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En ce moment même, vous tenez entre vos mains la deuxième édition des « Alpes nouvelle formule ». Et dans deux ou trois numéros, vous ne pourrez plus qu' à grand-peine vous souvenir de son ancienne présentation. Le changement est, à mon avis, une réussite. Grâce au sommaire, moderne et agréable à lire, aux renvois aux articles les plus importants, à la diminution du nombre des rubriques et à la possibilité d' améliorer la mise en page des éditions des deux langues, la qualité des « Alpes » a sensiblement augmenté.

Cela montre une fois de plus que la qualité ne peut être garantie, à long terme, que par de constantes remises en question et améliorations. Et ce qui vaut pour notre mensuel, le vaut également pour l' ensemble du Club. Là aussi, nous sommes toujours en mouvement. Vous voulez un exemple? Les catégories de membres: en tant que membre « normal » du CAS, vous ne vous en êtes probablement jamais préoccupé, mais en tant que père de famille ou en tant que jeune d' une vingtaine d' années, peut-être un peu plus. Pourquoi passe-t-on du statut de membre OJ à celui de membre adulte à l' âge de vingt-deux ans, ni plus ni moins? Pourquoi un enfant peut-il seulement devenir membre à l' âge de dix ans? Pourquoi les couples mariés et non mariés sont-ils traités différemment? Un groupe de travail planche actuellement sur ces questions et leur cherche des solutions actuelles qui répondent aux besoins des membres – aucune révolution, mais une évolution nécessaire, qui sied bien au CAS à l' aube du troisième millénaire. a

PETE R MÄDE R,

secrétaire général ( trad. )

CAS · un alpinisme responsable

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LE DÉSERT BLANC

L' Egypte et le désert – cette alliance remonte à la nuit des temps. Pourtant, le Désert blanc, contrée crayeuse à 600 km au sud du Caire, est un joyau encore inconnu.

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RANDONNÉE BORÉALE, LAPONIE SUÉDOISE

La Laponie suédoise n' est pas seulement le domaine du Père Noël, mais aussi le paradis des randonnées à ski... à condition d' aimer la solitude, le froid et le blizzard!

LES ALPES 2/2001

Avalanches: études effectuées dans la vallée de la Sionne en 1999

Sur la piste des ava-lanches-catastrophes

L' hiver 1998/99 a démontré que les avalanches ne représentaient pas un péril pour les seuls skieurs et snowboarders, mais qu' elles pouvaient, encore aujourd'hui, mettre en danger les agglomérations et les voies de communication, lors de circonstances exceptionnelles. Dans le site de recherche de la vallée de la Sionne de l' ENA, le déclenchement artificiel de grandes avalanches a permis de recueillir des informations précieuses pour comprendre leur fonctionnement. Mais ces données se révèlent aussi un atout pour l' amé du territoire: elles serviront à développer des appareils qui établiront des cartes précises des dangers d' avalanches et qui calcule-ront la dimension exacte des ouvrages paravalanches.

Les avalanches, une menace périodique pour les agglomérations Dès le XVII e siècle, de nombreux écrits témoignent de la fréquence des accidents d' avalanche dans les zones habitées et dressent un bilan lourd des victimes humaines. Plus récemment, lors de l' hiver 1950/51, 98 personnes ont péri sous les avalanches. Au terme de cet « hiver du siècle », la Confédération a décidé d' intensifier ses efforts de recherche pour diminuer les effets dévastateurs des avalanches. L' Institut fédéral pour l' étu de la neige et des avalanches de Davos ( ENA ) a, depuis, tout mis en œuvre pour que les moyens de lutte active ( ouvrages paravalanches dans les zones à risques, digues pour dévier ou bloquer les avalanches ) et passive ( carte des dangers pour l' aménagement du territoire, prévision des avalanches ) contre les avalanches soient sensiblement améliorés. Ces dernières quarante années, les cantons et les communes ont pu, grâce au soutien financier de la Confédération, mettre en œuvre bon nombre de ces mesures de prévention. Un tel déploiement de moyens était justifié: entre le 26 janvier et le 25 février 1999, trois dépressions successives se sont abattues sur les Alpes suisses, augmentant le manteau neigeux de plus de 5 m. Une telle masse de neige fraîche a occasionné plusieurs grandes avalanches, qui ont entraîné des dégâts matériels considérables et ont fait 17 victimes 1. Tout en étant encore trop élevé, le bilan des pertes humaines est sensiblement moins lourd que celui de l' hiver 1951. Les efforts déployés ont donc visiblement porté leurs fruits, d' autant plus que le nombre de résidants dans l' espace alpin a triplé depuis 1951.

