieux, car si on s' écarte du chemin, on peut se retrouver en terrain très abrupt.

Le StromboH a parlé

Dans la nuit du 15 au 16 octobre 1993, nous devons avoir dormi profondément. En tout cas, ce n' est qu' au matin que nous constatons que quelque chose d' anormal s' est passé: à l' hôtel Villagio Stromboli, le personnel est en train d' essuyer la cendre qui recouvre les meubles de jardin. « C' était effrayant cette nuit, n' avez pas eu peur? Le Stromboli a parlé », dit Nino, « et il y a eu un accident sur la montagne, mais maintenant le pire est passé. »

Plus tard, nous constaterons que la station sismique a été secouée à 01 h 10 par une éruption d' une violence inhabituelle qui a actionné la sécurité prévue, en débranchant l' appareil durant une minute pour éviter des dégâts à la partie électronique. Ensuite, la montagne a continué à vibrer

L' île de Stromboli vue du nord, juste avant le lever du soleil. A droite, au premier plan, les laves très érodées subsistant de la cheminée du « Strombolicchio ». Ses laves sont nettement plus anciennes que celles du Stromboli! Cette vue est celle qui s' offre aux voyageurs arrivant de Naples par bateau, quelques minutes avant d' accoster.

j Ai15 m Stromboli **Labronz° San Bartolo Sciara San Vincenzo del FuocoW^ Pizzo Rina Grande Ginostra *>KS A 924 m Vancori Pta. Lena 1 km

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durant plusieurs minutes avant de retrouver son calme ( fig. 5 B ). Les explosions normales avaient totalement cessé. Ce fait nous inquiète passablement. Une secousse plus forte se prépare-t-elle?

Tout d' abord, nous n' osons pas monter au sommet. Les habitants se montrent préoccupés eux aussi. Puis c' est la curiosité qui l' emporte et nous allons voir de plus près. Sur le Pizzo s' offre un spectacle effrayant ( photo 8 ). A l' endroit où nous avons passé tant de nuits s' entassent par douzaines des galettes de lave pétrifiée ( qu' on appelle scories de condensation ) d' un mètre de diamètre. L' une est couverte de duvet provenant d' un sac de couchage déchiré et de restes de mousse d' un matelas. Une personne souffre de brûlures, mais elle est parvenue à redescendre et elle a été conduite à l' hôpital de l' île Lipari. Par miracle, personne d' autre n' a été blessé. Nous retrouvons jusqu' à 600 mètres des cratères de nombreux points d' impact ( aujourd'hui, on ne peut plus voir ces scories, car on les a empor-

Le versant nord-ouest du volcan est inhospitalier. C' est la Sciara del Fuoco: ici, les blocs de lave projetés par le volcan dévalent continuellement vers la mer et parfois de vrais fleuves de lave s' y écoulent. En 1985/86 par exemple, une coulée particulièrement importante s' y est produite durant plusieurs jours; elle descendait jusqu' à la mer. On la voit ici sous forme d' une langue sombre tournée vers l' observateur.

C' est dans le bureau des guides, près de la place de l' église de San Vincenzo, que se trouve notre ordinateur, qui enregistre les données transmises depuis le sommet. Comme on le voit Tout différent est le côté nord-est de l' île, où se trouve la localité principale. Dans quelques cas très rares seulement, on a eu à déplorer au village des dégâts ou des victimes.

tées pour les utiliser à la construction d' un héliport au printemps 1996 ).

Le Stromboli n' est très manifestement pas inof-lensif actuellement non plus, même si le dernier accident mortel remonte à quelques années: le 25 juin 1986, un biologiste espagnol avait tenté de descendre dans l' un des cratères. Il fut surpris par une éruption, tenta de se mettre à l' abri, mais fit une chute et fut écrasé par une « bombe ».

sur la photo, il a besoin d' un nettoyage complet. Par mauvais temps, nous restons volontiers ici à suivre sur l' écran le sismo-gramme des éruptions en cours.

De grandes éruptions

Quant aux habitants de l' île de Stromboli, il ne leur viendrait pas à l' idée de monter sur le volcan. Beaucoup d' entre eux n' ont encore jamais mis les pieds au sommet. Les malheurs survenus dans les trente premières années de notre siècle sont encore dans toutes les mémoires.

