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Varappe en Cornouailles

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

PAR CHARLES BRIQUET, GENÈVE

Avec 1 illustration ( 104 ) Le jeudi 14 mai 1964, notre avion quitte l' aérodrome de Genève en direction de Londres. Mal renseignés, nous n' atteindrons New Quai et son petit aéroport qu' avec huit heures de retard, et ce n' est qu' une heure avant minuit que nous trouvons enfin le dîner sur la table à l' excellent hôtel « The Old Success Inn » à Sennencove, où nous attendait notre collègue Georges Reymond de Plymouth.

Le lendemain, au matin, nous faisons la connaissance de notre guide « Mack », homme charmant, grimpeur de première force et admirable connaisseur de la région. Il nous emmène, Pierre Pidoux ( trésorier du CC de Genève ), Georges Reymond, vieux Genevois devenu sujet britannique, et l' au de ces lignes ( ancien président de la section genevoise du CAS ). Nous allons, trois heures durant, varapper dans les falaises qui se dressent immédiatement derrière l' hôtel. Nous descendons par un couloir facile sur une vire dominant la mer d' une dizaine de mètres et qui, longue de plusieurs centaines de mètres, longe le bas de la falaise. Elle donne accès à un très grand nombre de voies de difficultés variées qui s' élèvent dans un granit extraordinaire, comparable à celui des Aiguilles de Chamonix, mais plus creusé par l' eau de mer. La roche est solide, tout est sûr et les prises tiennent fermement. On peut y choisir ses passages comme on prendrait un Uvre dans une bibliothèque.

Le temps est magnifique, la mer est calme, et nous montons, descendons, remontons sans nous lasser. L' après, nous suivons en voiture la route qui relie Lands End à St Ives, sur la côte ouest. C' est un pays ravissant égayé par les plaques jaunes des genêts.

Le samedi, Peter Ledeboer nous ayant rejoints dans la nuit, nous repartons en voiture pour la falaise de Chair-Ladder. Nous abandonnons nos véhicules dans une petite crique et remontons sur la rive droite d' un vallon jusqu' à un grand phare que nous laissons à notre gauche, puis descendons par un couloir toujours plus raide jusqu' à la mer. Il fait toujours grand beau. Nous nous encordons, et Mack nous entraîne dans des passages de 3e et 4e degrés, par une progression en oblique de droite à gauche. Il y a parfois de grandes enjambées à faire, et notre regard plonge alors jusqu' à la mer écumante. Le vide se creuse à mesure que nous nous élevons et les cormorans accompagnent notre progression de leurs cris déchirants. La roche de brun-roux devient blanche de guano. Après avoir suivi une vire étroite où pieds et mains trouvent tout juste un endroit pour se poser, nous remontons une fissure au fond de laquelle nous découvrons des nids remplis de gros œufs blancs; plus haut, des oisillons noirs, à l' œil vif et au bec rouge, piaillent désespérément. Aussi comprenons-nous mainte- nant la raison des cris des cormorans qui tournoient au-dessus de nos têtes. Nous achevons ce passage en franchissant de belles dalles aériennes, mais aux prises excellentes. Tandis que j' assure Peter, je contemple cette mer mouvante et pointillée d' écume blanche. Au loin, deux bateaux voguent vers l' Amérique...

Au cours de l' après, en vue de nous maintenir en forme, Mack nous fait escalader un passage de trois longueurs de corde où un surplomb coté 4e degré supérieur est brillamment franchi par trois d' entre nous, à la grande satisfaction de notre guide.

Le soir, nous nous rendons tous à Zennor où se tient la réunion du Club des grimpeurs britanniques. On nous présente au président du groupe de Cornouailles, ainsi qu' à Sir John Hunt, président central, et à son épouse. Le temps passe très agréablement, chacun rappelant des souvenirs ou annonçant ses prochaines courses. Cette camaraderie qui lie les alpinistes est la même dans tous les pays où elle crée de solides liens d' amitié. Notre soirée se prolonge dans une heureuse atmosphère jusqu' aux limites des heures de police.

Le dimanche, après un déjeuner tardif et succulent - comme seuls les Anglais savent le préparer -nous partons pour Zennor et les falaises de Boseagran. En arrivant au refuge du Club des grimpeurs britanniques, nous retrouvons Sir John Hunt et son épouse à l' instant où ils sortent de leur tente. Il paraît que la cabane était comble et si animée, que le président a préféré la tranquillité de son petit abri de toile.

Le temps est toujours au beau fixe, et nous descendons bientôt un vallon en direction de la mer, puis attaquons le Commando Ridge qui a fière allure tant par ses gendarmes effilés que par la longueur de son arête. Le premier passage est plutôt impressionnant: la mer s' engouffre, en effet, avec fracas dans une fissure au milieu de laquelle le grimpeur parvient par une traversée horizontale sur de petites prises. Une montée verticale et très athlétique d' une quinzaine de mètres conduit ensuite à l' arête dentelée à souhait. Les passages se succèdent pas difficiles, mais d' un intérêt soutenu, tandis que le vide se creuse de plus en plus sous nos pieds.

Georges Reymond, notre doyen, a un entrain juvénile qui lui fait dominer toutes les difficultés avec brio. Pierre Pidoux filme, tandis que Peter et moi photographions. Tout autour de nous, partout des cordées sont au travail et suivent différents itinéraires. On pratique également l' escalade artificielle et des coups de marteaux couvrent parfois des exclamations sonores. Tout le monde se connaît, et l'on s' interpelle d' une face à l' autre.

Après le lunch pique-nique, je descends au Torpilleur avec Bob, tandis que mes camarades escaladent une voie que j' avais parcourue deux ans auparavant. Le Torpilleur ne peut se faire à pied sec qu' à marée basse. Toute l' ascension en est très facile jusqu' à l' ultime passage qui est du 5e degré: seul un alpiniste de 1,90 m. peut atteindre les prises. Aussi ne parviendrai-je à vaincre cette difficulté, moi dont la taille est trop courte de 20 cm ., que grâce à Bob qui a tenu fermement la corde. Deux rappels nous ramènent au pied de la falaise et nous rentrons à Sennencove par un vent violent, mais enchantés de notre journée.

Lundi 18 mai, un baby-bus nous conduit à New Quai où nous reprenons l' avion pour Londres. En fin de matinée, nous descendons la Tamise en bateau jusqu' à Greenwich où nous visitons le Musée de la Marine et le célèbre observatoire. Puis nous prenons le train pour le West End où une agréable surprise nous fait encore rencontrer nos amis britanniques grâce au dévouement desquels nous avons passé d' inoubliables journées en Cornouailles.

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