L' Office fédéral de l' environnement, des forêts et du paysage a chargé l' ENA d' effectuer une analyse des événements, qui a mis en évidence tant les succès que les lacunes de la prévention et de l' orga des services de sécurité. Il s' agit désormais de remédier à ces manquements. A cet égard, les connaissances acquises par l' ENA grâce au site de recherche de la vallée de la Sionne seront d' un apport majeur.

Le site de recherche de la vallée de la Sionne Le but des études menées par l' ENA dans le site de la vallée de la Sionne 2 sur le territoire de la commune d' Arbaz ( VS ) est de mesurer le plus de paramètres physiques possibles des grandes avalanches, pour mieux comprendre leur processus. Ces nouvelles données doivent permettre d' améliorer les modèles d' avalanche existants et de développer de nouvelles méthodes numériques de simulation. Ces modèles serviront ensuite à établir plus précisément les cartes des dangers et à dimensionner plus exactement les ouvrages paravalanches.

Pour recueillir les données suffisantes au développement de modèles de qualité, il est nécessaire d' avoir à disposition des données sur les zones de rupture et de dépôt ( volume et densité ), mais aussi sur les vitesses, les pressions et les hauteurs des avalanches. De telles mesures sont dangereuses: pour minimiser le risque encouru par les chercheurs, il fallait trouver un lieu de recherche approprié.

Le site de la vallée de la Sionne, au nord de Sion, a été retenu en raison de

1 Cf. Les Alpes 5/99 2 Les recherches effectuées dans la vallée de la Sionne n' auraient pas été possibles sans le soutien financier du Conseil des EPF, du canton du Valais, de la coopération transfrontalière INTERREG II, de l' Office fédéral de l' environnement, des forêts et du paysage et de l' Office fédéral des routes. Nous les remercions sincèrement. Nous sommes également reconnaissants à la commune d' Arbaz, en Valais, d' avoir mis son terrain à disposition de la recherche.

Dépôts d' avalanche à Geschinen ( VS ) Pho to :A .La gge r

Science et montagne

Scienza e mondo alpino

Wissenschaft und Bergwelt

LES ALPES 2/2001 Le couloir Crêta Besse Situation du site de recherche Photo: J. Vallet De CN 1:200000, feuille 3; reproduit avec l' autorisation de l' Office fédéral de la topographie ( BA 003004 ) LES ALPES 2/2001

ses particularités topographiques: un couloir d' une pente entre 25° et 45° avec un grand dénivelé ( 1200 m ), de bonnes possibilités de mesures et d' observations depuis le versant opposé, des routes d' accès sûres et un climat favorable. Le couloir Crêta Besse a ainsi été équipé de différents appareils de mesure et d' obs qui permettent de déterminer les hauteurs et les pressions des avalanches, tandis que le versant opposé a vu la construction d' un bunker doté de radars qui mesurent la vitesse des avalanches.

Recherches effectuées en 1999 Comme sur le reste des Alpes suisses, par fort vent du nord-ouest, trois périodes de fortes chutes de neige se sont succédé sans interruption. A chaque fois, il tombait entre 1,2 et 1,5 m de neige. En même temps, des rafales de vent tempétueuses ont massé la neige dans la zone de rupture exposée au sud. Après chaque chute de neige, une courte période de beau temps a permis de déclencher artificiellement trois grandes avalanches, le 30 janvier, le 10 et le 25 février. Les avalanches ont chacune atteint les obstacles situés dans le couloir, ainsi que l' abri d' observation construit sur le versant opposé. On a estimé que c' était une chance de pouvoir effectuer des mesures détaillées de grandes avalanches au moment où tout l' arc Alpin était touché par des catastrophes analogues. En revanche, elles étaient d' une ampleur telle qu' il a fallu déplorer quelques dégâts sur les obstacles, sur les routes et sur les forêts. Mais les dommages sont restés dans des limites acceptables.