C' est en effet à cette époque que se placent les éruptions les plus lourdes de conséquences: en 1907 et en 1912, la cendre du Stromboli tombe du ciel jusqu' en Calabre et en Sicile. Le 22 mai 1919, de puissants blocs tombent sur Ginostra, minuscule

Eruptions et intensité du tremor du Stromboli de mai 1992 à novembre 1994, mesurées par la station sismique.

- En bleu: nombre « d' événe » ( éruptions, voir l' échelle à gauche ). Lorsque les colonnes bleues manquent, les mesures ont été interrompues. Cela se produit en hiver, par mauvais temps, lorsque l' appro en courant par les cellules solaires est insuffisant.

- Colonnes noires: « événements qui saturent » ( ils sont particulièrement forts et dépassent la capacité du sismomètre; voir l' échelle de gauche ).

- Ligne rouge: intensité du tremor ( échelle arbitraire à droites-moyenne journalière des mesures faite chaque heure durant une minute.

La date du 16 octobre 1993 marque l' éruption la plus forte de ce laps de temps. Elle succédait à une période d' acti eruptive modérée et d' intensité du tremor en diminution.

Science et montagne Travaux d' entretien effectués en avril 1996 sur les cellules solaires qui fournissent la station sismique en courant depuis 10 ans, sans problème notable.. " " .Vue plongeante sur le village de Stromboli. A gauche Roberto Carniel, à droite Franco lacop.

village situé à l' ouest de l' île, et sur la localité plus importante de Stromboli, au nord-est. Quatre personnes perdent la vie à cette occasion, d' autres sont blessées. Le 11 septembre 1930 se produisit une violente éruption qui déclencha une avalanche incandescente: de la cendre brûlante s' était accumulée sur le versant raide de la montagne; elle se trouva en rupture d' équilibre et dévala la pente. Elle traversa le quartier de San Bartolo ( photo 2, tout à droite ) où six personnes lurent tuées. Ce fut une période de fort dépeuplement. Alors que l' île comptait encore 2716 habitants en 1891, ce chiffre descendit très rapidement durant les années vingt et trente et il ne s' est stabilisé que vers 1970 ( autour de 360 ).

Des maisons furent détruites également en 1941 et 43, mais les dommages ne furent pas assez sérieux pour pousser les habitants à quitter l' île. Des phases d' activité plus intense se sont produites depuis lors à plusieurs reprises. Elles se manifestent par de fortes explosions suivies de coulées de lave sur la « Sciara del Fuoco » ( « toboggan du feu », sur le versant nord-ouest, raide et dangereux, photo 3 ) jusqu' à la mer. Une activité particulièrement spectaculaire s' est déployée de décembre 1985 à avril 1986. Peut-on prévoir ces événements inhabituels? La question se pose.

Notre sismomètre installé près du sommet: on reconnaît les trois senseurs cylindriques qui enregistrent les secousses du sol en trois dimensions. Normalement, le récipient d' acier, en forme de caisse, est fermé hermétiquement et enfoui sous des éboulis de lave. Le petit miroir sert à lire les données difficilement accessibles.

8 Lors de la violente explosion du 16 octobre 1993, de grosses scories de condensation ont été précipitées jusqu' au Pizzo, où une bonne centaine de personnes se tiennent durant la nuit en été et en automne. La scorie photographiée ici a blessé une personne et cassé du matériel de camping. Bien que beaucoup de visiteurs le fassent, il est déconseillé de passer la nuit au sommet, car on risque d' être surpris par des éruptions spécialement violentes.

Les analyses sismiques

La station sismique mentionnée plus haut se consacre, entre autres, à ce problème. Il s' agit d' abord de recherche fondamentale: comment fonctionne le volcan? Y a-t-il des lois, une répétition des mêmes événements? En dépit du fait que le cratère est facile à atteindre et que les conditions d' observa y sont idéales ( où peut-on installer quasiment sans danger des instruments de mesure si près des cratères d' un volcan actif ?), on sait peu de choses sur le mécanisme du Stromboli et il n' existe pas de modèle qui permettrait de prévoir une évolution sortant de l' ordinaire. Le sismomètre reconnaît chaque « événement », donc chaque secousse du sol d' une certaine importance, provoquée en général par une éruption. De plus, les programmes de l' appareil doivent reconnaître si les oscillations dépassent une valeur minimale. Si c' est le cas, les données relatives aux 60 premières secondes de l' événement sont enregistrées dans l' ordinateur de San Vincenzo. Il arrive même parfois que plusieurs éruptions se produisent au cours d' une seule minute ( fig. 5 A ).

