Une première mémorable | Club Alpin Suisse CAS
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Une première mémorable

Il y a vingt-cinq ans que je suis abonné à votre revue dont j' apprécie le sérieux, l' objectivité. Les photos sont souvent de haute qualité et les commentaires dignes d' éloges.

A la lecture de votre article sur la face nord de l' Eiger, j' ai été fort étonné que vous n' ayez pas jugé utile de mentionner l' exploit de Michel Darbellay, guide à la Fouly, qui gravit en solitaire – pour la première fois – les 2 et 3 août 1963 la face nord de l' Eiger par la voie Heckmair. Une telle performance, réalisée avec les moyens de l' époque, avait en son temps soulevé l' admiration du monde de l' alpi.

Vous comprendrez que je m' étonne que vous n' ayez pas mentionné cette première dans votre bulletin de juillet. Une mise au point dans un prochain numéro serait la bienvenue d' autant plus que Michel Darbellay, après de nombreux autres exploits réalisés durant sa longue carrière de guide, n' a pas encore suspendu définitivement son piolet. a Pierrot Troillet, Vollèges CAP. C' est le portrait tout en sobriété et en nuances de Jean-Yves Michellod, guide de montagne et freerider professionnel, surpris par une avalanche dans la face nord du Mont-Fort. On assiste aux étapes de sa rééducation motivée par une volonté farouche, celle de glisser à nouveau... Les images finales, de belles lignes dans la poudreuse, forcent l' admi: on n' arrive tout simplement pas à croire que leur auteur est en chaise! Enfin, le Grand Prix du Festival revient à un documentaire d' une rare beauté intitulé Dolma du bout du monde, de Véronique, Anne et Erik Lapied. Les réalisateurs ont su s' effacer derrière leur caméra pour raconter la vie d' une famille de Zanskari. On accompagne tour à tour Dolma, attachée aux traditions, élevant ses quatre enfants, et son mari Stanzin rêvant d' une autre vie. S' il guide encore les caravanes sur le fleuve gelé comme le lui a appris très tôt son père, il souhaite devenir chanteur et ouvre à 180 kilomètres de son épouse un magasin de disques. Outre l' histoire qui nous tient en haleine, les images du Zanskar coupent le souffle. Film à ne manquer sous aucun prétexte!

Le palmarès complet est disponible sur www.fifad.ch. a Marianne Chapuisat, présidente du jury Jean-Jacques Asper, dernier membre vivant de l' expédition « Everest Printemps 52 », a reçu le « Prix du Mérite Alpin » au nom de l' expédition.

Conditions relatives au courrierdes lecteurs Le courrier des lecteurs relève de la seule responsabilité des auteurs. Il ne reflète pas forcément l' avis du CAS. Les lettres des lecteurs se doivent d' être correctes et de ne pas porter atteinte à la personnalité d' autrui. La rédaction de la revue des Alpes se réserve le droit de refuser de les publier.

A la recherche des arbres remarquables

Roi des arbres de la montagne, l' arole dépasse toutes les autres espèces en altitude. A 2400 mètres, il plonge souvent ses racines dans un sol très rocheux.

air du matin est frais, une légère brise caresse les cimes des arbres. La forêt d' épicéas qui a colonisé la pente que je gravis s' ouvre sur un petit pâturage. Ici, un érable sycomore aussi vieux que noueux étend ses branches moussues comme pour indiquer qu' il entend défendre son minuscule territoire. Un quart d' heure plus tard, j' atteins un alpage tout en longueur d' où l'on devrait apercevoir le trésor que je cherche. Je suis impatient, comme un enfant qui tente de deviner quel est son cadeau parmi ceux qui attendent sous le sapin de Noël. Tout à coup, il se dresse devant moi, fût solide et couronne bien droite: l' épicéa du Calfeisental, dont on dit qu' il est le plus haut de la planète. Haletant après l' effort, je reste bouche bée à la vue de ce géant. Son tronc, de 6,75 mètres de circonférence mesurée à un mètre du sol, et de 33 mètres de hauteur, est impressionnant. Malgré l' altitude ( 1580 m ), le volume de son bois a atteint 22 m 3.

Ce vénérable arole de 350 ans trône à Tamangur, en bordure du Parc national.