Résultats des recherches Les paragraphes suivants exposent brièvement les principaux résultats des recherches effectuées dans la vallée de la Sionne au cours de l' année 1999. Bilan des masses des avalanches Grâce à la photogrammétrie, méthode permettant de restituer le terrain en trois dimensions, on a pu mesurer l' épaisseur de la cassure et le volume total du dépôt des trois avalanches. L' épaisseur moyenne de la cassure se situait entre 1 et 2,1 m. Lors de l' ava du 10 février, on a aussi pu estimer plus précisément le volume de neige de la zone de rupture. D' après les résultats, il est clairement apparu que l' épaisseur de la cassure n' était pas automatiquement représentative du volume de neige de cette zone, mais qu' elle ne donnait qu' un ordre de grandeur de l' avalanche.

Avalanche du 10 février devant les obstacles Contours des trois avalanches déclenchées artificiellement le 30 janvier, le 10 et le 25 février De CN 1:100000, feuille 41, Col du Pillon; reproduit avec l' autorisation de l' Office fédéral de la topographie ( BA003004 ) Photo: Archiv ENA LES ALPES 2/2001

Comme partout ailleurs, le volume de neige déposé dans la vallée de la Sionne était immense. Après les trois avalanches, la neige remplissait 1,4 million m 3 de la vallée. La hauteur maximale de la zone de dépôt a dépassé les 30 m et les trois avalanches ont atteint le versant opposé. Après celle du 25 février, il a même été nécessaire de creuser un trou de 5 m pour libérer les occupants de l' abri d' observation: la densité de la neige était telle qu' elle a nécessité l' utili d' une tronçonneuse. Dans la zone de dépôt, la neige avait, après chacune des avalanches, une densité de 400 à 5000 kg/m 3, ce qui correspond environ à la moitié de la densité moyenne de la glace.

Le fait que les volumes de neige de la zone de rupture soient nettement inférieurs à ceux de la zone de dépôt a permis de déterminer que l' avalanche n' avait pas seulement transporté la neige de la zone de cassure jusque dans la vallée, mais qu' elle avait aussi emporté toute la neige fraîche et une partie de l' ancien manteau neigeux. Cette observation a été confirmée par les radars installés le long de la trajectoire de l' ava, qui ont permis d' analyser et de définir les différentes couches du manteau neigeux et de l' avalanche. L' ac du volume de neige emportée par l' avalanche au fil de sa trajectoire influence notablement la hauteur du dépôt. Jusque lors, les modèles de simulation d' avalanches n' avaient pas suffisamment tenu compte de ce fait: à l' ave, ils gagneront en précision.

Mesure des vitesses Pour pouvoir définir le plus précisément possible les vitesses des avalanches, on a effectué des mesures par vidéo et par radars. Le but des prises vidéo, établies depuis différents points de vue, était de restituer la position du front de l' ava et le développement du nuage de poudreuse, à chaque moment. Les images vidéo ont été géoréférencées au moyen de points d' ajustage et de modèles numériques de terrain. Il a ainsi été possible de représenter l' évolution de la position du front sur une carte. Les images vidéo ont également permis de définir la vitesse moyenne du front en fonction d' un profil de trajec-

« Sortie » du bunker après l' avalanche du 25 février 1999 Photo: M. Schaer, ENA Pho to :F .D ufo ur ,EN A LES ALPES 2/2001

toire choisi – dans la zone des obstacles, elle variait de 180 ( 30 janvier ) à 280 km/h ( 25 févrieret d' estimer la hauteur du nuage de poudreuse en certains points.

Les radars installés dans le bunker et dirigés sur le parcours de l' avalanche ont non seulement mesuré la vitesse du front, mais également les vitesses maximales à l' intérieur de l' avalanche. Le 25 février, la vitesse à l' intérieur de l' avalanche a atteint un maximum: 400 km/h, soit 100 km/h de plus que celle du front. Ces résultats montrent clairement le caractère turbulent des grandes avalanches et permettent une meilleure compréhension de leur dynamique.