Science et montagne a.

Au cours des mois se dessine une image des variations d' activités du volcan, qui sont importantes ( fig. 3 ). Ainsi, au printemps 1993, à la fin de l' été 1994 et à nouveau d' avril à août 1996, on a enregistré plus de 500 événements par jour ( ce qui en fait un toutes les deux à trois minutes en moyenne ), alors que, après l' explosion inhabituellement violente du 16 octobre 1993, le volcan est resté étrangement calme, avec quelques douzaines d' événements par jour seulement.

Les visiteurs du Stromboli devraient savoir que personne n' a réussi jusqu' ici à constater une quelconque régularité dans la succession des éruptions. Le comportement des différentes cheminées est et reste imprévisible. Après une éruption, il peut s' écouler une heure sans que rien ne se passe. Ou bien une nouvelle éruption peut suivre quelques secondes après seulement. C' est donc une erreur fatale de croire qu' après une éruption, on dispose d' un certain délai de calme pour s' approcher des ouvertures.

De même, la direction où est projetée la matière peut varier énormément: en 1993, nous avons observé un cratère qui crachait durant des heures vers la droite, puis la direction a changé brusquement et sans avertissement. Quoi qu' en pensent les

touristes, il n' y a pas « d' endroit sûr » au bord d' un cratère du Stromboli.

Les dernières éruptions dangereuses jusqu' à la rédaction de cet article se sont produites le 1er juin et le 4 septembre 1996. Dans les deux cas, quelques personnes ont été légèrement blessées, non pour avoir reçu des scories, mais pour être tombées en fuyant les explosions soudaines.

Le tremor

La station sismique fait davantage qu' enregistrer les éruptions. Toutes les heures, elle capte durant une minute les vibrations légères du volcan qui persistent, plus ou moins fortes, entre les éruptions. Ces secousses portent le nom de « tremors » ( fig. 5 C ), un phénomène lié sans doute possible aux mouvements du magma et au dégazage dans les cheminées. Si une éruption se produit pendant la mesure de tremors, la station la détecte, interrompt la mesure en cours et essaie plus tard d' en faire une nouvelle.

Du reste, depuis 1992, les vibrations sont enregistrées en trois dimensions, à savoir dans la direc-

tion des cratères ainsi que verticalement et tangen-tiellement à cette première direction. Il faut remarquer que l' intensité du tremor change complètement après des phases d' activité plus forte du volcan ( fig. 3 ). En 1993, cela s' est produit trois fois, en février et en octobre conjointement à une éruption violente et en mai suite à une accumulation de petites éruptions normalement fortes accompagnées d' un petit flux de lave.

Dans chacun de ces trois cas, le tremor est descendu flpròl' événement jusqu' à des valeurs inhabituellement basses. Ceci est évidemment très intéressant pour ce qui concerne la dynamique du volcan. Mais comme cet effet ne survient qu' après, il n' a aucune valeur pour établir des pronostics.

L' analyse de l' intensité du tremor avant les événements a donné un résultat peu encourageant du point de vue des possibilités de prévision: en février, il était stable avant la grande éruption, en mai il était en augmentation et en octobre au

9a-d Déroulement typique d' une éruption du Stromboli ( septembre 1985 ): Des scories brûlantes sont projetées hors d' une des cheminées ( a ); en quelques secondes, l' éruption atteint son paroxysme ( b ) puis elle diminue lentement tandis que les scories tombent sur le bord du cratère et sur la Sciara del Fuoco ( e ), avant de glisser sur la pente et de s' éteindre ( d ).

contraire en diminution. Nous devons en conclure que l' intensité du tremor ( et du reste aussi le nombre des éruptions normales ) ne permet pas de prédire des événements plus importants.

Des vibrations lentes et plus rapides

Nous sommes donc obligés de chercher d' autres signaux si nous voulons faire des prévisions. L' un d' entre eux est la composition spectrale du tremor.

