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Sur la haute Route à «Hoch-Tirol» vers le plus haut sommet d'Autriche

Tout est tranquille dans le Windtal. Pas un souffle, pas un bruit sinon le glissement régulier de nos peaux dans la trace et le claquement des fixations. Nous poussons nos skis sur la neige en silence. « C' est pas loin, mais la haute route se mérite » nous dit Sigi, notre guide tyrolien. Il désigne devant nous l' Ahrner Kopf et le Hintere Umbaltörl, un ancien passage de contrebandiers entre le Tyrol oriental et le Tyrol du sud.

Qui entend « Haute Route » pense immanquablement aux Alpes valaisannes: ses grands classiques sont la mesure de toute chose en ski-alpinisme. Même si nous sommes ambitieux, nous avons peu d' expérience. Les trois mille nous suffisent donc. Pour ce qui est de la condition physique, la haute route tyrolienne n' a rien à envier à son modèle suisse. Cette traversée en six jours des plus beaux trois mille des Hohe Tauern médianes et occidentales est une variante de la « Tauern Haute Route » du Tyrol oriental. C' est une aventure exigeante qui peut aussi se déguster de façon plus modérée. On peut l' inter par exemple le troisième jour au Matreier Tauernhaus ou le quatrième jour près du Lucknerhaus. Dès le départ, on plonge dans le monde glaciaire des Hohe Tauern. Une montée, une descente, et ça recommence! Après quelques conversions, qui nous ont fait dégouliner des flots de sueurs, on atteint une première hauteur,à 2848 m. Puis on descend de 300 mètres, avant de remonter de 516 mètres et de redescendre encore de 848 mètres... Jusqu' à la cabane du Essener-Rostock, notre premier hébergement, les dénivellations vont s' accumuler pendant sept heures. Nous arrivons à la cabane dans l' après, après une descente depuis le Reggen Törl dans un paysage de carte postale.

Nos discussions et nos regards se portent bientôt vers des buts plus élevés. Le départ pour le Venediger, quatrième sommet d' Autriche, dans un paysage glaciaire où la neige étincelle comme du métal en fusion, est une expérience qui va laisser des traces. Le programme est bien conçu. Il prévoit une belle descente de névé raide qui fait briller les yeux des skieurs les plus blasés. Dans ses écrits, le gentilhomme Ignaz von Kürsinger personnifie le sommet principal du groupe du Venediger qu' il présente comme « sa Majesté aussi vieille que le monde ». C' est l' une des montagnes glaciaires les plus belles et les plus fascinantes des Alpes orientales. Quatre arêtes géantes bien écartées, entre lesquelles brillent des bassins glaciaires accrochés sur les hauteurs et qui soutiennent une couronne de glace étincelante. Cette majestueuse pyramide blanche se distingue loin à la ronde.

Le temps, d' abord maussade, s' améliore. Heureusement, car nous avons une dénivellation de 1553 mètres à effectuer au départ du Defregger Haus, dans le paysage glaciaire du Rainerkees. Pour rompre la monotonie de la montée, nous franchissons un court passage très exposé, juste avant d' atteindre la croix sommitale du Venediger. Nous admirons enfin un panorama de rêve sur presque tous les cols et les sommets de la haute route, que nous avons derrière ou devant nous. Selon Sigi, on devine même le massif de la Bernina, au loin. Une descente de 2000 mètres sur le Schlatenkees, dangereuse à cause des crevasses, nous conduit ensuite jusqu' au pittoresque fond de vallée du Innergschlöss.

«Les glaciers s' appellent chez nous Kees, à l' ouest du Wipptal, et Ferner, à l' est», nous informe Sigi, le soir au Matreier Tauernhaus, tandis que nous jouons aux devinettes. Nous sommes attablés dans un des plus anciens refuges des Tauern, qui servait dès le Moyen Age de relais pour les caravanes de marchands qui franchissaient les cols des Alpes. Qui, des marchands italiens qui passaient par le Ferlber Tauern ou des chercheurs de trésor légendaires venus de la région de Venise, ont donné leur nom au Venediger? On l' ignore. Quoi qu' il en soit, après une tentative manquée de Kürsinger et de l' archiduc Johann en 1828, le Grossvenediger a été gravi pour la première fois le 3 septembre 1841 par la combe nord et la Venedigerscharte, soit 41 ans après le Grossglockner.

Ce nom fait briller nos yeux. Mais avant de nous offrir l' ascension du point culminant d' Autriche, nous effectuons deux courses très intéressantes d' une journée dans le massif de la Granatspitze, dont le Sonnblick, un autre sommet qu' on ne se lasse pas d' admirer. La vue splendide sur les versants glaciaires et les géants de glace imposants suscite des commentaires un peu légers. « Ne sous-estimez pas les glaciers, dit Sigi, ils nous offrent le plaisir du ski, d' accord, mais ils peuvent être traîtres. » Entrer dans le paradis des neiges demande donc quelques précautions: partir entre début mars et mi-mai ( périodes d' ouverture des cabanes ), prendre un guide ou disposer d' une solide expérience et de bonnes connaissances de la montagne. A la cabane Rudolf, notre quatrième étape, bien des choses ont changé depuis notre dernière visite qui remonte à 1990.

Sauna, salle de fitness, bibliothèque, mur de grimpe, bar et chambres avec douche, tel est le luxe ambiant. Nous savons du reste l' apprécier, avant d' attaquer les 775 mètres de dénivelé qui nous mènent à la Granatspitze. Après une brève escalade sur les gros blocs de l' arê est, très raide, nous retournons au dépôt des skis pour nous lancer dans une longue descente excitante, puis plus tranquille, jusqu' au Dorfer Tal. Là, un trajet en taxi nous permet de rejoindre le Lucknerhaus. En fin d' après, nous rassemblons nos dernières forces pour franchir les 900 m de montée jusqu' à la cabane Stüdl, en forme de de-mi-tonneau. Poussés par l' idée qu' une seule nuit nous sépare du sommet du « roi des Tauern », le Grossglockner, nous avançons comme par miracle.

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