Sud-ouest libyen. L'appel du grand Sud | Club Alpin Suisse CAS
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Sud-ouest libyen. L'appel du grand Sud

LE SUD-OUEST LIBYEN

T E X T E / P H O T O S Stéphane Maire, Champex

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notre guide. Nous filons à toute allure sur les routes tuni-siennes. Arrivés aux environs de Tripoli, nous rencontrons notre chauffeur attitré et son 4x4. Sans trop tarder, nous chargeons nos affaires dans la voiture et démarrons, direction le grand Sud!

Une journée entière sera nécessaire pour nous approcher du but de notre visite. Le temps de nous acclimater et de nous imprégner de cette ambiance si particulière aux contrées vides... La verdure des côtes méditerranéennes, les dattiers et l' affluence de la capitale laissent lentement place aux rigueurs des étendues stériles. Des centaines de kilomètres durant, nous allons découvrir un horizon plat, une route d' une rectitude absolue et nous ne verrons rien d' autre que ce reg qui n' en finit pas. S' arrêter ici, c' est à coup sûr le moyen idéal pour donner le vertige au plus aguerri des alpinistes! Mais c' est beaucoup moins l' ab que la présence d' êtres humains dans ce décor qui semble extraordinaire! On devine de temps en temps, au loin, un petit point qui grandit imperceptiblement. Puis, peu à peu, le point prend forme. On se convainc alors de la réalité de sa présence. C' est bien d' une silhouette humaine qu' il s' agit. Et comme un homme en appelle un autre, on en aperçoit ensuite plusieurs qui finiront même par former un village. Les ruelles sont vite traversées et,

Les premières dunes de l' Erg de Mourzouk. Après des kilomètres de plateaux désolés, nous venons buter contre les remparts d' une région encore inexplorée Photo: Stéphane Maire f_36_43.qxd 11.8.2003 14:32 Uhr Seite 37 LES ALPES 8/2003

VOYAGES, RENCONTRES, PERSONNALITÉS

Au sud de l' Acacus, les Tassilis se morcellent et le sable reprend ses droits. Au noir des plaines de grès succèdent les ocres des roches patiemment usées par les vents Formations typiques des bordures de Tassili qui paraissent défendues par une armée de gardes. Mais il vaut la peine de braver ses peurs et de se laisser attirer par l' intérieur de cette forteresse Les contrastes thermiques sont très importants au Sahara et il fait bon revenir au coin du feu au crépuscule. Un sac de couchage assez chaud permettra alors de profiter du silence des confins libyens et de la voûte céleste étoilée Pho to s: S téph ane Ma ire f_36_43.qxd 11.8.2003 14:33 Uhr Seite 38 LES ALPES 8/2003

une fois les habitations derrière soi, on se retourne et on se frotte les yeux. Non, ce n' était pas un mirage. Mais il y a plus impressionnant encore: les postes de police, plantés au milieu de nulle part. Un abri de pierre, une barrière, deux ou trois personnages en uniforme. « Nous devons leur donner vos noms et l' itinéraire prévu », nous confie Khaled. Soit. Mais que font ces gens le reste du temps? Mystère, à donner le tournis lui aussi.

Un paysage montagneux en miniature

Une nuit de sommeil dans un hôtel à Sehba et nous repartons pour Tkerkiba, d' où nous quittons enfin le bitume. Dans chaque village traversé, nous constatons avec surprise l' aspect inachevé des habitations. Nous profitons de notre passage dans l' un d' eux pour nous ravitailler en pain. La boulangerie paraît abandonnée et seule la connaissance des lieux de nos guides leur permet de la localiser.

Puis nous prenons la direction de l' Erg d' Oubari, dont les premières dunes nous narguent, à une centaine de mètres à peine du relais où nous prenons notre repas. Une surprise nous attend dès les premiers kilomètres de piste: la présence fréquente de grands plateaux sableux. J' avais toujours imaginé les champs de dunes comme une succession infinie de crêtes, mais je découvre en fait un vrai paysage montagneux en miniature. De larges vallées, bordées de reliefs plus ou moins imposants. Grandeur du décor.