Photos: Michel Brunner T E X T E / P H O T O S Michel Brunner, Glattbrugg ( trad. )

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Cet épicéa est-il exceptionnel? Existe-t-il d' autres arbres comparables, et si tel est le cas, où se cachent-ils? Ces questions restent sans réponse précise pour l' instant, car aucun inventaire exhaustif n' a été fait jusqu' ici en Suisse. Il n' empêche que durant les dix années de recherches que j' ai effectuées pour dénicher les arbres les plus gros, les plus vieux et les plus remarquables, j' en ai découvert plusieurs qui présentent un intérêt au niveau national, voire international.

La montagne, refuge des gros arbres

A Klosters, on trouve par exemple un des plus imposants frênes de notre pays, en dépit des conditions climatiques qui empêchent la circonférence de cette espèce de dépasser 5,5 mètres en altitude. Toutefois, les montagnes servent souvent de refuge aux arbres vieux et gros, car la diversité des habitats et l' emprise réduite de l' agriculture favorisent la présence de végétaux qui ont un caractère rude et majestueux comme les cimes elles-mêmes. En

Le frêne était l' arbre sacré des Germains. Ici, le der nier de plus de six mètres de circonférence à survivre dans le canton de Bâle-Campagne.

Photo: Michel Brunner

outre, les feuilles mortes qui tombent en automne ne dérangent personne ici.

Diverses régions du Jura se distinguent par des ifs qui, tout en étant relativement sveltes, sont très vieux puisque certains sont millénaires. Par ailleurs, une forêt située dans le Gadmerental abrite le plus gros bouleau pubescent que j' ai rencontré en montagne. Sa circonférence est de 3,05 mètres. Toute une série d' érables sycomores peuplent le Chasseral, tandis qu' au Tessin, plus de trois cents châtaigniers ont une circonférence supérieure à 7 mètres. D' innombrables mélèzes inconnus sont de dimensions semblables en Valais, tel que celui d' Obergesteln, qui a environ 900 ans. En plus de ces espèces, notre pays peut s' enorgueillir de posséder des épicéas, des aroles, des saules et des alisiers blancs parmi les plus remarquables qui soient.

Le tilleul d' Aeschi n' a pas l' air de nourrir de complexe face au Niesen… Circonférence minimale des géants de diverses espèces Le tableau indique quelle doit être la circonférence du tronc, mesurée à un mètre du sol, pour qu' un spécimen entre dans la catégorie des « gros arbres ». Il montre que ce minimum varie selon les espèces. Châtaignier, saule, platane, cèdre du Liban7,. " " .95 mètres Tilleul, cyprès, mélèze, camphrier6,. " " .65 mètres Erable sycomore, peuplier, chêne, pin noir6,. " " .35 mètres Arole, frêne, épicéa, ginkgo, sapin de Douglas5,. " " .45 mètres Hêtre, sapin blanc, orme, marronnier5,. " " .15 mètres Robinier, charme, érable plane, poirier4,. " " .05 mètres Noyer, if, alisier blanc, sorbier domestique, cerisier3,. " " .5 mètres Pin sylvestre, érable champêtre, bouleau, aulne, pommier2,. " " .95 mètres Aubépine, sureau, noisetier, sorbier des oiseleurs, houx1,. " " .95 mètre Alisier torminal, genévrier, lierre, vigne, viorne1,. " " .1 mètre Photos: Michel Brunner Les érables sycomores majestueux tels que celui-ci, dans le Diemtigtal, sont devenus très rares.

L' épicéa du Calfeisental, un spécimen d' anthologie.

Importance biologique et culturelle

Si certains arbres doivent leur notoriété à leur longévité ou à leurs dimensions, d' autres nous fascinent par leur forme insolite. Ils peuvent être penchés ou présenter une souche double qui leur donne une allure de bipède immobile. Quant aux grands arbres creux, ils abritent une flore et une faune – souvent menacées d' extinction – beaucoup plus variées que leurs congénères « sains » qui, eux, atteignent rarement l' âge « adulte ».