Science et montagne Fig.4 Distribution spectrale du tremor du Stromboli de S février ( en bas ) à novembre ï 1993 ( en haut ). Le rouge S marque les parties du spec- » tre plus fortes, le bleu les o. plus faibles. A gauche, les 4 fréquences plus basses w ( oscillations lentes ) et à * droite, les plus hautes fréquences ( oscillations plus rapides ). Après les explo-46 sions extraordinaires du 10 février et du 16 octobre ( dates relevées sur la figure ), on constate un brusque changement des fréquences basses vers les hautes.

On peut se représenter que les vibrations du volcan se composent d' un nombre infini de fréquences très diverses, petites ( correspondant à des oscillations lentes dans la pierre ) et grandes ( oscillations rapides ).

A l' aide de méthodes mathématiques, il est possible de démêler cet écheveau des fréquences des vibrations. On peut alors dessiner la répartition des fréquences. Il est intéressant de savoir que avant-chacune des trois grandes éruptions de 1993, la part des basses fréquences a augmenté, lentement mais visiblement ( fig. 4 ).

Cependant, nous sommes actuellement bien loin de pouvoir faire des prévisions sur les crises brusques et dangereuses. Mais les résultats montrent bien que l' observation permanente de la distribution spectrale du tremor vaut la peine d' être poursuivie et qu' elle pourrait peut-être effectivement être utilisée un jour pour prédire les périodes d' ins critique du volcan.

Ligne directe avec le Stromboli

La station sismique est en fonction depuis octobre 1989. Comme les vulcanologues, même passionnés, ne peuvent pas rester en permanence sur le Stromboli, l' enregistrement des données se fait autant

que possible de façon automatique: le sismographe du sommet est alimenté en courant électrique par des cellules solaires qui jusqu' ici ont résisté aux vapeurs brûlantes, au sirocco tempétueux ainsi qu' au vandalisme des passants ( touchons du bois !). Seules les cellules solaires et une minuscule antenne sont visibles. Le géophone d' enregistre des signaux ( photo 6 ), les batteries ainsi que l' émetteur à ondes courtes sont emballés dans des caisses d' acier et enfouis dans les éboulis et le sable. Ainsi, les travaux de révision sur cette station prennent l' allure d' une espèce de chasse au trésor!

De même, la station réceptrice et l' ordinateur du village travaillent de façon autonome, du moins tant que nous payons les factures d' électricité! En 1992, en effet, s' est produit l' incident suivant: l' avis de virement sur le compte de la Société italienne d' électricité ( qui entretient sur l' île un générateur électrique au diesel ) s' était perdu dans la jungle de la bureaucratie, à notre insu. Là-dessus, un électricien arriva et coupa carrément le fil. Notre ordinateur ne fut d' ailleurs pas seul à être paralysé: un quartier entier du village, sous l' église de San Vincenzo, fut également privé de courant!

En temps normal, notre station envoie des données en si grand nombre qu' elles ne peuvent pas

Exemple de graphiques enregistrés par la station sismique. De haut en bas:

- A: trois « événements » correspondant à trois éruptions des cratères sommitaux durant une minute.

- B: vibrations importantes durant la minute suivant la grande éruption du 16 octobre 1993 à 01 h 10.

- C: exemple d' un tremor intense ( C1 ) et faible ( C2 ). L' axe horizontal du temps est toujours à la même échelle ( la largeur entière correspondant à 60 secondes ). De même, l' échelle verticale choisie arbitrairement est toujours la même.

être stockées longtemps dans l' ordinateur. C' est pourquoi un guide de montagne est chargé de changer la bande magnétique tous les trois ou quatre jours et d' expédier la bande pleine à Udine. Touchons du bois une fois encore: aucune bande ne s' est perdue jusqu' ici, bravo pour la poste italienne! Pourtant nous avons perdu une fois des données, car une bande est arrivée vide à Udine; elle avait probablement été magnétisée en route, peut-être parce que le sac postal était resté à proximité d' un moteur électrique puissant.

Tandis que la grande masse des données prend le chemin du nord tout simplement par bateau ou par hydroptère puis par rail, nous accédons très rapidement à certaines de ces informations en nous bran-chant deux à trois fois par semaine, grâce au modem et au téléphone, sur l' ordinateur de Stromboli ( vive la technique et vive Internet !). Ceci nous permet de lire directement le nombre d' éruptions quotidiennes et la moyenne journalière de l' inten du tremor. Le but de tout cela n' est pas uniquement de satisfaire notre curiosité personnelle, comme nous allons le voir.