Enfin le voilà, le grand désert!

Du sable, rien que du sable, à perte de vue... Et pourtant. Quelques heures passent et nous arrivons sur les bords d' un lac auquel la région doit sa réputation. Celle-ci se caractérise en effet par la présence de plusieurs plans d' eau, au cœur d' un pays où l'on a relevé la plus haute température de la Terre, à savoir 58° C! Le paradoxe est là, on trouve de l' eau dans le désert, et parfois même en abondance. Mais les lacs que nous découvrons ne peuvent prétendre nous désaltérer puisqu' il s' agit ici d' eau salée... Cela n' enlève rien à la magie de cette vision insolite, de sorte que nous décidons de passer la nuit sur place. Nous montons notre campement aux abords

Quand Dame Nature se fait architecte...

Terres brûlées des confins libyens. L' oxydation des grès porte vraiment à croire que la Libye ne détient pas le record de chaleur pour rien!

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VOYAGES, RENCONTRES, PERSONNALITÉS

d' Oum Elma ( « la mère des eaux » ) et nous nous préparons à notre premier d' une longue série de bivouacs. Les heures qui suivent sont destinées à rester profondément ancrées dans nos mémoires, tant la nature semble s' être parée pour faire notre bonheur.

Déjeuner au bord du feu, se réchauffer en buvant un thé à la menthe très sucré, puis accueillir le soleil qui se hisse au-dessus des dunes qui retrouvent leurs couleurs chaleureuses, quelle belle façon de repartir! Les lacs qui, par le passé, ont attiré des nomades ( des restes d' habita sont encore visibles par endroits ), ne reçoivent plus aujourd'hui que la visite des touristes. Comme toute peuplade errante, les voyageurs du désert dérangeaient. Ne pas savoir où se trouvent ses citoyens, quel drame! Khaled, désirant nous brosser un portrait aussi brillant que possible de son pays, nous explique cet état de fait de façon détournée: « Le gouvernement les a déplacés parce qu' on ne pouvait pas leur amener d' électricité. »

Un paysage lunaire

Revenus sur l' axe routier principal, nous filons plein ouest, jusqu' à Al Awaynat, porte d' entrée vers l' Akakus et ses paysages de pierres. La frontière algérienne se rapproche et des noms de légendes résonnent déjà. Le Tassili N' Ajjer, probablement l' une des plus célèbres formations géologiques d' Afrique du Nord, se prolonge en Libye pour former ce que l'on appelle la Tadrart. Les plateaux de grès connaissent ici une érosion avancée, ce

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qui donne aux décors un aspect lunaire. L' absence d' arbres au cœur du désert nous oblige à nous approvisionner avant de pénétrer dans ce monde stérile. Quelques acacias secs, qui jonchent le bord de la route, feront très bien l' affaire. Notre coupe de bois achevée, nous voilà parés pour une semaine de déambulation loin de tout.

Derrière nous, ce que nous croyons être les dernières traces de civilisation. Au loin, une étroite bande grise sur l' horizon et, au premier plan, le reg. A mesure que nous nous approchons des premiers rochers, notre sentiment d' entrer dans un royaume inconnu s' intensifie. Que trou-verons-nous derrière la porte de ce château?

Nous découvrons immédiatement que l' altération a créé ici des formes à la fois étranges et merveilleuses. Notre imagination nous permet d' entrevoir parfois une silhouette humaine. Probablement les gardiens du château... L' emprise du royaume minéral se veut toujours aussi forte et les rochers résistent vaillamment à l' assaut des sables. Le contraste des teintes entre ces deux éléments rend le spectacle magnifique et l' impression de cheminer au cœur d' une forêt de pierres est extraordinaire. Le grès très sombre, oxydé en surface, semble avoir été cuit par le soleil implacable qui règne l' année durant, tandis que les sables alentour se peignent de couleurs chaleureuses.