En plus de leur valeur biologique, les vieux arbres ont une dimension historique et culturelle. Il en va ainsi des tilleuls traditionnels, témoins de notre passé, qui servaient de point de ralliement au centre du village. A Stein am Rhein par exemple, on y allait pour danser. En maints endroits, à une époque où le tribunal ne siégeait pas encore dans une salle, les différends se réglaient au-dessous d' un arbre. Tel était le cas à Naters où, en plus, un pilori était érigé à proximité du « tilleul de la justice ». En altitude, c' était souvent un mélèze qui remplissait cette fonction. Parfois, les propriétaires d' une maison ou d' une ferme en plantaient un pour les vertus protectrices qu' ils lui attribuaient. Grâce à lui, ils se sentaient à l' abri des mauvais esprits, et sous leurs branches, il fallait leur témoigner un respect presque religieux. Plus tard, catholiques et protestants abattirent nombre de ces vieux mélèzes sacrés. L' un des plus connus se trouvait près de S-chanf en Haute-Engadine.

Manque de respect pour les arbres rares

Toutefois, des dangers autres que le zèle religieux menaçaient les géants ligneux. Dans le premier inventaire suisse des arbres remarquables, intitulé Baum-Album der Schweiz et paru en 1900, Johann Coaz, inspecteur forestier, décrit vingt-quatre arbres particuliers. Parmi les huit situés en zone de montagne, plus aucun n' est en vie aujourd'hui, à peine plus d' un siècle plus tard. Seule la moitié d' entre eux ont connu une mort naturelle, frappés par la foudre ou victimes de la tempête. Les quatre autres ont été sacrifiés pour leur bois ou pour l' élargissement d' une route.

Le sapin de Saint-Cergue, les érables sycomores de Trun et du Melchtal ainsi que les ormes de Bissone, de Lutry et de Morges, tous des spécimens exceptionnels qui étaient connus au-delà de nos frontières, ont disparu depuis bien longtemps. Un pin sylvestre a subi le même sort à Campodials, tout comme l' un des derniers hêtres géants à Mollis. Ce dernier a carrément été dynamité lors de l' aménagement d' un chemin rural. Un des plus gros sapins de notre pays a été abattu sur un pâturage jurassien isolé, sous prétexte qu' il était vieux et vermoulu. Or, son bois s' est révélé être en parfait état et les dimensions de son tronc ont empêché de le débiter. La souche morte est désormais exposée à Marchissy. Au vu du traitement que l' homme a infligé à ces géants par le passé, il n' est pas étonnant que les individus de certaines espèces n' aient même pas besoin d' avoir un tronc énorme pour compter parmi les plus imposants de notre pays.

Sensibilisation utile

Dès lors, que faire pour améliorer la sauvegarde des arbres remarquables? Une possibilité consiste à attirer l' atten des responsables, par le biais d' un inventaire suisse complet, sur l' importance de cette richesse naturelle mé-

Photo: Michel Brunner Il faut être trois pour faire le tour de ce chêne car son diamètre est de 5,2 mètres.

connue. C' est à ce projet que je travaille actuellement. Les réactions qui sont suivi la parution de mon livre Bedeutende Linden400 Baumriesen Deutschlands ( « Tilleuls remarquables – 400 géants d' Allemagne » ) 1 ont montré qu' une telle sensibilisation pouvait être efficace. En effet, l' abattage d' un tilleul de 800 ans a été empêché en Bavière et plusieurs communes ont décidé de soigner leurs arbres sénescents et malades ou de les placer sous protection. Je suis toujours assis sous l' épicéa du Calfeisental. La beauté du panorama, la fraîcheur de l' air et le calme absolu me font rêver. Je souhaite longue vie à ce vénérable géant et espère que de nombreux arbres remarquables encore inconnus pourront faire leur entrée dans ce patrimoine digne d' être protégé. a

1 Michel Brunner, Bedeutende Linden – 400 Baumriesen Deutschlands, Haupt Verlag AG 2007 – relié, 328 pages Aidez-nous à trouver des arbres remarquables Si vous avez rencontré ou si vous trouvez, au cours d' une randonnée, un arbre qui vous paraît très vieux, énorme ou insolite, prenez contact avec Michel Brunner. Les indications et les estimations suivantes seront utiles: espèce, circonférence du tronc ( mesurée à 1 ou 1,3 mètre du sol ), âge, hauteur et largeur de la couronne, emplacement précis ( évent. coordonnées ), adresse du propriétaire et photos. Contact et informations: Michel Brunner, Bruggackerstrasse 38, 8152 Glattbrugg, www.alte-linden.com Guide: E. Landolt/D. Aeschlimann, Notre flore alpine, Ed. du CAS, 2005

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