10 Au printemps 1996, l' activité du Stromboli a été particulièrement forte. Nous voyons ici une éruption du cratère 1. Mais également entre les éruptions proprement dites, ce cratère crachait régulièrement des scories isolées et notre station sismique a enregistré un tremor spécialement fort ( photo prise le 21 avril 1996 ).

12 La montée au Stromboli est pénible et dure environ trois heures, mais on ne peut pas se tromper de chemin et il n' y a pas de danger si on se comporte de façon raisonnable.

Un volcan pour ( presque ) tous

Nous nous sommes rendu compte que de telles données, disponibles très rapidement, pouvaient présenter un intérêt pour le grand public, les écoles, des équipes de recherche etc. Au printemps 1995, nous avons conclu une alliance inhabituelle, celle d' un professeur de géographie à l' Ecole cantonale de Bülach, dans le Bas Pays zurichois ( Jürg Alean ), et d' un spécialiste en électronique et vulcanologue à Udine ( Roberto Carniel ). Au bout de quelques mois, nous avons monté un programme nommé « Stromboli online » qui fonctionne de la façon suivante:

Les possesseurs d' un ordinateur relié à Internet peuvent se brancher chez nous et s' informer de l' activité actuelle du Stromboli. « Chez nous » veut dire par l' intermédiaire de l' Ecole Polytechnique de Zurich ( Ezlnfo ). Grâce à ce soutien de l' EPF de Zurich, notre service est accessible 24 heures sur 24 aux utilisateurs du monde entier. Les habitués d' Internet connaissent déjà l' avantage de la chose: il n' y a pas besoin de s' occuper de questions techniques. Il suffit de taper l' adresse suivante: http://www.ezinfo.ethz.ch/volcano/

Quand on furète dans « Stromboli online », on ne voit pas seulement des sismogrammes et des statistiques. Il y a de nombreuses photos, de courts vidéo-clips montrant des éruptions en son et lumière, plus des cartes et des informations diverses sur les grandes éruptions historiques du Stromboli. De plus, nous donnons des informations sur ce qui

Science et montagne 11 Durant le jour, on ne voit pas que les débris de lave sont incandescents. En revanche, les nuages de Photos: Jùrg Alean

se passe actuellement sur d' autres volcans du monde entier. Entre janvier et octobre 1996, nous avons parlé entre autres des volcans Karymsky ( Kamtchatka ), Etna ( Sicile ), Komagatake ( Japon ), Soufrière Hills ( à Montserrat dans les Antilles ), Popocatepetl ( Mexique ), d' une nouvelle éruption du Ruapehu, en Nouvelle-Zélande, et d' une éruption sous-marine dans le Pacifique ( Eastern Gemini Seamount ), ainsi que de l' éruption subglaciale en Islande.

En rapport avec le Stromboli, nous nous permettons aussi de montrer toutes sortes de curiosités, entre autres des images et des textes sur le célèbre film Stromboli, de Roberto Rossellini, avec Ingrid Bergman en vedette. Le tournage de ce film, en 1949, a représenté un événement important pour

cendres sont d' autant plus imposants. Le cratère 1 vu du chemin de montée en octobre 1986.

la population de l' île. C' est un document unique sur les conditions de vie sur cette île isolée dans l' immédiat après-guerre. Il n' y avait à l' époque ni courant électrique, ni ponton fixe pour accoster en bateau. Le matériel pour le tournage, les vivres et même l' eau potable durent être amenés sur l' île par bateau à rames. Pour transporter le matériel sur le volcan, on construisit une petite route jusqu' à 300 m d' altitude, celle que les touristes empruntent aujourd'hui encore durant la première heure de montée.

Nous espérons pouvoir développer notre service Internet. Par exemple en le complétant par des chapitres destinés spécialement aux écoliers. Le sujet

Science et montagne

du volcanisme dans les cours de géographie pourrait devenir ainsi plus actuel que jamais.