Mesure des pressions Comme certaines avalanches étaient nettement plus grandes que l' avalanche de référence, les obstacles construits sur leur trajectoire pour mesurer les pressions qu' elles exerçaient ont subi quelques dommages. Cependant, on a pu effectuer plusieurs mesures importantes sur l' interaction entre l' avalanche et les obstacles. Le 10 février, on a enregistré tence de trois différentes couches: une partie inférieure dense, une couche intermédiaire composée de « boules » de neige de 1 à 100 cm ( couche de saltation ) et un nuage de poudreuse ( aéro-sol ). Les chocs ponctuels mesurés ont

une pression quasi stationnaire de 50 t/m 2 ( équivalant au poids d' environ vingt éléphants sur un mètre carré ) durant une période de plusieurs secondes, et des chocs ponctuels de particules allant jusqu' à 120 t/m 2. Ces mesures ont confirmé la nécessité de tenir compte, dans l' établissement de modèles dynamiques d' avalanches mixtes, de l' exis

Cassure dans la zone de rupture Dégâts occasionnés aux obstacles après le passage consécutif des trois grandes avalanches Le bunker, partiellement recouvert de neige; il était important de bien fermer les clapets de l' étage supérieur avant l' ar de l' avalanche!

Hauteur de la neige de la cassure de l' avalanche du 25 février 1999 ( moyenne: 2,1 m ) Pho to :F .D ufo ur ,EN A 0 O.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 Distance horizontale de la cassure [m] Ha ut eur de la ca ssur e [m ] LES ALPES 2/2001 Coupe longitudinale type d' une avalanche mixte Front de l' avalanche de poudreuse du 25 février 1999 Pho to :A .Wa lke r LES ALPES 2/2001

été provoqués par les boules de neige de la couche de saltation, ce dont ont également témoigné les images vidéo prises depuis le bunker juste avant l' arrivée de l' avalanche.

Recherches sur la fréquence, à partir des dégâts causés à la forêt Pour définir les zones à risques d' une région habitée, il ne suffit pas de connaître les forces engendrées par une avalanche, mais il faut aussi savoir avec quelle fréquence une avalanche d' une certaine dimension peut se produire. La détermination de cette période de retour a été estimée pour les avalanches de 1999 dans la vallée de la Sionne en étudiant aussi bien l' âge des arbres intacts que celui des arbres endommagés ou détruits. Sur la pente de Crêta Besse, certains îlots de forêts n' avaient plus subi de dommages consécutifs à des avalanches depuis plus de 250 ans. L' arbre le plus ancien que les avalanches de l' hi 98/99 ont détruit avait 207 ans. Cependant, comme la plupart des grands arbres détruits ne sont âgés « que » de 100 ans, on estime que la période de retour de l' avalanche du 25 février devrait être d' environ un siècle. En outre, les échantillons prélevés sur les arbres endommagés ont fourni de précieuses informations sur les pressions que les avalanches ont produites sur la forêt.

Enseignements L' hiver 98/99 s' est révélé d' une très grande richesse pour la recherche. Les données récoltées ont ainsi permis de mieux cerner la dynamique des « grandes avalanches ». Les touristes et les habitants de l' arc Alpin pourront profiter des informations recueillies, qui se montrent d' une grande utilité pour l' aménagement du territoire en ce qu' el permettent de déterminer précisément les zones de danger et de construire des ouvrages paravalanches d' un format adapté. a

François Dufour, Urs Gruber et Walter J. Ammann, Institut fédéral pour l' étude de la neige et des avalanches, ENA, Davos

Bibliographie

Apprivoiser le risque d' avalanches: les enseignements de l' hiver 1999. Editeur: Office fédéral de l' environ, des forêts et du paysage ( OFEFP ). Distribution: OFCL/EDMZ, 3003 Berne; n° de commande: 31O.025f ( français ), 31O.025d ( allemand ). Der Lawinenwinter 1999. Ereignisanalyse. Davos, Office fédéral de l' étude de la neige et des avalanches ENA, 588 pages. Adresse de commande: Office fédéral de l' étude de la neige et des avalanches ENA, Flüelastrasse 11, 7260 Davos. Prix: 49.– fr.

Courbes sur l' évolution du front de l' avalanche; l' espace entre deux courbes correspond à une seconde Vitesse moyenne du front de l' avalanche du 25 février 1999. La trajectoire choisie correspond à la ligne rouge de la figure en haut Boules de neige ( couche de saltation, points noirs ) qui tourbillonnent dans l' air juste avant que l' avalanche n' atteigne le bunker Vi deo :EN A De CN 1: 25 000 ,fe uille 12 86 ,S t-L éon ar d; rep ro du it av ec l' a ut or is at ion de l' O ffi ce fé dé ra ld e la topog ra phie ( BA 00300 4 )

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