« La mère des eaux », vision enchanteresse au cœur des étendues sans fin de l' Erg d' Oubari. Mais l' oasis ne tient pas toutes ses promesses puisque l' eau y est salée f_36_43.qxd 11.8.2003 14:21 Uhr Seite 41 LES ALPES 8/2003

VOYAGES, RENCONTRES, PERSONNALITÉS

Une citerne enchantée

Durant plusieurs heures, nous déambulons ainsi, émerveillés. La piste serpente entre les massifs rocheux et seule l' expérience de nos guides nous permet de poursuivre dans ce labyrinthe enchanteur. En milieu d' après, nous faisons halte et montons notre campement, à l' abri d' un surplomb. Enfin nous pouvons nous arrêter, marcher et nous imprégner de l' atmosphère irréelle qui baigne l' endroit. Le décor porte les traces de l' action passée de l' eau. Le Sahara n' a en effet pas toujours été aussi hostile.

Des jours durant, nous nous laissons guider par les oueds ( appelés ici « wadi » ), par ces bandes de sable qui se faufilent au cœur des Tassilis. Rares seront les rencontres. Au milieu de nulle part, nous tombons sur un camion, les quatre pneus crevés, le moteur en piteux état, mais dont la citerne regorge d' eau. Je ne parviendrai pas à savoir comment ce réservoir se remplit et devrai repartir sans avoir pu satisfaire ma curiosité!

Aujourd'hui, il faut se déplacer pour s' approvisionner et disposer de ce précieux liquide qu' est l' eau. Il y a quelques dizaines de milliers d' années, les fleuves coulaient ici, permettant à la vie de se développer. En at-

Vagues de sable qui appelleront bientôt des explorateurs comme la mer appelle le marin Pho to: S téph ane Ma ire

testent les nombreuses gravures et peintures rupestres de qualité que nous découvrons les jours suivants.

La Tadrart

Approchant de l' extrême sud du Tassili, nous entrons dans le royaume de la Tadrart. Les plateaux de grès se morcellent et font place à une véritable forêt de pierres. L' éblouissement est total et nous restons abasourdis face au spectacle. Nos guides avaient prévu d' y faire une halte. Heureuse idée.

Lorsque nous quittons les lieux le lendemain, nous croyons laisser derrière nous le point fort du voyage, mais la Libye nous réserve encore une belle surprise. Après une nouvelle série de kilomètres à travers les plateaux désertiques, nous approchons d' un erg au nom chantant: Mourzouk. Khaled nous apprend que sa traversée n' a pas encore été tentée et que nous devrons nous contenter de rester sur sa bordure. Mais cela ne nous empêche pas de le pénétrer du regard. Notre bivouac installé, nous gravissons les hautes dunes qui délimitent l' erg et nous nous trouvons bientôt comme l' homme au bord de l' océan. De gigantesques vagues de sable à perte de vue. L' appel se fait très fort, mais nous savons bien que, dans trois jours, nous reprendrons l' avion pour la Suisse. Une autre fois peut-être. La teinte des sables, étonnante en plein jour déjà, va se révéler magique au crépuscule, se peignant de reflets cuivrés. Ce soir, au coin de notre dernier feu, la nostalgie s' empare déjà de nous. a

f_36_43.qxd 11.8.2003 14:21 Uhr Seite 42 Gravissez une dune et c' est le monde qui s' offre à vous! La pureté de l' air permet de distinguer des détails sur des distances extraordinaires Nous voilà parvenus dans la Tadrart. Les Tassilis se meurent dans les sables et l' Algérie n' est plus très loin f_36_43.qxd 11.8.2003 14:21 Uhr Seite 43

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Une vie des extrêmes

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