01 a

La dernière nuit sur le volcan

Même si les autoroutes de l' information permettent d' être présent virtuellement au Stromboli, rien ne vaut une ascension réelle de ce superbe volcan. A fin avril, nous marchons sur le sentier à travers une mer de fleurs. A Punta Labronzo, nous sommes en sueur, mais nous laissons à notre droite les pizzas et les bières sans nous arrêter. Nous sommes ainsi plus légers pour avancer ( photo 12 ) et quelques minutes plus tard, nous jouissons d' une vue panoramique sur la Sciara del Fuoco. En ce moment, des tonnes de blocs de lave roulent jusqu' à la mer, suivis de longues écharpes de poussière.

Même si c' est là ma cinquantième ascension environ ( j' ai renoncé à les compter depuis longtemps ), le chemin reste toujours fatigant. Il est poussiéreux mais il n' est pas dangereux pendant la journée. Le marcheur est récompensé sur le Pizzo, situé plus de 200 mètres au-dessus des cratères, par une vue saisissante sur la « cuisine du diable ». Le spectacle est particulièrement intéressant cette année: le cratère 1 ( tout à droite ) est constamment en éruption; il gronde et éructe sans interruption en crachant des blocs de lave à des douzaines de mètres de hauteur ( photo 10 ). A intervalles de quelques minutes, des éruptions fracassantes se

succèdent et, à deux reprises, une des cheminées fait même un rond de fumée qui monte verticalement dans le ciel de façon très décorative. Le cratère 2 se mure dans le silence. En revanche, le cratère 3 ( tout à gauche pour nous ) se surpasse lui-même dans le vacarme. Quand il se met à gronder, toutes les cinq ou dix minutes, on ne s' entend plus parler et le public éclate en applaudissements.

En attendant le crépuscule, nous cherchons des cristaux ( on trouve dans la cendre, même sur le sommet très fréquenté, de jolies augites d' un centimètre au maximum ) et nous marchons jusqu' au sommet sud, le Vancori, où nous arrivons au bout d' une heure. Cette arête rocheuse, imposante mais facile, est le point culminant de l' île ( 924 m ). On n' y monte que rarement, bien qu' elle offre un des plus beaux points de vue sur le Stromboli, loin de l' encombrement du Pizzo. A la tombée de la nuit, c' est le grand moment pour les photographes. Les lambeaux de lave rouges et lumineux jaillissent comme des gerbes de feu devant le ciel qui s' assom et retombent quelques secondes après avec un bruit de tambour sur les bords des cratères où ils s' éteignent lentement. Plus tard dans la soirée, le cratère 3 tire une fois encore tous ses registres, le cratère 1 l' imite, et bien que je sois rompu de fatigue, j' ai peine à m' arracher à ce feu d' artifice pour entreprendre la descente dans l' obscurité.

Traduit di' l par Annt' Use Riyo 13 Eruption oblique du cratère 1, le 12 octobre 1993: la direction de l' éruption peut changer brusquement. Il ne faut donc pas s' approcher des cratères, ni d' un côté, ni de l' autre. Les lumières à l' arrière sur la droite sont celles d' un bateau qui amène des touristes le soir à la base de la Sciara del Fuoco.

.ivres / Médias

.ibri, media

Jura et Valais, par l' Académie suisse des sciences naturelles, Migros, ainsi que par deux donateurs privés. Ces aides précieuses ont permis de fixer le prix de vente de l' ouvrage relativement bas ( 29 fr. 50 ), afin qu' il soit accessible à chacun.

En un peu plus de 200 pages, il n' est évidemment pas possible d' entrer dans tous les détails de l' his et de la nature géologiques d' un pays tel que la Suisse, aussi petit par sa surface que compliqué par ses structures. L' auteur s' en tient donc aux grandes lignes, qu' il n' en présente pas moins avec rigueur et en conformité avec les résultats des recherches les plus récentes. Après une brève histoire de la recherche en Suisse, il passe en revue les ensembles et sous-ensembles géologiques: Moyen-Pays ( molasse, glaciations ), Jura, Alpes ( en huit chapitres ). Il examine ensuite diverses questions classiques telles que le métamorphisme, les éboulements, les richesses du sous-sol, les météorites, les collections de minéraux etc. Un index, une bibliographie très fournie, des cartes géologiques, un lexique ( que le non-spécia-liste souhaiterait parfois plus étoffé ) complètent ce livre de base qui devrait faire une belle carrière auprès d' une foule de lecteurs, étudiants, enseignants, amateurs de sciences naturelles et, naturellement... alpinistes intéressés à connaître la nature et l' origine des terrains qu' ils affectionnent.

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